tag:blogger.com,1999:blog-4111072725616057112024-03-05T07:17:32.215+01:00I would prefer not to...Raphaël Juldéhttp://www.blogger.com/profile/06165649185749252999noreply@blogger.comBlogger299125tag:blogger.com,1999:blog-411107272561605711.post-10501975049080296402018-06-08T09:00:00.000+02:002018-06-24T20:06:26.453+02:00What's in a name ?<br />
<div class="MsoNormal" style="text-align: center;">
<o:p> <table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh7Jii0oOeRZYcrT-U6npFbIVUt0FImw6OuXp1NFZopyluKcJegZWipMBnlO-UZRK-eSvqOpm2Em7AUDve6MlMi5ywLPm1siy_6GOUg5pV1Y7uqRTL_gBjYM5S5kzLRxC2BUy0va4oV4sw/s1600/Argentr%25C3%25A9.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="1200" data-original-width="1600" height="240" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh7Jii0oOeRZYcrT-U6npFbIVUt0FImw6OuXp1NFZopyluKcJegZWipMBnlO-UZRK-eSvqOpm2Em7AUDve6MlMi5ywLPm1siy_6GOUg5pV1Y7uqRTL_gBjYM5S5kzLRxC2BUy0va4oV4sw/s320/Argentr%25C3%25A9.JPG" width="320" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Eglise d'Argentré-du-Plessis</td></tr>
</tbody></table>
</o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-tab-count: 1;"> </span>Il
faut bien comprendre une chose : si je m’appelle Juldé, c’est un pur
hasard.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-tab-count: 1;"> </span>Oui,
je sais bien qu’aucun de nous ne choisit son nom, et encore moins la famille
dans laquelle il débarque. Mais en ce qui me concerne, comme si ce n’était pas
déjà assez compliqué d’arriver à l’improviste au milieu d’une histoire déjà en
court, parmi des gens qui se penchent vers nous avec leurs grosses têtes et
leurs gros sourires lippus et qu’on est amené à considérer comme notre <i style="mso-bidi-font-style: normal;">famille</i> (bon, d’accord, on s’y habitue)
j’ai, en plus, un problème avec mon patronyme. </div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-tab-count: 1;"> </span>D’une
part, vous admettrez que Juldé, comme nom, c’est un peu étrange. Allez
comprendre d’où ça vient ! La plupart des noms rappellent un métier, ou
une origine quelconque ; enfin ils ont un <i style="mso-bidi-font-style: normal;">sens</i>, quoi ! Breton, Letourneur, Boucher, Lelandais, Legrand, Chantepie,
Masson, Durand, Dupont, Duroc, Dupic, Dutronc, Dutroux… Mais Juldé ? C’est
quoi, une déformation de <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Jules</i> ?
Même pas. Et d’ailleurs, je ne devrais même pas m’appeler comme ça. </div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Je vous
explique.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<b style="mso-bidi-font-weight: normal;">Un enterrement<o:p></o:p></b></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<table cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="float: right; margin-left: 1em; text-align: right;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhwjbg4riyPHuDpJ18XnQSYHYKC-p0CiPBYVaTf9U3-052L7hW-cBdTAnRHFJ-cD8-i0hXxVNBRlPELf2LNbJ8tTDImGdHIkLlGUcAhDtcrxVVpuEAOYVkVepYFSYvAQQXf2YHIdRON_Cs/s1600/IMG_20151229_0017_NEW.jpg" imageanchor="1" style="clear: right; margin-bottom: 1em; margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="1028" data-original-width="1512" height="217" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhwjbg4riyPHuDpJ18XnQSYHYKC-p0CiPBYVaTf9U3-052L7hW-cBdTAnRHFJ-cD8-i0hXxVNBRlPELf2LNbJ8tTDImGdHIkLlGUcAhDtcrxVVpuEAOYVkVepYFSYvAQQXf2YHIdRON_Cs/s320/IMG_20151229_0017_NEW.jpg" width="320" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Marcelle et Pierre Juldé, mes grands-parents, avec mon frère et <br />
le chien Prince. (Brielles, Le Sault, 1976)</td></tr>
</tbody></table>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-tab-count: 1;"> </span>Le
19 mars dernier, j’enterrais ma grand-mère paternelle. Ça a l’air un peu
décousu, comme entrée en matière, mais vous allez comprendre. Ça se passait à
Argentré-du-Plessis, où mes grands-parents sont revenus s’installer au moment
de leur retraite, après avoir longtemps vécu en région parisienne. Mon père est
né à Étrelles, tout près d’Argentré. Bref. Mon frère Erwan et moi-même sommes
donc allés assister à la sépulture de notre grand-mère, et c’était assez
bizarre. Notre oncle est mort à quarante-trois ans en 1993, notre grand-père
est mort en 2004 et notre père en 2015. Ce qui faisait de nous les seuls
descendants directs présents, nos cousins n’ayant pu se déplacer.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-tab-count: 1;"> </span>Or,
la grand-mère… comment dire… Disons qu’elle ne nous a pas tellement donné
l’occasion de l’apprécier, puisque peu après le divorce de nos parents, elle a
décidé qu’elle ne nous ouvrirait plus sa porte. Au grand désespoir de notre
grand-père, qui lui aurait bien aimé continuer à voir ses petits-enfants. Nous n’avons
revu notre chère mamie qu’une seule fois en vingt-cinq ans, à l’enterrement de
son mari.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-tab-count: 1;"> </span>Tout
cela pour dire que, le jour de l’enterrement, nous nous sentions un peu
déplacés au milieu de cette cérémonie, alors que nous étions les deux personnes
les plus « légitimes » dans la petite église de ce pays cher au cœur
de Madame de Sévigné.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-tab-count: 1;"> </span>Et
l’étrangeté de la situation ne nous échappait pas. Le fait de ne plus avoir,
désormais, d’aîné pour nous servir de référence. D’être en première ligne, sans
aïeul pour nous ouvrir le chemin. Sans grand-mère pour nous raconter l’histoire
de notre famille, le soir, au coin du feu. Nous en savions peu de choses, au
fond, de notre famille. Quelques anecdotes, des bribes lâchées à une occasion
ou une autre par nos parents, et dont on n’ira jamais vérifier l’authenticité…</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-tab-count: 1;"> </span>Mais
parmi ces anecdotes, il y avait celle-ci, que l’on a toujours su (cru savoir) :
notre nom, Juldé, est dû à une erreur de copie commise par un officier d’état
civil au moment de la naissance de notre grand-père. Nous aurions dû nous
appeler, tenez-vous bien : <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Jugdé</i>.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-tab-count: 1;"> </span>Jugdé.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-tab-count: 1;"> </span>Et
alors là, on est bien avancé : si <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Juldé</i>
est un nom qui n’a pas l’air de vouloir dire grand-chose, <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Jugdé</i> n’est pas tellement plus parlant…</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-tab-count: 1;"> </span>Bref.
Nous étions donc dans cette église, au premier rang, dans l’attente de la
cérémonie, et voilà qu’Erwan me montre sur la paroi la plus proche de nous la
longue liste des « enfants d’Argentré morts pour la France ». Et,
dans cette liste, deux noms : L. Jugdé, mort en 1915, V. Jugdé, mort en
1916. Nous en déduisons que nous sommes sans doute liés à ces deux Poilus,
d’une manière ou d’une autre. De lointains cousins, probablement. Et des
cousins, on en trouvera d’autres au cimetière, où l’on remarquera ensuite
plusieurs tombes portant ce nom de Jugdé. Argentré, c’est clairement notre
fief.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-tab-count: 1;"> </span>Nous
sommes donc sortis du cimetière et avons repris la route de Laval, cette route
si souvent parcourue dans notre enfance, qui passe par Le Pertre et son
clocher, le « plus haut de l’Ouest » (paraît-il). Et forcément, les
souvenirs revenaient, pêle-mêle, comme toujours après un enterrement. La mort a
cet effet sur les vivants : elle les remet à leur place. Leur place dans
la famille (okay frangin, on est les prochains sur la liste), leur place dans
le monde, leur pays, leur ville – le petit cimetière communal et son caveau
familial.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-tab-count: 1;"> </span>Ça
n’était pas censé aller plus loin que ça. Encore une fois, au niveau des
souvenirs de famille, on n’a jamais eu grand-chose à se mettre sous la dent.
Pas de quoi faire un texte pour mon blog.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-tab-count: 1;"> </span>Et
bim.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-tab-count: 1;"> </span>Voilà
que le lendemain, je lis sur Messenger un message envoyé par un certain
Pierre-Alexandre Jugdé, m’expliquant que son père fait la généalogie de sa
famille et qu’il aimerait me contacter. Tiens, étrange : je suppose qu’il
s’agit de personnes qui ont assisté à la sépulture et n’ont pas eu l’occasion
de m’aborder au cimetière… Avant même que j’aie pu lui répondre (j’étais au
boulot, désolé), voilà que l’ami Bruno Deniel-Laurent m’envoie un message
m’expliquant qu’une de ses connaissances angevines souhaite me contacter, car
son mari a fait des recherches généalogiques et que nous sommes de la même
famille. Et peu après, c’est Raphaël Lebodindall, ami de Bruno, qui m’écrit
pour me dire la même chose !</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-tab-count: 1;"> </span>Rien
à voir avec l’enterrement donc, et c’est ça le plus incroyable : qu’à
l’instant même où notre grand-mère déclare forfait, à l’instant où tous les
liens avec mes ascendants semblent définitivement rompus, de parfaits inconnus
me contactent pour me parler de ma famille. Pour me dire qu’ils ont, eux,
remonté la piste, retracé une partie de l’histoire, comblé les blancs !</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-tab-count: 1;"> </span>Moi,
évidemment, la généalogie m’a toujours intéressé. Ne sachant pas où je vais,
j’aimerais bien au moins savoir d’où je viens. Seulement, avec du côté paternel
une grand-mère qui ne voulait plus voir ses petits-enfants et, du côté
maternel, un arrière-grand-père, <a href="http://raphaeljulde.blogspot.com/2013/11/mauvais-dimanche.html" target="_blank">Jean-Baptiste Chabrun</a>, qui était un enfant
naturel, les choses étaient un peu compliquées…</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-tab-count: 1;"> </span>Donc,
le lendemain de l’enterrement de ma grand-mère, le 20 mars (mon père aurait eu
70 ans le jour même), j’entrais en contact avec Pascal Jugdé, un lointain
cousin dont je n’avais jamais entendu parler. </div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-tab-count: 1;"> </span>Et
comme si, en sortant du paysage, ma grand-mère avait d’un seul coup libéré la
parole, j’ai enfin pu partir à la découverte de ma famille, d’abord à travers
des échanges téléphoniques qui ont permis de pas mal déblayer le terrain, en résumant
les grandes lignes de ses découvertes depuis le <i>de cujus</i> – comme disent
les généalogistes qui se la racontent un peu. Le <i>de cujus</i>, c’est le type
qui est tout en haut de l’arbre, et duquel tout descend. Enfin, celui jusqu’où
on a réussi à remonter, en tout cas. En ce qui nous concerne, il ne s’appelle
pas Juldé, ni même Jugdé, mais… <i>Hugedé</i>. Julien Hugedé (né en 1665, mort
à Erbrée en 1734). Un nom assez peu répandu, mais qu’on trouve encore pas mal
en Mayenne et en Ille-et-Vilaine.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<b style="mso-bidi-font-weight: normal;">Vive le Roi !<o:p></o:p></b></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjXm2yzjKaMAqhoi3yDUgP4GzpeXLzrGAA58lX8NW5uYxv_xnkMdp1666O-IsAhWmK8IIyUES3qb9XJOzA98SQ8fSu1jdkbz7d2Yo_j-r4SEvTlCMD3BdHqRq0G3Z__N2hmE9G6sRdiLqc/s1600/durand-noel.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="1600" data-original-width="1082" height="200" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjXm2yzjKaMAqhoi3yDUgP4GzpeXLzrGAA58lX8NW5uYxv_xnkMdp1666O-IsAhWmK8IIyUES3qb9XJOzA98SQ8fSu1jdkbz7d2Yo_j-r4SEvTlCMD3BdHqRq0G3Z__N2hmE9G6sRdiLqc/s200/durand-noel.jpg" width="135" /></a></div>
On
n’allait pas, au téléphone, refaire toute l’histoire de la famille, mais on a
tout de même pas mal causé d’un ancêtre qui a fait un peu parler de lui. Louis
Jugdé, né en 1776 et arrière-petit-fils de Julien Hugedé, est devenu capitaine
de chouannerie après la Révolution, dans la région d’Étrelles, plus précisément
à La Rouaudière. Il avait pris le surnom de « l’Intrépide » (rien que
ça), et apparaît dans le livre qu’Yves Durand-Noël a consacré à
Argentré-du-Plessis sous le nom de Pierre Julde. Afin de se protéger,
peut-être, il avait modifié son nom en utilisant son deuxième prénom et en
changeant le <i style="mso-bidi-font-style: normal;">g</i> de son patronyme pour
un <i style="mso-bidi-font-style: normal;">l</i>. Déjà. Cette précaution ne l’a
pas empêché de voir sa ferme incendiée en représailles de ses actes. Il a
participé aux combats d’Argentré entre 1795 et 1800, mais il est encore
mentionné dans une chanson écrite en mémoire des combats qui ont eu lieu en 1832
autour de la Touche-Esnault :<br />
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-tab-count: 1;"> </span><i style="mso-bidi-font-style: normal;">N’oubliez pas de Farcy, Morinière,<o:p></o:p></i></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i style="mso-bidi-font-style: normal;"><span style="mso-tab-count: 1;"> </span>Jugdé, Orhant et le
brave Rondeau<o:p></o:p></i></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i style="mso-bidi-font-style: normal;"><span style="mso-tab-count: 1;"> </span>Qui de leur sang ont
fait rougir la terre,<o:p></o:p></i></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i style="mso-bidi-font-style: normal;"><span style="mso-tab-count: 1;"> </span>Que l’on appelle lande
de Touche-Esnault.<o:p></o:p></i></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-bidi-font-style: italic;"><span style="mso-tab-count: 1;"> </span>Pour moi qui viens
d’une famille située plutôt carrément à gauche, les Chouans ont toujours
représenté les méchants royalistes. C’est un sujet plutôt sensible en Mayenne,
berceau de Jean Chouan. Mais maintenant que je suis un peu plus intelligent,
donc fatalement un peu plus de droite, je suis ému par l’idée que mon ancêtre –
plus exactement mon arrière (x5) grand-oncle – ait pu vouloir se battre pour
protéger son clocher de village et son curé. Je serais bien incapable, moi, de
mourir pour mes convictions, mais il faut dire qu’avec moi, une idée fixe n’a
qu’une durée de vie de quelques heures. Ça n’encourage pas au sacrifice.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-bidi-font-style: italic;"><span style="mso-tab-count: 1;"> </span>Et puis les
royalistes, aujourd’hui, font partie de ces espèces disparues, de ces grands
vaincus de l’Histoire auxquels il n’est pas interdit de rendre un hommage
chevaleresque, aux côtés des Celtes, des Incas, des Indiens d’Amérique du Nord,
du rhinocéros blanc du Kenya, des filières générales au lycée, des nazis (euh,
non, pas des nazis), etc. Non, décidément, « capitaine de
chouannerie », ça en jette. Salut à toi, l’Intrépide !<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><span style="mso-bidi-font-style: italic;">Deux morts et un ankylosé<o:p></o:p></span></b></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-bidi-font-style: italic;"><span style="mso-tab-count: 1;"> <table cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="float: left; margin-right: 1em; text-align: left;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiTf0QqmGpzDpiTczK1mEB5lit7kooEFXzRsQBm5FC3L1EotEYo0bYdiibBw39tM1cunLD4AFIeDwpPPklAF4NKHbMq_LW0mBotapxt3zbYicKojU5b237OqrqxOCGf3J9DKqM4dk3dWZw/s1600/FRAD035_47_1R_1957_0692.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; margin-bottom: 1em; margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="1600" data-original-width="1091" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiTf0QqmGpzDpiTczK1mEB5lit7kooEFXzRsQBm5FC3L1EotEYo0bYdiibBw39tM1cunLD4AFIeDwpPPklAF4NKHbMq_LW0mBotapxt3zbYicKojU5b237OqrqxOCGf3J9DKqM4dk3dWZw/s320/FRAD035_47_1R_1957_0692.jpg" width="218" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Fiche matricule de Pierre Juldé (1882-1952)</td></tr>
</tbody></table>
</span>Après ce premier
contact par téléphone, il restait à se rencontrer, et en attendant cette
occasion, je me suis mis à faire quelques recherches par moi-même. Tout
d’abord, j’ai voulu savoir qui étaient les deux Jugdé morts pour la France dont
nous avions vu les noms dans l’église d’Argentré. Pour cela, rien de plus
simple : j’ai épluché les archives départementales d’Ille-et-Vilaine,
disponibles en ligne. Et j’ai donc retrouvé sans difficulté la fiche concernant
Louis Joseph Jugdé, soldat au 2<sup>e</sup> R.I., 9<sup>e</sup> compagnie, né à
Argentré en 1888 et mort des suites de « blessures en service » le 24
juin 1915 à Aubigny-en-Artois (Pas-de-Calais). Il était le fils de Basile
Pierre Jugdé et de Modeste Gendron, et il a été inhumé dans le carré militaire
du cimetière communal d’Aubigny-en-Artois, rang 12, tombe 540. En revanche,
j’ignore par quel embranchement, par quel lien de cousinage il est lié à ma
famille. Difficile aussi de savoir quel lien il entretenait avec son homonyme,
Victor Alexandre Jugdé, soldat au 136<sup>e</sup> R.I., né à Argentré en 1892
et « tué à l’ennemi » le 4 septembre 1916 à Maucourt (Somme). Lui
était le fils d’Henri Victor Jugdé et de Céline Platier… et
l’arrière-grand-oncle de Pascal. Il repose dans la nécropole nationale de
Maucourt, tombe 519.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh1NZgIpdJTBNjw6zMq815IFdEcBfwRc1cY6zjOi7yvkYJPPuq7rmLb1xwE2d9WvmJMbDuD6Il-OT_b7PKxwFguQZkFE57zxHW5UxRzGe4zgszYN9oJRlQ_B84b_XuBQMq0BOk0J5r-hck/s1600/100_0426.JPG" imageanchor="1" style="clear: right; float: right; margin-bottom: 1em; margin-left: 1em;"><img border="0" data-original-height="1600" data-original-width="1200" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh1NZgIpdJTBNjw6zMq815IFdEcBfwRc1cY6zjOi7yvkYJPPuq7rmLb1xwE2d9WvmJMbDuD6Il-OT_b7PKxwFguQZkFE57zxHW5UxRzGe4zgszYN9oJRlQ_B84b_XuBQMq0BOk0J5r-hck/s320/100_0426.JPG" width="240" /></a></div>
Et sur ma lancée, je
n’ai pas pu m’empêcher de rechercher mon arrière-grand-père dans le registre
matricule de l’armée, pour en savoir un peu plus sur son parcours pendant la
Grande Guerre. De mon arrière-grand-père – qui s’appelait Pierre, de même que son
père, son fils et son petit-fils (mon oncle) – je ne connaissais guère que
quelques anecdotes racontées par mon père qui l’a à peine connu (il n’avait que
quatre ans à sa mort, en 1952). Des anecdotes, donc, qu’il tenait de son père.
Il paraîtrait donc que mon arrière-grand-père, charron de son état, faisait
également office de coiffeur le dimanche. Et que durant l’Occupation, il
refusait de coiffer les Allemands. Il paraîtrait aussi qu’il avait un chien
qu’il se faisait un plaisir d’appeler Adolf pour faire enrager les Boches en
criant : « Adolf ! Au pied ! » en pleine rue. Je ne
saurai jamais si ces anecdotes sont authentiques, évidemment, ou si mon ancêtre
frimait un peu… De cette époque de l’Occupation, j’ai récupéré, à la mort de
mon grand-père, un vieil appareil photo Agfa Anastigmat-JGESTAR qui aurait
appartenu à un soldat allemand que mes arrière-grands-parents, Pierre et Marie
Juldé (née Martin) étaient tenus d’héberger. L’Allemand leur aurait laissé ce
cadeau en partant, après la guerre.<o:p></o:p><br />
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-bidi-font-style: italic;"><span style="mso-tab-count: 1;"> </span>Mon père m’avait aussi
expliqué que son grand-père avait été gazé pendant la Première Guerre mondiale.
Un détail que sa fiche matricule ne mentionne pas. D’ailleurs, d’après cette
fiche, la guerre de mon aïeul a été plutôt brève…<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiwLtdL4YKFEd5ruD0s85DADmUtza5Vxbd8skqVbK_QLbT4g35oyuFdx8r3iLWoSxyO2S6jOr3BiYAmWeqvyTp_-OtqcBpcy_JnVTTlGbMD4f8uefihFcJ63ULIxDTncjC7BZxuoOkQr-o/s1600/signature+mariage.JPG" imageanchor="1" style="clear: right; float: right; margin-bottom: 1em; margin-left: 1em;"><img border="0" data-original-height="479" data-original-width="929" height="164" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiwLtdL4YKFEd5ruD0s85DADmUtza5Vxbd8skqVbK_QLbT4g35oyuFdx8r3iLWoSxyO2S6jOr3BiYAmWeqvyTp_-OtqcBpcy_JnVTTlGbMD4f8uefihFcJ63ULIxDTncjC7BZxuoOkQr-o/s320/signature+mariage.JPG" width="320" /></a><span style="mso-bidi-font-style: italic;"><span style="mso-tab-count: 1;"> </span>Le registre matricule
m’a appris une chose : que le nom de mon arrière-grand-père était bien <i>Juldé</i>
et non <i>Jugdé</i>. Jusqu’ici, j’avais cru que le <i>l</i> était dû à une
erreur commise lorsque mon grand-père avait été enregistré à l’état civil.
Celui-ci, d’ailleurs, avait voulu corriger son nom au moment de son mariage, en
1947, mais un changement d’identité lui aurait coûté trop cher. Un détail
m’émeut, sur le registre de mariage de mes grands-parents : au moment de
signer, il semble que mon grand-père a hésité et peut-être commencé l’esquisse
d’un <i>g</i>, parce que le <i>l</i> est légèrement raturé.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-bidi-font-style: italic;"><span style="mso-tab-count: 1;"> </span>Curieux, donc, cet
attachement de mon grand-père au nom <i>Jugdé</i>, qui n’était pourtant pas
celui de son père, ni même de son grand-père, mais seulement de son
arrière-grand-père, comme je le découvrirai lorsque Pascal me confiera l’arbre
généalogique détaillé de ma famille, ainsi que de nombreux documents d’état
civil.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-bidi-font-style: italic;"><span style="mso-tab-count: 1;"> </span>Mon
arrière-grand-père, donc, s’appelait bien Juldé, Pierre François Emmanuel
Juldé, né le 8 juin 1882 à Etrelles, fils de Pierre Juldé et de Marie Orhant et
exerçant la profession de charron, comme son fils plus tard.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-bidi-font-style: italic;"><span style="mso-tab-count: 1;"> </span>Je n’ai pas de photos
de lui, mais sa fiche matricule en dresse le signalement : <i>« Cheveux
et sourcils châtains, yeux gris </i>(comme moi !)<i>, front ordinaire, nez
fort, bouche moyenne, menton rond, visage ovale. Taille : 1,64 m. »</i>
<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-bidi-font-style: italic;"><span style="mso-tab-count: 1;"> </span>Concernant ses faits
d’armes durant la Grande Guerre, j’apprends d’abord qu’il a été exempté en 1903
pour<i> « ankylose et déformation du coude gauche » </i>puis classé
dans les services auxiliaires par le conseil de révision d’Ille-et-Vilaine en
1914 pour<i> « gêne fonctionnelle du bras gauche (Décret du 9 septembre
1914).</i> » Cela lui vaut d’être d’abord incorporé à la 10<sup>e</sup>
section d’infirmiers militaires <i>« à compter du 21 mai 1915. »</i>
Le 3 décembre de la même année, il est détaché à l’atelier de construction de
Rennes – à l’arrière, donc. <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-bidi-font-style: italic;"><span style="mso-tab-count: 1;"> </span>Il passe au 50<sup>e</sup>
régiment d’artillerie le 1<sup>er</sup> juillet 1917 et ne se retire à Etrelles
que le 26 mars 1919. Il ne sera finalement <i>« libéré du service
militaire » </i>qu’en octobre 1931. L’employé chargé de rédiger cette
fiche matricule me semble d’ailleurs bien mesquin, puisqu’il a résumé le
parcours de Pierre Juldé en notant : <i>« Campagne contre l’Allemagne
du 25 mai 1915 au 26 mars 1919 »</i>, avant de rayer cette dernière date
pour la remplacer par le <i>« 3 décembre 1915. »</i> Mais non, je
proteste ! Entre juillet 1917 et l’armistice, grand-papi a quand même
combattu dix-sept mois, non mais oh ! Ankylosé du bras gauche peut-être,
mais il était quand même charron, et puis artilleur, faut pas déconner !<o:p></o:p></span></div>
<table cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="float: left; margin-right: 1em; text-align: left;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjMF0y3CzpciCVR_OIFxdRfCecWo2FFa6QDpVzo_jlKRS3O4O6P8s7p6ahGq0hiDrNWnCb7DkuUkYyqMPRUhxQsU_4R0OMbGeGSJXJk8pt4YXYXf-MA_I6RTIhDiHZgVqYS5p9l5RNqJ-U/s1600/IMG_20151229_0005_NEW.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; margin-bottom: 1em; margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="916" data-original-width="608" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjMF0y3CzpciCVR_OIFxdRfCecWo2FFa6QDpVzo_jlKRS3O4O6P8s7p6ahGq0hiDrNWnCb7DkuUkYyqMPRUhxQsU_4R0OMbGeGSJXJk8pt4YXYXf-MA_I6RTIhDiHZgVqYS5p9l5RNqJ-U/s320/IMG_20151229_0005_NEW.jpg" width="212" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Mon père Rémi Juldé et son frère Pierrot, devant la <br />
maison de leurs grands-parents (Etrelles, 1951.)</td></tr>
</tbody></table>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-bidi-font-style: italic;"><span style="mso-tab-count: 1;"> </span>De retour à Etrelles
après la guerre, Pierre Juldé épouse Marie Martin dans les années 20 (je n’ai
pas la date exacte). Marie Martin avait été mariée une première fois, le 1<sup>er</sup>
août 1911 (j’ai la date exacte) avec un certain Jean-Baptiste Cailleteau que je
suppose mort au front. De lui, elle a eu deux fils, André et Raymond, qui
étaient donc les demi-frères de mon grand-père. Celui-ci, Pierre Juldé, est né
le 27 avril 1925 à Etrelles. Il est devenu charron comme son père, et c’est
encore à Etrelles qu’il a épousé Marcelle Perrier le 9 avril 1947. Mon père,
Rémi, est né dans le même bourg le 20 mars 1948 (c’est lui le printemps), son
frère Pierre – dit « Pierrot », dit « Le Menhir » –
est né le 24 août 1950. Un sacré tas de Pierre dans la famille…<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-bidi-font-style: italic;"><span style="mso-tab-count: 1;"> </span>Pierre François
Emmanuel, mon arrière-grand-père, l’ankylosé, est mort le 22 janvier 1952, et
Marie Juldé, née Martin, a passé l’arme à gauche en novembre 1973, et on l’a
enterrée (à Etrelles bien sûr) deux jours avant le mariage de mes parents (24
novembre). On m’a toujours décrit cette grand-mère comme la gentillesse
incarnée. Quand mon père abîmait son pantalon, il passait chez elle pour
qu’elle le lui recouse avant de rentrer chez ses parents, afin d’échapper à la
torgnole maternelle, ce genre de choses…<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<b><span style="mso-bidi-font-style: italic;">La famille s’agrandit<o:p></o:p></span></b></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-bidi-font-style: italic;"><span style="mso-tab-count: 1;"> </span>C’était à peu près
tout ce que j’avais pu découvrir sur ma famille avant d’aller à la rencontre de
Pascal Jugdé, au cours d’un déjeuner angevin qui m’a permis d’approfondir les
choses.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-bidi-font-style: italic;"><span style="mso-tab-count: 1;"> </span>J’en suis reparti avec
plein d’anecdotes et une pile de photocopies d’actes d’état civil et de
registres paroissiaux sur lesquels m’esquinter les yeux pour les déchiffrer.
J’adore ça. Il y en a, c’est les asperges sauce gribiche, moi rien ne me fait
plus plaisir qu’un manuscrit ancien à déchiffrer. Je m’étais déjà amusé à
décrypter la fiche matricule de mes arrière-grand-pères maternel et paternel,
et voilà qu’on me donnait l’occasion de fouiner dans les actes de naissance, de
mariage, de décès, des membres disparus de ma famille. Ô joie !<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-bidi-font-style: italic;"><span style="mso-tab-count: 1;"> </span></span><i style="mso-bidi-font-style: normal;">« Julien Hugedé âgé de 25 ans de la
paroisse d’Erbrée et Anthoinette Fouillet âgée de 18 ans de cette paroisse
d’Argentré après leurs fiances et publications de leur mariage dûment faites ès
deux paroisses sans opposition reçurent la bénédiction nuptiale le 26<sup>e</sup>
8bre 1720, présens Julien Hugedé et Jeanne Saplain père et mère de l’époux,
François Fouillet père de l’épouse, Pierre Belluez, René Jugedé et autres qui
ne signent. »<o:p></o:p></i></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-bidi-font-style: italic;"><span style="mso-tab-count: 1;"> </span>Jusqu’à mon
arrière-grand-père, ils seront nombreux, ceux qui déclareront « ne savoir
signer », ce qui explique la grande inventivité des officiers de l’état
civil dans l’orthographe des noms. Ils notaient ce qu’ils entendaient, et le
déclarant aurait été bien en peine d’épeler son blaze, de toute façon !
C’est ainsi que Joseph, né Jugdé le 6 novembre 1781, meurt </span><i style="mso-bidi-font-style: normal;">Juldé </i><span style="mso-bidi-font-style: italic;">le 28 novembre 1857. Et que Joseph, fils du précédent, né Jugdé
le 28 novembre 1809, épouse Marie Beaudouin sous le nom de </span><i style="mso-bidi-font-style: normal;">Jucdé</i><span style="mso-bidi-font-style: italic;"> en 1846 et meurt sous ce même nom le 24 décembre 1863. Et c’est aussi
pour cela que Julie Jugdé, fille du précédent, aura pour frères Joseph </span><i style="mso-bidi-font-style: normal;">Juldé</i><span style="mso-bidi-font-style: italic;">, Pierre </span><i style="mso-bidi-font-style: normal;">Juldé</i><span style="mso-bidi-font-style: italic;"> (mon arrière-arrière-grand-père, 1851-1911)
et Jean-Marie Jugdé.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-bidi-font-style: italic;"><span style="mso-tab-count: 1;"> </span>J’ai épluché tous ces
documents avec un mélange d’excitation et de frustration. Parce qu’après tout,
ces gens, la seule chose que je peux dire d’eux, c’est qu’ils étaient de ma
famille. Parfois, je sais quelle profession ils exerçaient (cultivateurs, pour
la plupart), mais à part cela, je ne peux me fier qu’à trois étapes de leur
vie : la naissance, le mariage, la mort. Entre ces dates, ma foi, je peux
toujours essayer d’imaginer un peu quelle a été leur existence, mais ça n’ira
pas plus loin que la simple supposition.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-bidi-font-style: italic;"><span style="mso-tab-count: 1;"> </span>Tenez, Julie Jugdé,
par exemple. Née à Torcé le 19 février 1846, fille de Joseph Jugdé (1809-1863)
et de Marie Beaudouin (1819-1895), aînée de quatre enfants, est morte à
cinquante-cinq ans le 12 mai 1898, à Argentré. Elle était ménagère. Elle a
épousé en février 1878 un certain Joseph Doreau, mais treize ans avant ce
mariage, alors qu’elle était elle-même âgée de dix-neuf ans, elle a donné
naissance à une fille, Jeanne-Marie <i>Juldé</i>, de père inconnu. C’est la
grand-mère de l’enfant, Marie Beaudouin, qui a présenté celle-ci à la mairie
d’Etrelles. À l’époque, Julie était cultivatrice. Quelle a pu être sa vie
durant les années qui ont suivi cette naissance et précédé son mariage ?
Comment, à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, vivait une fille de ferme chargée
d’un enfant naturel auquel aucun homme n’a voulu donner son nom ? Toute sa
vie, Jeanne-Marie est restée une Juldé. Elle est morte en 1912 à l’hospice
d’Etrelles à quarante-six ans, célibataire, sans profession. A-t-elle été une
enfant cachée, envoyée au couvent pour laver la « faute » de sa
mère ? On ne le saura pas, on ne peut que supposer…<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-bidi-font-style: italic;"><span style="mso-tab-count: 1;"> </span>Julie a donc eu trois
frères. Le premier, Joseph, né en 1848, est mort à l’âge de vingt-six ans, en
1874. On ne saura pas de quoi. Le plus jeune de la fratrie, Jean-Marie, né en
1853, soldat au 15<sup>e</sup> d’artillerie, meurt deux ans après Joseph, à
vingt-deux ans. C’était lui qui était allé à la mairie annoncer la mort de son
frère, avec un voisin.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-bidi-font-style: italic;"><span style="mso-tab-count: 1;"> </span>Le troisième de la
fratrie, mon arrière-arrière-grand-père, Pierre Juldé – le premier d’une longue
lignée de Pierre – naît à La Faucherie, à Etrelles, le 4 mars 1851 et meurt le
12 février 1911. Cultivateur, il a épousé en 1881 Marie Orhant, née à Etrelles en
1856. Ils ont trois enfants : mon arrière-grand-père, Pierre (François,
Emmanuel) Juldé (1882-1952), dont je n’ai déjà que trop parlé ; une fille,
Marie Juldé (1884-1962), dont le deuxième prénom était Sainte, rien que ça, et
qui épousera en 1907 un certain Pierre Breton. Ils ont certainement eu une
descendance, mais je ne la connais pas. Le troisième enfant, Jean-Marie, est né
en février 1899 et mort en septembre de la même année, à sept mois. Cela fait
tout de même pas mal d’ancêtres morts jeunes et sans enfants, ce qui explique
qu’au final, malgré tout, la famille Juldé est restée plutôt réduite. On aura
fait de notre mieux…<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-bidi-font-style: italic;"><span style="mso-tab-count: 1;"> </span>Voilà donc ce que j’ai
appris sur les miens. Des choses que mon père lui-même ignorait. Des choses que
mon grand-père, peut-être, aurait pu m’apprendre – et encore… Si nous savions
que les Jugdé et les Juldé avaient un lien étroit, ma grand-mère avait toujours
clos les conversations à propos des Jugdé d’Argentré (dont certains étaient ses voisins !) d’un simple : « C’est pas d’chez
nous ! » Pas moyen de causer. Elle refusait même que son mari rende
visite à ses demi-frères, André et Raymond Cailleteau, qu’elle n’aimait pas. Avec
elle, mon arbre généalogique, côté paternel, ressemblait à un bonsaï. Il a
suffit qu’elle meure pour qu’il se mette à pousser d’un coup, vlaff, se
révélant chêne centenaire, finalement. Et pour que je rencontre d’autres
personnes de ma famille, jusqu’ici inconnus, et avec lesquels je pourrai
toujours en discuter, à l’occasion…<o:p></o:p></span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjLT8LW-er_krtMOdgA2D4VPM52EVf3COlP4V_Jbr9cEUtlX7voxNbl_QrccwPQ-y9_dW3Z8k6CZd9Shvg1op0fCtYXE7uqMF-tSqfdxO3RHt7AB1uWJ0pjl_Ots9mZbLuHnjE__5UZsSQ/s1600/Arbre1.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="1123" data-original-width="1600" height="224" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjLT8LW-er_krtMOdgA2D4VPM52EVf3COlP4V_Jbr9cEUtlX7voxNbl_QrccwPQ-y9_dW3Z8k6CZd9Shvg1op0fCtYXE7uqMF-tSqfdxO3RHt7AB1uWJ0pjl_Ots9mZbLuHnjE__5UZsSQ/s320/Arbre1.jpg" width="320" /></a></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEinD1LPCIRPua734bF_hgoUAK6jCL0PuMCyqs5SAK1Cxtb_6M9mWd4KMxDsjJ_A6ymMxfbLaQvREGWS52zbNsbqIwmRetHeP07P38SSpIjrXawSk9hMwTZy9T7hYN2mMiTuf5cfmTsee0o/s1600/Arbre2.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="1117" data-original-width="1600" height="223" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEinD1LPCIRPua734bF_hgoUAK6jCL0PuMCyqs5SAK1Cxtb_6M9mWd4KMxDsjJ_A6ymMxfbLaQvREGWS52zbNsbqIwmRetHeP07P38SSpIjrXawSk9hMwTZy9T7hYN2mMiTuf5cfmTsee0o/s320/Arbre2.jpg" width="320" /></a></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-bidi-font-style: italic;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-bidi-font-style: italic;"><span style="mso-tab-count: 1;"> </span><o:p></o:p></span></div>
<br />Raphaël Juldéhttp://www.blogger.com/profile/06165649185749252999noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-411107272561605711.post-25118381626786108062017-08-01T09:00:00.000+02:002017-08-01T09:00:22.625+02:00TJ 3000<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi0_gCtk0HXdwRN5q3QpepCtvAtixJyG8HeF6sxeLpUf8qEytHLlpGEZVDr0PiX9Zmcgq1ONTn7FNFu2aFyxkPRzRCtwCwVGqoBT4Awwxibr5hT8nBbOesbgfDM27pNOCaPNydPMZm1l_Q/s1600/100_1493.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="1200" data-original-width="1600" height="300" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi0_gCtk0HXdwRN5q3QpepCtvAtixJyG8HeF6sxeLpUf8qEytHLlpGEZVDr0PiX9Zmcgq1ONTn7FNFu2aFyxkPRzRCtwCwVGqoBT4Awwxibr5hT8nBbOesbgfDM27pNOCaPNydPMZm1l_Q/s400/100_1493.jpg" width="400" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Premier prototype de machine à voyager dans le temps, par S. Ferron (1914).</td></tr>
</tbody></table>
<div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Cela
faisait six mois qu’il économisait sur son misérable salaire de programmeur, et
cette fois, tous ses calculs tombaient juste : Kristof Vasco pouvait se
l’offrir ! Six mois qu’il en rêvait, du TJ 3000 ! Six mois que tous
les réseaux sociaux, tous les panneaux publicitaires, toutes les chaînes de
télé ne parlaient que de ça : avec le TJ 3000, le voyage dans le temps
devenait accessible à tous !</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i> <b>Avec TJ 3000, le
temps, ce n’est plus de l’argent !</b><o:p></o:p></i></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Les
slogans étaient matraqués partout. Dans toutes les langues, tous les pays et –paraît-il ! –
à toutes les époques ! C’était la grande nouveauté : inventée en l’an
2126, la machine à voyager dans le temps avait été mise sur le marché… à toutes
les époques ! Certains scientifiques sceptiques avaient longtemps souligné
ce paradoxe : « Si un jour la machine à voyager dans le temps devait
exister… comment expliquer qu’elle n’existe pas déjà, puisque c’est une machine
à voyager dans le temps ? » Eh bien, c’était désormais chose faite,
et les scientifiques du passé ne pouvaient plus se reposer sur cette question
piège.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Évidemment, coincé
dans son présent grisâtre et quotidien, Kristof n’avait pas encore pu vérifier
par lui-même l’existence simultanée de cette machine à toutes les périodes de
l’Histoire. Mais depuis que l’appareil formidable, rutilant de chromes et
profilé comme un obus, avait été commercialisé, il est vrai qu’il n’était pas
rare, dans les rues, de croiser des individus en redingote et haut-de-forme, ou
dans d’autres « tenues d’époque » plus bizarres les unes que les
autres. Il y a quelques années, on les aurait pris pour des excentriques,
amateurs de vieilles choses, ou pour des comédiens costumés : désormais,
on se doutait qu’il s’agissait plus vraisemblablement d’individus vivant au XIX<sup>e</sup>
siècle, au siècle des Lumières ou même au Moyen Âge, et qui venaient faire du
tourisme dans notre modernité.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Comme
à chaque fois qu’une nouveauté apparaît, il y a ceux qui se précipitent pour
être les premiers à l’utiliser, et ceux qui, faute d’argent, doivent attendre
longtemps, parfois si longtemps que lorsqu’ils l’achètent enfin, une nouvelle
nouveauté a fait son apparition, remisant la précédente au rayon des
antiquités. Kristof avait toujours été dans la deuxième catégorie. Cette fois
encore, il avait vu ses collègues et ses amis se précipiter sur le TJ 3000 dès
sa mise en vente, tandis qu’il comptait péniblement ses économies. Il lui avait
donc fallu six mois pour réussir à réunir la somme suffisante à l’achat de ce
bijou. Six mois, ce n’était pas si long, et la machine faisait toujours la une
de tous les journaux. Il ne passerait pas pour un ringard, cette fois. Malgré
tout, déjà, il avait remarqué un air un peu blasé, peut-être même déçu, sur le
visage de ses collègues, qui prétendaient même, pour certains, que leur TJ
prenait la poussière dans le hangar familial. Kristof mettait ça sur le compte
du snobisme. Son voisin avait même revendu le sien ! « Caprice de
riches », se disait Kristof en haussant les épaules.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i> <b>Le temps passe trop
vite ? Rattrapez-le avec le TJ 3000 !</b><o:p></o:p></i></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
L’entreprise
qui avait inventé et commercialisé le Time Jet 3000 étendait ses bâtiments
commerciaux sur des hectares. Kristof Vasco attendait, avec sa femme et ses
enfants, enfoncés dans de grands fauteuils trop rouges et trop confortables,
qu’on veuille bien s’occuper d’eux. Un employé trop souriant vint les chercher
avec emphase, « monsieur et madame Vasco ? Je vous en prie… »,
réussissant presque à accorder une poignée de main à monsieur, une autre à
madame, et une œillade gentille aux enfants, tout en leur faisant signe de le
suivre dans son bureau, comme s’il avait eu quatre bras et deux têtes. Kristof
ressentit un léger soulagement en constatant que ce n’était pas le cas. Le
type, en tout cas, parvenait à maîtriser à la perfection l’art de la politesse
sucrée et du dynamisme supraluminique, à tel point que le client pouvait à la
fois se sentir accueilli avec les plus grands honneurs et parfaitement
conscient que son interlocuteur était un homme pressé avec lequel il s’agissait
de ne pas poser trop de questions. La phrase « tout est dans le
dossier » revint plusieurs fois dans la conversation, afin de décourager
les clients les plus téméraires.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Ça
ne découragea pas Lizzy, la femme de Kristof, d’intervenir, pendant que
celui-ci se recroquevillait, la tête dans les épaules, en se disant qu’il
aurait mieux fait de venir seul.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
« Je
vois dans le contrat que vous déclinez toute responsabilité en cas d’accident
ou de décès ? »</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Kristof
était prêt à lui répondre, énervé d’avance, un truc du genre : « Que
veux-tu qu’il nous arrive ? », mais le conseiller fut plus rapide.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
« Oui,
il s’agit d’une clause, n’est-ce pas, que nous avons été obligés d’ajouter afin
de nous préserver face aux aventuriers de l’extrême, voyez-vous ?
Évidemment, ça ne concerne pas vraiment les vacances en famille (<i>sourire rassurant, clin d’œil taquin aux
enfants alors que Kristof, excédé, empêchait d’une tape sur le bras le plus
jeune de fourrer son doigt dans son nez</i>), mais il y a des gens qui
utilisent le TJ pour se donner le grand frisson en débarquant à Verdun en 1916,
ou à Gettysburg en juillet 1863 ! Libre à eux, vous me direz (<i>le sourire se fit carnassier, on sentait que
le type les mettait au défi de lui dire, vraiment, “libre à eux”</i>), mais
enfin s’ils sont blessés ou tués, notre machine n’y est pour rien ! Je
veux dire, s’il prend l’envie à monsieur (<i>grand
sourire chaleureux, évidemment que cette envie ne lui prendra pas</i>)
d’empêcher l’assassinat de Kennedy, c’est son choix. S’il prend une balle
perdue, ma foi, nous n’y sommes pour rien ! (<i>Le sourire s’effaça, on parlait de choses sérieuses</i>) Ce serait
malheureux, bien sûr, on est d’accord…</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
‒
Bien sûr ! s’exclama Kristof, trop fort pour être crédible. Mais… Il y a
vraiment des gens qui font ça ? »</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Air
désolé du conseiller, s’enfonçant dans le dossier de son fauteuil dans un grand
craquement de cuir :</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
« Mais
certainement, certainement ! Vous n’imaginez pas tout ce qui passe par la
tête de ceux qui veulent jouer les aventuriers ! Les survivalistes, les
sportifs de l’extrême… Avant, ils partaient vivre un mois dans la jungle avec
une boussole et une gourde pleine d’eau, ou ils escaladaient l’Everest !
Maintenant, ça ne les intéresse plus : ils veulent se faire Azincourt ou
Stalingrad, c’est ça, leur rêve ! »</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Un
nouveau craquement de cuir indiqua la fin de l’entretien :</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
« Bien,
si vous n’avez plus de question (<i>ce n’était
pas une question</i>), vous allez pouvoir suivre Sélénia, qui va vous conduire
jusqu’à votre véhicule. »</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Il
quitta son fauteuil, se débrouillant pour régler le problème des poignées de
main et de l’ouverture de la porte quasi simultanément, comme si un cinquième
bras lui avait poussé en plus des quatre de tout à l’heure, et Sélénia se trouvait
justement derrière la porte. Une grande blonde aux jambes longues comme un
aller-retour pour Mars en deuxième classe, pommettes hautes et regard
galactique. La jeune femme ouvrit la marche, la famille suivit, et Kristof se mit
sans le vouloir à s’intéresser aux hanches qui roulaient sous son nez, jusqu’à
ce qu’il réalise que Sélénia était en train de parler.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
« …
et que chacun de nos véhicules, évidemment, est équipé du système GHS (Global
Historical System) qui vous donne, pour chacune de vos destinations, non
seulement l’emplacement géographique de votre site d’atterrissage, mais
également un résumé du contexte historique dans lequel vous vous
trouvez. »</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Le
roulement de hanches s’interrompit devant un grand cylindre vermillon, dont un large
pare-brise teinté désignait l’avant du véhicule, auquel on pouvait accéder par
une portière latérale. </div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Toute
en musicalité et en roulements, Sélénia invita la famille Vasco à admirer leur
toute nouvelle acquisition.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
« Je
vous laisse vous installer et profiter de votre TJ 3000 (<i>elle avait prononcé le nom en y mettant presque l’intonation d’un
jingle publicitaire</i>). En vous remerciant d’avoir fait confiance à nos
services ! »</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Après
tous les remerciements et les politesses d’usage, Kristof appuya, le cœur
battant, sur la clé permettant d’ouvrir la portière du véhicule.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i><b>TJ 3000 : prenez le temps… et faites-en
ce que vous voulez !</b><o:p></o:p></i></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
L’intérieur
du TJ 3000 était d’une grande sobriété. Une large banquette pouvant accueillir
jusqu’à six personnes, et un tableau de bord central. En dépit des incroyables
recherches scientifiques qui avaient, finalement, permis de courber la flèche
du temps et rendu possible le voyage temporel, ce tableau de bord brillait par
sa relative simplicité. Ainsi, pour rentrer chez eux, les Vasco n’avaient qu’à
choisir le jour et l’heure de leur arrivée (cinq minutes plus tard étaient
amplement suffisantes) ainsi que le lieu : leur propre adresse. Mais avant
de rentrer à la maison, Kristof avait envie de faire un petit détour. « Ce
ne sera pas long, les enfants. »</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Kristof
avait en main un petit bout de papier sur lequel, quelques mois auparavant, il
avait noté les numéros gagnants de la loterie nationale. Il n’avait qu’à
retourner exactement six mois plus tôt dans le passé, se rendre à son bureau de
tabac habituel, remplir la grille de loto… et une fois de retour dans le
présent, il serait un homme riche. </div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Lizzy,
qui le regardait triturer son bout de papier, soupira :</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
« Tu
vas vraiment le faire, alors ? Tu crois que ça va marcher ? »</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Kristof,
tout en essayant de s’y retrouver avec le tableau de bord de la machine,
répondit, agacé :</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
« Pourquoi
ça ne marcherait pas ? C’est juste un aller-retour : on part six mois
dans le passé, je remplis la grille de loto, on revient ici et on est
riches ! Tu crois peut-être que le tirage du loto ne sera plus le
même ?</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
˗
Non, mais…</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
˗
Bon, alors fais-moi un peu confiance et laisse-moi comprendre ce truc. »</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Après
avoir tapé la date et l’heure de son arrivée et pressé le bouton de lancement
du Time Jet, la nuit se fit dans l’habitacle, puis un flash, et les lumières
revinrent. La voix féminine du GHS se mit à réciter : « Vous êtes
arrivés à Paris, le lundi 7 janvier 2126. La température extérieure est de 5°
celsius. Le chef de l’État actuel est le président… »</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Kristof
tourna le bouton <i>off</i> pour éteindre le GHS : il n’avait pas besoin
qu’on lui rappelle les événements historiques survenus six mois plus tôt.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
« Vous
pouvez m’attendre là, j’en ai pour cinq minutes. »</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Ofelia,
la fille aînée, ne put s’empêcher de se renfoncer dans le siège du TJ en
lâchant un sarcastique :</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
« Super !
Elles commencent bien, les vacances…</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
˗
Ofelia ! gronda la mère, soudain solidaire de son mari. Ton père va faire
en sorte qu’on puisse s’offrir des vacances de rêve, tu ne vas pas commencer à
râler ? »</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Kristof
avait choisi de faire apparaître son véhicule à quelques mètres seulement de
son bureau de tabac habituel. Avec sa tenue d’été, il ne valait mieux pas
s’éterniser dans les rues froides de ce mois de janvier. Alors qu’il
s’apprêtait à pousser la porte, celle-ci s’ouvrit pour laisser sortir un client
manifestement mécontent. Kristof s’approcha du buraliste avec un grand sourire.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
« Bonjour
monsieur, je vais vous prendre un loto, s’il vous pl…</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
˗
Et allez, encore un ! ricana le patron. Ne me dites rien : vous venez
du futur, et vous avez avec vous les numéros gagnants, hein ? Vous croyez
vraiment que ça va marcher ? »</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Kristof,
décontenancé par cette question, pourtant la même que celle que sa femme venait
de lui poser, ne put que balbutier :</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
« Euh…
Je…</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
˗
Mais mon pauvre monsieur, c’est fini, ça, les jeux de hasard ! On ne se
fait plus avoir, nous ! Le tirage de samedi prochain, c’est le dernier
qu’on a fait ! Après ça, on a bien compris qu’avec la possibilité de
voyager dans le temps, on allait voir débarquer tout un tas de petits malins dans
votre genre qui allaient tenter de se remplir les poches ! »</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Kristof
devenait écarlate, comme à l’école quand il avait fait une bêtise.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
« Tenez :
mettons que je vous vende le ticket. Vous remplissez votre petite grille avec
les numéros gagnants, et pouf ! Je vous revois dans une semaine, la bouche
en cœur, pour me dire que vous avez gagné et que vous venez empocher le
pactole. Vous croyez peut-être que je ne vais pas me souvenir, dans une
semaine, de ce que je suis en train de vous dire aujourd’hui ? »</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Kristof
essaya de démêler ses idées embrouillées.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
« Mais,
euh… Je veux dire… Bon, d’accord, pour cette fois, c’est raté. Mais si je
parviens à retrouver les numéros gagnants d’une loterie… mettons… je sais pas,
moi, d’il y a deux ans… Vous croyez qu’il y a moyen…</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
˗
Mais laissez carrément tomber cette idée, mon pauvre monsieur ! Vous
croyez être le seul à voyager dans le temps ? <i>Tout le monde</i> voyage
dans le temps ! Et tout le monde s’est passé le mot, vous pensez
bien ! Vous pourriez bien essayer de filouter un croupier de casino dans
les années 1930, là, au temps des pharaons ou je sais pas quoi, qu’il vous
verrait venir à trois mille bornes à la ronde ! Lui aussi, qu’est-ce que
vous croyez, il se l’est payé, le TJ 3000 ! Dès qu’il a vu quelqu’un
débarquer dans son siècle à bord de ce machin, qu’est-ce que vous croyez qu’il
a fait ? Non, moi je vous le dis : laissez tomber ce genre d’idée. Le
hasard, c’est ter-mi-né. À partir du moment où tout le monde peut aller et
venir dans le temps comme ça lui chante, il n’y a plus de hasard. Et donc, plus
de jeux de hasard. Faut pas nous prendre pour des buses non plus. »</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i><b>Prenez
le temps. Prenez TJ 3000.</b><o:p></o:p></i></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i> </i>Kristof Vasco sentit quelque chose s’effondrer en
lui. Comme un échafaudage instable quelque part dans sa cage thoracique. La
première véritable raison qui l’avait poussé à posséder le Time Jet, il faut
bien l’avouer, c’était de l’utiliser pour toucher le pactole à la loterie.
Après cela, adieu les problèmes financiers, et bonjour les voyages autour du
monde et autour des âges ! Et voilà que son buraliste habituel lui riait
au nez, et démolissait d’un seul coup tous ses rêves de fortune ! Il
allait devoir voyager comme le smicard moyen, lui qui voulait offrir à sa
famille le luxe dont il a toujours rêvé…</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
« Bon.
Ça n’a pas marché », annonça-t-il d’une voix froide en retrouvant Lizzy et
les enfants à l’intérieur du véhicule. Et il se lança dans une étude attentive
du tableau de bord pour éviter d’affronter leurs regards.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
« Ah !
Tu vois, je te l…</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
˗
Oui, bon, ça va ! » coupa Kristof en lançant un regard terrifiant à
sa femme. Et se tournant vers Ofelia et Niko, qui ne mouftaient pas :
« Bon, les enfants, vous voulez aller où ? »<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Il
espérait les entendre râler : « On peut rentrer ? On en a
marre ! » C’était exactement son état d’esprit du moment. Hélas, les
enfants, d’habitude velléitaires et rétifs à toute activité en famille, étaient
pour une fois plutôt enthousiastes. </div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
« Ben
en histoire, on est en train de voir Napoléon, expliqua Ofelia. On pourrait
aller voir la bataille de Waterloo ? »</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Kristof
sentit un frisson lui parcourir l’échine et se racla la gorge avant de répondre :</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
« Euh,
chérie… Souviens-toi de ce que le monsieur a dit tout à l’heure. Ça pourrait
être dangereux d’atterrir au beau milieu d’une guerre, tu sais… Niko, qu’est-ce
que tu aimerais faire, toi ?</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
˗
Moi, j’veux voir les dinosaures !</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
˗
Hum ! Bon, euh… (Kristof se sentit soudain extrêmement fatigué) Vous
voulez pas plutôt qu’on rentre à la maison ? On peut faire tout ça
demain ? »</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Ofelia,
d’un naturel obéissant, se rebella soudain :</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
« Mais
moi je dois faire un exposé sur Waterloo ! Et puis maman a dit que c’était
pas dangereux !</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
˗
Maman a dit quoi ? » répliqua Kristof, incrédule.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
« C’est
vrai, chou, dit Lizzy. Pendant que tu étais parti, j’ai consulté un peu le mode
d’emploi de l’appareil, et j’ai constaté qu’il y avait sur le tableau de bord
une fonction “zone de conflit” à activer. Avec ça, tu peux demander au TJ de se
rendre sur le terrain d’une bataille historique, et le véhicule choisit un lieu
d’atterrissage sécurisé, à distance des combats. J’ai une paire de jumelles
dans mon sac, on peut rester éloignés et avoir un point de vue idéal sur la
bataille, non ? »</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Cette
idée ne plaisait pas vraiment à Kristof, guère plus rassuré qu’avant. Mais
c’était ça ou se faire piétiner par un diplodocus. Et l’idée de rentrer à la
maison le déprimait tout autant.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
« Bon,
d’accord, Ofelia. Mais on ne s’éloigne pas du TJ, et au moindre souci, on s’en
va, c’est bien compris ? Bon. Rappelle-moi quand c’était, ton truc, là, Waterloo ?</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
˗
Le 18 juin 1815. Et c’était pas tout à fait à Waterloo, mais un peu plus au
sud, vers Mont-Saint-Jean, en Belgique. » </div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Ofelia était
la première de sa classe en histoire.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
« Allez,
c’est parti ! » lança Kristof en entrant les données dans la machine,
tout en prenant bien garde d’activer la fonction « zone de conflit ».</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<i><b>Vivez l’Histoire au présent, avec TJ 3000.</b><o:p></o:p></i></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Extinction des
lumières – flash – retour des lumières : la famille Vasco était arrivée.
Le GHS se mit aussitôt à égrener une série d’informations pour rappeler le
contexte de l’époque. « La bataille de Waterloo oppose l’Armée du Nord,
dirigée par l’empereur Napoléon, au sud, à l’armée des Alliés, menée par le duc
de Wellington, au nord. Napoléon a prévu d’attaquer dès neuf heures du matin,
mais il hésite. Il a plu considérablement durant la nuit et la boue rend la
mobilité de la cavalerie difficile. »</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Un simple coup
d’œil à travers le pare-brise avait suffi aux Vasco pour constater qu’en effet,
il faisait un vrai temps de chien. Quel été pourri ! De toute façon, aucun
d’entre eux n’avait prévu de maillot de bain.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
« On a de
la chance, dit Kristof, on est arrivé tôt. Ils viennent de dire qu’ils vont
commencer en retard.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
− Mais en
retard sur quoi ? demanda Ofelia en levant les yeux aux ciel. Papa, la
bataille de Waterloo a commencé vers
onze heures du matin près du château de Hougoumont. On le sait, ça, c’est dans
les livres d’histoire ! »</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Le GHS
continuait son monologue, que personne n’écoutait vraiment. Kristof l’éteignit
avant de répondre à sa fille.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
« Oui,
bon, d’accord. Je te signale que l’école, c’est un peu loin pour moi, je peux
pas me souvenir de tout ! Allez, on sort : il faut encore qu’on
trouve un endroit pour voir la bataille.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
− Mais moi
j’voulais voir les dinosaures-euuuh ! grogna Niko, comme s’il avait
soudain compris que l’excursion accordée à sa grande sœur risquait de durer pas
mal de temps.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
−
Demain, les dinosaures », promit Kristof, espérant bien que d’ici-là son
fils se serait trouvé une nouvelle passion n’impliquant pas de rencontre avec
de gros lézards préhistoriques.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Un
peu plus loin devant eux, les Vasco se trouvèrent face à des barrières
métalliques, le genre de barrières utilisées pour interdire au public l’accès à
certains chantiers. Des éléments tout à fait anachroniques, évidemment :
les voyages dans le temps avaient amené leur lot de touristes devant tous les
grands événements historiques, et il était d’une importance capitale de tenir
les curieux à l’écart du danger.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Kristof
Vasco considérait ces barrières d’un regard dédaigneux. À cause d’elles, il
avait l’impression d’attendre un spectacle, une reconstitution historique.
C’était pourtant la réalité : nous étions bien le 18 juin 1815, et dans
quelques instants, la bataille de Waterloo allait démarrer. Alors, d’où venait
ce sentiment étrange qu’une vaste supercherie l’attendait ?</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
D’ailleurs
où étaient-ils, les touristes ? Naïvement, Kristof n’avait pas songé que,
comme pour n’importe quelle visite culturelle, sa famille et lui auraient
certainement à faire la queue avant d’espérer voir quelque chose de la
bataille. Ils étaient venus là sans la moindre préparation. Mais les barrières
venaient de lui rappeler sa situation : il n’était qu’un touriste.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
« Pourquoi
y’a personne ? » demanda-t-il dans l’espoir, peut-être, que sa femme
trouve une réponse satisfaisante à cette question.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
« Sans
blague ? Y’a encore des visiteurs ? Me dites pas que vous êtes venus
pour la bataille ? »</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Kristof
vit arriver un type rougeaud au menton caché sous une barbe épique. Une vraie
figure historique aussi, celui-là, mais Kristof aurait eu bien du mal à
l’inclure dans une quelconque époque. Il s’avançait vers les Vasco, bedaine en
avant.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
« Ben
vous pouvez faire demi-tour, les copains. On n’se bat plus, ici. Par
contre, si vous êtes là pour voir Napoléon et Wellington tailler l’bout d’gras
en s’curant les ongles, z’avez p’t’être une chance. »</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Les
Vasco regardaient l’inconnu sans comprendre, à l’exception du petit Niko, trop
occupé à observer les trésors que sa dernière fouille nasale lui avait permis
de mettre au jour.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
« Quoi ?
Me dites pas qu’ça vous étonne, c’que j’dis ? rigola l’homme. Réfléchissez
un peu : depuis le temps qu’on s’balade d’une époque à l’autre en un clin
d’œil, vous croyez pas que Napoléon a compris que Waterloo, c’était pas une
bonne idée ? Alors au début, quand il a vu débarquer des touristes et
qu’il a commencé à potasser les livres d’histoire, il s’est dit, l’empereur,
qu’il allait changer les choses, prendre sa revanche, ce genre de trucs. Ça a
donné quelques belles batailles, j’vous le cache pas. Mais moi qui suis
historien, je peux vous dire que ça m’a foutu la colique ! Seulement,
c’était rien comparé à ce qu’il se passe maintenant : les mecs veulent
même plus se battre ! Limite, ils sont devenus copains ! Ah ! Si
ça vous intéresse, vous pouvez encore voir quelques belles parties de volley-ball,
avec le temps ils commencent à devenir sacrément bons à ce jeu-là… Mais la
grande bataille de Waterloo, vous pouvez faire une croix dessus. Et les
précédentes aussi. Et toutes les guerres suivantes, la bombe atomique sur
Hiroshima et Nagasaki, les camps de concentration, la guerre du Vietnam, c’est
pareil : oubliez ! Les gens ont compris : ils ne se feront plus
avoir. »</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Kristof
était abasourdi. Lizzy prit la parole :</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
« Eh
bien, c’est plutôt une bonne chose, non ? Vous avez l’air contrarié…</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
˗
Une bonne chose ? Un beau bordel, oui ! <span style="font-size: 12pt;">Vous voyez pas qu’on navigue de paradoxe
temporel en paradoxe temporel ? Imaginez tout simplement que tout ce que
vous avez appris à l’école ne s’est jamais produit ! La guerre des
Gaules ? Aux oubliettes !</span> Marignan 1515 ? Connais pas !
Charles Martel, Du Guesclin, Jeanne d’Arc ? Jamais eu besoin de prendre
une épée ! Le dimanche de Bouvines ? Un dimanche comme un autre,
oubliez pas le sauciflard pour le pique-nique ! Alors oui, les pacifistes
peuvent se réjouir : on ne se fait plus la guerre ! Mais comment faire
avancer l’histoire, du coup, hmm ? J’vous l’demande ? Et qu’est-ce
qu’on en fait, de tous nos livres d’histoire ? On les brûle ? On les
refait en expliquant qu’à Waterloo, Wellington a mis une raclée à Napoléon au
tennis ? Ou qu’Adolf Hitler était un peintre autrichien qui n’a jamais
fait de politique ?</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
˗
C’est vrai que ça paraît un peu compliqué, concéda Kristof.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
˗
J’vous l’fais pas dire ! Non, moi, c’qui m’fait mal, c’est que j’avais
prévu ce qui allait se passer. Figurez-vous qu’en 2109, quand ils ont commencé
à bosser sur les premiers prototypes du Time Jet – on appelait encore ça le
Time Traveller, à l’époque – j’avais participé…</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
˗
Oui, c’est vrai, je m’en souviens ! s’écria Kristof, dans l’espoir
d’éveiller un peu de fierté dans l’âme de son interlocuteur, dont la mauvaise
humeur devenait préoccupante. Nulle flamme de fierté ne s’alluma.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
˗
J’avais participé aux études préalables, continua l’autre, agacé par
l’interruption. Ils avaient besoin d’historiens, paraît-il. Je m’demande bien
pourquoi, vu qu’ils ont jamais écouté un seul de mes conseils ! J’leur
avais bien dit que leur machine à voyager dans le temps ne devait <i>surtout
pas</i> être commercialisée à grande échelle. Le voyage dans le temps, ça ne
peut qu’être le privilège d’un groupe de personnes très restreint, très confidentiel !
Ça ne peut qu’être un projet secret ! Si vous vous mettez à vendre des
machines à voyager dans le temps comme on vendait jadis des automobiles, quel
est l’intérêt de la chose ? Le temps lui-même n’existe plus, si tout le
monde en fait ce qu’il veut ! Et c’est exactement ce qu’il se passe en ce
moment – enfin, je ne sais même pas si on peut encore dire « en ce
moment », puisque ce moment est voué à se répéter sans cesse, à chaque
fois qu’un touriste à la con – sans vouloir vous offenser – se pointera sur le
site de Waterloo pour voir de la castagne ! Imaginez qu’il y a même des
crétins qui vont rendre visite aux hommes de Cro-Magnon pour leur apporter des
smartphones et des imprimantes 3D ! C’est intelligent, j’vous jure…</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
−
Oui, maintenant que vous le dites, c’est vrai qu’en mettant le voyage temporel
à la portée de tous, on l’a rendu nettement moins intéressant, constata
Kristof, sans aller jusqu’à évoquer ses rêves de fortune irrémédiablement
déçus.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
−
Et vous faites pas d’illusion : dans mon projet, vous êtes pas le genre de
type qui aurait eu accès au Time Jet ! Désolé, hein, j’dis les choses
comme elles sont : il y a l’élite, et vous en faites pas partie. Les mecs
ont voulu se faire du blé, ils ont voulu que <i>tout le monde</i> puisse avoir accès à l’expérience, et voilà où on en
est : un beau bordel, c’est moi qui vous l’dis. J’appelle ça de la
pollution historique, moi ! Et tout ça par souci d’égalité et de
“démocratisation” ! Pfff… Y m’font rigoler, tiens. »</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
S’il
rigolait vraiment, l’homme intériorisait cela à la perfection.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
« Du
coup, je fais comment pour mon exposé ? demanda Ofelia.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
˗
On va voir les dinosaures ? demanda Niko.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
˗
Bonne chance pour en apercevoir un vivant, dit l’homme en souriant méchamment
au gamin. C’est devenu la nouvelle marotte des chasseurs, les dinosaures !
C’est logique, les associations de protection des animaux sont
désemparées : comment voulez-vous sérieusement protéger des espèces qui
ont déjà disparu ? »</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Ce
n’était plus de la lassitude que ressentait Kristof : il était au bout du
rouleau. Il calculait le prix que lui avait coûté le TJ 3000, tous ces mois
passés à économiser dans le but de se l’offrir, et de l’offrir à sa famille…
Finalement, ça ne valait pas le coût. Il aurait voulu remonter le temps jusqu’à
l’époque où cette machine n’existait pas encore. Ce qui était impossible,
puisqu’elle existait maintenant <i>à toutes les époques</i>. Quelle
arnaque !</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
« Qu’est-ce
que tu as envie de faire, maintenant, chou ? », demanda Lizzy,
inquiète de voir son mari aussi abattu.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Kristof
haussa les épaules.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
« On
rentre », dit-il.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Il
avait pris une décision : de retour dans le présent (mais était-ce encore
le présent ?), il mettrait son TJ 3000 en vente. Comme le voisin. Le
voyage dans le temps, c’était mieux avant.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Alors
qu’ils atteignaient leur véhicule, Ofelia remit ça, agacée :</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
« Bon,
alors je fais quoi, pour mon exposé sur Waterloo ? »</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Ouvrant
la portière, Kristof laissa tomber froidement :</div>
<span style="text-align: justify;"> « Eh
ben t’auras qu’à dire qu’aux dernières nouvelles, tout s’est bien passé. »<br /></span><br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgEwdQLUrltOpV_fdjSbFmT1oIerNoore-gzywHzxPHs0p23YgxZmP-XoLB9JzP3rCYZGS_P3xJ8srDyOZydKjFQ8TCmKGDC64-3N40ylysM2f5gMglnW_OH3_74OCMynuKqLL-vywJAqQ/s1600/voyagetemporel.jpeg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="505" data-original-width="645" height="250" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgEwdQLUrltOpV_fdjSbFmT1oIerNoore-gzywHzxPHs0p23YgxZmP-XoLB9JzP3rCYZGS_P3xJ8srDyOZydKjFQ8TCmKGDC64-3N40ylysM2f5gMglnW_OH3_74OCMynuKqLL-vywJAqQ/s320/voyagetemporel.jpeg" width="320" /></a></div>
<div style="text-align: center;">
<br /></div>
<br />
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<o:p></o:p></div>
Raphaël Juldéhttp://www.blogger.com/profile/06165649185749252999noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-411107272561605711.post-72796057175065470402017-04-17T15:08:00.000+02:002017-04-18T07:00:29.828+02:00Vidéodrome 9 : le genre (31 mars 2017)<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj-pG9otjVo6nuu6Y6W9dy3aDiS57K2Yw6vhX6UDUJHHZfTK6PP6k_dpasdpUqHnOlYYod_nEYiyn7YI6X7bpbok61SSICK0WirlkMl5NoGnZP91WqD3SAyVOguP2BAzKxoC_4gRZXgxy0/s1600/franknfurter.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="212" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj-pG9otjVo6nuu6Y6W9dy3aDiS57K2Yw6vhX6UDUJHHZfTK6PP6k_dpasdpUqHnOlYYod_nEYiyn7YI6X7bpbok61SSICK0WirlkMl5NoGnZP91WqD3SAyVOguP2BAzKxoC_4gRZXgxy0/s320/franknfurter.jpg" width="320" /></a></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: center;">
<i><br /></i></div>
<div class="MsoNormal">
<i>Vendredi 31 mars 2017.<o:p></o:p></i></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
J’arrive à
Paris à 18 h 22, et j’ai besoin d’un certain temps avant de retrouver le rythme
de la capitale. Je dois prendre des tickets de métro et trouver le moyen le
plus rapide de rejoindre le 19<sup>e</sup>, là où habite Jean-Rémi. Ligne 6
direction Nation, puis ligne 5 pour entamer un parcours interminable jusqu’à
Laumière. Quelques jolies femmes, quelques jupes – le début du printemps à
Paris.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Je
suis allé prendre une bouteille de Coca à l’épicerie avant de rejoindre
l’appartement de Jean-Rémi, où j’arrive à 20 heures. Je suis le premier arrivé,
nous attendons Cécile, Élise et Florian. Nous renouons avec le vidéodrome en
petit comité, et surtout sans Pierre, qui est pourtant l’inventeur de ces
soirées !</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Ce
vidéodrome sur le « genre » – non pas le cinéma de genre, mais
le genre au cinéma – m’a peu inspiré. D’ailleurs, je n’ai pas vraiment compris
l’énoncé : j’ai même un hors sujet flagrant parmi mes extraits, un que
j’éviterai donc de passer ce soir. Il s’agissait d’une séquence de la série <i>Real Humans</i> qui traitait plutôt de la
question de l’identité sexuelle. </div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Lorsque
Cécile arrive, nous vérifions le minutage de l’extrait qu’elle voulait passer
du <i>Prisonnier d’Azkaban</i> : ces
soirées vidéodrome demandent une précision d’horloger suisse. Elle me demande
ce que je deviens, depuis tout ce temps, et avant même que je ne réponde, elle
le fait pour moi : « Marié, deux enfants… » Je la rassure tout
de suite : non, de ce côté-là, ça va.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Les
vrais jeunes mariés, Élise et Florian, nous rejoignent. Jean-Rémi a prévu une
playlist en accord avec le thème de la soirée : Indochine, Mylène Farmer,
Taxi Girl, Michel Sardou (<i>Femme des
années 80</i>, évidemment), et a même disposé quelques livres, parmi lesquels <i>Le deuxième sexe</i> de Simone de Beauvoir. </div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Après avoir
commandé nos plats japonais, nous lançons officiellement cette nouvelle saison
de vidéodrome. Jean-Rémi commence par les bons vieux stéréotypes avec un film
des studios Disney, <i>Il était une fois</i>,
dans lequel une princesse très blonde, toute en gestes exagérés de princesse
(et que je me frotte les yeux et m’étire pour me réveiller, et que je chante à
la fenêtre pour appeler les oiseaux) se retrouve téléportée dans un appartement
new-yorkais miteux. Heureusement, notre belle est une fée du logis, et avec ses
amis les animaux de la forêt, elle a tôt fait de faire le ménage dans la
baraque, et en chantant s’il vous plaît !</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Élise
enchaîne avec un extrait d’<i>Un tramway
nommé désir</i>. Rencontre entre l’homme et la femme, Vivien Leigh face à
Marlon Brando, sueur et biceps : l’érotisme en marcel. Dans l’assistance,
les filles – et Jean-Rémi – se pâment.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgQyFEAFiiWnqyHWqcjbcmryWUTcKTm6PrWAS1dpKzKeLaENDkCaS99Pl2BobUOSgLh-lBaQIQiwc11KQy2HeC-mymn9vz2BDLhRjkerBWHmVbh5JPv84pj6dS05r1-P2kymf7xe65iMcU/s1600/tramway.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="180" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgQyFEAFiiWnqyHWqcjbcmryWUTcKTm6PrWAS1dpKzKeLaENDkCaS99Pl2BobUOSgLh-lBaQIQiwc11KQy2HeC-mymn9vz2BDLhRjkerBWHmVbh5JPv84pj6dS05r1-P2kymf7xe65iMcU/s320/tramway.jpg" width="320" /></a></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: center;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Toujours
dans le stéréotype, Florian nous propose <i>OSS
117 : Rio ne répond plus</i>. Split screen sur jambes de femme, rencontre
entre l’agent secret et Dolorès Koulechov. « Je suis ravi d’avoir une
secrétaire aussi jolie. » L’égalité des sexes ? « On en
reparlera quand il faudra porter quelque chose de lourd ! »</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Pour
une fois, j’ai apporté l’extrait sérieux, le lourd, le pas marrant-marrant :
Bresson et son <i>Procès de Jeanne d’Arc</i>.
Jeanne dans sa cellule demande à recevoir la communion et à assister à la messe
de Pâques. Demande accordée… si elle troque ses habits d’homme pour des habits
de femme. Elle n’assistera donc pas à la messe.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Retour
à la déconne avec Cécile, qui a choisi un extrait de <i>Joue-la comme Beckham</i>. L’héroïne, une jeune punjabi qui rêve de se
mettre au football, subit une leçon de morale de la part de sa mère :
quand on est une fille, c’est inconvenant de faire comme les garçons. « La
Spice Girl sportive, c’est la seule qui n’a pas de mec ! » (Note
personnelle : je réalise soudain que j’aurai pu trouver dans <i>Les Soprano</i> un épisode qui aurait pu
fonctionner en reflet parfait : une séquence qui montre ce que les vrais
hommes ne doivent pas faire (ou ce qu’ils doivent garder secret s’ils veulent
se faire respecter) : être des pros du cunnilingus !)</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Il
est temps d’inverser les stéréotypes, ce que fait Jean-Rémi en montrant un
extrait du premier épisode de <i>Buffy
contre les vampires</i>. Cette fois, ce n’est pas la jolie blonde qui se fait
bouffer par les méchantes goules : les monstres, la blonde, elle leur
kicke leur ass propre et net.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Après
les vampires, je ne peux que passer l’extrait zombie de la soirée. Place au
nanard parfait : <i>Le Retour des
morts-vivants 2</i>. Le petit copain sportif de la blonde – qui est rousse,
mais passons – vient de se transformer en mort-vivant, et se prend d’une grosse
fringale pour le cerveau de sa chérie. Terreur et romance : la fille
préfère écouter son cœur plutôt que sa tête, et servir de nourriture à son
homme.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Élise
rebondit sur l’inversion du stéréotype, avec <i>Boulevard de la mort</i>, selon elle (et selon moi) l’un des meilleurs
Tarantino. La vengeance des filles est en route, et Kurt Russell, qui voulait
s’amuser avec elles à ses jeux sadiques, est tombé sur un os. <i>Hang up the chick habit !<o:p></o:p></i></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i><br /></i></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhL2diJ2YRciMX8lMHkaNAIZJ9DPZtjnG2LK2-lf3zL-30j2DSjhEHEoumoxMepoo23s3jvHpjakd3XWMkIaLXTerNjQuVw9_rXTr6WJ6873zWfRobZzRny1JayUeodcX-YLev6NNriMhw/s1600/deathproof.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="136" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhL2diJ2YRciMX8lMHkaNAIZJ9DPZtjnG2LK2-lf3zL-30j2DSjhEHEoumoxMepoo23s3jvHpjakd3XWMkIaLXTerNjQuVw9_rXTr6WJ6873zWfRobZzRny1JayUeodcX-YLev6NNriMhw/s320/deathproof.jpg" width="320" /></a></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: center;">
<i><br /></i></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i><br /></i></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i> </i>Tradition oblige,
il fallait un extrait d’<i>Harry Potter </i>pour
ce vidéodrome, et c’est Cécile qui l’a apporté. <i>Le Prisonnier d’Azkaban</i>, donc : séquence de l’entraînement à
la lutte contre l’épouvantard. Neville (mon cher Neville) agite sa baguette, et
pouf ! <i>Riddikulus</i> : sa pire
terreur, le professeur Rogue, se transforme en grand-mère avec sac à main et
chapeau envahi de fleurs. Pour vaincre votre ennemi, faites-le changer de
sexe !</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Florian
enfonce encore le clou de la rivalité homme/femme avec un épisode de <i>Game of Thrones</i> : Brienne de Tarth
et Jaime Lannister font du canotage et se baladent en forêt. L’homme roule des
mécaniques et provoque la femme, trop virile à son goût. Naissance d’une
idylle ?</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEixDGVhAiUwRlo43T4YIfAo52oouVvtc7QBHj6ZynoA4HIgSgjD3LY6jcsj7IP6-GHuZHv-qSt_PqYGpNoQ6JBI-xfcbuh2xzbvEP0eD72aVVHBu7NsDYzGXaxVk1NUn0p_S_iLrTMQfVM/s1600/got-brienne-jaime.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="164" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEixDGVhAiUwRlo43T4YIfAo52oouVvtc7QBHj6ZynoA4HIgSgjD3LY6jcsj7IP6-GHuZHv-qSt_PqYGpNoQ6JBI-xfcbuh2xzbvEP0eD72aVVHBu7NsDYzGXaxVk1NUn0p_S_iLrTMQfVM/s320/got-brienne-jaime.jpg" width="320" /></a></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: center;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Élise
complexifie le débat avec un épisode de <i>Sex
and the City</i> dans lequel Kristin Davis découvre le concept de « gay
hétéro », à ne pas confondre avec l’« hétéro gay ». Avantages et
inconvénients : l’hétéro qui présente toutes les qualités du gay, mais qui
devant une souris se révèle… trop féminin quand même.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Jean-Rémi
enchaîne avec <i>Les Garçons et Guillaume, à
table !</i> C’est un peu <i>Lost in
translation</i> version genrée : de l’inconvénient d’apprendre à danser la
sévillane quand on ne comprend pas un mot d’espagnol et qu’on répète avec une
femme.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Il
est temps de passer le premier extrait de <i>Kaamelott</i>
(il y en aura deux). C’est évidemment <i>La
Jupe de Calogrenant</i>. Ou comment ces saloperies de voies romaines ont fait de la jupe en tartan la tenue
officielle de la Calédonie.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Extrait
de <i>La Vie de Brian</i>, proposé par
Florian. Premier conflit LGBT du monde : débat citoyen sur le droit de
Stan, qui désire qu’on l’appelle désormais Loretta, à faire des enfants, même s’il
ne peut biologiquement pas en faire.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Ça
y est, on a les deux pieds dans les questions du genre et de l’identité
sexuelle, et Élise enchaîne avec un extrait d’<i>Hedwig Angry Inch</i>, un film que je ne connaissais pas, et qui me
fait penser à un <i>Spinal Tap</i> version
trans. Histoire d’amour dans l’Allemagne d’avant la chute du Mur, qui passe par
le bloc chirurgie-charcuterie. « Pour être libre, il faut savoir
abandonner quelque chose. » Castration salopée et colère rock’n’roll. </div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Jean-Rémi
revient à Walt Disney avec <i>Mulan</i>.
Mulan, une héroïne qui aurait sa place dans <i>Game
of Thrones</i> aux côtés d’Arya et de Brienne. Entraînement militaire et
virilisme cartoon. <i>Be a man</i>.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEitMfkUePt7YjKLHBeNIgZl5Zry6VOko6WQgeuoaIR_XRy-9BPaj0QLAxf5QBYnqurORE4LmUUk5Pab0Lih1siponoVHkbPTpdULATIyn6CwSo8aTDo6ULna8Vp6_sXmrd2B9LjjYF-z-U/s1600/mulan.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="189" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEitMfkUePt7YjKLHBeNIgZl5Zry6VOko6WQgeuoaIR_XRy-9BPaj0QLAxf5QBYnqurORE4LmUUk5Pab0Lih1siponoVHkbPTpdULATIyn6CwSo8aTDo6ULna8Vp6_sXmrd2B9LjjYF-z-U/s320/mulan.jpg" width="320" /></a></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: center;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Cécile
avait choisi un film pour moi – le <i>Body
Double</i> de De Palma. La raison pour laquelle elle précise que ce film était
pour moi est assez évidente pour ceux qui le connaissent, et qui me
connaissent… Son extrait, en revanche, ne passe pas sur la télé de Jean-Rémi.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Élise
passe un extrait inévitable du <i>Rocky
Horror Picture Show</i> : la chanson <i>Sweet
Transvestite</i> de Frank N Furter. Petite pensée pour nos amis Vanessa et
Julien…</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
J’ai
un deuxième extrait de <i>Kaamelott</i> pour
conclure la série : l’épisode <i>Compagnons
de chambrée</i>, dans lequel le roi Arthur se voit contraint de partager son
lit avec un évêque.</div>
<br />
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Pierre
n’était pas là, mais il nous a tout de même envoyé sa contribution grâce à la
magie des réseaux sociaux. Il s’agit d’un extrait de <i>La grande illusion</i>, de Renoir. Grande nouvelle dans un cabaret
rempli de soldats en uniforme et d’autres en robe : « On a repris
Douaumont ! » Patriotisme, <i>Marseillaise
</i>et dentelles.</div>
Raphaël Juldéhttp://www.blogger.com/profile/06165649185749252999noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-411107272561605711.post-26245190468497688872017-01-28T09:00:00.000+01:002017-01-28T09:00:24.889+01:00Carnets de lecture... entre autres. 4<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjiRXfRiG3w7ivc1cOKzmqDcQ7VHYlGexSv2Vbxg296MOudsojixqLgR4G2sgTVC6DT1w8bJZD4MEEXxzZjFLqhV9JNvtW3XhVABzK5PznHE2MRvWOoIYajFB5APbF9V3IhYDiHtdC2_NE/s1600/IMG_20160923_0001_NEW.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjiRXfRiG3w7ivc1cOKzmqDcQ7VHYlGexSv2Vbxg296MOudsojixqLgR4G2sgTVC6DT1w8bJZD4MEEXxzZjFLqhV9JNvtW3XhVABzK5PznHE2MRvWOoIYajFB5APbF9V3IhYDiHtdC2_NE/s320/IMG_20160923_0001_NEW.jpg" width="236" /></a></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: center;">
<i><br /></i></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i><br /></i></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i>Vendredi 22 juillet 2016.<o:p></o:p></i></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
En
revoyant <i>Le Silence des agneaux</i>, le
« type » même du <i>serial killer
movie</i>, je ne peux m’empêcher de penser à quel point, si l’on s’intéresse un
peu aux véritables tueurs en série, la fiction est toujours en deçà de la
réalité. Qu’Hannibal Lecter soit un monstre, c’est indéniable, sa muselière est
là pour le rappeler, avant même son évasion spectaculaire et sanglante. Malgré
tout, même s’il s’agit d’un méchant manipulateur qui flanque le frisson, on ne
peut s’empêcher de le trouver fascinant, et de l’apprécier, même, d’une
certaine façon. À vrai dire, ce n’est jamais lui le « méchant ». On
comprend tout de suite qu’il ne fera jamais de mal à Clarice Starling, et on en
viendrait presque à le trouver chevaleresque quand il règle son compte au
détenu qui a jeté son sperme au visage de la jeune femme… </div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Le cinéma
hollywoodien et les séries ont imposé le <i>serial
killer</i> « justicier », celui qui fait le boulot de la police en
débarrassant le monde de ses pires ordures. Dans <i>Hannibal</i>, le Dr Lecter montre qui il est vraiment, et ce n’est pas
glorieux : aussi atroce que soit le traitement qu’il réserve à ses
victimes, au fond, on l’admire, on le trouve trop cool, et on se dit qu’elles
l’ont bien mérité. Les vrais « gentils », il ne leur fait pas le
moindre mal : il finit même par couper sa propre main quand Clarice
s’attache à lui avec ses menottes, plutôt que de l’amputer, elle… Si ça, c’est
pas sympa ! Son personnage annonce au fond le héros de la série <i>Dexter</i>, qui proposait le challenge de
rendre un <i>serial killer</i> attachant.
Mais ce n’était pas un challenge bien difficile à réaliser, puisque Dexter
Morgan ne supprime que des salauds… Hélas, dans la réalité, ce n’est pas ça, un
<i>serial killer</i>. Dans la réalité, un <i>serial killer</i> ressemble bien plus au
Buffalo Bill du <i>Silence des agneaux</i>,
dont le personnage s’inspire de deux meurtriers célèbres, Gary Heidnick et Ed
Gein (ce dernier ayant aussi inspiré le Norman Bates de<i> Psychose</i> et le Leatherface de <i>Massacre
à la tronçonneuse</i>), qui n’étaient pas franchement de rigolos redresseurs de
torts…</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Le
film qui, à mes yeux, offre l’image la plus réaliste de ce que peut être le
quotidien d’un véritable tueur en série est <i>Henry :
portrait of a serial killer</i>. Un film dans lequel les assassins (très
librement inspirés d’Henry Lee Lucas et Ottis Toole) ne peuvent à aucun moment
éveiller de fascination chez le spectateur – mais un véritable sentiment
d’horreur. Leurs crimes sont brutaux, sans grandeur, sans fioritures
esthétiques (ils ne s’amusent pas à pendre leurs victimes à dix mètres de
hauteur en les emballant dans un drapeau américain pour qu’on siffle
d’admiration devant la scène de crime), ils passent d’un délire à l’autre en se
soûlant à mort, revoient les vidéos de leurs crimes avachis dans le canapé,
semi-débiles, définitivement désocialisés… Bien sûr, il s’agit de tueurs
psychotiques, désorganisés, et on peut leur opposer le tueur psychopathe à la
Hannibal Lecter (ou, dans la réalité, des types comme Ed Kemper, Albert DeSalvo
ou Ted Bundy), qui prémédite son action, repère les lieux, s’efforce de cacher
le corps – bref : agit en prévoyant le travail des enquêteurs de police et
en s’efforçant de masquer ses traces. Seulement les réalisateurs de cinéma et
de séries ont un peu trop tendance à confondre « tueur organisé » et
« décorateur d’intérieur ». En ce qui me concerne, je suis fatigué de
ces films et de ces séries qui montrent des scènes de crime extrêmement
élaborées, où le tueur a disposé le corps de ses victimes de façon à ce qu’ils
composent des lettres, ou des chiffres, ou encore ces tueurs qui, en guise de
« signature », laissent sur place un as de pique – « Okay les
gars ! C’est le Tueur à l’As de
Pique, y’a pas de doute ! » – ou un message codé qui ressemble à une
grille de sudoku spécial vacances. Certes, il existe quelques cas de tueurs en
série un peu joueurs, comme le tueur du Zodiac ou Dennis Rader (le <i>BTK Killer</i>), qui prenaient plaisir à
envoyer des bafouilles aux policiers, mais la découverte d’un cadavre est
généralement moins <i>fun</i> que ça…</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i>Mardi 26 juillet 2016.<o:p></o:p></i></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Je
me suis passionné assez jeune pour les récits de <i>true crimes</i>. La preuve : j’ai conservé les numéros de la revue
<i>Dossiers Meurtre</i> que j’achetais
régulièrement, or c’est une revue qui date de 1991. J’avais donc quatorze ans
lorsque je lisais les récits des crimes, entre autres, de Thierry Paulin, de
Landru, de Ted Bundy, de John Reginald Christie, de Marcel Barbeault ou de Peter
Sutcliffe, l’éventreur du Yorkshire, récits accompagnés d’une iconographie
plutôt explicite. J’ai toujours aimé ça, mais je n’éprouve pas de fascination
pour les tueurs en série. Je ne les trouve pas <i>badass</i>. C’est pour cette raison que, même si je trouve qu’Hannibal
Lecter est un bon méchant de cinéma, je considère son personnage de <i>serial killer</i> peu crédible – disons,
trop hollywoodien, trop grand-méchant-loup pour être honnête.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Au
fond, ce qui me fascine, c’est la psychologie du criminel – raison pour
laquelle j’ai par la suite dévoré les ouvrages de John Douglas, l’ancien
profiler du FBI qui a servi de modèle au Jack Crawford du <i>Silence des agneaux</i>… La psychologie du criminel et, surtout, ce qui
le sépare du citoyen lambda, celui qui n’éprouve pas le besoin d’égorger et de
dépecer sa voisine pour ensuite violer son cadavre (vous et moi, en quelque
sorte)…</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Je
me rends compte en écrivant comme cet intérêt pour les tueurs en série, au
fond, se justifie mal. Malgré tout, il dérive de cette passion infantile pour
l’hémoglobine que l’on trouve chez les ados fans de gore et de <i>slasher movies</i>… Alors, continuer à se
passionner pour des types comme Albert Fish, Joseph Vacher, Jeffrey Dahmer ou
Jack l’Éventreur, à quarante balais, ça paraît forcément régressif et un peu
louche. Admettons : je suis régressif, voilà. Et un peu myope.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj9VDqtgj0_23Pe9VN3Hus2rjx30P9FRoDLHtGFfSdQGMi09k2IxTHu7CaWtcOr7I9YpWiCamDm9dUa7_EXoKCGwVn_djYoDBM2WO36QpNISn8CWGWhELxcvemuytmv7XONsBt_KQ13ZN0/s1600/blackdahlia.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj9VDqtgj0_23Pe9VN3Hus2rjx30P9FRoDLHtGFfSdQGMi09k2IxTHu7CaWtcOr7I9YpWiCamDm9dUa7_EXoKCGwVn_djYoDBM2WO36QpNISn8CWGWhELxcvemuytmv7XONsBt_KQ13ZN0/s320/blackdahlia.jpg" width="255" /></a></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: center;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i>Mercredi 3 août 2016.<o:p></o:p></i></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Lecture
du livre de Stéphane Bourgoin, <i>Qui a tué
le Dahlia noir ?</i> Un livre qui s’ajoute aux milliers de pages que j’ai
déjà lues sur le cas de cette pauvre Betty Short. À force de lire, il ne manque
pas de sujets dans lesquels j’excellerais : les récits de guerre, les <i>true crime novels</i>, les journaux intimes
d’écrivains… J’aurais pu, avec un peu de jugeotte et d’imagination, un peu de
courage aussi, poursuivre mes études et enseigner à l’université, me faire
chroniqueur judiciaire ou trouver d’autres manières d’exploiter mes connaissances.
Au lieu de quoi, je suis toujours incapable de trouver un emploi qui me
corresponde et m’intéresse un tant soit peu… Il faudrait que je puisse raturer
et mettre à la poubelle, disons, les quinze dernières années de ma vie, pour
les recommencer en faisant les bons choix. Mais il paraît qu’on n’a pas encore
inventé la machine qui permettrait ce genre de trucs.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
En
règle générale, on retient les noms des tueurs en série, mais jamais ceux de
leurs victimes. Avec Elizabeth Short, le Dahlia noir, c’est exactement
l’inverse : on ne se souvient que du nom de la victime, à laquelle on a
même donné ce surnom inspiré de la fleur qu’elle attachait à ses cheveux. Il
faut dire qu’on n’a jamais su avec certitude qui avait commis ce crime atroce…
Bourgoin, à la suite de bien d’autres, se lance dans l’enquête, et désigne un
coupable potentiel qui est particulièrement crédible. Un suspect que l’on
trouvait déjà chez John Gilmore, mais auquel Bourgoin attribue, en plus des
meurtres de Betty Short et de Georgette Bauerdorff, ceux commis par le
« Boucher de Cleveland ». Les similitudes entre ces crimes et
l’emploi du temps supposé du Boucher vont dans le sens de son hypothèse,
nettement plus crédible que les délires d’un Steve Hodel, persuadé que son
papounet a commis la moitié des crimes non résolus de l’histoire des États-Unis,
ou d’un Donald Wolfe qui accusait la mafia. Évidemment, le coupable présumé
étant mort, cette affaire restera à jamais un <i>cold case</i>.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Drôle
de destin, tout de même, que celui de cette jeune femme de vingt-trois ans,
sorte d’Emma Bovary débarquant à Los Angeles avec l’envie de faire du cinéma,
de connaître la gloire, et qui, de son vivant, n’apparaîtra jamais sur la
moindre bobine de film (contrairement à l’idée répandue). Il lui aura fallu cette
mort atroce pour entrer dans la légende américaine. Il aura fallu qu’elle devienne
ce cadavre coupé en deux, atrocement mutilé et défiguré, vidé de son sang et
déposé sur un terrain vague de Los Angeles le 15 janvier 1947, pour atteindre
enfin la gloire qu’elle espérait et éveiller tous les fantasmes les plus
morbides qu’on puisse imaginer. Elizabeth Short est la Marylin Monroe des
nécrophiles… Un statut qu’elle partage avec Sharon Tate, autre star trucidée,
qui n’aurait sans doute pas connu une telle gloire sans cette fin tragique. À
tel point qu’il est difficile de décider si elle a rendu célèbre Charles
Manson, ou si c’est Manson qui l’a rendue célèbre…</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i>Samedi 24 septembre 2016.<o:p></o:p></i></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Alors,
c’est ça qui va se passer, maintenant, quand je lirai un livre de guerre ?
J’ai tellement regardé les séances de <i><a href="https://www.centrepompidou.fr/cpv/resource/ccxzkK/rx5xXg6" target="_blank">L’Encyclopédiedes guerres</a></i> de Jean-Yves Jouannais, qu’il m’arrive de relever des passages
non pas tellement parce qu’ils me plaisent ou m’intriguent, mais parce qu’ils
m’évoquent l’une ou l’autre des entrées de son interminable dictionnaire. Je
m’y arrête en pensant : « Tiens, ça c’est pour
Jouannais ! » Un passage comme celui-ci, par exemple, dans le livre
de Stephen Ambrose, <i>Band of Brothers</i>,
qui a inspiré la série homonyme de Spielberg et Tom Hanks : </div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<i>« La région de Mourmelon qui se trouve
dans la plaine entre la Marne, au sud, et l’Aisne, au nord, sur la route
empruntée traditionnellement par les envahisseurs pour atteindre Paris (ou le
Rhin, selon la nationalité de ceux qui mènent l’offensive), a été le théâtre de
nombreuses batailles au cours des siècles et récemment encore entre 1914 et
1918. Les trous d’obus et les tranchées de la Grande Guerre étaient encore
visibles un peu partout. En 1918, les</i> Sammies <i>s’étaient battus non loin de là, à Château-Thierry et au bois
Belleau. »<o:p></o:p></i></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Aussitôt, je
me dis qu’il s’agit de la description d’un lieu <i>belligène</i>, qui porte en lui-même la guerre – un adjectif
qu’affectionne Jean-Yves Jouannais. Et quelques pages plus loin, un autre
passage m’évoque son entrée <i>climatologie</i>,<i> </i>qui développe l’idée que la guerre est
liée au rythme des saisons : <i>« Il
semblerait qu’aucun des hommes n’était vraiment impatient de se rendre à Paris
car tous avaient l’impression qu’ils allaient rester à Mourmelon jusqu’au
printemps, époque où le climat serait de nouveau favorable à une
campagne. »</i></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
À vrai dire,
ces deux passages, je ne les aurais pas notés si, en les lisant, je n’avais pas
aussitôt songé à <i>L’Encyclopédie des
guerres</i> et si ça ne m’avait pas amené à me poser des questions sur d’autres
passages que j’ai pu relever auparavant. Il y a par exemple celui-ci : </div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<i>« Début décembre 1943, de nouveau sur
le terrain, la compagnie E s’est enterrée au sommet d’une haute colline dénudée
et balayée par le vent. Les chefs de section ont demandé à leurs hommes de
creuser des trous individuels particulièrement profonds, ce qui était difficile
vu la nature rocheuse du terrain. Peu après, un groupe de chars d’assaut
Sherman est passé à l’attaque. Webster a écrit par la suite dans son
journal : “Ils ont gravi la colline en rugissant comme des monstres
préhistoriques. Ils se sont arrêtés, puis se sont détournés pour passer par
notre travers. Un pourtant a chargé dans notre direction. Mon trou n’était pas
assez profond pour qu’il puisse passer sur moi sans me faire de mal, aussi je
me suis mis à hurler désespérément : ‘Enjambe-moi ! Enjambe-moi !’
Ce qu’il a fait.” »<o:p></o:p></i></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Ce qui m’a
séduit dans ce passage, c’est la comparaison entre les chars Sherman et des
créatures préhistoriques. Ça m’a aussitôt rappelé un passage des <i>Nus et les morts</i> que j’aime beaucoup, dans
lequel des soldats harassés portant un canon sont comparés à un insecte. Et je
me suis souvenu que ce passage, avant de le lire chez Norman Mailer, je l’avais
découvert cité par Jouannais, justement – une citation qui m’avait marqué. Et
lorsque j’avais lu <i>Les Nus et les morts</i>,
j’avais eu plaisir à retrouver cette description étonnamment visuelle. Cette
manière d’embrasser les hommes et le canon qu’ils transportent dans une même
comparaison animale me touche particulièrement, et c’est un peu le même
sentiment que je retrouve avec cette description des chars. Mais en notant cet
extrait, je ne peux m’empêcher de me demander si c’est parce qu’il me plaît
vraiment, ou si c’est parce qu’ils s’agit d’une analogie qui pourrait trouver
sa place dans <i>L’Encyclopédie des guerres</i> ?
La réponse à cette question étant « on s’en fout », évidemment. Des
passages me plaisent, je les relève, et il n’y a pas de quoi en faire une
thèse. Mais bon, au cas où, la question est posée.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i>Lundi 26 septembre 2016.<o:p></o:p></i></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Voilà
un extrait qui aurait tout à fait sa place dans une hypothétique entrée <i>Cravate</i> de <i>L’Encyclopédie des guerres </i>:</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i>« Un obus éclata devant la porte de la
grange, et Hale, frappé par un éclat, tomba à la renverse. Un des SS tira un
couteau de sa botte, se jeta sur lui et l’égorgea. Le sang giclait. Liebgott
abattit l’égorgeur puis les cinq autres officiers SS. Heureusement pour Hale,
son agresseur n’avait pas réussi à sectionner une artère, ni la trachée,
seulement l’œsophage. Roe, l’infirmier, pansa la blessure après l’avoir
saupoudrée de sulfamides. Une jeep a évacué Hale sur Luxembourg où un médecin
l’a recousu de son mieux. Hale se retrouvant avec un œsophage tordu, le médecin qui l’avait opéré
a rédigé un certificat médical dispensant le malheureux sergent du port de la
cravate. Par la suite, Hale s’est trouvé un jour en présence du général Patton
qui l’engueula parce qu’il ne portait pas de cravate. D’un air triomphant, Hale
sortit son certificat et, pour une fois, Patton resta sans voix. »<o:p></o:p></i></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i><br /></i></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
</div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgA3Dfpnau42btLkX9IV1S9DoeVQhlzokl8Ujg09c3h24RAGDu2MrW6T8QZTXF4xSSdLW8YbXc_HXZcXqksBQBIWhzjwbjSILFDWlb8xG26ByyfgL_fXZ8ZVfVnvlXoBaSCxOECdnnZc-c/s1600/jyjouannais.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="212" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgA3Dfpnau42btLkX9IV1S9DoeVQhlzokl8Ujg09c3h24RAGDu2MrW6T8QZTXF4xSSdLW8YbXc_HXZcXqksBQBIWhzjwbjSILFDWlb8xG26ByyfgL_fXZ8ZVfVnvlXoBaSCxOECdnnZc-c/s320/jyjouannais.jpg" width="320" /></a></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: center;">
<i><br /></i></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i>Vendredi 7 octobre 2016.<o:p></o:p></i></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Dans
les <i>Carnets de guerre de Louis Barthas,
tonnelier</i>, il y a une chose que je remarque : c’est le besoin que
semblait éprouver le soldat à se retrouver avec des camarades venus de la même
région que lui. Une tendance qui confine même à un certain chauvinisme.
Généralement, s’il précise qu’un soldat ou un officier est peyriacois comme
lui, on peut être sûr que leurs relations seront bonnes, qu’il ne s’en plaindra
jamais dans ses notes. Il n’a pas de mots assez durs pour ses supérieurs quand
ceux-ci se montrent injustes, cruels, ou prêts à envoyer le régiment se faire
tuer pour rien (ce qui était, il faut le dire, le lot de pas mal d’officiers à
l’époque), mais s’il s’agit d’un « pays », ou au moins d’un gars du
Midi, tout va bien. Pour un jeune homme qui quitte pour la première fois son
patelin pour s’en aller au front, je peux le comprends, mais Louis Barthas a
quarante ans quand il part à la guerre. Je suppose qu’à l’époque, l’origine de
chacun avait plus d’importance qu’aujourd’hui, et du reste, il est tout à fait
logique qu’à se retrouver loin de chez soi, dans une collectivité forcée avec
des étrangers et dans des circonstances aussi dramatiques, on s’accroche à ce
qu’on peut. C’est d’ailleurs à la même époque que les Britanniques, afin
d’encourager la conscription, avaient mis en place les <i>pals battalions</i>, les « bataillons de copains », qui
permettaient aux conscrits d’une même ville, d’un même quartier, du même
orchestre ou du même club de football, de se réunir au sein d’un même régiment.
Alors, effectivement, qu’un Breton soit ravi de trouver un autre Breton, ou un
Marseillais un autre Marseillais, rien de plus normal. N’ayant jamais remarqué
une telle insistance sur ce sujet dans d’autres témoignages de Poilus, je n’y
avais pas vraiment songé. Mais à présent, je me dis que mon arrière-grand-père,
<a href="http://raphaeljulde.blogspot.fr/2013/11/mauvais-dimanche.html" target="_blank">Jean-Baptiste Chabrun</a>, incorporé au 44<sup>e</sup> RAC avec Paul Lintier, autre
Mayennais, a fatalement dû se lier d’amitié avec celui-ci, bien qu’ils n’aient
pas été affectés à la même batterie, et qu’ils n’étaient pas du même milieu
social… (Une chose est sûre : Lintier, sans doute moins chauvin que Louis
Barthas, ne parle pas de mon aïeul dans les deux volumes qu’il a eu le temps
d’écrire avant d’être tué.)</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i>Dimanche 20 novembre 2016.<o:p></o:p></i></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Il
m’arrive parfois d’avoir une idée de roman qui m’enthousiasme vraiment, alors
que je me sens incapable de l’écrire moi-même. Je me dis : « S’il
existait un roman qui raconte cette histoire, il faudrait que je coure
l’acheter ! » au lieu de me dire : « Si ce roman n’existe
pas, c’est à moi de l’écrire ! »</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Regardant
sur YouTube des documentaires sur les civilisations disparues, notamment celle
des Mayas, me voilà à imaginer que l’humanité, à son tour, a disparu, et que
plusieurs milliers d’années après, une nouvelle espèce intelligente a évolué
sur Terre et s’intéresse aux ruines laissées par ses prédécesseurs. Que
comprendrait-elle de notre civilisation ?</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Je
ne suis pas sûr que cette idée soit d’une grande originalité, d’ailleurs. En y
repensant, je me souviens que Richard Matheson avait écrit une nouvelle dans ce
style : on y suivait une institutrice accompagnant ses élèves dans un
musée d’histoire naturelle et, après les reptiles, les fauves et autres espèces
disparues, on découvrait une salle consacrée à l’<i>homo sapiens </i>– et le lecteur comprenait alors que les personnages
qu’il suivait depuis le début étaient des extraterrestres. Une nouvelle dans
l’esprit <i>Quatrième dimension</i>.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Mon
histoire est différente. Il s’agirait, d’abord, d’imaginer à quoi pourrait bien
ressembler cette espèce qui, après les catastrophes climatiques qui nous
pendent au nez (et c’est bien fait pour nous), sortirait à nouveau des océans
et, s’adaptant à ce nouvel écosystème, bâtirait une civilisation sur les ruines
de la nôtre. Et ces créatures qu’il faudrait inventer, dont il faudrait tout
connaître (constitution physique, taille, sexualité (seraient-ils encore
mammifères, ce truc de ringards ?), culture, système politique, croyances,
procédés de communication (auraient-ils encore besoin de vocaliser, ce truc de <i>losers</i> ?), etc.), ces créatures,
donc, redécouvrant ce qui resterait de nos autoroutes, de nos buildings, de nos
machines, de nos inscriptions rédigées dans un alphabet – pire encore, <i>des</i> alphabets – qu’elles ne sauront pas
déchiffrer, n’auront qu’une vague idée de ce que pouvaient être nos vies. Exactement
comme, bien qu’on ait fait d’énormes découvertes sur les civilisations maya,
khmère ou anasazie, ou sur l’homme de Néanderthal, nous n’avons certainement
qu’une idée très parcellaire de ce que fut réellement le quotidien de ces
hommes et de ces femmes. On peut très bien imaginer, par exemple, que déterrant
quelques-unes de nos immenses affiches publicitaires de bords d’autoroute et
voyant s’étaler sur une surface immense la reproduction d’une de ces machines
dont ils auraient retrouvé les débris en très grand nombre (automobiles,
cafetières, étagère Ikea…), ces créatures post-humaines s’imaginent que nous
vénérions ces objets, qu’il s’agissait d’une forme de culte animiste, et que
nous voyions un Dieu dans nos véhicules, dans nos fours à micro-ondes ou dans
nos serviettes hygiéniques (oui,même là)…</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Cette
idée de l’humanité comme civilisation disparue, sujette à des travaux
d’archéologie, et laissant des écritures indéchiffrables pour les civilisations
futures, me fait d’ailleurs penser à ce <a href="https://youtu.be/ZUQ-Mhb4OVo" target="_blank">tunnel immense</a> creusé en Finlande pour
y recueillir les déchets nucléaires du pays, et censé devoir rester scellé pour
les cent mille prochaines années. Un projet fascinant surtout pour les
interrogations qu’il suscite : comment faire comprendre aux générations futures
que cet endroit doit rester hermétiquement clos ? Dans quelle langue, ou
avec quels symboles, s’exprimer pour être sûr d’être encore compris dans cent
mille ans ? Et pour avoir la certitude que ces mises en garde soient
prises au sérieux, et qu’elles n’aient pas l’effet opposé : celui
d’aiguiser la curiosité des chercheurs du futur ?... Les Égyptiens et les
Mayas avaient protégé les sépultures de leurs rois de malédictions à l’encontre
des profanateurs, mais ça n’a jamais empêché les archéologues d’ouvrir ces
tombeaux…</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Enfin,
je vois très bien quel serait le potentiel de cette histoire (et peut-être
qu’une idée assez proche a déjà été traitée : mes connaissances dans le
domaine de la science-fiction sont plutôt limitées), et je m’enflamme bêtement
à y penser – tout en me sentant, donc, incapable de l’écrire. Ah ! Quel
homme de talent je pourrais être, si je n’étais pas moi…</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i>Samedi 24 décembre 2016.<o:p></o:p></i></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Tout
le monde fête en famille l’arrivée du petit Jésus (alors qu’il nous fait le
coup tous les ans), et les cinémas sont déserts. C’est le moment idéal pour
voir <i>Premier contact (Arrival)</i>, le film de
Denis Villeneuve. Excellent film de science-fiction, qui renouvelle le sujet
classique de l’arrivée des extraterrestres sur notre planète. Comme pour <i>Rencontres du troisième type</i> ou le <i>Contact</i> de Zemeckis, il s’agit de
comprendre les intentions de ces créatures étrangères, qui ne semblent pas
vouloir quitter leurs étranges vaisseaux ovoïdes. Une linguiste et un physicien
sont appelés en renfort pour entrer en communication avec eux. C’est l’un des
propos majeurs du film : comment établir un contact avec des
extraterrestres qui ne parlent pas notre langue (dans beaucoup de films de SF,
on ne s’embarrasse pas de ce genre de détails : les <i>aliens</i> sont plus avancés que nous, donc ils font l’effort de parler
anglais, ou ils s’amusent avec les nombres premiers pour faire les malins) ?
Tandis que la linguiste et le physicien essaient de traduire les glyphes
circulaires que les extraterrestres projettent et qui leur servent de moyen
d’expression, les grandes puissances s’arment, redoutant une colonisation
mondiale. Et plus les spécialistes avancent dans leur compréhension du langage
des <i>aliens</i>, plus ils comprennent que
celui-ci est lié au temps, que leur temporalité et la nôtre sont différentes. Et
cet apprentissage d’un langage nouveau, qui ne ressemble à rien de connu,
bouleverse profondément la linguiste. J’espérais un bon film, et je ne suis pas
déçu : il s’inscrit dans la lignée de <i>2001</i>
ou d’<i>Interstellar</i>, et sans rougir de
la comparaison.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<o:p> </o:p> </div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: center;">
<br /></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgzEaqEZ0xu9BD5lanMEDTmb88nBM3c_LYRNxr2edqFsRLXG3rc007F-VkxorNAUXwS7wL7PCvcdMxO96lwnq4vMvIY68b18eQiMXWAc0CvlN17GmkUWoWVIPkI32JqMTH-dovhEZz-xa8/s1600/arrival.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgzEaqEZ0xu9BD5lanMEDTmb88nBM3c_LYRNxr2edqFsRLXG3rc007F-VkxorNAUXwS7wL7PCvcdMxO96lwnq4vMvIY68b18eQiMXWAc0CvlN17GmkUWoWVIPkI32JqMTH-dovhEZz-xa8/s320/arrival.jpg" width="204" /></a></div>
<br />
<br />
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
Raphaël Juldéhttp://www.blogger.com/profile/06165649185749252999noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-411107272561605711.post-51200218970480012442017-01-16T09:00:00.000+01:002017-01-16T09:00:00.224+01:00La colonie<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
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<br /></div>
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<br /></div>
<div class="MsoNormal">
La
colonie se frayait un chemin parmi la terre. Dans la fraîcheur du soir, une
longue file silencieuse avançait entre les racines, sous l’humus. Azyx marchait
en tête. Il n’avait jamais vu autant d’individus disposés à le suivre, et c’était
avec fierté qu’il creusait le sol devant lui, s’enfonçant toujours plus
profondément parmi les végétaux en décomposition, les pierres et la mousse. </div>
<div class="MsoNormal">
L’odeur
de plus en plus forte, ces délicieuses émanations qui avaient attiré la colonie
jusqu’ici, avertirent Azyx que leur équipée touchait à son but. La surface dure et
plane d’un bois vermoulu, déjà entrouvert par endroit sous l’action de
l’humidité et de la pression de la terre, confirma que l’escouade était arrivée
au terme de son voyage. Il ne restait plus qu’à s’engouffrer entre les planches
disjointes et se partager le festin.</div>
<div class="MsoNormal">
C’était
le périple de leur vie. Les membres de la colonie étaient nés à fleur de terre,
il y a longtemps, au tout début du voyage. La marche avait été longue. Des œufs
avaient éclos en chemin, et d’autres larves avaient rejoint la troupe. Ce
n’était pas fini. D’autres arrivaient encore derrière, lent défilé ininterrompu
grouillant sous la terre brune.</div>
<div class="MsoNormal">
Les
premiers arrivants avaient déjà entamé la descente le long des parois de bois.
Celles-ci étaient recouvertes de centaines d’individus, les antennes dirigées
vers la chair en décomposition qui avait déjà nourri des légions de mouches
bleues et de diptères voraces, ayant laissé sur leur passage des quantités
d’œufs. Une nouvelle génération de nécrophages avait alors pris le relais,
s’enfonçant dans les cavités, rongeant les chairs, pompant les fluides du
cadavre en putréfaction. </div>
<div class="MsoNormal">
Azyx
et ses congénères appartenaient à une nouvelle escouade d’arthropodes, les
mandibules s’entrechoquant d’impatience à mesure qu’ils approchaient du buffet
qui les attendait, allongé sur un drap de satin auquel l’humidité, les racines
et la terre qui s’était déversée à travers les déchirures du bois avaient fait
perdre sa blancheur immaculée. À leur tour d’entrer en scène !</div>
<div class="MsoNormal">
Glissant
sur la soie fatiguée, il avait atteint un talon, qui se dressait comme une
montagne devant lui. Il en entreprit aussitôt l’ascension, les pattes
crochetées dans la chair molle, la tête en arrière alors qu’il négociait le
surplomb, puis retrouvant son équilibre sur la paroi verticale de la plante du
pied. La colonie se dispersait derrière lui, certains individus le suivant à la
trace, les autres partant explorer des contrées plus lointaines, aux environs
des creux poplités, de l’aine, des organes génitaux, ou plus loin encore, dans
les confins, vers la tête et ses cavités hospitalières.</div>
<div class="MsoNormal">
La
peau était crevée, déchirée, à certains endroits elle tombait par plaques,
comme la façade d’un très vieux bâtiment. Les microbes y avaient laissé leurs
germes, qui en s’ouvrant avaient libéré leurs gaz. Sulfure d’hydrogène, fréon
et dioxyde de carbone s’étaient répandus, saturant les alentours d’un
capiteux fumet de pourriture. L’insecte avait gravi une dernière bosse sous
le gros orteil, dont il atteignait maintenant le sommet. C’est alors qu’il
commença à se nourrir, plongeant ses mandibules dans la pulpe de la peau. Il
aimait particulièrement s’aventurer sous l’ongle, ce couvercle jaune, cassé,
qui renfermait de multiples trésors.</div>
<div class="MsoNormal">
Il
apercevait en contrebas, très loin au-dessous de lui, les troupes d’insectes toujours
plus nombreuses qui recouvraient presque entièrement les chevilles, les mollets
du cadavre. Il savait qu’à perte de vue, le défilé continuait, que tous les
plis, tous les orifices du corps couché là étaient pris d’assaut, colonisés par
ses frères. Le bruit était assourdissant. Tout autour de lui, on se
nourrissait, on s’accouplait, on pondait. C’était le voyage de sa vie. Azyx
allait mourir ici, il le savait, mais avant cela, il aurait mangé, il aurait
achevé sa mue, il aurait fécondé une femelle, il aurait vu éclore des œufs, ses
enfants, et il aurait gagné un creux propice pour y finir ses jours. Il aurait
vécu. </div>
<div class="MsoNormal">
Azyx
ne craignait pas son propre trépas. Il était bien placé pour savoir que la mort
n’est rien, rien d’autre qu’une étape de la vie. Comme le cadavre de cet humain
permettait à toute une faune exubérante de se nourrir, de croître et de
multiplier, jusqu’à ce qu’il n’en reste plus que de la poussière, son corps à
lui, également, accueillerait une nuée de microbes nécrophages. Et eux-mêmes,
sans doute, une fois morts, se verraient assiégés par d’autres organismes
vivants, encore plus petits. La longue chaîne de la vie ne s’arrête jamais. La
mort n’en est que le point de départ.</div>
<div class="MsoNormal">
<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
</div>
<div style="text-align: center;">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
</div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEizSYQ9ppUfBtY_zaBFhsYGWyEa-Qa29heiyXIu4-S0Dzc1XzIavGdVECi9ivEBgAym-A9McN0cdc3ejjOZRsMzIOql3YDoWAt2_WxkVaqIP77QnndPd6t_JXg6xmaoY_x_OzqtnALishA/s1600/rhizophagus+parallelocollis2.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="202" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEizSYQ9ppUfBtY_zaBFhsYGWyEa-Qa29heiyXIu4-S0Dzc1XzIavGdVECi9ivEBgAym-A9McN0cdc3ejjOZRsMzIOql3YDoWAt2_WxkVaqIP77QnndPd6t_JXg6xmaoY_x_OzqtnALishA/s320/rhizophagus+parallelocollis2.jpg" width="320" /></a></div>
<br /></div>
<o:p></o:p>Raphaël Juldéhttp://www.blogger.com/profile/06165649185749252999noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-411107272561605711.post-43480749724843098532016-10-09T09:00:00.000+02:002016-10-09T09:00:15.668+02:00Le zouave et l'homme-torpille<div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;">
<span style="font-size: 16.0pt;"> <table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhIgbWd4WCm6eISQjFJQxGmXsgfMww9KJs3ajBozZVb0RVOx_2ET_oJ_etKW6zVBngSDzEH61m-kp8GXrW8vgZU5UeeDLI0eLj1u-gp9tQd8fm8gywifPEbVH1Mh4W1myj0pv8gszqQUz0/s1600/otto+dix+-+homme+bless%25C3%25A9.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" height="214" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhIgbWd4WCm6eISQjFJQxGmXsgfMww9KJs3ajBozZVb0RVOx_2ET_oJ_etKW6zVBngSDzEH61m-kp8GXrW8vgZU5UeeDLI0eLj1u-gp9tQd8fm8gywifPEbVH1Mh4W1myj0pv8gszqQUz0/s320/otto+dix+-+homme+bless%25C3%25A9.jpg" width="320" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Otto Dix, <i>Soldat blessé, automne 1916</i> (1924).</td></tr>
</tbody></table>
</span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<br /></div>
<br />
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Il
en avait fait, du chemin, depuis le début de la guerre ! Alors que là-bas,
sur le front, en Champagne, aux Éparges, à la Main de Massiges, à Verdun, ses
camarades continuaient à partir à l’assaut, l’héroïsme fortement stimulé par la
menace du conseil de guerre pour les éventuels indécis, lui, Deschamps, avait
voyagé à l’arrière, d’hôpitaux en maisons de repos. Saint-Malo, le
Val-de-Grâce, Maison-Blanche, Saint-Denis, et maintenant le Centre neurologique
de Tours.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Les
voyages forment la jeunesse, il paraît… Deschamps, lui, qui a déjà l’impression
d’être un vieillard à trente-cinq ans, aimerait bien poser ses valises pour de
bon. Qu’on le déclare enfin inapte au massacre et qu’on le renvoie chez
lui !</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Leur
guerre, il en a soupé ! Oh, il sait bien qu’on ne lui accrochera jamais de
médaille pour sa bravoure au combat. Il n’a pas de belles cicatrices à exhiber devant
les dames, il n’a pas eu l’honneur de laisser une guibolle, un bras ou la
moitié de la gueule quelque part sur le <i>no
man’s land</i>, pour avancer jusqu’à une pauvre tranchée que les Boches
auraient reprise le lendemain !</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Non,
lui, Deschamps Baptiste, du 1<sup>er</sup> Zouaves, ses faits d’armes sont
nettement moins flamboyants. À l’automne 14, du côté de Reminghe, alors que les
marmites tombaient autour de lui, fauchant les copains, il a plongé sans
réfléchir dans un fossé profond de trois mètres, avec son barda de trente kilos
sur les épaules. Pour sûr qu’il a eu mal ! Il en est resté tout plié, au
fond de son trou, cassé en deux, pendant que la terre se soulevait en gerbe
au-dessus de lui, sous la pluie d’obus…</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Quand
on l’a finalement tiré de là, il ne pouvait plus se redresser. Il était évident
pour tout le monde que ses lombaires en avaient pris un coup : on l’a
envoyé se faire opérer pour une hernie à Saint-Malo.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
L’hernie
a été soignée, mais rien à faire : le zouave Deschamps est resté
obstinément courbé. C’est alors que la valse des hôpitaux a commencé. Personne n’a
songé que c’était au niveau du mental, que ça se passait. Ou si c’était le cas,
on sait bien ce que ça voudrait dire… Si la guerre rendait fou, ça se
saurait ! Un type qui ne peut plus tenir debout alors que les
radiographies ne montrent pas la moindre blessure ne peut être qu’un
simulateur : loin du front, soigné par les médecins, il s’est affaibli
moralement, il n’a pas envie de quitter sa chambre confortable pour retrouver
la tranchée…</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Les blessures
physiques s’exposent glorieusement, cela va sans dire : avec elles au
moins, pas de doute – même s’il y a bien quelques petits malins qui se coupent
un orteil dans l’espoir d’être évacués, on ne peut pas feindre d’avoir la peau
criblée d’éclats de schrapnels. Mais il y a tout un tas de soldats qui
débarquent du front dans les hôpitaux de l’arrière sans la moindre contusion,
mais alors avec de ces airs… Les yeux exorbités, les bras paralysés, les cannes
flageolantes, hurlant, bavant, se traînant par terre ou frappés par la danse de
Saint-Guy… Ces malades-là, évidemment, on ne leur déroule pas le tapis rouge.
La guerre est faite par des héros, on en sort vainqueur ou mort, chaque membre
laissé sur le glorieux champ de bataille a été abandonné là par un vaillant
soldat – pas le genre à se laisser intimider par le sifflement des obus, pas le
genre à finir mutique dans un asile d’aliénés…</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Pour
revenir fou du front, il faut avoir des dispositions à la folie ! Ces gars
qui se ramènent les yeux hagards, atteints de cécité nerveuse, le corps tordu
et secoué de tremblements, ne peuvent être que des alcooliques, des
syphilitiques, des faibles d’esprit… Ou plus simplement des lâches qui simulent
la folie pour passer le reste de la guerre parmi les embusqués, bien à l’abri
dans les hôpitaux militaires, pendant que les camarades vont se faire tuer à
leur place.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: center;">
<br /></div>
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgt3eNURv9ZQBRaIG39rFo10dv0NGKuzpsrE0wcybEXIeAH0mG9AVeuUr50dZoZnk1d0c_uwAnsWr48WGQj52WpgM26pJYtTM7rvlwJIJjl4ac0LMwTwebemF5aCGiDymD0ZM76jiLMizM/s1600/zouaves.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" height="205" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgt3eNURv9ZQBRaIG39rFo10dv0NGKuzpsrE0wcybEXIeAH0mG9AVeuUr50dZoZnk1d0c_uwAnsWr48WGQj52WpgM26pJYtTM7rvlwJIJjl4ac0LMwTwebemF5aCGiDymD0ZM76jiLMizM/s320/zouaves.jpg" width="320" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Régiment de zouaves, vers 1916.</td></tr>
</tbody></table>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Il
faut le reconnaître : en 1914, on ne sait pas grand-chose des maladies
nerveuses. La psychanalyse en est à ses balbutiements. Pourtant, devant
l’afflux de soldats revenant particulièrement « secoués » du champ de
bataille, il a bien fallu se rendre à l’évidence. Tous n’étaient pas des
couards ; il y avait même parmi eux des poilus dont les états de service
laissaient supposer une force indiscutable, aussi bien physique que
morale ! Ce genre de traumatismes étranges devaient donc être pris en
compte, et soignés au même titre que les blessures physiques. Le but étant,
bien sûr, de renvoyer sur le front un soldat guéri, un valeureux poilu en état
de marche, prêt à retourner d’un pas intrépide mourir pour la Patrie !</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Les
médecins vont alors commencer à s’intéresser à ces nouveaux patients étranges,
atteints de ce qu’on appelle l’obusite. Ce terme, qui correspond au <i>shell shock</i> britannique, rappelle
sensiblement ce que les médecins militaires de Napoléon appelaient le
« syndrome du vent du boulet ». Au fond, ce n’est pas tant la guerre
qui traumatise les hommes (il n’y a pas de raison), mais le souffle des obus,
les déflagrations, qui peuvent agir sur le système nerveux et causer ce genre
de commotions. Tout corps plongé sous les bombardements est susceptible d’en
ressortir un peu bousculé. On parle aussi de « syndrome des
éboulés », d’hypnose des batailles, de pithiatiques, de plicaturés, de
camptocormiques, d’émotionnés… Bref, on ne manque pas de mots pour nommer les
pathologies que présentent ces sujets qui arrivent dans les infirmeries de
campagne complètement repliés sur eux-mêmes, l’air halluciné, délirant, sourds,
aveugles ou poussant des hurlements de damnés…</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;">
*</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Ce
n’est pas le vocabulaire qui manque, c’est le traitement miracle ! On a
tout essayé, avec Baptiste Deschamps. Comme la radiographie ne montrait aucune
lésion susceptible d’expliquer son incapacité à se redresser, les médecins ont
flairé la simulation. Le pithiatisme, décrit par le neurologue Babinski, des
hôpitaux de Paris, est un trouble similaire à l’hystérie (cette maladie de
bonne femme) qui peut se guérir par la persuasion, et qui tient de la
« simulation inconsciente ». C’est encore une affaire de lâcheté,
mais on veut bien admettre que le patient n’a pas pleinement conscience d’être
un embusqué. Avec un peu de patience et de compréhension, on devrait pouvoir le
convaincre de retourner gentiment se couvrir de gloire sur le champ de
bataille.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Mais
Deschamps était coriace. Les bains, les massages, l’hypnose, la mécanothérapie,
la gymnastique, les traitements à l’électricité statique – rien n’y faisait. Après
avoir été traîné dans une dizaine d’hôpitaux différents, il allait se voir
proposer une réforme pour invalidité à 100 %, mais heureusement, au même
moment, le traitement miracle lui était enfin proposé, au Centre neurologique de
Tours, situé dans l’enceinte du lycée Descartes ! </div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Le
médecin-major à la tête de ce centre, le docteur Clovis Vincent, avait en effet
mis au point une méthode révolutionnaire, utilisant le courant galvanique, pour
soigner les éboulés, redresser les plicaturés, remettre sur le droit chemin – celui
du charnier – les grands émotifs. Cette méthode, qui consistait à appliquer sur
le patient deux tampons à travers lesquels passait un courant électrique, avait
été rebaptisée du joli nom de <i>torpillage</i>.
Et puisque méthode révolutionnaire il y avait, le brave docteur Vincent
pratiquait ce traitement lors de séances publiques.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
À
peine débarqué à Tours, le zouave Deschamps comprend ce qui l’attend. Depuis la
cour, il entend les patients hurler de douleur, tandis que le docteur les
traite à coups de décharges électrique, tout en les insultant :
« Salaud ! Ordure ! Tu vas avancer, dis ? Sale lâche !
Sale Boche ! » Les insultes font partie du traitement. Le docteur
Vincent ne croit pas aux méthodes douces : selon lui, pour guérir le
patient et le renvoyer sur le front, il faut un traitement brutal et humiliant.
Rien de plus convaincant que la douleur. Deschamps, lui, est convaincu d’une
chose : il est hors de question qu’il se laisse torpiller. Il y en a même
qui lui ont dit que le médecin-major avait tué quelques-uns de ses malades… </div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhNH8FiqTbQTPuOGgnsHnMNhU45SdFHBHCTQk9JBZ7GYHV2HTLpRCEVvAWozzWlw_pdoimH2suXDc9xWbiDD4_h1Lv4aV4wT3cGTXB_xWZAQ6LuEZO8XLvEhqB8aSRG-V5UR64YzVOl7h4/s1600/plicatur%25C3%25A9.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" height="120" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhNH8FiqTbQTPuOGgnsHnMNhU45SdFHBHCTQk9JBZ7GYHV2HTLpRCEVvAWozzWlw_pdoimH2suXDc9xWbiDD4_h1Lv4aV4wT3cGTXB_xWZAQ6LuEZO8XLvEhqB8aSRG-V5UR64YzVOl7h4/s320/plicatur%25C3%25A9.jpg" width="320" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Un plicaturé</td></tr>
</tbody></table>
<div class="MsoNormal" style="text-align: center;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Alors,
le 27 mai 1916, quand l’homme-torpille s’approche du zouave avec ses
instruments, ce dernier se recule, terrifié, et lance au médecin :
« Ne me touchez pas ! » Seulement Deschamps est un simple soldat,
Vincent un major. « Tu n’as pas d’ordres à me donner, ici c’est moi qui
commande ! », répond le médecin en préparant ses tampons. Ici, les
témoignages divergent. Selon le médecin, Deschamps s’est redressé d’un coup pour
le frapper. Selon Deschamps, le toubib l’aurait brutalisé, et c’est à ce
moment-là qu’il aurait riposté. Toujours est-il que les deux hommes se battent.
Vincent rend coup pour coup, essayant encore de torpiller le zouave, mais
bientôt, les instruments médicaux sont arrachés, inutilisables. Alors le
médecin cogne encore, et encore.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
« Je me
suis laissé frapper pour montrer aux infirmiers que Deschamps pouvait se
redresser et déployer une grande force, dira ensuite Clovis Vincent. Puis j’ai
pensé, cette démonstration faite, que ma dignité de médecin et d’officier était
en jeu. J’ai répondu par quelques coups de poing. »</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Qu’un médecin
boxe son patient ne semble pas particulièrement choquant – sans doute une autre
de ces méthodes miracles pour soigner les grands traumatisés de guerre – mais
Deschamps, en revanche, est traduit en conseil de guerre pour « voies de
fait envers un supérieur ».</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;">
*</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
C’est en août
que s’ouvre le procès, déjà considéré par certains comme une nouvelle affaire
Dreyfus. C’est que l’avocat du zouave, Paul Meunier, député socialiste de
l’Aube, entend bien se servir de ce conseil de guerre comme d’une tribune pour
défendre les droits des blessés. Tous les journaux relatent l’affaire en
détail, l’opinion est divisée entre les ardents défenseurs du médecin agressé
par son patient alors qu’il ne faisait que son devoir, et les partisans du
zouave qui, se sentant menacé par un traitement brutal, aurait agi en état de
légitime défense. Rares sont les journalistes qui ne prennent pas parti.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Parmi les
nombreux témoins à se succéder à la barre, certains sont des soldats soignés
par le docteur Vincent, et venus plaider en sa faveur, ainsi qu’en celle de sa
méthode. L’effet n’est pas probant. L’un d’eux, qui marche encore courbé,
reconnaît que le torpillage a eu quelques effets bénéfiques sur ses membres
paralysés, et ajoute : « J’ai d’abord reçu un petit courant
électrique et ça pouvait aller, mais ensuite le major m’a flanqué une telle
charge dans le corps qu’il y avait de quoi faire marcher un tramway. »
Après quoi il avoue qu’il préférerait encore passer en conseil de guerre plutôt
que d’avoir à subir ça une nouvelle fois. Un autre patient, traité pour une
sciatique, déclare : « Je n’aurais jamais cru qu’on pût souffrir
comme j’ai souffert. J’ai pleuré comme un enfant en suppliant qu’on m’envoie au
front. » Preuve de l’efficacité du traitement, puisque c’était précisément
son but !</div>
<table cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="float: left; margin-right: 1em; text-align: left;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjYUI9bYGEEgzHBhTAPf6-Wvs3WvjJNdCmUm5zULJqMaTFLeQnlXCrLBX64LCeRC7D_TWLgcrWh2w64OpRmComa2ttVLURzpfRs5SMaCRYMjNyiAUlvtdRKvqtugsb2sft0xw-1qjuqL4Q/s1600/clovis+vincent.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; margin-bottom: 1em; margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjYUI9bYGEEgzHBhTAPf6-Wvs3WvjJNdCmUm5zULJqMaTFLeQnlXCrLBX64LCeRC7D_TWLgcrWh2w64OpRmComa2ttVLURzpfRs5SMaCRYMjNyiAUlvtdRKvqtugsb2sft0xw-1qjuqL4Q/s320/clovis+vincent.jpg" width="231" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Le docteur Clovis Vincent</td></tr>
</tbody></table>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Clovis Vincent
lui-même reconnaît que, si sa méthode est presque infaillible (il s’octroie
modestement 98 % de réussite), son seul défaut est d’être « horriblement
douloureuse ». Mais il faut bien ça pour débusquer les éventuels
simulateurs, ou « persuader » les malades les plus timorés… Car
Vincent, bonne pâte, n’accuse pas le zouave Deschamps d’être un
simulateur : il le considère plutôt comme « un hystérique qui, comme
beaucoup, est persuadé qu’il ne peut pas être guéri ».</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Le docteur
Doyen, chirurgien, fait ensuite une longue déposition au cours de laquelle il
rappelle que le torpillage n’a rien de nouveau, mais qu’il s’agit en revanche
d’un traitement atrocement douloureux, « digne de l’Inquisition ».
Évoquant l’échange de coups qui a conduit le zouave au tribunal, il
affirme : « Le devoir strict du médecin, au moment où le malade lui
opposait une résistance énergique, était de se retirer : s’il s’était
retiré à ce moment, jamais Deschamps n’aurait frappé. En continuant à menacer
le patient, le docteur Vincent l’a affolé. Après avoir reçu lui-même quelques
coups, il a poursuivi Deschamps, il l’a criblé de coups et il est arrivé à le
tenir au-dessous de lui. C’est non seulement de sa part un manque de dignité
incroyable, mais c’est aussi un manquement grave aux devoirs les plus sacrés du
médecin envers l’humanité. » Pour finir, le témoin déclare que selon lui,
c’est le docteur Vincent qui devrait être sur le banc des accusés, et non son
patient.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Coup de
tonnerre dans le prétoire, le docteur Doyen est prié de retirer ce qu’il vient
de dire. Il le fait, non sans ajouter que d’après lui, si dans la confusion du
pugilat, Deschamps avait tué son médecin, il mériterait d’être acquitté,
puisqu’il était en état de légitime défense.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Paul Meunier,
le défenseur de Deschamps, pose donc dans sa plaidoirie la question du
droit des blessés. Si dans le civil, un malade peut sans discussion refuser
d’être soigné, est-ce qu’un malade militaire n’est pas tenu d’obéir aux ordre
du médecin-major, son supérieur ? La réponse de Meunier, basée sur
l’instruction du 5 avril 1915, est claire : « Les ordonnances
médicales ne sont pas des ordres, au sens légal et pénal de ce mot. Le refus de
traitement n’est pas un refus d’obéissance, tout le monde est d’accord
là-dessus, et personne, ni ici, ni ailleurs, n’a jamais tenté de donner au Code
militaire une interprétation contraire à la vérité que je viens d’énoncer. Dire
que le blessé est, vis-à-vis du médecin, dans la même situation légale que le
soldat valide et en service vis-à-vis de son supérieur, ce serait dépasser les
limites de l’audace et du mensonge. »</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Le verdict du
procès, le 3 août 1916, est à la hauteur de cette affaire surprenante :
Baptiste Deschamps est reconnu coupable, mais on lui accorde des circonstances
atténuantes et il est condamné à six mois de prison avec sursis. La méthode du
bon docteur Vincent, quant à elle, est sérieusement mise en doute. Nous ne
sommes plus en 1914, la guerre dure déjà depuis deux ans, jour pour jour, et la
voix du Poilu commence à se faire entendre. Ce n’est pas pour autant que les
« éboulés » et autres « commotionnés » vont obtenir enfin
un peu de considération : on n’en est pas encore là.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;">
*</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Afin de
réhabiliter sa méthode, le docteur Vincent tourne un film de propagande de
quinze minutes, intitulé <i>Les Progrès de
la science française au profit des victimes de la guerre</i>, dans lequel il
est montré littéralement en train de guérir des paraplégiques grâce à ses
électrodes. Le procès de Deschamps ne marque pas la fin du torpillage, loin de
là, puisqu’au même moment, à Besançon, le docteur Gustave Roussy, certes moins
brutal que Vincent, applique une méthode « psycho-électrique et
rééducative » similaire.</div>
<table cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="float: right; margin-left: 1em; text-align: right;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgUXwTEzv_XZlpgHI3WQqSePM_oDJpSP3adn1oA6BKduStyCaIkwWGdgHP9loO7LWdIrNbPCsvnQwJJ4x-JF-ZFRIrcGayUX0GSeYdqUpK3TE3ny1iaH44ZFOBJPEEJ3uMYACCrPre7sNs/s1600/obusite2.jpg" imageanchor="1" style="clear: right; margin-bottom: 1em; margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" height="180" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgUXwTEzv_XZlpgHI3WQqSePM_oDJpSP3adn1oA6BKduStyCaIkwWGdgHP9loO7LWdIrNbPCsvnQwJJ4x-JF-ZFRIrcGayUX0GSeYdqUpK3TE3ny1iaH44ZFOBJPEEJ3uMYACCrPre7sNs/s320/obusite2.jpg" width="320" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Un blessé psychique</td></tr>
</tbody></table>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Un courageux
journaliste du <i>Matin</i>, au moment du
procès Deschamps, a voulu tester la méthode de Vincent afin de montrer à ses
lecteurs, ainsi qu’aux patients du centre neurologique de Tours, qu’il n’y
avait vraiment pas de quoi avoir peur. Un sacrifice qui fait chaud au cœur,
enduré stoïquement, une « enquête scrupuleuse, menée (on peut le croire)
sans parti pris ». On peut tellement le croire qu’on se demande bien
pourquoi le brave gratte-papier éprouve le besoin de le dire, qu’on peut le
croire… Le résultat de l’expérience est éloquent : « Sensation
désagréable qui empire à la longue… Picotements, élancements, tiraillements,
brûlure… Quand crierai-je ? – car je me suis promis de ne pas me refuser
ce soulagement ! – Trois, quatre secondes passent. C’est assez dur, mais
j’ai supporté de pires douleurs : un violent mal de dents, par exemple, ou
certains accès rhumatismaux…</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Soudain, le
major enlève ses électrodes.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
− C’est tout,
docteur ?</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
− C’est
tout !</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
− Vous ne me
direz pas que vous m’avez torpillé !</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
− Mais
si !...</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
− Avec la même
intensité que vos malades ?</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
− La
même ! Voyez le cadran : 30 milliampères.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
− Non !
Vrai ?</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Je ne trouve
pas autre chose à dire. »</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span style="text-indent: 35.4pt;">C’est vrai,
que dire de plus ? Que la plupart des patients du gentil docteur
subissaient des charges plutôt situées entre 60 et 100 milliampères, et pas
simplement pendant trois ou quatre secondes, peut-être ?</span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Pinaillage que
tout cela ! Cette scrupuleuse enquête sans parti pris (on peut le croire)
a prouvé que le torpillage, finalement, on s’en faisait tout un monde, mais que
ce n’était rien du tout, et l’envoyé spécial du <i>Matin</i> peut allègrement encourager les valeureux poilus qui
attendent leur tour : « Vous le voyez, mes amis, ce n’est pas un
moment si cruel à passer ! Vous en avez vu bien d’autres ! Vous avez
supporté, sans vous plaindre, des douleurs plus aiguës et plus méritoires.
Croyez-m’en : il faut être ce que vous n’êtes pas, des poltrons, pour se
refuser à un tel traitement ! » Après quoi cet intrépide émissaire de
la vérité put retourner, torpillé et guéri, non pas risquer sa vie sur le champ
de bataille, mais bien à l’abri des bombes, dans la salle de rédaction de son
journal.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;">
*</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Après son
procès, Baptiste Deschamps traîna encore un moment au Centre neurologique de Rennes,
avant d’être enfin renvoyé dans ses foyers, sans solde. Des foyers endeuillés
par la mort de deux de ses filles, atteintes de diphtérie. Ce n’est qu’en 1926
qu’on lui accordera une pension d’invalidité à 100 % pour « impotence
presque absolue des membres inférieurs » et « séquelle de traumatisme
de la colonne lombo-sacrée à la suite d’une chute de trois mètres ». Il
meurt en 1953, dans son village du Poitou.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Quant au
docteur Clovis Vincent, l’homme-torpille, le médecin-boxeur, il insista pour
reprendre du service au front comme médecin-chef, d’abord au 44<sup>e</sup>
bataillon de chasseurs, puis au 98<sup>e</sup> régiment d’infanterie. Il
s’illustra sur le champ de bataille, à la cote 304 et au Mort-Homme. Après la
guerre, il deviendra le pionnier de la neurochirurgie en France et participera
pendant l’Occupation à la création du Comité médical de la Résistance. Il meurt
en 1947.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Après
l’armistice, les commémorations de nos valeureux poilus verront défiler les
grands blessés de la Der des ders, les amputés et leurs prothèses dernier cri,
les gazés et leurs poumons en miettes… Les gueules cassées attendront encore
quelques années, le temps qu’on s’habitue à l’idée que la guerre puisse avoir
cette tronche là. Mais les malades psychiques, avec leurs tremblements
hystériques, leur regard hébété, leur gestion étrange de l’équilibre, ne feront
jamais partie du cortège. Ils n’auront pas droit non plus aux glorieuses
sépultures dans les cimetières militaires, mais à des tombes modestes à
proximité de leurs asiles respectifs. Il faudra attendre la fin de la Guerre du
Golfe pour que soient enfin reconnus, en France, les troubles post-traumatiques
du combattant.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<br /></div>
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhg6hBPD3N5nLiszAF0JpwcNabVr7agzecjJmQQh7BTg_9HhiuH3JzC3zlH_99u-uJ17SoD7WRx7lUndu2NNA5QLXtb87qLns2Dm7YB2WGTVdT8ss5MnkcyTT89EK4d8LFoO-Z2nVK2wpA/s1600/obusite1.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" height="246" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhg6hBPD3N5nLiszAF0JpwcNabVr7agzecjJmQQh7BTg_9HhiuH3JzC3zlH_99u-uJ17SoD7WRx7lUndu2NNA5QLXtb87qLns2Dm7YB2WGTVdT8ss5MnkcyTT89EK4d8LFoO-Z2nVK2wpA/s320/obusite1.jpg" width="320" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">L'obusite</td></tr>
</tbody></table>
<div class="MsoNormal" style="text-align: center; text-indent: 35.4pt;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<u><span style="font-size: 10.0pt;">Sources<o:p></o:p></span></u></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i><span style="font-size: 10.0pt;">Les Soldats de la honte</span></i><span style="font-size: 10.0pt;">, J.-Y. Le Naour, Perrin, 2011.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i><span style="font-size: 10.0pt;">Le Droit des blessés. L’affaire du
zouave Deschamps devant le Conseil de guerre de Tours, </span></i><span style="font-size: 10.0pt;">P. Meunier, Librairie Paul Ollendorff, 1916.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-size: 10.0pt;"><a href="http://blogs.aphp.fr/wp-content/blogs.dir/113/files/2014/08/4_troubles-psy_Poirier.pdf" target="_blank">« Le torpillage des poilus par ClovisVincent, médecin des Hôpitaux de Paris »</a><i>, </i>Pr. J. Poirier. Fichier pdf.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i><span style="font-size: 10.0pt;">Les Journaux de guerre</span></i><span style="font-size: 10.0pt;">, n° 30, « Shell Shock », février 2015.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i><span style="font-size: 10.0pt;">L’Œuvre</span></i><span style="font-size: 10.0pt;">, 4 août 1916.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i><span style="font-size: 10.0pt;">Le Matin</span></i><span style="font-size: 10.0pt;">, 5 août 1916.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i><span style="font-size: 10.0pt;">Quand la Grande Guerre rend fou</span></i><span style="font-size: 10.0pt;">, documentaire de G. Laville et J.-Y. Le Naour, 2014.
Diffusé sur France 3 le 29 novembre 2015.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<br />
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
Raphaël Juldéhttp://www.blogger.com/profile/06165649185749252999noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-411107272561605711.post-21492651816717844892016-09-30T09:00:00.000+02:002016-09-30T09:00:15.948+02:00Bag of Bones [épisode 17]<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj-dKrKFf4AahM46X3ZaDjYyMRE4YfzghkFmoEpdtnjkL_ecux7Ob2JQwACg0PXsBz8Mgo51Y9GT4l9yop-tqh_NmfjdLx9MJwOOfR0-CI4cYxLb42thBuDO7arKk9_DLfQ5KQLTIGY1MQ/s1600/IMG_20160930_0001_NEW.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="317" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj-dKrKFf4AahM46X3ZaDjYyMRE4YfzghkFmoEpdtnjkL_ecux7Ob2JQwACg0PXsBz8Mgo51Y9GT4l9yop-tqh_NmfjdLx9MJwOOfR0-CI4cYxLb42thBuDO7arKk9_DLfQ5KQLTIGY1MQ/s320/IMG_20160930_0001_NEW.jpg" width="320" /></a></div>
<div style="text-align: center;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
C’est marrant comme on peut
s’éclater en répèt’ en se prenant pour des stars et se sentir piteux dès qu’un
mec qui s’y connaît un peu décortique votre musique. On s’était jamais vraiment
pris la tête pour les pains qu’on multipliait dans notre pauvre local (de vrais
p’tits Jésus !), et voilà que pour notre CD quatre titres, on a passé des
heures à retravailler chaque piste avec l’impression qu’on ressortirait pas
vivants du studio – ou alors très vieux.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Normalement,
c’est le moment où je vous fais un couplet sur le fait que l’expérience du
studio, ça te donne une putain de leçon d’humilité t’as vu, et que tu en
ressors en te disant que t’as appris plein de trucs et que genre ça t’a fait
grandir, un peu. Nous, comme on est des petits cons, on va pas vraiment dire
ça.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Nous,
l’impression qu’on a eue, c’est d’entrer en studio avec, mettons, l’idée d’un
truc qui serait rouge, et qu’on en est ressortis avec un truc bleu, et bien
contents quand même. Parce que l’ingé son a réussi à nous convaincre que
c’était un truc bleu qu’il nous fallait.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Alors
bon, nous, c’est sûr, on s’est ramenés avec nos idées, on voulait que ça sonne
comme du Motörhead, et le mec nous a tout de suite dit : « Déjà,
commencez par jouer comme Lemmy, après on en reparle. » Je pense qu’il a
fait ce qu’il a pu aussi, ce brave homme.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Leçon
d’humilité je sais pas, mais en tout cas, quand tu commences à t’enregistrer
avec un pro, c’est là que tu vois la distance qui sépare tes ambitions de la
réalité. Et donc finalement, ton truc rouge est devenu bleu, mais ça te
convient. Parce qu’à la fin, tout ce qui compte, c’est de ressortir de ce
studio, de revoir la lumière du jour et de pouvoir goûter à nouveau aux
lasagnes de maman. Perso, je manque de patience. Je vaudrais que dalle comme
otage.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Et
donc, pour bien faire la différence entre ce quatre titres et la pauvre démo
qu’on avait avant, on s’est creusés la tête pour chercher un titre et un visuel
un peu classe. Comme on n’est pas connus, Steven a pensé à <i>Not on TV</i>, ou <i>Never seen on
TV</i>, mais j’ai dit la télé, y’a plus que les vieux qui la regardent. Alors
finalement, Adrien a tranché : <i>Not
on YouTube</i>, le voilà, notre titre.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Pour
le visuel, on avait déjà notre petite idée. On est allés à la fête des
Angevines avec nos instruments. Moi, j’avais réduit ma batterie à une caisse
claire et une cymbale (autant dire un symbole). On a demandé la permission au
forain, entre deux tours de manèges, de se prendre en photos sur le carrousel.
C’est Florian qui tenait l’appareil, Noémie était au premier plan sur le
cheval, Adrien jouait de la guitare sur la moto, Steven se crispait sur sa
basse dans la jeep et je jouais des baguettes, les genoux coincés par la caisse
claire dans le camion de pompiers. Comme ça, même pas besoin d’écouter le
disque pour qu’on soit ridicules.</div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: right;">
<o:p> <b><i>Tranzistor</i>, n°59, septembre 2016.</b></o:p></div>
Raphaël Juldéhttp://www.blogger.com/profile/06165649185749252999noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-411107272561605711.post-1983884749173269672016-09-26T09:00:00.000+02:002016-09-26T09:00:04.460+02:00Bag of Bones [épisode 16]<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Florian,
comme manager, il est hyperactif. Je suis sûr que ses parents auraient aimé
qu’il mette même moitié moins d’application dans ses études… Comme son père est
fan de rock et qu’il suit notre groupe attentivement (même s’il est un peu déçu
que le fiston ait mis un terme à sa carrière de chanteur), il s’est mis en tête
qu’on devait ab-so-lu-ment enregistrer un ep. Enfin lui, il disait « un 45
tours », mais Florian lui a dit que ça s’appelait plus comme ça putain
papa, arrête, tu m’fous la honte là !</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Nous,
évidemment, sortir un ep, ça nous intéressait grave, tu penses ! Florian
avait quand même fait remarquer à son père qu’on avait déjà une démo pas trop
crade, mais le côté fait à la maison, ça le faisait doucement rigoler, le daron,
et il disait qu’on valait mieux que ça. Il était même prêt à nous aider
financièrement pour le studio d’enregistrement. Ah ben là d’accord, fallait le
dire tout de suite !</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
D’autant
plus que nous, à force de fricoter avec le milieu musical lavallois, on
commence à connaître du monde et des bonnes adresses. Entre deux bières au
6par4, il nous arrive de dire salut aux frères Sauvé ou même carrément à Jeff
Foulon ! On a donc trouvé un studio en Mayenne, à un prix abordable, et on
a choisi parmi nos titres ceux qui avaient le plus de succès parmi un panel
représentatif d’à peu près douze personnes. À nous la gloire et les
microsillons !</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Bon.
Une fois dans le studio, le gars nous a dit comment ça allait se passer.
D’abord, on allait enregistrer la batterie. Ça m’a mis un coup de pression
direct, mais en même temps je me suis dit qu’après ça, j’allais être quitte
pendant que les copains bosseront comme des dingues. Alors je me suis mis
derrière ma batterie et le gars m’a dit : « Je vais te mettre un clic. »</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Un
clip ? je me suis dit. Pourquoi il veut me mettre un clip ? Je suis
venu là pour m’enregistrer, pas pour regarder D8 ! Et puis non, y’avait
pas de clip, juste un tic-tac bizarre, alors il m’a dit
« Vas-y ! » et j’ai commencé à jouer à fond, comme en répèt’,
brada-bang brada-bang, roulements de caisse claire et martelage de fûts et là
il m’a fait un signe avec les mains comme au hand-ball : temps mort. J’ai
arrêté.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
« Par
contre, il faut que tu joues sur le clic ! »</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Et
là, j’ai fait un lien avec le tic-tac super chiant que j’entendais pendant que
je jouais. « Ah ! Mais il faut que je m’en occupe, de ce
truc-là ?</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
‒
Non non, il m’a dit. J’ai juste mis ça pour la déco. » (Le mec qu’a un
putain d’humour, sans déconner, MDR.)</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Alors je me
suis concentré sur le clic et j’ai recommencé, et là j’ai senti la sueur couler
sur mon front. Dès que j’entamais un roulement, je me retrouvais aux fraises,
obligé de recommencer. Ce truc m’a forcé à décomposer tous mes plans de
batterie, j’avais l’impression de faire des maths, pas de la musique !
L’impression de courir un marathon dans des chaussures trop petites ! Elle
allait être longue, cette session d’enregistrement…</div>
<br />
<div class="MsoNormal" style="text-align: right;">
<o:p> <b><i>Tranzistor</i> n° 58, janvier 2016.</b></o:p></div>
Raphaël Juldéhttp://www.blogger.com/profile/06165649185749252999noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-411107272561605711.post-6617251298450704342016-09-06T09:00:00.000+02:002016-09-06T09:00:23.742+02:00Une enfance aux noms propres<div class="MsoNormal" style="text-align: center;">
<br /></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh-CWjkz625WNAc4Dg4I62gOOy5mLXSx6dwOLsCv0jbrisR8AReaaIrdjzxrcPI0-XuwMrbG6gek1I9O4FAMqrcT_ePvpRfBB1ZlmlbacBr8A8X9RcYIdBXZ0PjM9-P1AjsslBC569v8nk/s1600/100_0302.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="240" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh-CWjkz625WNAc4Dg4I62gOOy5mLXSx6dwOLsCv0jbrisR8AReaaIrdjzxrcPI0-XuwMrbG6gek1I9O4FAMqrcT_ePvpRfBB1ZlmlbacBr8A8X9RcYIdBXZ0PjM9-P1AjsslBC569v8nk/s320/100_0302.JPG" width="320" /></a></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<br /></div>
<br />
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Rue du
Haut-Rocher, mais quand même pas le Mont Olympe, les sages-femmes m’ont
accouché, déjà pas très volontaire, attendant de voir, CHU rayon maternité. Rue
de l’Ermitage, ermite à quatre pattes, je découvrais le monde en commençant par
la moquette. Rue Guynemer, ensuite, l’aviateur, dressé sur mes pattes arrière,
j’ai levé le nez au ciel. À l’école maternelle de la rue Marcel-Cerdan, je
serrais les dents, mais nous étions dans le quartier d’Hilard, ah ah !
alors je n’ai pas pris l’enfance trop au sérieux. C’est à l’école
Saint-Exupéry, autre aviateur, que j’ai appris à lire, à écrire et à ne pas compter
sur grand-chose. C’était place Augustine-Fouillé, « auteur du <i>Tour du monde par deux enfants</i> » :
ces deux-là ont voyagé pour moi. L’école nous envoyait parfois prendre l’air à
Noirmoutier ou au Collet d’Allevard. Les vacances se passaient à La
Tranche-sur-Mer, Guérande, Saint-Malo, Pornic, La Trinité, La Baule ou Pralognan-la-Vanoise.
Quartier du Bourny, rue Raymond-Garnier, « mort en déportation »,
j’ai continué à grandir, mais rue des Déportés, je me déportais souvent pour
aller humer les livres à la librairie Siloë. C’est à la piscine du Viaduc que
j’ai appris à ne pas savoir nager, et place de la Commune que j’ai construit
mes barricades adolescentes. Les copains habitaient rue Pierre-Joseph Proudhon,
rue Salvador-Allende ou allée Louise-Michel, mais on se regardait vieillir au
collège Jacques-Monod, quartier des Fourches. Les promenades familiales se
faisaient au jardin de la Perrine ou au bois de L’Huisserie, l’horizon local
dépassait rarement la place du Onze-Novembre, la Porte Beucheresse ou le
Leclerc de Saint-Nicolas. Au lycée Ambroise-Paré, on commençait à se cogner aux
murs d’une ville-palindrome, Laval-Laval aller-retour, personne ne descend. Dans
les salles d’examen du bac, au lycée Douanier-Rousseau, on espérait tous secrètement
obtenir plus que la Mayenne. </div>
<br />
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
Raphaël Juldéhttp://www.blogger.com/profile/06165649185749252999noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-411107272561605711.post-27043542078935983312016-08-26T09:00:00.000+02:002016-10-09T06:04:45.119+02:00L'oeil de marbre<div class="MsoNormal" style="text-align: center;">
<br /></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhAttwStcK0xqbERlcJGBqp0giI7Yh2dAGqd4jTqwblQ5eIFBXLXXiJE9HGjQX8uklhII7IAThXsncAWws1KBCvlYfh1T8-lbj8MVUim9B6tD8PgsChRjvO_EVyPIFSn5lpkQG8zNa2jvo/s1600/jesse-pomeroy1.jpg" imageanchor="1"><img border="0" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhAttwStcK0xqbERlcJGBqp0giI7Yh2dAGqd4jTqwblQ5eIFBXLXXiJE9HGjQX8uklhII7IAThXsncAWws1KBCvlYfh1T8-lbj8MVUim9B6tD8PgsChRjvO_EVyPIFSn5lpkQG8zNa2jvo/s320/jesse-pomeroy1.jpg" width="229" /></a></div>
<br />
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<o:p> </o:p> </div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
L’air
est doux en ce mois d’avril 1874, et les deux frères marchent le long de la
plage de Savin Hill, dans la baie de Dorchester, au sud de Boston. L’endroit
est désert à cette heure, les mouettes poussent des cris loin au-dessus d’eux et
les promeneurs s’apprêtent à rebrousser chemin, leurs pas les ayant conduits à
l’extrémité de la plage, au bord d’un terrain marécageux.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
C’est
alors que l’un d’eux remarque une forme blanche, allongée dans la vase, à demi
cachée par la boue qui la recouvre. Un mauvais pressentiment : il
s’approche et ses craintes sont confirmées. Il a sous les yeux le cadavre à
demi nu d’un très jeune enfant. Son torse est une bouillie où le sang séché,
bruni, se mêle à la glaise verdâtre du marécage – et l’homme a d’abord cru que
l’enfant avait été décapité, tant la plaie sur sa gorge est profonde.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Les
enquêteurs dépêchés sur place sont justement à la recherche d’un enfant. Depuis
le 8 mars, John Curran, de Boston, est sans nouvelles de sa fille Katie, âgée
de dix ans. </div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Mais
ce n’est pas le corps de la petite Katie Curran que les hommes de la police de
Boston ont sous les yeux. Il s’agit d’un garçon de quatre ans, bientôt
identifié comme étant Horace Millen. L’autopsie du petit cadavre confirme
l’acharnement du meurtrier : le corps a été frappé de trente-et-un coups
de couteau, les organes sexuels en partie arrachés et la tête presque séparée
du tronc. L’agresseur a été jusqu’à crever l’œil droit du petit Horace.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Une
telle rage dirigée vers un enfant si jeune rappelle étrangement quelqu’un aux
enquêteurs. Ils y avaient déjà vaguement pensé au moment de la disparition de
la petite Katie, d’autant plus que le jeune suspect habite tout près du père de
la disparue, à South Boston.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Malgré
la jeunesse de Jesse Pomeroy, les policiers n’ont aucun doute quant à sa
culpabilité. Le « petit monstre » a déjà prouvé par le passé de
quelles atrocités il était capable. Du reste, avec son « œil de
marbre », il n’a pas vraiment le visage d’un ange…</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;">
*</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Jesse
Harding Pomeroy est né le 19 novembre 1859 à Charleston, Massachusetts. Dès sa
plus tendre enfance, son œil droit est recouvert d’un voile blanc, séquelles de
la variole. Par ailleurs, la tête de Jesse semble trop grosse pour son corps et
à onze ans, il est bien plus grand que tous les enfants de son âge. Comme si ça
ne suffisait pas, sa bouche est déformée par un bec-de-lièvre. Un aspect qui lui
vaudra aussi bien les moqueries des gamins du quartier que le dégoût des
adultes. Son propre père refuse de le regarder en face. En revanche, il
n’éprouve aucune difficulté à lui infliger de sévères corrections, à grands
coups de ceinture. Jusqu’au jour où sa mère, Ruth, prenant la défense de Jesse,
flanque son mari hors de la maison de Chelsea où la famille vit désormais.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Enfant
solitaire, Jesse Pomeroy montre très tôt un goût prononcé pour le vol et la violence.
Régulièrement fouetté par son père, cul nu dans le jardin, il a sûrement rêvé
plus d’une fois du jour où il pourrait enfin se trouver de l’autre côté du
fouet. Ce jour où il prendrait le pouvoir, à son tour, et verrait les autres
trembler devant lui… En attendant, il commence à s’entraîner avec les animaux
du quartier. Quand Ruth découvre ses deux canaris pétrifiés dans un coin de
leur cage, le cou brisé, elle devine qui est responsable de cet acte. Le jeune
Jesse se fait la main. Il ne va pas tarder à perfectionner ses compétences.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Le
22 décembre 1871, le petit Billy Paine, qui vit à Chelsea avec ses parents, est
retrouvé inconscient, attaché nu à un arbre, à Powder Horn Hill, près d’une
vieille remise. L’enfant a été sauvagement battu à coups de fouet, et s’avère
incapable de décrire son agresseur.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Le
21 février 1872, un garçon de sept ans, Tracy Hayden, est emmené au même
endroit, dénudé, attaché et battu. Son agresseur le frappe en plein visage avec
une planche, lui fracturant le nez et lui brisant deux dents. Après l’avoir
menacé de lui couper le pénis s’il parle à la police, il abandonne l’enfant sur
place. Terrorisé par ce qui vient de lui arriver, Tracy donne aux policiers une
description très succincte, celle d’un garçon plus grand, aux cheveux bruns.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Le
20 mai, Robert Maier, huit ans, est emmené au même endroit pour y subir le même
traitement.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Une
psychose s’empare de la petite ville de Chelsea. L’agresseur, qu’aucune des
victimes n’a pu réellement décrire, est recherché activement. Bientôt, une
récompense de 500 $ est promise pour tout renseignement pouvant aboutir à la
capture du bourreau d’enfants.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Le
22 juillet, Johnny Bulch, sept ans, est à son tour emmené dans la veille remise
abandonnée de Powder Horn Hill, où il subit les mêmes tortures que les
précédentes victimes. Cette fois, l’agresseur a attendu que l’enfant retrouve
assez de forces pour pouvoir marcher, et il l’emmène un peu plus loin, dans une
petite crique, où il nettoie ses plaies avec de l’eau salée.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Durant
l’été 1872, la famille Pomeroy déménage à South Boston, où la mère ouvre une petite
épicerie.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Le
17 août, c’est à South Boston qu’un enfant de sept ans, George Pratt, est
enlevé, déshabillé et attaché dans la cabine d’un petit bateau de plaisance où
cette fois, l’agresseur apporte quelques améliorations aux tortures
habituelles, plantant une pointe dans le bras puis dans l’aine de sa victime,
et mordant celle-ci au visage et aux fesses.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Le
5 septembre, le petit Harry Austen, âgé de six ans, est poignardé à plusieurs
reprises aux bras et aux épaules. Son assaillant aurait également tenté sans
succès de lui couper le sexe.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
À
peine une semaine plus tard, Joseph Kennedy, six ans, est également poignardé.
Son agresseur a ensuite frotté ses blessures avec de l’eau salée.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Six
jours plus tard, le même homme poignarde Robert Gould, âgé de cinq ans, au cuir
chevelu et au visage, avant de s’enfuir à l’approche d’un promeneur.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Bien
que son agresseur l’ait menacé de le tuer s’il parlait à la police, le petit
Robert, le visage en sang, raconte immédiatement aux enquêteurs les sévices qu’il
a subis. Il décrit son bourreau comme étant un « grand garçon méchant avec
un œil bizarre ». Les enquêteurs lui demandant des précisions quant à
cette bizarrerie, l’enfant explique que son œil était blanc comme du lait.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
La
police locale commence à soupçonner que l’agresseur de ces enfants est
certainement un enfant lui-même, sensiblement plus âgé. Et il n’y a pas
beaucoup d’enfants avec un œil blanc dans le quartier : à vrai dire, il
n’y en a qu’un. Et justement, alors que l’une de ses dernières victimes, Joseph
Kennedy, est interrogée par les enquêteurs, Jesse Pomeroy se présente au poste.
Pour quelle raison ? Lui-même sera incapable de le dire. Avait-il
l’intention d’avouer ses méfaits ? Toujours est-il que, dès qu’il aperçoit
le petit Joseph, il fait demi-tour. Mais l’enfant l’a vu également, et le
désigne immédiatement aux adultes qui l’entourent. Par la suite, les huit
victimes confirmeront que Jesse, ce gamin de douze ans à l’œil de marbre blanc,
est bien celui qui leur a fait subir toutes ces tortures.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Jesse
Pomeroy est condamné à passer les années qui le séparent de sa majorité à
Westborough, la maison de redressement du Massachusetts. Là, il s’adapte
parfaitement à son nouvel environnement, se tenant à l’écart des gamins plus
âgés (les plus jeunes, eux, se tiennent à l’égard de <i>lui</i>, que sa réputation a précédé), travaillant sagement à l’école
et acceptant la discipline de l’établissement sans jamais se plaindre. Il sait
que seul un comportement exemplaire pourra lui permettre de quitter Westborough
avant l’heure. Et ça marche : à la fin du mois de janvier 1874, il quitte
la maison de redressement où il a passé dix-huit mois. Sa mère a plaidé sa cause,
et afin de le tenir éloigné de ses abominables penchants, elle lui donne un
emploi à la boutique familiale.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Le
8 mars suivant, John Curran prévient la police de la disparition de sa fille de
dix ans, Katie, partie acheter un carnet pour l’école. Un témoin dit l’avoir
vue entrer dans l’épicerie des Pomeroy, avec sa jupe en tartan et son joli col
blanc. </div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;">
*</div>
<div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
John
Curran connaît la réputation de Jesse Pomeroy, mais le capitaine Dyer, de la
police de Boston, lui dit que ce n’est certainement pas de ce côté-là qu’il faut
chercher. Son séjour à Westborough a fait le plus grand bien au gamin
Pomeroy : c’est un autre homme qui est sorti de cette noble institution,
vraiment. Et puis Jesse ne s’en est jamais pris qu’aux garçons, il ne s’attaquait
pas aux filles ! </div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Harcelés par
les parents de la petite disparue, les policiers se rendent tout de même au
magasin des Pomeroy, où Ruth les accueille sèchement, leur rappelant que Jesse
a été réhabilité, qu’il se tient désormais tranquille, et qu’il n’a pas touché
un cheveu de Katie. Les policiers font le tour de la boutique sans rien
remarquer d’anormal.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Pourtant,
après la découverte du corps atrocement mutilé du petit Horace Millen ce 22
avril 1874, une désagréable impression de déjà vu s’empare du chef de la police
de Boston, Edward Savage. S’il ne savait pas Pomeroy bien à l’écart de la
société, derrière les hauts murs de Westborough, il jurerait que cette rage est
tout à fait son style. Aussi, dès que ses hommes lui apprennent que le
« petit monstre » a été relâché quelques mois plus tôt, Savage leur
demande d’aller immédiatement l’arrêter.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Quand
les policiers se présentent à la maison des Pomeroy le lendemain, Jesse a sur
lui un couteau dont la lame, qui a été nettoyée, montre encore quelques traces
de sang près du manche, et ses chaussures sont pleines de boue. Sur la plage de
Dorchester, à l’endroit où a été découvert le corps, des empreintes de pas ont
été retrouvées, qui correspondent non seulement à la pointure de Jesse, mais
aussi à sa façon de poser les pieds sur le sol.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
L’adolescent
à l’œil de marbre refusant obstinément d’avouer son crime, les policiers
décident de l’emmener à la morgue afin de le confronter au cadavre de l’enfant.
Là, Jesse perd ses moyens. Le policier qui l’accompagne lui demande :</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
« Tu
connais ce garçon ?</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
−
Oui, monsieur, répond simplement Jesse.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
−
C’est toi qui l’as tué ?</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
−
Je suppose que oui. »</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Avec
un air désolé, le gamin ajoute que « quelque chose » lui a fait
commettre cet acte. Il demande aux policiers de le boucler dans un endroit où
il ne pourra plus faire « ce genre de choses ».</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Personne
à Boston n’a oublié les sévices subis par les huit premières victimes de Jesse
Pomeroy, et le meurtre de ce garçon de quatre ans n’a rien fait pour arranger
les choses : la mère de Jesse est obligée de fermer sa boutique, désertée
par la clientèle. À peine installé, le nouveau propriétaire entreprend la rénovation
des lieux. Pendant le mois de juillet, alors qu’ils travaillent à la cave, des
ouvriers sont soudain dérangés par une forte odeur de putréfaction. Sous un tas
de pierres et de cendres, ils découvrent le corps en décomposition d’une
fillette, qui sera rapidement identifiée grâce à ses vêtements : il s’agit
de Katie Curran. Comme Horace Millen, elle a été égorgée, et ses organes
génitaux lardés de coups de couteau.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEizs7wfntewNtVSgc_Cd3wxB03znNR3AHyNpWTzn_qshYgxwUBLjBYuXi91yhkHPYBf9KfXNMlAlXryhjGBUVXZnwbicO6UkqNen5NT8C2n0HEX4Qms-_Glyig23At-E7rN5E5dnrzJ15g/s1600/jesse-pomeroy2.jpg" imageanchor="1"><img border="0" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEizs7wfntewNtVSgc_Cd3wxB03znNR3AHyNpWTzn_qshYgxwUBLjBYuXi91yhkHPYBf9KfXNMlAlXryhjGBUVXZnwbicO6UkqNen5NT8C2n0HEX4Qms-_Glyig23At-E7rN5E5dnrzJ15g/s320/jesse-pomeroy2.jpg" width="222" /></a></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: center;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;">
*</div>
<div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Le
procès de Jesse Pomeroy débute le 8 décembre 1874. Le gamin de quatorze ans a
avoué les meurtres de Horace Millen, quatre ans, et Katie Curran, dix ans.
L’avocat de la défense veut plaider la folie, assisté par un groupe
d’« experts », des aliénistes qui confirment que Jesse Pomeroy souffre
de démence. Mais la partie civile contre-attaque avec ses propres experts, qui
démontrent que l’accusé était tout à fait capable de discerner le bien du mal
au moment des faits, et qu’il est donc responsable de ses actes. </div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Jesse, qui
avait été battu et humilié par son père, et qui ne pouvait avoir aucune
relation avec les autres enfants, qui se moquaient de lui et le torturaient,
avait certainement trouvé, à travers les sévices qu’il infligeait aux enfants
plus faibles que lui, un moyen d’exercer ce pouvoir dont il se sentait trop
souvent démuni. On peut aussi trouver particulièrement intéressant la
sauvagerie avec laquelle le jeune meurtrier s’est attaqué à l’œil droit du
petit Horace, alors que lui-même avait l’œil voilé… La psychologie criminelle
de cette fin du XIX<sup>e</sup> siècle ne s’arrête pas à ce genre de détails. Après
cinq heures de délibération, le verdict tombe : Jesse Pomeroy est reconnu
coupable de meurtres au premier degré, et condamné à la peine de mort.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Cette
condamnation donnera par la suite lieu à de vifs débats, aussi bien dans la
presse que dans l’opinion publique, au sein de la cour de justice et jusque dans
les milieux politiques. Il paraît inconcevable de pendre un adolescent qui
avait quatorze ans au moment où il commettait ses meurtres. Finalement, en août
1876, la peine de Jesse Pomeroy est commuée en une condamnation à l’isolement à
vie.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
À
l’âge de seize ans, Jesse Pomeroy est donc emmené à la prison de Charlestown,
où il passera les cinquante-trois années suivantes de sa vie – dont
quarante-et-une en isolement. Durant sa détention, il aura tout le temps de
lire une quantité invraisemblable d’ouvrages, d’approfondir ses connaissances
dans les sciences et les arts, d’apprendre plusieurs langues, d’écrire ses
mémoires et des poèmes. Il fera bien quelques tentatives d’évasion et consacrera
les dernières années de sa vie à réclamer un allègement de sa peine. En 1917,
il est autorisé à poursuivre le reste de celle-ci avec les autres détenus.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Au mois d’août
1929, devenu un vieil homme infirme, il est transféré à la prison de
Bridgewater. Il avait quitté à seize ans un monde où les voitures étaient
tirées par des chevaux, mais à soixante-neuf ans, c’est en automobile qu’il fait
le transfert d’une prison à l’autre. N’étant plus une menace pour personne, on
pourrait s’attendre à ce que Jesse Harding Pomeroy ait savouré pleinement ce
voyage de deux heures, seul moment où il a pu se sentir un peu libre depuis de
nombreuses années. Pourtant, il ne montre pas la moindre émotion. Les années
d’isolement l’ont brisé moralement et physiquement. Il mourra à Bridgewater le
29 septembre 1932, à l’âge de soixante-douze ans. Aujourd’hui encore, Jesse
Pomeroy est considéré comme le plus jeune tueur en série de l’histoire
américaine. Il n’a été reconnu coupable que de deux homicides, mais lui-même a
toujours su que, si la police ne l’avait pas arrêté, il aurait poursuivi sa
carrière criminelle, qui s’annonçait prolifique.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<br /></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi9flw_gNqkrJ9lEPmw3sFYuZKr1JB5JJagUjc0pONP1NKOImIeYqxyCvPb8pEWTsG51s8gvvnkaEsGrUcBYq-dxMjSznwlpsTOmoWL_ON-EQSmmz5XlOfjLfAO6MMNkOI6JQhr13QBUxk/s1600/jesse-pomeroy4.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="257" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi9flw_gNqkrJ9lEPmw3sFYuZKr1JB5JJagUjc0pONP1NKOImIeYqxyCvPb8pEWTsG51s8gvvnkaEsGrUcBYq-dxMjSznwlpsTOmoWL_ON-EQSmmz5XlOfjLfAO6MMNkOI6JQhr13QBUxk/s320/jesse-pomeroy4.jpg" width="320" /></a></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: center; text-indent: 35.4pt;">
<br /></div>
<br />
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
Raphaël Juldéhttp://www.blogger.com/profile/06165649185749252999noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-411107272561605711.post-73781596946694503082016-07-28T09:00:00.000+02:002016-07-28T20:36:32.456+02:00Carnets de lecture... entre autres. 3<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="margin-bottom: .0001pt; margin: 0cm; text-align: justify;">
<i>Dimanche 10 janvier 2016.<o:p></o:p></i></div>
<div style="margin-bottom: .0001pt; margin: 0cm; text-align: justify;">
Ce soir, je vais voir le dernier
Tarantino, <i>The Hateful Eight</i>. Paysage
de neige et de blizzard, huis-clos mortel dans un abri d’étape. Entre le trajet
en diligence, qui est un grand moment tarantinesque, jusqu’au bain de sang
final, on retrouve tout l’art du réalisateur, dans un film qui est une sorte de
quintessence. <span lang="EN-GB">Il y a <i>Pulp Fiction</i>, <i>Reservoir Dogs</i>, <i>Django
Unchained</i>, dans <i>The Hateful Eight</i>.
</span>Le premier des films de Tarantino que mon père ne verra jamais.</div>
<div style="margin-bottom: .0001pt; margin: 0cm; text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="margin-bottom: .0001pt; margin: 0cm; text-align: justify;">
<i>Lundi 11 janvier 2016.<o:p></o:p></i></div>
<div style="margin-bottom: .0001pt; margin: 0cm; text-align: justify;">
La première chose que j’apprends en
me levant, c’est la mort de David Bowie. Toute la journée, j’ai <i>Space Oddity</i> dans la tête. <i>Space</i> <i>Oddity</i> que l’astronaute Chris Hadfield a joué depuis l’ISS, en
hommage au Major Tom.</div>
<div style="margin-bottom: .0001pt; margin: 0cm; text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="margin-bottom: .0001pt; margin: 0cm; text-align: justify;">
<i>Jeudi 14 janvier 2016.<o:p></o:p></i></div>
<div style="margin-bottom: .0001pt; margin: 0cm; text-align: justify;">
Projection de <i>Blade Runner</i> au Cinéville. Je craignais que le film ait plutôt mal
vieilli, mais je suis agréablement surpris par cette redécouverte. Je sais que
Ridley Scott, dans une récente interview, a répondu à la question que tout le
monde se posait : oui, Rick Deckard est bien un répliquant. Ce qui est une
façon assez étrange de saboter son propre film, puisque tout son intérêt
provient du mystère qui entoure le personnage joué par Harrison Ford. Au fond,
on s’en fout de savoir s’il s’agit d’un humain ou d’un répliquant : ce qui
compte, c’est de pouvoir se poser la question ! Et ce <i>final cut</i> va dans le sens de cette
révélation ultime de Scott, puisque la licorne en origami que l’on découvre à
la fin rappelle le rêve de Deckard et suppose que les <i>blade runners</i> ont eu accès à la mémoire de ce dernier, qui n’est
donc pas un humain. Adieu fin ouverte, adieu spéculations et débats enflammés.
J’ai beaucoup aimé revoir ce film, mais je dois dire que cette façon d’apporter
une réponse définitive à la question m’a quelque peu frustré. Cela dit, voir <i>Blade Runner</i> sur grand écran m’a fait
reconsidérer certaines choses : notamment que le plus troublant, ce n’est
pas le fait que Rutger Hauer se batte en caleçon… mais bien qu’il ait conservé
ses socquettes !</div>
<div style="margin-bottom: .0001pt; margin: 0cm; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjY7bMUkEMFRlAlT5i_05Qxtiy-H0LAQom46DwsZN0GkN9SNvfuAEBRMO6ZzF-XbJMMk_f5QWDWkqGtCInv8PmUQiIBs6iol-nWk-Mxs7vqCAGAVXeRkteWCbsRla6_4nKYApQLZxd8BOg/s1600/IMG_20160728_0001_NEW.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjY7bMUkEMFRlAlT5i_05Qxtiy-H0LAQom46DwsZN0GkN9SNvfuAEBRMO6ZzF-XbJMMk_f5QWDWkqGtCInv8PmUQiIBs6iol-nWk-Mxs7vqCAGAVXeRkteWCbsRla6_4nKYApQLZxd8BOg/s320/IMG_20160728_0001_NEW.jpg" width="188" /></a></div>
<div style="margin: 0cm 0cm 0.0001pt; text-align: center;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i><o:p></o:p></i></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i>Samedi 27 février 2016.<o:p></o:p></i></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Je
termine ce soir la lecture de <i>Mars</i>,
de Ben Bova, décidément un très bon roman, qui me paraît assez peu connu, mais
je peux me tromper. On s’attache aux personnages, qui ont un passé, un
« vécu » qu’ils trimballent avec eux jusque sur la planète rouge –
exactement ce qui m’avait manqué dans le roman d’Andy Weir, <i>Seul sur Mars</i>. Ce qui est très
intéressant, c’est que l’auteur décrit une mission martienne parfaitement
crédible, et qu’à chaque fois que le récit pourrait sombrer dans la
science-fiction, il s’en échappe de manière très intelligente. Le roman, paru
en 1992, situe son histoire en 2020, sans pour autant décrire une technologie
sensiblement plus avancée que celle de son époque. Le lire aujourd’hui, alors
qu’il est de plus en plus question d’envoyer des hommes sur Mars – même si ce
n’est pas pour tout de suite – permet d’entrevoir les difficultés de
l’entreprise. Pourtant, une grande partie de ces difficultés est passée sous
silence, ou évoquée très rapidement, dans le roman : il s’agit du <i>trajet</i> vers Mars, puisqu’il faut compter
entre six et neuf mois de voyage rien que pour l’aller…</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
J’ai
surtout apprécié cette volonté de raconter des faits réalistes, d’échapper au
fantastique – sans pour autant raconter une histoire sans enjeu. L’auteur s’en
amuse d’ailleurs, puisque lorsque la majorité des membres d’équipage tombe
soudainement malade, tous s’imaginent avoir attrapé un virus qui n’appartient
qu’à Mars – et la véritable cause de cette épidémie s’avèrera beaucoup plus
prosaïque, beaucoup plus <i>terrienne</i>
qu’ils n’auraient pu l’envisager…</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i>Lundi 29 février 2016.<o:p></o:p></i></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Moi
et mes « cycles »… Quand je commence à lire un ouvrage sur la guerre,
je suis à peu près sûr de ne plus lire que ce genre de récits pendant des
semaines. Depuis un moment, c’était l’astronomie et l’astrophysique qui me passionnaient.
Et maintenant, je sens que je me suis engagé dans des histoires de
survivalisme : après avoir lu un petit livre de Charlie Buffet consacré à
Alexander Selkirk – l’homme qui a inspiré à Daniel Defoe son <i>Robinson Crusoé</i> – me voilà dans l’<i>Odyssée de l’Endurance</i>, racontée par son
capitaine, sir Ernest Shackleton. Parallèlement à quoi je regarde la série <i>Lost</i>, que jusqu’à présent, je n’avais
encore jamais vue jusqu’au bout.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i>Vendredi 18 mars 2016.<o:p></o:p></i></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Étrange
comme j’ai pu me désintéresser de <i>Lost</i>
après la deuxième saison, la première fois que j’avais regardé cette série,
alors qu’elle est vraiment parfaite de bout en bout. Étrange, mais ça
s’explique malgré tout très bien : <i>Lost</i>
est une série face à laquelle le spectateur doit accepter de se sentir lui-même
« perdu », et pendant un long moment. Non seulement, il faut accepter
de ne pas comprendre ce qui se passe sur cette île (qui sont les
« Autres » ? qu’est-ce que c’est que cette fumée noire, ces
chiffres à entrer dans un ordinateur toutes les 108 minutes, ces abris
souterrains…), mais il faut également accepter de ne plus reconnaître les
personnages que l’on suivait depuis le début. Jack Shephard, qui est le premier
survivant que l’on voit ouvrir les yeux sur l’île, est associé dès le début au
héros, au leader : il est l’homme qui va réussir à sauver tout le monde,
celui qui saura quoi faire… Sauf que ce n’est pas du tout ça. Il m’était devenu
parfaitement insupportable au cours de la deuxième saison, quand j’avais vu
cette série à l’époque de sa première diffusion, parce qu’il se montre soudain
arrogant, aveugle face aux aspects surnaturels de l’île, et que ses décisions,
toujours prises de façon péremptoire, provoquent des catastrophes. C’est qu’en
fait de héros, Jack est un personnage animé par le désir de
« réparer » les choses, il souffre d’une sorte de complexe de l’homme
providentiel, un complexe du <i>héros</i>,
justement – et John Locke est un double parfait de Jack, leur seule différence,
mais elle est de taille, étant que l’un veut quitter l’île, alors que l’autre
veut y rester. C’est la grande force de <i>Lost</i>
d’interroger cette figure du sauveur et l’orgueil démesuré qu’il faut pour
prétendre être celui qui règlera la situation. Jack Shephard finira par se
sacrifier pour permettre aux autres de s’en tirer, mais surtout pour racheter
les erreurs que son <i>hybris</i> a
provoquées. Et bien entendu, c’est Hurley, le personnage le plus humble, le
plus éloigné du désir d’héroïsme, qui sera l’élu, celui qui remplacera Jacob au
poste de gardien de l’île. Tout est extrêmement cohérent dans <i>Lost</i>, rien n’est dû au hasard, pas même
ce qui m’avait agacé au premier visionnage. Il faut simplement être patient, ne
pas s’attendre à ce que les mystères s’éclaircissent en quelques épisodes.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Il
me semble que beaucoup de « fans » de <i>Lost</i> ont été déçus par la fin de la série – peut-être parce que
c’est le propre du fan que d’être déçu. Pourtant, cette fin est magnifique, et
elle a le mérite de tout éclaircir sans décevoir les attentes. La fin de <i>Lost</i> montre bien que toute l’intrigue
était maîtrisée de bout en bout, que le réalisateur ne s’est pas retrouvé à
devoir improviser sans savoir où il allait, comme des mauvaises langues ont pu
le laisser entendre (et comme j’en avais eu l’impression, moi, au cours de la
saison deux).</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjQkzGb-9OgLPXrkJwu4fx8PrEfWA_gU3j7nBQO2HeHY_gIv7Olv82uEglK6ijY-xkL0ty-_1UFnITRi4S0H92bUEJa37OciJ954q7eC6WGQqCUVbVk_rgjbUYb53fkx4sWA4h4KVrrxpM/s1600/IMG_20160728_0002_NEW.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjQkzGb-9OgLPXrkJwu4fx8PrEfWA_gU3j7nBQO2HeHY_gIv7Olv82uEglK6ijY-xkL0ty-_1UFnITRi4S0H92bUEJa37OciJ954q7eC6WGQqCUVbVk_rgjbUYb53fkx4sWA4h4KVrrxpM/s320/IMG_20160728_0002_NEW.jpg" width="200" /></a></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: center;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i>Mardi 29 mars 2016.<o:p></o:p></i></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
C’est
quoi, cette fois ? Un cycle « fiction » ? Je crois que
pendant un moment, je ne vais plus pouvoir lire autre chose que cela. Après un
roman préhistorique, premier tome décevant d’une saga, me voilà dans le premier
tome des <i>Rois maudits</i>. Il y avait un
moment que je tournais autour de cette saga historique, m’attendant à trouver
le style vieillot… Et voilà que je suis emporté, séduit, et que le seul regret
que j’éprouve à cette lecture, c’est que les tomes ne soient pas plus
volumineux…<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i>Mercredi 13 avril 2016.<o:p></o:p></i></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Je
me lance dans la lecture de <i>La Reine
étranglée</i>, le deuxième tome des <i>Rois
maudits</i> de Druon, puisque j’ai terminé <i>La
Vallée des chevaux</i>, de Jean Auel. Un roman préhistorique très décevant, il
faut bien le dire, et le style de l’auteur y est pour beaucoup. Jean Auel
semble croire qu’elle a besoin de rappeler quinze fois à son lecteur ce qui s’est
passé précédemment et de lui décrire chacune des réflexions par lesquelles
passent ses personnages, même lorsqu’elles sont évidentes – et tout le plaisir
qu’il pourrait y avoir pour le lecteur à comprendre de lui-même pourquoi les
personnages agissent comme ils le font est donc aboli. On se sent constamment
pris pour un idiot à qui il faut tout expliquer, et par ailleurs la perfection
des personnages principaux – l’héroïne est tout simplement la plus belle femme
imaginable, et son compagnon l’amant le plus parfait – donne l’impression de
lire un roman à l’eau de rose. Décidément, si je veux lire une saga
préhistorique, je pense que j’irai chercher plutôt du côté de Pierre Pelot…</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i>Dimanche 17 avril 2016.<o:p></o:p></i></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
C’est
comme plonger une petite cuiller dans un pot de Nutella pour en engloutir
quelques grammes en loucedé et s’apercevoir au bout d’un moment qu’on a fini le
pot. J’étais là, ayant terminé le deuxième tome des <i>Rois maudits</i> et ne possédant pas le troisième, à me demander ce que
j’allais bien pouvoir lire maintenant. Or, depuis quelques jours, je me suis
mis à relire des pages du <i>Trône de Fer</i>,
avec l’intention d’écrire un article sur le sujet, à l’occasion de la diffusion
de la sixième saison de <i>Game of Thrones</i>.
Et voilà que, poursuivant ma lecture, je me suis rendu compte que c’était bien
ça : mais oui, je suis en train de relire <i>Le Trône de Fer</i>. Ni plus ni moins.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i>Lundi 2 mai 2016.<o:p></o:p></i></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Alors
que j’achète la revue <i>Guerres &
Histoire</i> dont la couverture montre une photo de Winston Churchill, le
patron de la maison de la presse me dit qu’il a justement une anecdote sur Churchill.
Celui-ci, qui avait la réputation d’être radin, tombe nez à nez avec un employé
à la sortie de son hôtel particulier. Comme celui-ci tend la main, Churchill
s’en étonne et le garçon explique que son fils a pour habitude de donner un
pourboire à tous les employés de l’hôtel. Ce à quoi Churchill réplique :
« Mon fils a un père riche ; pas moi. » Et voilà que j’ai un
marchand de journaux féru d’anecdotes historiques…</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i>Vendredi 20 mai 2016.<o:p></o:p></i></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Ce
soir, je vais voir <i>Ma loute</i>, le
dernier Dumont, au cinéma. Excellent Dumont, qui invente un nouveau genre du
cinéma, bien loin de la « comédie » à la française. Bruno Dumont
figure, avec Alexandre Astier, le renouveau de la comédie, une comédie qui n’a pas
peur de pactiser avec le drame, de montrer des morts, de la violence… Et Dumont
qui, avec ses premiers films, était allé très loin dans la noirceur, démontre
parfaitement que la noirceur n’est pas exempte de ridicule, de burlesque. Avec
la trame scénaristique de <i>Ma loute</i>,
qui montre une famille de pêcheurs du Nord qui pratique l’anthropophagie, il
aurait très bien pu faire un film aussi noir que <i>L’Humanité</i> ou <i>Hors Satan</i>
– mais il fait tout autre chose, prenant le parti de l’outrance et du
grotesque… et c’est une outrance qu’il va être très intéressant de voir se
développer dans ses prochains films.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh5Df_BrFtKmwHhQMN-6g2SgxCu3w1wBe041j1uGNGyQABOEHJCilujTLh8yWXUQQpn2orMKl-TEr4JFyh7lEjCozw7X4GC_-zlelMLgWC-KVweTQ0rSoJS3uVGomqLeNdJcxvxXQrfPAE/s1600/verdun2016.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="120" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh5Df_BrFtKmwHhQMN-6g2SgxCu3w1wBe041j1uGNGyQABOEHJCilujTLh8yWXUQQpn2orMKl-TEr4JFyh7lEjCozw7X4GC_-zlelMLgWC-KVweTQ0rSoJS3uVGomqLeNdJcxvxXQrfPAE/s320/verdun2016.jpg" width="320" /></a></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: center;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i>Dimanche 29 mai 2016.<o:p></o:p></i></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
À
Verdun, la commémoration du centenaire est une merveille de festivisme, qui
aurait ravi Philippe Muray. L’annonce du concert de Black M avait provoqué une
indignation qui a abouti à l’annulation du spectacle, mais finalement, le
rappeur aurait été à sa place dans cette monstruosité. Le cinéaste Volker
Schlöndorff a réalisé une mise en scène digne d’un spectacle de fin d’année
d’école primaire, faisant courir trois mille jeunes français et allemands
autour des tombes de la nécropole de Douaumont, <i>piétinant </i>littéralement les tombes pour se faire face et se lancer
dans une chorégraphie ridicule sous les bruits de casserole des Tambours du Bronx.
Je ne sais pas ce qu’ils nous concoctent pour commémorer la bataille de la
Somme : un match de foot Angleterre-Allemagne au pied du mémorial de
Thiepval ? Et pourquoi pas un méchoui géant à Oradour-sur-Glane ?</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i>Mardi 7 juin 2016.<o:p></o:p></i></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Une
preuve que me titille à nouveau l’envie d’écrire, d’écrire plus, d’écrire sans
plus me trouver d’excuses pour me tenir éloigné de ma table de travail, c’est
que je me suis mis à la recherche d’ateliers d’écriture sur YouTube, après
avoir regardé quelques « vlogs » de François Bon. Je tombe sur la
chaîne d’une sorte de <i>coach </i>littéraire,
qui vend ses services et dont la chaîne sert avant tout de vitrine à son cours
qui a l’air intensif. Selon lui, la quantité vaut mieux que la qualité, il
propose d’écrire un roman en cent jours, ou une nouvelle par semaine pendant un
an, ce genre de choses… Il y a encore peu de temps, cette façon de voir
m’aurait fait bondir, et il n’est pas dit qu’après réflexion, elle ne me fasse
pas de nouveau bondir un jour – mais il y a tout de même quelque chose
d’intéressant dans cette idée : écrire sans cesse, écrire en quantité,
c’est se donner la possibilité de l’échec. Si j’écris une nouvelle par semaine
pendant un an (je ne le ferai pas, mais mettons), je n’aurai pas cinquante-deux
chefs d’œuvre, mais je n’aurai pas non plus cinquante-deux textes ratés. Je
l’ai bien vu, du reste, avec la <i>Bibliothèque
de Jupiter</i>… Là où ses conseils me semblent judicieux, c’est qu’il met le
doigt sur les « excuses » que tous les auteurs en herbe
s’inventent : écrire prend du temps, il faut que les idées mûrissent, etc.
Lui prône la rapidité d’exécution pour une bonne raison : si vous passez
trois ans, quatre ans, sur un manuscrit, pour finalement renoncer à le mener à
terme, ou vous apercevoir qu’il est raté, c’est terrible : vous avez perdu
trois ou quatre ans dans une entreprise inutile. Si vous avez planifié d’écrire
un roman en cent jours (ou même en deux cents jours) pour vous apercevoir en
cours de route que vous n’irez pas jusqu’au bout, ou pour découvrir après avoir
écrit le mot <i>fin</i> que c’est un roman
raté, c’est beaucoup moins grave : vous n’avez perdu qu’une centaine de
jours, et vous pouvez repartir sur autre chose. Surtout, le gars met l’accent
sur un défaut qui ne m’est pas étranger, loin de là : celui de considérer
le roman qu’on écrit comme l’Œuvre d’une vie, comme s’il fallait que ce soit le
seul message que nous laisserons aux générations futures… Je commence peu à peu
à me soigner de ce défaut là, et à mettre une minuscule à <i>littérature</i>.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i>Dimanche 12 juin 2016.<o:p></o:p></i></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Il
y a les spin-off réussis (<i>Better call
Saul</i> est admirable, c’est une série à part entière qu’on ne peut absolument
pas taxer de <i>Breaking Bad</i> au rabais),
et les spin-off ratés, qui ne font que ressasser, en moins bien, les éléments
qu’on trouvait déjà dans la série-mère. C’est le cas de <i>Fear the Walking Dead</i>, que j’aurais aimé aimer, vraiment, mais qui
ne fait rien pour m’aider dans ce sens. Certains personnages agissent de façon
totalement incohérente, et ne sont pas suffisamment intéressants pour qu’on ait
envie de comprendre leurs intentions. Dans <i>The
Walking Dead</i>, les agissements de Shane ou du Gouverneur avaient leur raison
d’être. Ici, le personnage de Chris est tout simplement incompréhensible, et le
pire c’est qu’on se fout éperdument des raisons qui le poussent à agir comme il
le fait, parce que l’acteur est insipide. Quant au personnage de Celia, il
n’est qu’une copie de celui d’Herschel, qui conservait des morts-vivants dans
sa grange parce qu’il pensait qu’ils guériraient un jour. Celia, elle, les
conserve parce qu’elle voit en eux l’avenir, la vie éternelle promise par la
Bible. La nuance est faiblarde, pas suffisante en tout cas pour masquer le
manque d’imagination… Autre grief, et pas des moindres : ce spin-off est
censé se dérouler au tout début de l’épidémie, pendant la période où Rick
Grimes est dans le coma. Or, dans cette deuxième saison, on a le sentiment que
certains personnages ont l’habitude des zombies comme s’ils les côtoyaient
depuis dix ans, alors que d’autres en sont encore à se demander ce qu’il se
passe. À chaque épisode, ma suspension volontaire d’incrédulité se rebiffe et
cogne au plafond en criant : « C’est pas bientôt fini,
c’bordel ? »</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i>Mardi 14 juin 2016.<o:p></o:p></i></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Je
regarde de temps à autres des épisodes de la <i>Quatrième dimension</i>, dont je possède l’intégrale en DVD. Il faut le
dire, beaucoup de ces épisodes ont assez mal vieilli, et leurs scénarios, qui
pouvaient paraître très originaux à l’époque, semblent maintenant cousus de fil
blanc. Et puis, parfois, il y a des perles, comme l’épisode de ce soir, signé
Richard Matheson, et intitulé <i>The
Invaders</i>. Un épisode presque entièrement dénué de dialogues, où Agnes
Moorehead interprète une femme vivant dans une maison isolée, et que l’arrivée
d’une soucoupe volante minuscule plonge dans la terreur.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgjS06Ffnm8gQ89WZofJwyvi_UWtK_3d4SsAbWJIJPL8MM6Xn9n2Z9kh0BEwUlB445KRe_zDJJrfvv2b5_kb7XbBfhnKuZnAwGdD1VzuLV7gmrga4UEwhGzbPADhpo0OFDJYXh_Tt7UBhc/s1600/TwilightZone-TheInvaders.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="197" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgjS06Ffnm8gQ89WZofJwyvi_UWtK_3d4SsAbWJIJPL8MM6Xn9n2Z9kh0BEwUlB445KRe_zDJJrfvv2b5_kb7XbBfhnKuZnAwGdD1VzuLV7gmrga4UEwhGzbPADhpo0OFDJYXh_Tt7UBhc/s320/TwilightZone-TheInvaders.JPG" width="320" /></a></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: center;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i>Vendredi 24 juin 2016.<o:p></o:p></i></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Il
est tout de même amusant de songer que moi qui n’ai jamais rien compris aux
mathématiques, moi que les sciences physiques ont toujours fait bâiller, je me
passionne de plus en plus pour l’astronomie, au point de lire régulièrement la
revue <i>Ciel et espace</i>, de suivre sur
YouTube des conférences d’Étienne Klein ou de Roland Lehoucq et d’être plongé,
actuellement, dans le livre de Christophe Galfard, <i>L’Univers à portée de main</i>… Une lecture qui m’a permis, d’ailleurs,
de me rendre compte que j’avais beaucoup moins de mal à me représenter
l’infiniment grand que l’infiniment petit. Les trous noirs, les nébuleuses et
le fond diffus cosmologique me sont moins difficiles à concevoir que les
particules et les quarks. </div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Cet intérêt
n’est pas nouveau : j’ai toujours levé le nez en l’air, l’espace m’a
toujours intéressé, mais il y a encore peu de temps, les questions de matière
noire et d’énergie sombre, par exemple, m’étaient parfaitement étrangères. Ceci
dit, je ne me sens pas forcément plus savant aujourd’hui, mais ce qui me
rassure, c’est de savoir que les chercheurs non plus ne savent pas ce que c’est,
cette matière noire et cette énergie sombre. Ça fait du bien de pouvoir se
sentir aussi ignorant qu’un savant !<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i>Vendredi 1<sup>er</sup> juillet 2016.<o:p></o:p></i></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
En
lisant les articles d’Emmanuel Carrère dans <i>Il
est avantageux d’avoir où aller</i>, notamment celui sur Alan Turing, je
m’interroge sur ces coïncidences qui vous font lire un auteur juste au bon
moment, parce qu’il évoque quelque chose qui, justement, vous préoccupe. J’ai
l’habitude qu’Emmanuel Carrère parle de personnages ou de sensations qui me
sont familiers, ou qui trouvent en moi une résonance particulière. C’est le cas
de Jean-Claude Romand et de l’imposture qu’aura été toute sa vie, par exemple,
ou de son intérêt pour Philip K. Dick (plus que Dick lui-même, d’ailleurs, que
je n’ai pour ainsi dire pas lu) et pour le film <i>L’Invasion des profanateurs de sépulture</i> et ce curieux – et
terrifiant – sentiment que donne le film que « quelque chose ne va
pas », que les gens ont changé, mais qu’on ne sait pas définir <i>en quoi</i> ils ont changé. Mais cet article
sur Turing, il y a encore quelques mois, ne m’aurait pas intéressé le moins du
monde. Or, depuis que j’ai la tête farcie d’astrophysique et de monde quantique
– même si je n’y comprends rien – une phrase comme : <i>« Cette prétention hautaine à dire, sinon toute la vérité, du
moins rien que la vérité, risquait fort de souffrir en un temps où la science
lançait à l’assaut du déterminisme laplacien des chimères aussi inquiétantes
que des chats à la fois vivants et morts, des photons suivant deux trajets
distincts sans se scinder et des phénomènes n’existant que s’il y a quelqu’un
pour les observer »</i>, me fait l’effet d’un clin d’œil, d’un sourire de
connivence… niché dans un texte daté de 1995 !</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i>Dimanche 3 juillet 2016.<o:p></o:p></i></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Pendant
que la France élimine l’Islande des quarts de finale de la Coupe d’Europe et se
qualifie pour la demie, je revois ce soir <i>Retour
à Kotelnitch</i>, le film d’Emmanuel Carrère qui, étrangement, ne m’avait pas
vraiment marqué la première fois que je l’avais regardé. Aiguillé par les
articles où il évoque ses différents séjours à Kotelnitch, je voulais revoir
deux choses. D’abord, le documentaire – contenu dans les bonus du DVD – qu’il
avait consacré à András Toma, ce soldat hongrois qui, fait prisonnier en 1944,
a passé cinquante-cinq ans, oublié de tous, dans un asile psychiatrique russe,
avant d’être retrouvé par hasard et renvoyé dans son village natal. Moi qui
suis travaillé par la question de la disparition sous toutes ses formes, et la
folie en est une, si tant est que cet homme ait été réellement fou (ce qui
n’est sans doute pas le cas), cette histoire ne peut que m’intéresser. Le
retour, après plus d’un demi siècle, d’un homme disparu, que personne
n’attendait plus… Mais est-il vraiment revenu ? Par son hébétude, par sa
difficulté à reconnaître ces gens qui essaient de lui rappeler des choses du
passé, il continue à être absent, hors du monde, à n’être qu’un corps… Évidemment,
cette histoire me rappelle aussi celle de Hirō Onoda, le soldat japonais qui a
poursuivi la guerre du Pacifique, tout seul, pendant trente ans…</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Et,
bien sûr, je voulais revoir ce film, <i>Retour
à Kotelnitch</i>, et comprendre pourquoi son premier visionnage m’avait laissé
froid. C’est un film lent, c’est vrai, et un film qui se cherche. Ou plus
exactement, c’est l’histoire d’un réalisateur qui cherche un sujet de film – un
film qui montre le film qui se cherche. Une technique « à la Emmanuel
Carrère », évidemment. Peut-être que cette lenteur, cette recherche,
avaient eu raison de moi la première fois. Au contraire, cette fois, je suis
totalement conquis. Comme dans ses romans, Carrère filme le moindre de ses
scrupules, ses atermoiements, dit ce qu’il aurait voulu filmer, ce que le film
aurait pu être, ce qu’il ne sera pas, parce qu’à partir du moment où la
tragédie s’en mêle, le meurtre particulièrement sordide d’Ania et de son
enfant, le film ne peut plus parler d’autre chose. Et que cet ultime retour à
Kotelnitch, pour commémorer le quarantième jour qui suit la mort d’Ania, donne
soudain un sens à tout ce qui a été filmé auparavant. Comme si le film en
lui-même s’était chargé de trouver son sujet, et qu’il n’avait pu le faire
qu’au prix de la mort de cette jeune femme souriante, qui chantait, jouait de
la guitare, apprenait le français, et de son enfant.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Voilà
donc pourquoi je n’ai pas regardé France-Islande.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhxnQobsUsnvjSKCS2uLbMtaKkGW9dlIcdNEkKLrNTnTD7uGxyJ8KC0-vnDHCCfdJE4tD04-gRiqXcky50bkmrybBOCPNq-LdibKVdkdDP2VUR-0tp5tHv_k_ctmlp3FXB6tplCAc23S3Y/s1600/kotelnitch.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="180" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhxnQobsUsnvjSKCS2uLbMtaKkGW9dlIcdNEkKLrNTnTD7uGxyJ8KC0-vnDHCCfdJE4tD04-gRiqXcky50bkmrybBOCPNq-LdibKVdkdDP2VUR-0tp5tHv_k_ctmlp3FXB6tplCAc23S3Y/s320/kotelnitch.JPG" width="320" /></a></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: center;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i>Mardi 12 juillet 2016.<o:p></o:p></i></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i>« Publier était, et est toujours pour
moi, un peu comme de se risquer à faire un faux pas dans le vide. Si jamais
j’en venais à voir un jour mon roman publié, j’en souffrirais comme d’un
outrage, d’une humiliation, un peu comme si je me déshabillais devant quelque
commission médicale militaire en uniforme. »<o:p></o:p></i></div>
<br />
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Je
lis les <i>Suicides exemplaires</i>
d’Enrique Vila-Matas. Et comme toujours, moi qui continue, à l’aube de mes
quarante ans, à me débattre avec mon Bartleby intérieur, je suis frappé par
cette œuvre qui ne cesse d’explorer la question de la disparition, de
l’effacement, du renoncement – et dont l’auteur a toujours été actif,
prolifique, bien présent… Moi aussi, j’écris sur la disparition, l’absence à
soi, l’échec, mais c’est parce que je suis <i>réellement</i>
en conflit permanent avec ce désir d’écrire et d’être lu, reconnu en tant
qu’auteur, et cette peur de la réussite qui m’obligerait à sortir de mon
isolement. Il faut parvenir à quitter cet état, à poser son moi inadapté, veule
et décourageux, devant soi pour l’étudier, le décrire et publier ces
observations. On ne peut écrire sur sa maladie qu’en étant guéri – ou tout au
moins en rémission…<o:p></o:p></div>
Raphaël Juldéhttp://www.blogger.com/profile/06165649185749252999noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-411107272561605711.post-2671169861184395462016-07-17T18:19:00.000+02:002016-07-17T18:19:12.453+02:00Un mariage<div class="MsoNormal" style="text-align: center;">
<br /></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhpBF-2dS8Gi6MkZv0soenJnwCbCaEsB1V7ku9YIox5X5T6Ilga3pm23C35tpU3BueGMibjAMJqXLGQEQ6Ye01JlhGdUWwTpWThFM31-Bi1GvhWbt4nUImlJkFaQJwQygsSGa1TARkNFBk/s1600/un+mariage.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="160" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhpBF-2dS8Gi6MkZv0soenJnwCbCaEsB1V7ku9YIox5X5T6Ilga3pm23C35tpU3BueGMibjAMJqXLGQEQ6Ye01JlhGdUWwTpWThFM31-Bi1GvhWbt4nUImlJkFaQJwQygsSGa1TARkNFBk/s320/un+mariage.jpg" width="320" /></a></div>
<br />
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Ça
rigolait, ça trinquait à répétition, ça parlait fort, il y en avait
quelques-uns qui commençaient à être joliment saouls, les enfants couraient
partout en criant joyeusement, quand le premier coup de feu a claqué,
provoquant un sursaut de stupeur général. Le deuxième coup de feu a imposé un
silence glacial, vite rompu par les hurlements.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Ah !
Le charme des noces de province… Bien sûr, le mariage en lui-même, à l’église,
avait eu la solennité requise, François avait épousé Célia, Célia avait épousé
François, les anneaux avaient été échangés et l’assistance, émue, attendrie ou
amusée, avait applaudi le baiser des jeunes mariés, comme il se doit. Ceux qui
n’avaient que peu d’intérêt pour la messe en général prenaient leur mal en
patience, certains attendaient dehors en tirant sur leur cigarette, prêts à
acclamer les époux avec tout ce qu’il faut de riz et de confetti dès que les
portes de l’église s’ouvriraient.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Le
mariage, finalement, n’est qu’une formalité : ça ne concerne que les
mariés. Ce que les autres attendent, c’est faire la fête. Et on allait la faire
à deux kilomètres de là, dans la salle des fêtes du village d’à côté, louée
pour le week-end, où attendaient un magnifique buffet et un cochon entier qui
n’en était déjà plus à son premier tour de broche. Un copain de François
faisait le DJ, musique d’ambiance pour l’apéro et le dîner, en attendant de
lancer le bal ce soir. Les femmes avaient des robes somptueuses, les hommes
avaient affûté leurs blagues les plus graveleuses pour la circonstance, ça
parlait foot et politique, le bouquet de la mariée avait atterri dans les bras
de sa sœur cadette, toute rougissante de s’imaginer bientôt à la place de son
aînée.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Et
bien sûr, la mariée était magnifique dans sa robe blanche, les épaules dorées
par les premiers rayons de soleil du printemps, la chevelure savamment
entortillée dégageant une nuque adorable, et tout le monde de s’écrier : qu’ils
sont beaux, nos mariés ! quel couple bien assorti ! Le contraire eut
été gênant, du reste…</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
On
a beau être cynique, il y a toujours une atmosphère étrange, dans les mariages.
On se laisse prendre à l’émotion générale, on sourit bêtement, on trouve tout
le monde beau. C’est aussi que tout le monde s’est fait beau pour l’occasion,
ça aide. Daniel, le verre de punch à la main, en avait les larmes aux yeux de
voir son frangin marié. Pourtant, Célia et François étaient ensemble depuis
quatre ans déjà – un mariage ne changeait pas grand-chose à l’affaire. </div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Un grand sentimental,
Daniel : quand les mariés ont annoncé, juste avant d’entrer dans l’église,
que Célia était enceinte, il en tremblait d’émotion ! Pour le détendre un
peu, François lui avait posé la main sur l’épaule dans un grand éclat de rire
en lui promettant qu’il serait le parrain de l’enfant.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Il
y avait eu l’habituelle séance de photos. Les mariés avec l’ensemble de leurs
invités, parents, famille proche et éloignée, amis, ribambelle d’enfants assis
sagement dans l’herbe, au premier plan. Les mariés avec leurs parents et
grands-parents. Avec leurs frères et sœurs. Avec les cousins, les oncles et
tantes. Et puis des photos plus détendues avec les copains.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Dans
la salle des fêtes, la famille avait, dans le plus grand secret, installé de
larges panneaux couverts d’autres photos, retraçant le passé de chacun des
conjoints. Un triptyque à base de tableaux de liège, de cartons et de
cordelettes : deux panneaux, l’un consacré à Célia, l’autre à François,
entourant un troisième, noué à chacun des deux, en forme de cœur, et qui
retraçait leur vie commune.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Et
tout le monde de ricaner ou de s’attendrir devant les panneaux. « Oh, les
tronches ! » Images attendrissantes de Célia bébé, blonde, dodue et ouvrant
de grands yeux magnifiques sur ses jouets en plastique. Dans les bras de sa
mère, dans les bras de son père. À quatre ans, chevelure ample aux reflets plus
sombres, yeux en l’air, sourire mutin et quenotte manquante. Toute petite,
tenant sa sœur encore plus petite dans les bras. À cinq ans, prise en photo à
l’école, feutres en main, avec sa meilleure copine de l’époque, Élodie,
couettes et lunettes à montures rouges, trop larges pour elle, sourire timide. Des
photos de vacances, à la plage avec papa, jouant au ballon avec sa sœur, à la
montagne en combinaison de ski, à dix ans arborant fièrement son premier flocon,
bonnet rouge, yeux cachés par les lunettes protectrices. À dix ans toujours,
soufflant son gâteau d’anniversaire à côté de sa meilleure copine de l’époque,
Malika (qu’est devenue Élodie ?). Le spectacle de fin d’année de CM2
(Célia aurait bien aimé l’oublier, celle-là), en tutu rose à la danse, en tenue
de sport au basket, et toujours au basket, une lourde coupe dans les bras. Les
photos de l’adolescence permettent de suivre l’évolution physique de Célia,
depuis les périodes plus ou moins ingrates jusqu’à l’éclosion glorieuse de la
belle jeune femme que tout le monde connaît. Vers treize ans, elle chante dans
sa chambre, micro imaginaire en main et cheveux volants devant les yeux,
posters de <i>boys bands</i> au mur. Quinze
ans, en Angleterre avec sa copine Charlène (qu’est devenue Malika ?), fou
rire à Piccadilly Circus, casquettes ornées de l’<i>Union Jack </i>sur la tête. Dans un pub irlandais, avec la bande de
potes de l’époque. Il y en a qu’elle n’a plus revus depuis longtemps. Charlène,
elle, est toujours là. Les yeux brillants durant le concert de Nick Cave, à la
Route du Rock. Même année, dix-huit ans, ouvrant fièrement les bras pour
montrer le Grand Canyon à ses pieds – un cliché pris par François.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Leurs
photos en couple sont un hymne à la beauté de Célia. Dix-huit ans, dix-neuf
ans, vingt ans, vingt-et-un ans : quatre années insolentes de beauté, de
joie de vivre, de réussite et de voyages (en Amérique, en Islande, en Italie.
Le Kenya allait suivre, pour le voyage de noces).</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Deux
coups de feu venaient de mettre un terme à cette vie prometteuse.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;">
*</div>
<div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Il
y a des moments où le drame n’a pas sa place. L’être humain n’est pas fait pour
passer du rire aux larmes sans transition. Dans nos petites vies tranquilles,
où le malheur ne franchit que rarement les limites de la télé, il est tout à
fait inconcevable de se faire tuer le jour de son mariage. C’est une question
de <i>timing</i>.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Au
premier coup de feu, les convives ont sursauté, se sont retournés, le sourire
encore collé aux lèvres, croyant qu’un malin avait amené des pétards. Les
conversations se sont à peine interrompues. Au deuxième coup de feu, ceux qui
étaient dehors ont compris, le silence s’est fait le temps que l’information
arrive au cerveau, puis les premiers hurlements ont confirmé l’horreur. Ceux
qui étaient dans la salle sont sortis. Le DJ n’a même pas pris la peine de
couper la musique. Célia est morte sur un air de bossa nova. Certains, en se
précipitant, ont eu le temps de voir une moto qui repartait à toute allure.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Célia
s’était perchée sur un muret pour porter un toast, kir royal dans une main,
l’autre posée sur l’épaule de François, autant par affection que pour conserver
l’équilibre. Elle dépassait tout le monde d’une ou deux têtes, un petit groupe
était réuni devant elle en demi-cercle, rigolard, attendant son discours. Un
vrombissement de moto qui ralentit, une détonation, les yeux et la bouche de
Célia s’étaient arrondis comme si on venait de la frapper à l’estomac. Au
moment où éclatait la deuxième, elle était déjà en train de tomber, François tentant
désespérément de la réceptionner. Avec sa robe de mariée, toute cette
mousseline blanche, la chute avait quelque chose de très beau, comme une fleur
qui tombe au ralenti. Quelque chose d’un peu grotesque aussi, l’armature en
cerceaux de la robe donnant au corps couché dans l’herbe une forme bizarre.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
François
est resté un instant hébété avant de crier le prénom de sa femme, de retourner
son corps et d’exécuter les gestes désordonnés qu’on peut faire quand on se
retrouve avec un blessé sur les bras sans avoir été formé aux premiers secours.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Aux
hurlements ont succédé les larmes, on a vite écarté les enfants de la scène du crime. Les parents de Célia ont
tout aussi rapidement rejoint François aux côtés de la mariée, dont la robe
blanche se teignait de rouge. Jean-Claude, l’oncle médecin, faisait tout ce
qu’il pouvait. Il en faisait même sûrement un peu plus, pour retarder le moment
d’annoncer qu’il n’y avait plus rien à faire. Bientôt, François, les yeux
embués de larmes, s’aperçut de leur présence, la sœur de Célia hurlant dans les
oreilles de celle-ci comme pour la réveiller, son père et sa mère agrippés à sa
robe, Jean-Claude concentré, professionnel. Il ne se souvenait pas les avoir
vus s’approcher. Il regardait au-dessus de lui les invités debout, pétrifiés,
cherchant une aide dans leurs yeux éteints.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Non,
l’homme n’est pas fait pour chuter du rire aux larmes sans passer par un seuil
d’acclimatation. Quand l’instant d’avant, tout le monde rigolait et trinquait,
on veut pouvoir retourner à cet instant-là. La catastrophe tombe trop mal, on a
encore des éclats de rire en réserve, le malheur sonne faux. Les drames n’ont
pas lieu d’être, quand on porte un beau costume, que les dames ont arrangé leur
coiffure avec un tel art, qu’on a fait courir des bandes de papier crépon sur
tous les murs et que les ballons de baudruche oscillent joyeusement au gré du
vent. Le punch attend encore des verres à remplir, les petits fours nous font
de l’œil – on est là pour s’amuser. Il faut croire que non. Les plus vifs d’esprit,
chassant leur nostalgie de la joie, ont su s’emparer de leur portable aussitôt
pour appeler les secours. On a même vu l’un des serveurs recrutés pour le
festin accourir avec le défibrillateur. Jean-Claude l’avait remercié, en
s’abstenant de préciser que cet objet était parfaitement inutile. La première
balle avait déchiré le pancréas, la deuxième s’était logée dans le poumon
gauche. Espérer voir le cœur redémarrer après un tel carnage, c’était
s’attendre à un miracle.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
À
mesure que les minutes passaient, dans l’attente des secours, l’horreur prenait
de plus en plus de place. Les esprits, maintenant, étaient aiguisés, on
remettait de l’ordre dans ce qu’il s’était passé. Certains avaient vu débouler
la moto – rouge, peut-être bien – avec deux hommes dessus, tous deux portant
des casques. Étaient-ce les casques, qui étaient rouges ? Ou la
combinaison de l’un des individus ? Le premier coup de feu avait été tiré
depuis la moto, mais pour le deuxième, le gars qui se tenait derrière le
conducteur avait quitté le véhicule, fait quelques pas en direction de sa
cible, et était remonté précipitamment après le crime, tandis que la moto
redémarrait aussitôt. Tout le monde n’était pas d’accord. Il y en avait pour
dire que les coupables étaient des Arabes. La plupart des témoins étaient pourtant
sûrs, pour les casques. S’ils avaient des casques, comment tu peux dire que
c’étaient des Arabes ? À force de rejouer la scène, à force d’échanger ses
impressions, on ne savait plus trop.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
François
et la famille de Célia étaient toujours à genoux dans l’herbe, autour du corps.
Jean-Claude s’était relevé, il avait pris ses distances, désolé. Tous ceux qui
entouraient la scène s’en tenaient un peu à l’écart. Il y avait comme un cercle
infranchissable autour des quatre personnes recroquevillées sur la jeune femme
sans vie. Les parents de François auraient voulu prendre leur fils dans leurs
bras, mais ils n’osaient pas avancer. Daniel avait l’air particulièrement
affecté par le spectacle. On sait l’attachement qu’il portait à sa belle-sœur.
Cette journée avait été tellement pleine d’émotions contradictoires qu’il n’en
pouvait plus : il craquait. Comme un barrage qui cède sous une crue
gigantesque. Croisant le regard de son frère, François lui ouvrit les bras et
Daniel, aussitôt, franchit les quelques mètres qui les séparaient pour
redoubler de sanglots contre l’épaule de son aîné. </div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;">
*</div>
<div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i>La petite pute est morte. </i>C’étaient ces
mots-là qu’il avait prévu de prononcer, mentalement, quand le projet lui était
venu en tête. À cette époque, qui lui semblait maintenant si lointaine, il se
réjouissait à l’avance de ce moment. Mais là, la réalité l’accablait. Il ne
pouvait même pas se dire qu’il n’avait pas voulu ça, puisqu’il avait exactement
voulu <i>ça</i>. Seulement, désirer la mort
de quelqu’un, c’est donné à tout le monde. Agir pour que cette mort soit un
fait avéré, c’est autre chose. Tout compte fait, Daniel réalisait qu’il n’avait
pas les tripes assez solides pour assumer son acte. Trop tard…</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i>Célia est morte. </i>Pleurant comme un gosse
contre l’épaule de son frère, Daniel était horrifié par ce qu’il venait de
faire. Comment avait-il pu croire un seul instant que c’était <i>réellement </i>ce qu’il désirait ? <i>Qu’est-ce que j’ai fait ?<o:p></o:p></i></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Il
avait fallu qu’il lui en veuille vraiment, à Célia, pour se mettre à la
recherche de petites frappes qui ne verraient aucun inconvénient à assassiner
une femme le jour de son mariage contre une certaine somme d’argent…
Aujourd’hui, pourtant, ça lui semblait bien dérisoire, tout ça. Et il lui
faudrait encore leur verser le reste de l’argent, maintenant que le contrat
était rempli. Comment pourrait-il les regarder en face ? Comment
pourrait-il <i>se</i> regarder en
face ?</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Tellement
ridicule… Il avait fallu qu’un jour, après avoir éclusé pas mal d’alcool, il
ait déclaré son amour à Célia, en en faisant des tonnes, un vrai rôle d’amant
déchiré, et que celle-ci le repousse, pour qu’il en vienne à la haïr. Absurde,
quand on y pense, ce que peut provoquer l’orgueil… Il s’était senti tellement
humilié par son regard ! Pourtant, il savait d’avance qu’il n’avait aucune
chance, qu’elle était avec son frère et qu’il ne pourrait rien y changer… À se
repasser la scène, Daniel se disait même que c’était cette certitude de l’échec
qui l’avait convaincu de tenter le coup – comme s’il avait désiré cette
humiliation, ce sentiment de rejet. Quelle sale petite pute, comme elle l’avait
bien piétiné !... Il voulait la faire souffrir comme elle l’avait fait
souffrir, il voulait la tuer. Il allait la tuer.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Une
pensée surgie sur un coup de colère, et qu’il avait laissé germer, cultivant
cette colère avec soin, patiemment… C’était le plus étrange de l’histoire,
cette constance… Tout être sensé, après avoir dessaoulé, ce serait rendu compte
de la monstruosité d’une telle idée. Lui, non. Il était allé jusqu’au bout de
son projet, il s’était aventuré dans les quartiers les plus hostiles pour y
recruter des types assez tordus pour se salir les mains à sa place (ça non
plus, il n’en revenait pas, à quel point c’était facile de trouver des petites
frappes prêtes à jouer les tueurs à gages), et jamais il n’avait songé à
laisser tomber. La veille encore, il attendait cet instant avec impatience. Ce
n’est que lorsque Célia et François ont déclaré qu’ils attendaient un enfant
qu’il s’est rendu compte de la réalité de ce qui allait se produire. Et là, il
était trop tard pour faire machine arrière, le plan était parfait… Il aurait
voulu pouvoir contacter les tueurs, leur dire de tout annuler, qu’ils seraient
payés comme prévu, mais il n’avait aucun moyen de le faire. Il lui avait fallu
assister à la cérémonie de mariage en sachant parfaitement ce qui allait
arriver. « Pénible » est un peu faible pour décrire le sentiment
qu’il ressentait à mesure que le temps passait. Au fond de lui, il espérait un
cafouillage, il espérait que les types se déballonneraient, qu’un événement
inattendu surviendrait qui empêcherait le drame… C’était comme voir un accident
se produire au ralenti. </div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Maintenant,
c’était fini. Tout était consommé. Plus moyen de revenir en arrière, et Daniel
allait chialer pour l’éternité sur l’épaule de son frère, pour éviter de le
regarder. Il allait falloir, pourtant, se relever, faire face, participer à la
tristesse collective en s’efforçant d’oublier qu’on était l’unique responsable
de cette tristesse. Peine perdue. Alors, quoi ? Attendre la police et se
dénoncer sur-le-champ ? Non. Impossible. Si la police ne trouvait aucun
indice susceptible de l’inculper – et il avait veillé à ce que rien ne puisse
les mener jusqu’à lui<i> – </i>ce
n’était certainement pas lui qui les aiderait à résoudre le problème.
D’ailleurs, ça ne ferait qu’ajouter un surcroît de souffrance. Après avoir
perdu sa femme et le bébé qu’elle portait, François perdrait son frère. Et
leurs parents ? Comment se remettraient-ils d’une telle avalanche de
catastrophes ? Non. Il y a des limites à la cruauté.<o:p></o:p></div>
<br />
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<o:p></o:p></div>
Raphaël Juldéhttp://www.blogger.com/profile/06165649185749252999noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-411107272561605711.post-8632200213737165962016-05-30T09:00:00.000+02:002016-05-30T09:00:06.694+02:00Retour au Royaume des Sept Couronnes (partie 4)<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjTvH0cgOgvhJVSeqMy8Z3A4uNd0GgltwjbJ7JgmsinuXWnPAriwEYXol4CKOzbfL8JIdVfcVp50uWEimiWu_bv1yIaqDFfRRiFXavktIePiZojxzQvS8KE6cA8uws7_0g5CBOxu2CMKic/s1600/got5-5k.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" height="180" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjTvH0cgOgvhJVSeqMy8Z3A4uNd0GgltwjbJ7JgmsinuXWnPAriwEYXol4CKOzbfL8JIdVfcVp50uWEimiWu_bv1yIaqDFfRRiFXavktIePiZojxzQvS8KE6cA8uws7_0g5CBOxu2CMKic/s320/got5-5k.JPG" width="320" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Ceci n'est pas un tableau préraphaélite.</td></tr>
</tbody></table>
<div class="MsoNormal" style="margin-left: 153.0pt; text-align: justify;">
<i><span style="font-size: 10.0pt;"><br /></span></i></div>
<div class="MsoNormal" style="margin-left: 153.0pt; text-align: justify;">
<i><span style="font-size: 10.0pt;"><br /></span></i></div>
<div class="MsoNormal" style="margin-left: 153.0pt; text-align: justify;">
<i><span style="font-size: 10.0pt;">« Les
treize chapitres que tu as en main devraient te donner une idée concernant ma
stratégie narrative. Les trois livres vont représenter une mosaïque complexe de
points de vue qui se recoupent, choisis parmi les différents acteurs de ma
troupe vaste et diverse. »<o:p></o:p></span></i></div>
<div align="right" class="MsoNormal" style="text-align: right;">
<span style="font-size: 10.0pt;">Lettre de George R. R. Martin à son agent Ralph M. Vicinanza, octobre
1993.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Il
y a deux sortes de fans de <i>Game of
Thrones</i> : ceux qui se contentent de regarder la série, et ceux qui se
sont farcis les cinq tomes déjà parus de la saga <i>A Song of Ice and Fire</i>. Oui, rappelons tout de même le titre
original de l’œuvre, et que <i>A Game of
Thrones</i> n’était que celui du premier tome… Jusqu’à la sortie de la
cinquième saison, les lecteurs possédaient un pouvoir énorme sur le reste de
l’humanité : ils pouvaient menacer de révéler des éléments importants de
l’intrigue, comme les prochaines morts de personnages. Même Obama et Poutine
n’avaient pas une force de frappe aussi badasse. La saison 5 ayant rattrapé le
temps des livres, le lecteur de George R. R. Martin est désormais à peu près au
même point que le spectateur. Impossible pour lui de deviner ce qui se passera
dans la saison suivante, puisque l’auteur n’a pas encore publié le sixième
tome, <i>The Winds of Winter</i>.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Alors
le lecteur, loin de s’avouer vaincu, prend des airs hautains en rappelant au
simple <s>mortel</s> spectateur que l’univers créé par Martin est si dense, si
vaste, que la série ne fait jamais qu’en arpenter la surface, se concentre sur
un arbre et en oublie la forêt…</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Et
je vous épargnerai les airs hautains, mais quand même, il faut bien reconnaître
qu’il y a du vrai là-dedans.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Se
lancer dans la somme de George R. R. Martin, c’est s’embarquer pour un long
voyage semé d’embûches et de déviations, dont le lecteur/passager n’est même
pas sûr de voir le bout. La métaphore du roman comme voyage, ça vous la coupe,
ça, hein ? Une originalité pareille, c’est l’Académie direct, et la Légion
d’honneur ! Rigolez, rigolez… N’empêche que la saga de Martin est autant
une <i>Iliade</i> qu’une <i>Odyssée</i>. Un monde rongé par la guerre et
les trahisons d’un côté, des pérégrinations sans fin de l’autre. Je vous ai
déjà fait un topo sur lesdites pérégrinations, je n’y reviens pas.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<b>Points de vue et rumeurs : à propos du style<o:p></o:p></b></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Parlons
un peu des livres, et notamment du style. Le style de Martin a été critiqué
pour sa simplicité et son aspect répétitif. Moi qui, en littérature, préfère la
simplicité, je suis enclin à la clémence envers l’auteur sur ce point. Reste le
problème de la traduction. Jean Sola, qui a traduit en français les quatre
premiers tomes de la saga, a veillé à revêtir le texte original de tenues médiévales.
Une idée qui se défend, et qui donne souvent de très belles pages – mais trop
souvent aussi des phrases maladroites, mal foutues, sur lesquelles le lecteur
va trébucher une ou deux fois avant de pouvoir les comprendre. Il suffit de
lire la première phrase du premier tome pour s’en convaincre : <i>« “Mieux vaudrait rentrer, maintenant…,
conseilla Gared d’un ton pressant, tandis que, peu à peu, l’ombre épaississait
les bois à l’entour, ces sauvageons sont bel et bien morts. […]” »</i>
Trop de virgules à la suite, et bim, on se prend les pieds dans le tapis au
moment où, après la dernière virgule, le dialogue reprend. Ce n’est qu’un léger
croche-pied, rien de bien méchant : dommage que ça arrive dès la première
phrase… </div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
La traduction
de Sola n’est pas déplaisante, loin de là, mais elle demande un certain temps
d’acclimatation. Le plus grave étant qu’avec cette manie de contorsionner la
phrase, le traducteur a une fâcheuse tendance a complexifier certaines sentences
qui auraient eu beaucoup plus de force si elles avaient conservé leur
simplicité originale. Lorsque Jaime pousse Bran du haut de la tour, le <i>« Ce que me fait faire l’amour, quand
même ! »</i> de Jean Sola est nettement moins efficace que le sobre
« <i>The things I do for love »</i>
de Martin. Avec ce clownesque <i>« quand
même ! »</i>, Jaime a l’air d’en rajouter des caisses. Il ne lui
manque plus que de froncer les sourcils avec les poings sur les hanches, et de
conclure d’un <i>« Rhô là
là ! »</i> pour que le tableau soit parfait. Vous allez me dire, ça
lui fait de belles jambes, à Bran…</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<br /></div>
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEimYrz2C4eB-Nz0I7SUt9TVRvHEngxAMw0vTZVl8xLI7eWCyAt9cnShImhf3XxSyxFLtt76UGd6bBJrupORG19-JuQhH1_swhLrJx5-uA002Di5HH81Pu10Q9pSQUYhxuBDbK0XgydLU8Q/s1600/got1-1q.bmp" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" height="180" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEimYrz2C4eB-Nz0I7SUt9TVRvHEngxAMw0vTZVl8xLI7eWCyAt9cnShImhf3XxSyxFLtt76UGd6bBJrupORG19-JuQhH1_swhLrJx5-uA002Di5HH81Pu10Q9pSQUYhxuBDbK0XgydLU8Q/s320/got1-1q.bmp" width="320" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Bran apprend à voler.</td></tr>
</tbody></table>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Passons
sur les choix de traduction parfois gênants (traduire <i>direwolf</i> par « loup-garou », c’est quand même difficile à
avaler sans tousser), et les manies typographiques (Jean Sola raffole des
points de suspension suivis de virgules, il en met partout, alors que George R.
R. Martin n’a pas ce genre de lubies), la lecture intégrale de <i>A Song of Ice and Fire</i> procure des
heures d’intense jubilation et fait entrer le lecteur dans un monde extraordinairement
complexe dont la série, aussi brillante soit-elle, n’est qu’un pâle reflet – et
c’est tout ce qu’on attend d’elle.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
La
grande idée de Martin, c’est le chapitre <i>point
de vue</i>. Chaque chapitre est écrit à la troisième personne, mais en
focalisation interne. Il s’agit du point de vue d’un personnage, qui n’a pas
plus d’informations que le lecteur sur ce qui est en train de se passer, et
parfois même moins. Ainsi, lorsque dans le cinquième tome, Tyrion, en exil
après son évasion de Port-Réal, est enlevé par Jorah Mormont, le lecteur peut
identifier le ravisseur, qu’il a déjà rencontré, avant que sa victime ne le
fasse. Évidemment, Martin ne fait qu’appliquer là un principe de l’intrigue
vieux comme le monde. Ce qui est intéressant, c’est la systématisation de ce
principe sur une œuvre aussi longue, et aussi riche en personnages.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
On
pourrait s’amuser à établir une liste des personnages point de vue. Nous
pouvons nous dispenser de cet effort, d’autres l’ont déjà fait. Il est surtout
curieux de voir quels personnages ne tiennent jamais ce rôle. Au début de
l’histoire, Tyrion est le seul Lannister à bénéficier de chapitres point de
vue. On peut le comprendre : permettre au lecteur d’entrer dans la tête de
Jaime ou de Cersei Lannister, c’est lui donner la clé de leurs stratagèmes. On
va éviter de se tirer une balle dans le pied tout de suite… Autres personnages
en majorité dispensés de chapitres dédiés : les rois. Robert Baratheon
n’est jamais personnage point de vue, pas plus que Joffrey, Tommen, Robb Stark
(le Roi du Nord) ou Stannis. Il n’y a guère que Daenerys et Cersei qui
échappent à la punition. Honneur aux dames ! Les rois gouvernent, mais ce
sont les subalternes qui observent et analysent ce qui se passe. Le règne de
Joffrey est passé au crible du regard de Tyrion, la Main du Roi (ainsi que de
Sansa, la femme répudiée), comme celui de Robert était considéré par Eddard
Stark ; les conseils de guerre de Stannis sont observés par le fidèle
Davos, le chevalier-oignon ; quant à Robb, il entraîne le Nord dans la
guerre sous l’œil bienveillant et inquiet de Catelyn, sa mère.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj4nK1L26CZeS-t0iWt_Wq8Os2pK-mGF6yabd_NowPOpUR9E_OwsW-DjnkRp5ZN8MBgd1QRbooL1g3bDV99vtu5ROGGhMTcl9sSZIFBNAxQox51F1PUTsW3mqpHbCEIeSugM01RCmSMcgo/s1600/got3-8f.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" height="180" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj4nK1L26CZeS-t0iWt_Wq8Os2pK-mGF6yabd_NowPOpUR9E_OwsW-DjnkRp5ZN8MBgd1QRbooL1g3bDV99vtu5ROGGhMTcl9sSZIFBNAxQox51F1PUTsW3mqpHbCEIeSugM01RCmSMcgo/s320/got3-8f.JPG" width="320" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Tout le monde n'e peut pas donner son point de vue.</td></tr>
</tbody></table>
<div class="MsoNormal" style="text-align: center;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
L’auteur
ayant établi avec soin ce partage entre les personnages qui bénéficient de
chapitres dédiés et les autres, le récit se construit autant sur des scènes
auxquelles le personnage point de vue, et donc le lecteur, assistent, que sur
des scènes rapportées, des anecdotes, des rumeurs. Ainsi, les batailles menées
par Robb Stark dans le Conflans sont observées de l’arrière par Catelyn, qui ne
les perçoit que par ce que les hommes en racontent. Lorsque Theon Greyjoy,
après sa prise désastreuse de Winterfell, est capturé par Ramsay Snow, à la fin
du deuxième tome, il disparaît corps et bien. Le lecteur ne le retrouve en
personnage point de vue que dans le cinquième tome, sous le nom de Schlingue (<i>Reek</i>). Sa réapparition, d’ailleurs, est
l’occasion de pages magnifiques nous plongeant dans le cerveau tourmenté d’un
homme enfermé dans le noir, affamé, torturé, sans aucun repère temporel, se
nourrissant de rats dans une peur constante des mauvais traitements, allant
jusqu’à oublier son propre nom… Avant cela, ce n’est qu’indirectement, de loin
en loin, que le lecteur a pu avoir de ses nouvelles, notamment lorsque Roose
Bolton a voulu offrir un doigt coupé de Theon à Catelyn. Autre rumeur qui se met
à circuler après l’épisode fameux des Noces pourpres : celle de la
« malédiction » des Frey (maudits pour avoir tué leurs hôtes), dont
le lecteur n’aura un véritable aperçu que dans le tome 5.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<b>Histoire et fiction<o:p></o:p></b></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Il y aurait
des tonnes de choses à dire encore sur l’univers de <i>Game of Thrones</i>. On sait que George R. R. Martin s’est inspiré de
la Guerre des Deux Roses, qui opposa les Lancastre aux York durant la deuxième
moitié du XV<sup>e</sup> siècle, et qu’il est par ailleurs un grand amateur des
<i>Rois maudits</i>, la fresque historique
de Maurice Druon. Mais là où Druon respecte scrupuleusement la réalité
historique, à laquelle il ne fait qu’ajouter – avec talent – des intrigues
parfaitement crédibles, Martin réinvente sa propre Guerre des Deux Roses, la
transposant dans un univers fictionnel où dragons et morts-vivants existent.
Tywin Lannister n’est pas Edouard I<sup>er</sup>, pas plus que Tyrion n’est
Richard III, Cersei Marguerite d’Anjou ou Robert Baratheon Edouard IV, mais
l’auteur est allé puiser dans la biographie de ces différents personnages
historiques de quoi façonner les siens. Daenerys tient autant de Cléopâtre que
de Jeanne d’Arc (dans sa version ignifugée) ou d’Henri Tudor. Le reste, c’est la petite cuisine de Martin.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<br /></div>
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj0C3l7lRah5KEKVbJCSO8MnkiGqh660T_6GYdNXDQi5NIBMFPy7tsKOhvLZsj5s2T1UKb0CtyT0BlY09jBV7PF_PmqOb2Fsh3X_UtCi_O7wY3mFz9IT-kkrVAzK7aezzb_rflJryMj2Ss/s1600/got3-7j.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" height="180" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj0C3l7lRah5KEKVbJCSO8MnkiGqh660T_6GYdNXDQi5NIBMFPy7tsKOhvLZsj5s2T1UKb0CtyT0BlY09jBV7PF_PmqOb2Fsh3X_UtCi_O7wY3mFz9IT-kkrVAzK7aezzb_rflJryMj2Ss/s320/got3-7j.JPG" width="320" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Cléopâtre et ses dragons.</td></tr>
</tbody></table>
<div class="MsoNormal" style="text-align: center; text-indent: 35.4pt;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Qu’il puise
son inspiration dans la Guerre des Deux Roses ou dans l’Antiquité, qu’il se
souvienne du Mur d’Hadrien pour bâtir ce Mur gigantesque séparant la
civilisation de la barbarie, que les Noces pourpres soient une réminiscence du <i>Black Dinner</i> écossais de 1440 ou du
massacre de Glencoe, que la Garde de Nuit rappelle les ordres de moines
soldats, le peuple dothraki les hordes d’Attila et les Immaculés les spartiates
ou les mamelouks, il ne s’agit là que d’ingrédients qui, savamment mélangés,
donnent naissance à cet univers complexe et cohérent qu’est <i>Game of Thrones</i>.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
C’est ce mélange
qui séduit. Le lecteur est certes projeté dans un monde imaginaire, mais c’est
un monde dont il possède déjà certaines clés. L’univers de <i>Game of Thrones</i> s’inspire du système féodal, on y retrouve le
principe des fiefs et de la vassalité, la question des droits de succession et
l’importance des alliances par le mariage, on y retrouve des armures et des
bannières, des cachots et des conseils royaux, des espions, des putains et des
courtisans, des gueux et des princesses. Étant dans un monde dont il connaît
les codes mais qu’il sait fictif, le lecteur, ou le spectateur, est déjà captif
quand déferlent sur lui dragons, magie noire et autres monstruosités.
Piégé !</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
J’aurais pu
faire un point sur le rôle des armes dans <i>Game
of Thrones</i>, du lien qui les unit aux personnages qui les portent. Il y
aurait beaucoup à dire sur Glace, l’épée de Ned Stark, qui a servi à sa
décapitation et qui a été fondue pour forger deux nouvelles épées : celle
de Joffrey, et celle qui était destinée à Jaime et que celui-ci donne à
Brienne. Et je suppose que vous avez noté que Grand-Griffe, l’épée <i>bâtarde</i> (tiens donc) que lord Mormont
donne à Jon Snow, est celle de son propre fils, Jorah Mormont, le protecteur de
Daenerys ? Je n’en conclus rien, c’est une remarque en passant… </div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
J’aurais pu
faire une liste des châtiments que l’on retrouve dans la saga. Martin a,
semble-t-il, voulu montrer dans son histoire une véritable anthologie de la
torture et de la mise à mort. Décapitations, écorchages, supplices bestiaux
(Brienne luttant contre un ours, des victimes dévorées par les chiens de Ramsay
Snow, d’autres brûlées par les dragons de Daenerys ou grignotés par les rats
dans les ruines d’Harrenhal), bûchers, précipitations dans le vide (à travers
la Porte de la Lune, au sommet des Eyriés), égorgements, crucifiements,
mutilations, empoisonnements… Ne faites pas ça chez vous.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
On n’en a
jamais fini avec <i>Game of Thrones</i>,
événement littéraire et télévisuel passionnant et riche, quoi qu’en disent les
pédants qui ne jurent que par les classiques et le cinéma, et ne voient
là-dedans qu’un amusement populaire de peu d’intérêt. Alexandre Dumas, Jules
Verne, Stevenson étaient aussi des auteurs populaires. Quand la littérature
populaire atteint cette hauteur là, je demande volontiers du rab.<span style="text-indent: 35.4pt;"> </span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: center;">
<b> <table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiWHQ-MgRPKq7LFbNa2pmHZbfa2nNfWG17H5sqTI1s60DU1ey7cPVonKThIPlecryBU88FNASnrvi2Mvpp6sasBtB92jto0sR57t_asg5bFuqm04S_zPShhe-K6hq-QPju2iW7e-moDWaQ/s1600/got5-4h.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" height="180" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiWHQ-MgRPKq7LFbNa2pmHZbfa2nNfWG17H5sqTI1s60DU1ey7cPVonKThIPlecryBU88FNASnrvi2Mvpp6sasBtB92jto0sR57t_asg5bFuqm04S_zPShhe-K6hq-QPju2iW7e-moDWaQ/s320/got5-4h.JPG" width="320" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Des répliques qui tuent.</td></tr>
</tbody></table>
</b></div>
<br />
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<b> <o:p></o:p></b></div>
Raphaël Juldéhttp://www.blogger.com/profile/06165649185749252999noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-411107272561605711.post-56738198191013792672016-05-09T09:00:00.000+02:002016-05-09T09:00:11.956+02:00Retour au Royaume des Sept Couronnes (partie 3)<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjQxHUyp4dY5vnGamV-xTO6-hke60dJML8Z7on9WjbYU6w0WhpaGyaISdycgpfNVCRTuvedo2WHMVwLxzl1NrDzQmK4LgVhRJsVl8IMU0U-V1FrBmsfMC6pL2q5U2sRuuAYiDmCtccm3ZQ/s1600/got5-8f.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" height="180" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjQxHUyp4dY5vnGamV-xTO6-hke60dJML8Z7on9WjbYU6w0WhpaGyaISdycgpfNVCRTuvedo2WHMVwLxzl1NrDzQmK4LgVhRJsVl8IMU0U-V1FrBmsfMC6pL2q5U2sRuuAYiDmCtccm3ZQ/s320/got5-8f.JPG" width="320" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Viens voir papa...</td></tr>
</tbody></table>
<div class="MsoNormal" style="margin-left: 234.0pt; text-align: justify;">
<i><span style="font-size: 10.0pt;"><br /></span></i></div>
<div class="MsoNormal" style="margin-left: 234.0pt; text-align: justify;">
<i><span style="font-size: 10.0pt;">« Le
Maître de la Lumière veut qu’on brûle ses ennemis, le Dieu Noyé qu’on les noie.
Pourquoi les dieux sont-ils tous des connards malveillants ? Où est le dieu
des nichons et du vin ? » <o:p></o:p></span></i></div>
<div align="right" class="MsoNormal" style="text-align: right;">
<span style="font-size: 10.0pt;">Tyrion Lannister.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<b>Croyances et magie : le retour du refoulé<o:p></o:p></b></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
L’épopée de <i>Game of Thrones</i> se déroule dans un monde
où les saisons s’étendent sur plusieurs années. Si l’on excepte cette
particularité, l’œuvre de George R. R. Martin se présente comme une histoire de
<i>medieval fantasy</i> où la <i>fantasy</i> se montre tout d’abord assez
discrète. Bien que le prologue du premier tome, tout comme la scène
d’exposition de l’épisode pilote, nous ait déjà mis en présence des
« Marcheurs blancs », ces cadavres ambulants aux yeux bleus qui vous
coupent en deux avec une facilité quelque peu humiliante, l’histoire se
concentre ensuite sur les luttes de pouvoir, les manigances, les trahisons – le
grand jeu de chaise musicale (au singulier) autour du trône de fer. On lorgne
beaucoup plus vers la Guerre des Deux-Roses que vers <i>Le Seigneur des Anneaux</i>. Pas de gobelins ni d’orcs à l’horizon. Les
Marcheurs blancs, vous dites ? De vieilles légendes ! Les
dragons ? Les dragons ont disparu depuis des siècles. Le fantastique ne va
se révéler que progressivement aux différents personnages, qui n’en reviendront
pas de voir une princesse dothrakie – une <i>khaleesi</i>
– ressortir saine et sauve d’un bûcher, entourée de trois bébés dragons ;
de faire face pour la première fois à un revenant vindicatif ou à un
géant ; de parvenir à entrer dans l’esprit d’un loup…</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
C’est
certainement ce qui a séduit même ceux qui ne sont pas familiers des histoires
d’<i>heroic fantasy </i>: on vous
présente avant tout un drame shakespearien – les élucubrations à la Tolkien
sont une toile de fond d’abord discrète, qui prend de plus en plus d’ampleur à
mesure que l’hiver approche.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Je
l’ai déjà dit : lorsque nous entrons dans l’histoire des Sept Couronnes, à
travers les livres ou la série, nous entrons dans un monde déjà vieux, un monde
dont le passé remonte à 12 300 ans. Et ce n’est pas le moindre des talents
de Martin que de parvenir à nous faire sentir réellement ce passé, cette longue
histoire qui survit à travers les récits des anciens, le temps ayant fait son
œuvre à tel point qu’on ne sait plus vraiment ce qui appartient à l’Histoire
véritable et ce qui n’est que pure légende. Les aventures vécues par les héros
semblent parfois la répétition de faits plus anciens, enfouis dans la mémoire
collective, le comportement de Daenerys rappelle celui de Rhaegar Targaryen,
son frère mort lors de la Bataille du Trident, et qu’elle n’a jamais connu. </div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiNtLKg5pKKzlUo2oHZtLO-HJC5uM2frhqcn3bKwGiX-vg5tnjH-ChcYWl2NH9mmeUbIXq4vxXDDD55Bk_0ZyItVIhUj0Gg5Btg-sV2gLusI6UYrb1RaLX4rO6AjKXJuVijNBP1QK1N7xw/s1600/got4-9c.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" height="180" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiNtLKg5pKKzlUo2oHZtLO-HJC5uM2frhqcn3bKwGiX-vg5tnjH-ChcYWl2NH9mmeUbIXq4vxXDDD55Bk_0ZyItVIhUj0Gg5Btg-sV2gLusI6UYrb1RaLX4rO6AjKXJuVijNBP1QK1N7xw/s320/got4-9c.JPG" width="320" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Janos Slynt, un sceptique.</td></tr>
</tbody></table>
<div class="MsoNormal" style="text-align: center;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Au contraire
des habitants du sud, les « nordiens », dont font partie les Stark,
ont conservé des liens très forts avec le passé, notamment à travers la
religion, puisqu’ils continuent d’honorer les anciens dieux sans nom, ces dieux
auxquels se vouaient les Enfants de la forêt, premiers occupants de Westeros,
qui creusaient des visages dans les arbres sacrés. La religion des Sept,
importée par les Andals qui se sont installés à Westeros trois mille ans avant l’histoire
racontée ici, est la religion dominante. Elle est marquée par la croyance en
sept dieux qui sont en fait les sept visages d’un dieu unique : le Père,
la Mère, l’Aïeule, le Guerrier, le Ferrant, la Jouvencelle et l’Étranger – le
dieu de la mort. Les habitants des Îles de Fer, peuple de marins, vénèrent le
Dieu Noyé. Vient ensuite R’hllor, le Maître de la Lumière, qui est adoré par
les prêtres rouges venus d’Asshaï, à l’extrême sud-est d’Essos. Une religion
encore très rare à Westeros, mais qui fait son chemin petit à petit, grâce à
Thoros de Myr et Mélisandre. Enfin, pour compliquer encore un peu plus les
choses, il faut ajouter le dieu multiface, qui fait l’objet d’un culte très
secret au sein de la Demeure du Noir et du Blanc, à Braavos.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
La secte des
prêtres rouges est considérée avec méfiance par les habitants de Westeros, tant
son culte semble imprégné de sorcellerie, de magie noire. Le feu et le sang
sont les éléments principaux du culte, des sacrifices humains y sont pratiqués.
Thoros de Myr avait sans succès tenté de convertir à cette croyance le roi
Aerys II Targaryen, dit le Roi Fou, et désormais, il est essentiellement
préposé à la résurrection de lord Béric Dondarrion, qui a une fâcheuse tendance
à mourir pour un oui ou pour un non. Mélisandre d’Asshaï, quant à elle, s’est
mise au service de Stannis Baratheon, qu’elle veut aider à reconquérir le trône
de fer. Elle a vu sa victoire dans les flammes, paraît-il, mais à l’heure où
nous mettons sous presse, elle n’est plus aussi sûre de ce qu’elle a vu.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<br /></div>
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjWhAO3XNTLgPQProdR-hxdLlZzY1tlUrzLnzk6obUjWf2qXFxiVw47vQUSA9IbYPmilq-vRDFMxBRF76kY74dxRT222noDi_0arRuEixVIn5jAkrv23Wc23XuV0-plh6O1_VjTqqkkwVg/s1600/got2-10l.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" height="180" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjWhAO3XNTLgPQProdR-hxdLlZzY1tlUrzLnzk6obUjWf2qXFxiVw47vQUSA9IbYPmilq-vRDFMxBRF76kY74dxRT222noDi_0arRuEixVIn5jAkrv23Wc23XuV0-plh6O1_VjTqqkkwVg/s320/got2-10l.JPG" width="320" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Lady Mélisandre n'y voit que du feu.</td></tr>
</tbody></table>
<div class="MsoNormal" style="text-align: center; text-indent: 35.4pt;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Ainsi, tout
l’univers fantastique qui compose l’arrière-plan de <i>Game of Thrones</i> est connu des habitants des Sept Couronnes,
notamment des nordiens, qui continuent à raconter aux enfants des histoires de
dragons et de marcheurs blancs – mais il a été refoulé. Y croire paraît aussi
stupide que croire au Père Noël ou à une princesse qui aurait dormi cent ans
avant d’ouvrir les yeux sous le baiser d’un prince (je vous dis pas l’haleine
au réveil). Les dragons, certes, ont existé, personne ne le nie : mais il
y a près de deux siècles qu’ils ont disparu. Seuls les dix-neuf crânes des
derniers spécimens restent encore visibles dans les sous-sols du Donjon Rouge.
Quand Tyrion Lannister accompagne Jon Snow au Mur, ce n’est que la curiosité
qui le pousse. Pas plus qu’un autre, il
ne croit à ces histoires de créatures d’au-delà du Mur. Le patrouilleur Gared,
qui a déserté la Garde de Nuit après avoir vu les marcheurs blancs à l’œuvre,
est exécuté par Ned Stark qui le croit dément. Pourquoi pas des vampires et des
sorcières, pendant qu’on y est ?</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Lorsque les
œufs de dragon que transporte Daenerys éclosent et qu’elle-même surgit intacte
des flammes – dans le livre, elle y a tout de même laissé sa chevelure ;
il faut croire que l’actrice Emilia Clarke n’était pas prête à se la jouer
Ripley dans <i>Alien 3</i> – et lorsque les
plus incrédules doivent se rendre à l’évidence que ce qu’ils ont sous les yeux
est bien un cadavre ambulant et énervé, c’est tout l’univers que les hommes
avaient voulu enfouir dans l’oubli qui refait surface. Le passé reprend sa
place et soudain, les guerres humaines ont l’air bien vaines. Stannis Baratheon
en prend conscience qui, après avoir essuyé une défaite dans les eaux de la
Néra, comprend que le véritable combat doit se mener au nord. Que les Lannister
s’accrochent à leur misérable trône de fer ! La véritable menace est
ailleurs… Même les hommes de la Garde de Nuit n’ont pas conscience du danger,
et s’imaginent encore que le Mur a été construit pour les protéger des sauvageons.
Jon Snow est le seul à avoir compris qu’ils ont besoin des sauvageons et que ce
qui se cache derrière le Mur est bien plus terrible qu’une bande de pillards et
d’assassins. Cette clairvoyance lui attirera quelques ennuis. </div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Bran,
l’estropié, est peut-être celui qui, pour avoir suivi la corneille à trois yeux
jusque dans les confins au-delà du Mur, sauvera l’univers des Sept Couronnes,
et qui le fera sans aucun intérêt pour les luttes de pouvoir autour d’un siège
ridicule. C’est une hypothèse… Au fond, <i>Game
of Thrones</i> n’est peut-être rien de plus qu’une fable écolo visant à nous
rappeler que toutes nos ambitions sont bien futiles si nous ne savons pas nous
réconcilier avec la nature. (Et si c’est vraiment ça, alors okay, c’est nul.)</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<br /></div>
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgNsM7CUshX6Q9fqYQYRvkYgdzyTcROgj1G1z8BwfKTgvYgWHdpDkRyLnQgIFXss-FhXFx_GgISC97V6FxMD_idqSEr2FTPttSYhf_0UbduMC2We03bJJwI1pMKoe3tIsEZ7-mYqEv0GoY/s1600/got3-9c.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" height="180" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgNsM7CUshX6Q9fqYQYRvkYgdzyTcROgj1G1z8BwfKTgvYgWHdpDkRyLnQgIFXss-FhXFx_GgISC97V6FxMD_idqSEr2FTPttSYhf_0UbduMC2We03bJJwI1pMKoe3tIsEZ7-mYqEv0GoY/s320/got3-9c.JPG" width="320" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Notre Sauveur ?</td></tr>
</tbody></table>
<div class="MsoNormal" style="text-align: center; text-indent: 35.4pt;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<b> </b><b>On the road again</b></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i>Game of Thrones</i> met à l’honneur une
figure emblématique de la littérature médiévale, celle du chevalier errant.
D’un bout à l’autre de Westeros et d’Essos, on n’arrête pas de marcher. Il n’y
a pas que les chevaliers, d’ailleurs, pour prendre la route : enfants en
fuite, brigands, soldats sans bannière, armées en marche… Du reste, peu de
chevaliers, dans <i>Game of Thrones</i>,
méritent réellement ce titre. Sandor Clegane, le « Limier », refuse
de le porter. Lui sait bien que la plupart des hommes d’armes qui gravitent
autour du roi Joffrey ne méritent pas leur titre de noblesse, à commencer par
son frère Gregor, la « Montagne »…</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Des
chevaliers errants, on peut en dénombrer quelques-uns : Brienne de Tarth
et Jaime Lannister, notamment. Mais tout le monde erre, en quête de quelque
chose… Souvent, il s’agit simplement d’une question de survie : il faut
fuir. Le voyage a rarement l’honneur pour point de mire. Le Limier quitte
Port-Réal parce qu’après la bataille de la Néra, il ne veut plus servir
Joffrey. Barristan Selmy, véritable chevalier, lui, s’en va humilié, renvoyé de
la Garde royale. À l’exception des grands seigneurs qui partent livrer bataille
et espèrent se couvrir de gloire (ils sont souvent déçus), les personnages de
la saga sont souvent jetés sur la route la queue entre les jambes, quand ils en
ont une. Mais <i>Game of Thrones</i>, tout
de même, a son Graal : comment désigner autrement cette corneille à trois
yeux vers laquelle Bran s’est lancé avec toute la vigueur de ses jambes
mortes ?</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEipwUplvpV6Rl2zUm85hMw3K7nmLPloQThK5HzbuXUBmA_FEu0hnQ08cJkoN8YUfqLFl1LPahlf5oR2q3dQTEcnSKAjcvcnHtufXZQr0MohrpV4xAH7fRA5b99JLb9tYwKvrI3_s42ao5Y/s1600/got2-8e.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" height="180" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEipwUplvpV6Rl2zUm85hMw3K7nmLPloQThK5HzbuXUBmA_FEu0hnQ08cJkoN8YUfqLFl1LPahlf5oR2q3dQTEcnSKAjcvcnHtufXZQr0MohrpV4xAH7fRA5b99JLb9tYwKvrI3_s42ao5Y/s320/got2-8e.JPG" width="320" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Promenons-nous dans les bois...</td></tr>
</tbody></table>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
La
route a une importance capitale dans <i>Game
of Thrones</i>, parce qu’elle rythme le récit. On ne voyage pas tranquillement
de Port-Réal à Winterfell, ou de Winterfell au Mur. On n’arrive pas à
destination comme une fleur, en l’espace d’une ellipse, d’un fondu-enchaîné –
non, le trajet demande du temps, beaucoup de temps, et de nombreux obstacles
peuvent se rencontrer en chemin. Certains voyageurs n’atteignent jamais leur
but, d’autres sont détournés de leur chemin par les hasards des rencontres,
heureuses ou malheureuses. Plus souvent malheureuses, on va pas se mentir…</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Tiens !
Amusons-nous à suivre un de ces trajets. Où était censée aller Arya Stark, à la
mort de son père, déjà ? Ah oui ! Au Mur, déguisée en garçon, avec
Yoren, Gendry (l’un des nombreux bâtards de Robert) et une poignée d’autres.
Hélas pour elle, la reine-mère Cersei a lancé ses hommes à la recherche du
bâtard et, après ce qu’il faut de massacres, la voilà prisonnière dans le
château d’Harrenhal pour un bon moment. Elle finit tout de même par s’évader
grâce à la complicité de Jaqen H’ghar et tente de rejoindre Vivesaigues. En
chemin, elle tombe sur des hommes de la Fraternité sans bannière, qui la mènent
à lord Béric Dondarrion. Elle y trouve le Limier, également prisonnier de la
Fraternité. Après un duel judiciaire entre Béric et le Limier (Béric meurt,
mais il va tout de suite mieux), elle s’enfuit à nouveau, mais Clegane la
rattrape et veut l’emmener aux Jumeaux pour la livrer contre rançon à son frère
Robb Stark. Ils arrivent au moment où Robb et Catelyn Stark sont assassinés par
les Frey. <i>Caramba !</i> Encore raté.
C’est donc de nouveau vers Vivesaigues que Sandor Clegane et Arya se dirigent,
mais après un combat contre des hommes de Gregor Clegane, Arya abandonne le
Limier blessé à mort (le combat contre Brienne de Tarth est une invention
(brillante) de la série télé) et s’embarque, enfin, pour Braavos. Ces
pérégrinations occupent deux tomes sur les cinq écrits par George R. R. Martin,
trois saisons de la série. Les voyageurs qui se plaignent des retards de la
SNCF ne connaissent pas leur bonheur.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Quant
à Daenerys, elle est censée rentrer à Westeros, plein ouest, impossible de se
tromper, et depuis le début de la saga, elle ne cesse de s’enfoncer toujours
plus loin vers l’est. Mais ça, j’en ai déjà parlé la dernière fois…</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhKmTxPBarVfOzHahXRSGU0FEdsDwVsUaLiJHrrwFV1zgkHXzeC-NXPFLrkUW56ZGRYZlLZqgj7BF2TRumieLanB-d4ScvbZWSB5b5Cg7nD_pevUfULC0Co-zB0K941lPYAs5MlrW5xqfk/s1600/got5-2c.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" height="180" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhKmTxPBarVfOzHahXRSGU0FEdsDwVsUaLiJHrrwFV1zgkHXzeC-NXPFLrkUW56ZGRYZlLZqgj7BF2TRumieLanB-d4ScvbZWSB5b5Cg7nD_pevUfULC0Co-zB0K941lPYAs5MlrW5xqfk/s320/got5-2c.JPG" width="320" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Quand on arrive en ville...</td></tr>
</tbody></table>
<div class="MsoNormal" style="text-align: center;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Tous
ces déplacements, donc, imposent leur rythme à l’histoire. Tandis que certains
restent fixés à un endroit, au moins pour un temps – les Lannister à Port-Réal,
la Garde de Nuit au Mur, etc. – d’autres sont en mouvement, des informations
sont transmises, des nouvelles arrivent (quand les corbeaux messagers ne sont
pas tués en vol), et la géographie du royaume, telle qu’elle apparaît en images
de synthèse au générique de la série, la carte évoluant à chaque épisode, prend
tout son sens. Des fans se sont amusés à créer une <a href="http://quartermaester.info/" target="_blank">carte interactive</a> sur
laquelle il est possible de suivre tous les déplacements des personnages
principaux. Le lecteur à l’âme vagabonde pourrait même, crayon en main, se
faire un véritable <i>Guide du Routard</i>
de Westeros et d’Essos. En notant scrupuleusement les <i>bed & breakfast</i> qui jalonnent le parcours : l’auberge de
Masha Heddle, au carrefour du Trident, où Catelyn s’empare de Tyrion, ou celle
de l’Homme-à-genoux, où Arya, Gendry et Tourte s’imaginent avoir trouvé refuge…
Il est possible d’attribuer quelques étoiles, mais dans l’ensemble, on est
assez mal reçu, et on court toujours le risque de se retrouver avec plusieurs
centimètres de fer dans le ventre. Je ne sais pas ce qu’en pense TripAdvisor.</div>
<br />
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: right; text-indent: 35.4pt;">
<b>(A suivre)</b></div>
Raphaël Juldéhttp://www.blogger.com/profile/06165649185749252999noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-411107272561605711.post-78951450699653164052016-05-01T09:00:00.000+02:002016-05-01T09:00:09.739+02:00Des buveurs, 14.<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgrArz7piyVvn5djvYDzBPfUdcA6eDRpSpnRrXaYjSvc0qTOlLfz1_GUIilVDDdx6RWlB630o7YIKG3K_sO8QzcsVoQWllviCBYaTzukyGUiKFM2Ew3GVY8gbiEgadNnJxU-5tPRLBHgSo/s1600/buveur014.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="400" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgrArz7piyVvn5djvYDzBPfUdcA6eDRpSpnRrXaYjSvc0qTOlLfz1_GUIilVDDdx6RWlB630o7YIKG3K_sO8QzcsVoQWllviCBYaTzukyGUiKFM2Ew3GVY8gbiEgadNnJxU-5tPRLBHgSo/s400/buveur014.jpg" width="282" /></a></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<span style="font-size: x-small;">Dessin paru dans <i>Zapoï</i>, 2012.</span></div>
<div style="text-align: center;">
<br /></div>
Raphaël Juldéhttp://www.blogger.com/profile/06165649185749252999noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-411107272561605711.post-81538852090911189442016-04-28T09:00:00.000+02:002016-04-28T09:00:03.508+02:00Retour au Royaume des Sept Couronnes (partie 2)<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjuSQt9NyLRCqUv0DSE3g8V2trgMgjQhzzhAkKVXx1fwKFN-8Mto0quHkeaFwLkZ0dq96zfus7q-NCARh2PdqsfsRBNsiqEWmbo377xOk6EGxJfgJE7PfEAQFOThrEV5MxzV8hMH7CqmXA/s1600/got1-10n.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" height="180" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjuSQt9NyLRCqUv0DSE3g8V2trgMgjQhzzhAkKVXx1fwKFN-8Mto0quHkeaFwLkZ0dq96zfus7q-NCARh2PdqsfsRBNsiqEWmbo377xOk6EGxJfgJE7PfEAQFOThrEV5MxzV8hMH7CqmXA/s320/got1-10n.JPG" width="320" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Je crois qu'on a été coupés.</td></tr>
</tbody></table>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<br />
<div class="MsoNormal" style="margin-left: 198pt;">
<i><span style="font-size: 10.0pt;">« Regardez-moi !
Stannis est un tueur. Les Lannister sont des tueurs. Votre père était un tueur.
Votre frère est un tueur. Un jour, vos fils seront des tueurs. Le monde est
façonné par les tueurs. Vous feriez mieux de vous habituer à les regarder. »<o:p></o:p></span></i></div>
<div style="text-align: right;">
</div>
<div align="right" class="MsoNormal" style="text-align: right;">
<span style="font-size: 10.0pt;">Sandor Clegane, à Sansa Stark.<o:p></o:p></span></div>
<br />
Il y a
toujours un problème, avec les séries à succès : assez vite, on les
soupçonne d’occuper une place qu’elles ne méritent pas. <i>Game of Thrones</i>, la série de HBO, rencontre depuis sa création en
2011 un succès phénoménal qui ne s’est jamais démenti. C’est louche. Même
certains fans de la première heure commencent à faire la fine bouche depuis la
cinquième saison. Ils étaient « accros », mais ils commencent à
montrer des signes de fatigue. Et puis la mort de Jon Snow à la fin de la
saison cinq, c’est le pompon… Alors que la sixième saison approche, il est
temps de rappeler un principe simple, définitif, indiscutable :</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<i>GAME OF THRONES </i>EST LA MEILLEURE SÉRIE
DU MONDE. Point barre.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<b><i>Valar morghulis</i> : de la mort et de son utilité<o:p></o:p></b></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
« Une
série racoleuse, qui se complait dans le sexe et la violence », diront
certains. Ceux-là n’ont sans doute pas lu le <i>Perlesvaus</i>, roman arthurien du XIII<sup>e</sup> siècle, dans lequel
des demoiselles se promènent avec des têtes coupées de chevaliers, tandis que
tortures et mutilations s’égrènent à un rythme ininterrompu tout au long de
l’histoire… Alors, certes, rien ne nous est épargné dans la série de David
Benioff et D.B. Weiss : décapitations, éventrations, démembrements en tous
genres, personnages écorchés vifs, brûlés vifs… La caméra ne se détourne pas
pudiquement lorsque le sang gicle ou que les intestins se répandent.
Complaisance ? Perversité des scénaristes qui cherchent à satisfaire la
perversité des spectateurs ?</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Non.
La violence n’est jamais gratuite dans <i>Game
of Thrones</i>, et le spectateur jamais du côté du tortionnaire. Lorsque dès le
premier épisode de la première saison, Eddard Stark, seigneur de Winterfell et
gardien du Nord, doit condamner à mort un déserteur de la Garde de Nuit, il
enseigne à ses enfants que la sentence doit être exécutée par celui qui l’a
proclamée. C’est ainsi qu’on fait dans le Nord : il faut avoir pleinement
conscience de ce que cela signifie, de trancher la tête d’un homme. </div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhACDNbHH_CB0P1l11SJ72Hpa59Zfc4dKgujdsfCG-aPH_GBZYyQl_VV0NW0Mww8SwZos7V6Mj5Xw2Ip47l10qH4dleK5MRw5gujSPEnmbxwGGpU3q48zLzV02VBfMbdhO7pLzyRATszoQ/s1600/got3-10a.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" height="180" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhACDNbHH_CB0P1l11SJ72Hpa59Zfc4dKgujdsfCG-aPH_GBZYyQl_VV0NW0Mww8SwZos7V6Mj5Xw2Ip47l10qH4dleK5MRw5gujSPEnmbxwGGpU3q48zLzV02VBfMbdhO7pLzyRATszoQ/s320/got3-10a.JPG" width="320" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Ramsay Snow entame sa carrière d'humoriste.</td></tr>
</tbody></table>
<div class="MsoNormal" style="text-align: center;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Chez George R.
R. Martin, le sang coule à flots, certes, mais chaque crime <i>pèse</i>, et lorsque Ned Stark est à son
tour décapité par le bourreau Ilyn Payne sur les ordres du roi Joffrey
Baratheon, le spectateur est horrifié par la scène. La catharsis fonctionne aussi
efficacement que dans un drame shakespearien : les camps du Bien et du Mal
sont parfaitement définis, même lorsque la frontière entre les deux se fait
plus floue. Jamais le spectateur ne va acclamer Joffrey pour sa cruauté, et
s’il se met à haïr Theon Greyjoy lorsque celui-ci envahit Winterfell dans le
but de faire la fierté de son père (c’est raté), il ne peut supporter de le
voir torturé par ce sadique de Ramsay Snow. Eh oui, surprise : le
spectateur n’est pas si bête. Quand Daenerys Targaryen, la mère des dragons, un
personnage identifié depuis le début comme appartenant au camp du Bien
(guillemets avec les genoux), refuse la grâce à un ancien esclave de Meereen et
lui fait trancher la tête, on comprend qu’elle est dans l’erreur, qu’elle vient
de faire un pas vers le côté obscur de la Force (comment ça, je me trompe de
saga ?). La perversité des personnages ne fait pas du spectateur un
pervers. Vous me copierez cent fois cette phrase.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
C’est
vrai, à Westeros, ça meurt à tour de bras. Et surtout, personne ne semble à
l’abri. <i>Valar morghulis</i> : « tous
les hommes doivent mourir. » Cela devient une sorte de concours, avant
chaque nouvelle saison : « Qui va y passer cette fois ? »
Quand on voit la famille Stark se faire décimer petit à petit, on se dit que
c’est le monde à l’envers, cette histoire où ce sont les héros qui cassent leur
pipe ! Il vaut mieux éviter de s’attacher aux personnages si l’on ne veut
pas souffrir (moi qui vous parle, je ne sais pas ce que je ferai si on me dézingue
Arya Stark…). </div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhL_dIDBE0ftjkFTFGXC8Zynyg6QADFRoCocH_gVHW-WzYLtSw5c7XseUtbQBEBerbeXu5pfOXYlMG-T5snVgZdILcDIjc2MWWK64XLpjHxnu1iCnWuJ6-SElhcQUwRCrZO0J1MXpQ6njA/s1600/got5-10l.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" height="180" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhL_dIDBE0ftjkFTFGXC8Zynyg6QADFRoCocH_gVHW-WzYLtSw5c7XseUtbQBEBerbeXu5pfOXYlMG-T5snVgZdILcDIjc2MWWK64XLpjHxnu1iCnWuJ6-SElhcQUwRCrZO0J1MXpQ6njA/s320/got5-10l.JPG" width="320" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Arya Stark, dans une belle imitation de Jon Snow.</td></tr>
</tbody></table>
<div class="MsoNormal" style="text-align: center;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Le plus
étrange, c’est qu’en éliminant certains des principaux protagonistes, George R.
R. Martin <span class="uficommentbody1n4g">ne craint pas d’éliminer en même temps
des éléments narratifs potentiels importants. Le meilleur exemple concerne Jon
Snow, le bâtard. </span>La mort de Jon Snow, d’une certaine façon, rappelle une
fois de plus au lecteur étourdi qu’ici, <i>tout
le monde</i> peut mourir. Comme le disait Nietzsche : « Si Jon Snow
est mort, alors tout est permis. » On peut – on doit – trembler pour
Daenerys, pour Tyrion, pour Arya (non, s’il vous plaît…). Personne n’est à
l’abri. Mais avec Jon Snow, il y a un problème : il meurt avant qu’on
sache d’où il vient. <span class="uficommentbody1n4g">Lorsqu’il quitte Ned Stark
avant de rejoindre le Mur, celui-ci lui dit qu’à leur prochaine rencontre, il
lui parlera de sa mère. Ned meurt, le mystère reste entier... et maintenant que
Jon Snow est mort à son tour, nous n’avons pas eu de réponse sur sa filiation
et l’intérêt même de cette question semble avoir disparu avec lui. Or, il y a
une règle implicite de la fiction qui veut que toute question finisse par
trouver sa réponse. Ou alors, il faudrait considérer que Martin est le genre
d’auteur qui, plutôt que de résoudre une intrigue, préfère encore supprimer
tous les personnages qui sont liés à cette intrigue. Mais il s’agirait là d’un
travail d’écrivaillon, d’une imposture, et Martin n’est pas un imposteur. Non,
cette saga a un sens, elle se dirige vers un dénouement, quel qu’il soit, et
l’auteur sait très bien où il nous emmène. Faites-moi confiance. <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<span class="uficommentbody1n4g">Alors, pourquoi créer un personnage de bâtard, et
faire </span>autant de mystère sur ses origines, si celles-ci n’ont pas un rôle
déterminant à jouer dans la suite de l’histoire ? Il est évident que la mère de Jon Snow n’est
pas une simple fille de rencontre que Ned aurait engrossée après une bataille –
sans quoi il aurait dit son nom une bonne fois pour toutes, vu le peu d’intérêt
de la question. Il est évident, d’ailleurs (à condition d’être un petit peu
attentif) que Ned Stark <i>n’est pas</i> le
père de Jon. Seulement, encore une fois, si ce dernier est mort, que nous
chaut ? Un cadavre n’a pas pour habitude de revendiquer un héritage…
Simple réflexion personnelle qui m’amène à penser que Jon Snow fera son <i>come back</i>, d’une manière ou d’une autre.
Après tout, Renaud a bien ressorti un album !</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
En
effet, si l’on meurt beaucoup dans <i>Game
of Thrones</i>, on y ressuscite aussi pas mal. Si Béric Dondarrion et Gregor
Clegane, la Montagne, ont pu être ramenés du royaume des morts (et je n’évoque
là que les ressuscités de la série télé), pourquoi pas Jon Snow ?
Maintenant que la série s’achemine vers la fin et qu’à peu près tout le monde
est mort, la question que se pose le fan à l’orée d’une nouvelle saison n’est
plus « qui va mourir ? », mais « qui va
revenir ? »<span class="uficommentbody1n4g"> Parce que bon, <i>valar morghulis</i> d’accord, mais <i>valar dohaerys</i> d’abord :
« tous les hommes doivent servir. »</span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span class="uficommentbody1n4g"><br /></span></div>
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjoXmpOtQp0Bv7BmwfVGxi_R0YljoNCFoKkzQp2ZGNKce-x8UUPdMEVRduMwm19wDHCK639EpMyFt3EfE7pZpxIj-Auq62f4hVJ9CrxF_fAxycwyXhMt5ThSYCapFtlcVP-J2xiqfEhdJA/s1600/got5-10x.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" height="180" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjoXmpOtQp0Bv7BmwfVGxi_R0YljoNCFoKkzQp2ZGNKce-x8UUPdMEVRduMwm19wDHCK639EpMyFt3EfE7pZpxIj-Auq62f4hVJ9CrxF_fAxycwyXhMt5ThSYCapFtlcVP-J2xiqfEhdJA/s320/got5-10x.JPG" width="320" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Tombe la neige, impassible manège...</td></tr>
</tbody></table>
<div class="MsoNormal" style="text-align: center;">
<span class="uficommentbody1n4g"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<b>Bâtards, infirmes et choses brisées<o:p></o:p></b></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Des bâtards, il y en a un paquet dans le
Royaume des Sept Couronnes. Chaque région nomme les siens différemment. Au
nord, ils reçoivent le nom de <i>Snow</i>, à
Hautjardin, ils sont baptisés <i>Flowers</i>,
dans le Val, <i>Stone</i>, à Dorne, <i>Sand</i>, etc. Tyrion Lannister, lorsqu’il
offre à Bran une selle adaptée à son handicap, exprime un sentiment de
bienveillance envers <i>« les bâtards,
les infirmes et les choses brisées »</i>. Il a une bonne raison pour
cela : son statut de nain l’a habitué à subir rejet et mépris. <i>« Tous les nains sont des bâtards aux
yeux de leur père »</i>, dit-il à Jon Snow.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
D’ailleurs,
regardez-les bien, tous les personnages de <i>Game
of Thrones</i>… Vous en voyez beaucoup qui ne soient pas estropiés, bâtards ou
plus ou moins rejetés pour une raison ou pour une autre ? De Varys
l’eunuque à Sandor Clegane, le « Limier », et sa face brûlée ;
de Hodor (<i>Hodor !</i>) à Theon
Greyjoy qui finit en kit ; de Jon à Ramsay Snow, ou du bâtard des Stark au
bâtard de Bolton ; de Samwell Tarly, l’obèse protecteur du Mur qui avoue
sa lâcheté (et se montrera d’un courage exemplaire en temps voulu) à Mestre
Aemon l’aveugle ; d’Arya Stark à Brienne de Tarth, les filles qui
préfèrent l’escrime au tricot – et qui pourraient bien s’entendre avec Cersei
Lannister sur ce sujet, d’ailleurs… Oui, la nature est taquine, le destin est
farceur, et chacun traîne son pied-bot en essayant de rester digne. Certains
s’en sortent mieux que d’autres : les enfants de Cersei aussi sont des
bâtards, et des bâtards nés d’un inceste (cumul des outrages !), mais tout
va bien tant que le Royaume fait semblant d’ignorer ce détail. Notre bon roi
Joffrey aura même le bonheur de mourir sans avoir rien compris à son
ascendance.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg8A3iRRJFBe05MCYTNvme5QLXrRriBQb2oI4ddISn10Y56CqFAwDe_fauAejEhMhtHZRfxa2DgJGTjbul1QsG0IKrwN9-twSxnE64R_1b0wwrbG9QcHBQJRSCUUNSjs_nfFqhmt171Vac/s1600/got4-1c.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" height="180" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg8A3iRRJFBe05MCYTNvme5QLXrRriBQb2oI4ddISn10Y56CqFAwDe_fauAejEhMhtHZRfxa2DgJGTjbul1QsG0IKrwN9-twSxnE64R_1b0wwrbG9QcHBQJRSCUUNSjs_nfFqhmt171Vac/s320/got4-1c.JPG" width="320" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Sandor Clegane, un visage intéressant.</td></tr>
</tbody></table>
<div class="MsoNormal" style="text-align: center;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Mais
alors, quoi ? Y a-t-il des personnages « normaux » dans <i>Game of Thrones</i> ? Eh bien, pas tant
que ça, si on y réfléchit bien. À part peut-être Sansa Stark, fille aînée de
Ned, et qui tient à la perfection son rôle de fille aînée d’une grande maison.
Autant dire que cette « normalité » ne joue pas en sa faveur,
d’ailleurs. Même Ned est un puîné ! Tywin Lannister, avec sa rigidité et
son sens de l’honneur, ferait un beau candidat à la normalité, mais il a quand
même écopé de deux jumeaux incestueux et d’un nabot qui, en naissant, l’a rendu
veuf ! Pas de quoi pavoiser… </div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Et
Daenerys, alors ? La belle Daenerys du Typhon, l’Imbrûlée, reine de
Meereen, des Andals, des Rhoynars et des Premiers Hommes, <i>Khaleesi</i> de la Grande Mer d’Herbe, Briseuse des fers et Mère des
Dragons (mais vous pouvez l’appeler Dany, c’est plus simple) ? Bâtarde,
elle aussi ? Certainement pas. Infirme, alors ? Non plus. Mais <i>chose brisée</i>, en revanche… On sait que
Daenerys est née durant une tempête d’une extrême violence (d’où la mention
« du Typhon » ou « Typhon-Née », <i>Stormborn</i> en V.O.) et que sa mère est morte en la mettant au monde.
On sait que depuis sa naissance, elle n’a connu que l’exil – et l’exil à côté
d’un frère particulièrement crétin ! Elle est la descendante d’Aerys II
Targaryen, et avec son armée dothraki et ses dragons, elle est censée reprendre
le Trône de Fer à l’Usurpateur Baratheon. Seulement ça, c’était le rêve de son frère
Viserys, le roi-gueux, qui finit avec une belle couronne d’or bien méritée.
Daenerys, elle, la déracinée, n’a jamais connu Westeros. Plus elle voyage à
travers les vastes plaines d’Essos, moins elle semble prête à traverser le
Détroit pour se réapproprier le siège de son père. Au fond, sa place est ici, à
Meereen, avec son peuple – ce peuple qu’elle a libéré des chaînes, comme elle
l’a fait à Astapor et à Yunkaï, et qui la considère comme une mère (<i>mhysa</i>). Mais l’exercice du pouvoir
n’étant pas chose aisée et ses dragons, en grandissant, lui posant quelques
problèmes, son règne à Meereen est compromis, ce qui pourrait bien, finalement,
l’inciter à revenir vers le Trône de Fer, voire à unifier les deux continents…
Les dieux et George R.R. Martin seuls le savent !</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhpi-3dLu46jN5YtSTVBPQN89cOvFRk6pQLmPuGT-HvaMsfsrlu7dNzxrj2_0klQTEz_4Ic_Ak_tyLlU_6u0TU599tnLOOyCbrUz5c-OOwfQiUJaQoG5iXqI4TE7LBoJAJknH4Lw-M_ZbA/s1600/got4-1a.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" height="180" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhpi-3dLu46jN5YtSTVBPQN89cOvFRk6pQLmPuGT-HvaMsfsrlu7dNzxrj2_0klQTEz_4Ic_Ak_tyLlU_6u0TU599tnLOOyCbrUz5c-OOwfQiUJaQoG5iXqI4TE7LBoJAJknH4Lw-M_ZbA/s320/got4-1a.JPG" width="320" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Daenerys & fils.</td></tr>
</tbody></table>
<div class="MsoNormal" style="text-align: center;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Bâtards,
infirmes et choses brisées sont légion au Mur, dans la Garde de Nuit,
réceptacle de tous ceux dont le Royaume ne veut plus : voleurs, violeurs,
félons, puînés, tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, sont la honte de
la famille. Mais au sud du Mur, ils ne sont pas moins nombreux : beaucoup
se cachent avec plus ou moins de talent – et certains parviennent même à cacher
leur bâtardise à la tête du Royaume, le cul vissé sur le Trône.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Heureusement
qu’il y a la mort pour mettre un peu d’ordre dans tout ça ! Martin s’amuse
beaucoup à réserver à ses personnages les morts les moins réjouissantes
possible (si tant est qu’une mort puisse l’être). Ned Stark, l’honnêteté faite
homme, est décapité après s’être trahi lui-même en s’arrachant une « confession »
dans laquelle il nomme Joffrey Baratheon seul roi légitime. Le juste meurt dans
l’indignité. Catelyn et Robb Stark sont assassinés de façon atroce, coincés
dans un traquenard. Joffrey s’écroule dans des étouffements et des convulsions
grotesques (à ce propos : qui a jamais filmé de manière aussi réaliste les
effets d’une mort par empoisonnement ?). Tywin Lannister crève transpercé
de carreaux d’arbalète sur ses chiottes… Étrangement (tiens donc ?), c’est
encore le bâtard Jon Snow, devenu lord commandeur de la Garde de Nuit, qui s’en
sort presque le mieux, avec cette mort à la César : piégé, certes, lui
aussi, comme son demi-frère Robb – mais comment ne pas voir une forme d’hommage
dans chacun de ces coups de couteau assénés « pour la Garde » ?</div>
<br />
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: right;">
<o:p><b>(A suivre)</b></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: right;">
<o:p><b><br /></b></o:p></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhaps3WSfgCc4RKNFkTxyBhfXNpfuo0ISRNJG84ulWXWREGJMlvHn4h_MQchcJoW5iEEm85y5hDpzkAp9WnTB0OfJqJgpjpVRMvwgFbkMxpxX99HrTYTJMxRn03nnsh7aP2K79KxgJEjJg/s1600/IMG_20160413_0001_NEW.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhaps3WSfgCc4RKNFkTxyBhfXNpfuo0ISRNJG84ulWXWREGJMlvHn4h_MQchcJoW5iEEm85y5hDpzkAp9WnTB0OfJqJgpjpVRMvwgFbkMxpxX99HrTYTJMxRn03nnsh7aP2K79KxgJEjJg/s320/IMG_20160413_0001_NEW.jpg" width="202" /></a></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: center;">
<o:p><b><br /></b></o:p></div>
Raphaël Juldéhttp://www.blogger.com/profile/06165649185749252999noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-411107272561605711.post-92157500208607448692016-04-24T09:00:00.000+02:002016-04-24T09:00:12.743+02:00Des buveurs, 13.<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh3Gt0FKNRK3ptVVFbgIHGo0LLBFdu6LfLs9z3XgLnchHBMuvzNG92B0CT_LIxyOHIjPUpNOHE2N3OBTHOAqGvsv7a5XLR0gP__izr23Fgjf382ytak7Y3nbe0A3UJVzq2SazVMykWdy3g/s1600/buveur012.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="400" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh3Gt0FKNRK3ptVVFbgIHGo0LLBFdu6LfLs9z3XgLnchHBMuvzNG92B0CT_LIxyOHIjPUpNOHE2N3OBTHOAqGvsv7a5XLR0gP__izr23Fgjf382ytak7Y3nbe0A3UJVzq2SazVMykWdy3g/s400/buveur012.jpg" width="247" /></a></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<span style="font-size: x-small;">Dessin paru dans <i>Zapoï</i>, 2012.</span></div>
<div style="text-align: center;">
<br /></div>
Raphaël Juldéhttp://www.blogger.com/profile/06165649185749252999noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-411107272561605711.post-7882726585780069692016-04-23T09:00:00.000+02:002016-04-23T09:00:00.162+02:00Retour au Royaume des Sept Couronnes (partie 1)<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh1WdQT__JtQCYxiXMfzFjSi1rF1l3zcsKX2ifOVULVB-5cBEBM0AZwR5qecbVKnVPPnB2FBKvUu8f01tm-hk1fY1AP0A7zEVC66ZYhPOqXJbCfwJTGbgioGfSFT3We8z5vZnp6JUbrTZQ/s1600/got1-1p.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" height="180" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh1WdQT__JtQCYxiXMfzFjSi1rF1l3zcsKX2ifOVULVB-5cBEBM0AZwR5qecbVKnVPPnB2FBKvUu8f01tm-hk1fY1AP0A7zEVC66ZYhPOqXJbCfwJTGbgioGfSFT3We8z5vZnp6JUbrTZQ/s320/got1-1p.JPG" width="320" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Goûtez aux charmes de Port-Réal...</td></tr>
</tbody></table>
<br /><br /><br /><div style="text-align: right;">
<span style="font-size: x-small;">"À la vue du joueur se renfrognent les dieux."</span></div>
<div style="text-align: right;">
<span style="font-size: x-small;">Rodrik Cassel, maître d'armes de Winterfell.</span></div>
<br /><div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Avant
toute chose, et puisque le <i>spoil</i>
semble être devenu le crime des crimes, impardonnable et imprescriptible, je
préfère prévenir : cet article parle de <i>Game of Thrones</i>, et va évoquer des événements survenus dans les
cinq premières saisons de la série, ainsi que dans les cinq tomes parus de la
saga de George R. R. Martin, <i>A Song of
Ice and Fire</i>, dont cette série est l’adaptation. Si vous n’êtes pas à jour,
ne lisez pas, ou ne venez pas vous plaindre après.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<b>Si vous avez raté le début…<o:p></o:p></b></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Comme
beaucoup de gens, j’ai découvert l’univers de <i>Game of Thrones</i> à travers la série télé. Comme certains, ce
programme m’a tellement captivé que je suis allé sans attendre me procurer les
livres de George R. R. Martin pour prolonger l’enchantement. Et ce que l’on
soupçonne au visionnage du feuilleton de HBO se confirme à la lecture de
l’immense saga <i>A Song of Ice and Fire</i> :
non seulement la série ne fait que survoler l’univers créé par Martin, mais les
cinq tomes déjà parus sont eux-mêmes bâtis sur un arrière-plan historique et
géographique si dense qu’il semble que le lecteur le plus attentif ne peut
l’embrasser dans sa totalité. Je renvoie les curieux à l’excellent site de <i><a href="http://www.lagardedenuit.com/" target="_blank">La Garde de Nuit</a></i>, véritable encyclopédie
des Sept Couronnes.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
L’auteur
nous transporte donc dans un monde imaginaire, constitué de deux continents,
Westeros à l’ouest, Essos à l’est (bon, en fait il y en a trois, mais sur le
troisième, Sothoryos, on ne sait pas encore grand-chose à l’heure où je vous parle).
Westeros est composé du royaume des Sept Couronnes au sud du Mur, et d’un
territoire méconnu, peuplé de sauvageons, au nord. Essos est un territoire plus
complexe, plus vaste, assez peu connu – à l’exception des neuf Cités libres –
et globalement méprisé des habitants de Westeros. Chaque région, chaque peuple
de Westeros et d’Essos possède ses propres dieux, ses propres légendes, son
histoire, son climat, ses mœurs… </div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Lorsque
notre histoire commence, Westeros est au terme d’un été qui a duré dix ans et
qui annonce un hiver d’autant plus long. <i>Winter
is coming, </i>la devise de la maison des Stark de Winterfell, devient le
leitmotiv de la série, et cet hiver longtemps annoncé, qu’on attend mais qui
n’arrive jamais, se fait plus menaçant encore à mesure que l’automne
s’éternise. À la fin de la cinquième saison de la série, l’hiver interminable
est devenu une certitude.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiJt8OSr9JYrh4NU1hdHEjQf3WCEajlrlLiCynXgK0qK46zq2P6cqHPrEKPy2nlGnq1q9RDBWwWGbxJFU7B80E1g0WE-5aUC0WaQjWMjaC1JpsA-gqrk36ww8-bOL0gsYn7w_ynVWNvfqs/s1600/got1-4a.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" height="180" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiJt8OSr9JYrh4NU1hdHEjQf3WCEajlrlLiCynXgK0qK46zq2P6cqHPrEKPy2nlGnq1q9RDBWwWGbxJFU7B80E1g0WE-5aUC0WaQjWMjaC1JpsA-gqrk36ww8-bOL0gsYn7w_ynVWNvfqs/s320/got1-4a.JPG" width="320" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Le bon roi Robert</td></tr>
</tbody></table>
<div class="MsoNormal" style="text-align: center;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Nous
sommes en l’an 298 après la fondation de Port-Réal (<i>King’s Landing</i> en version originale) par Aegon le Conquérant.
Robert Baratheon est le roi des Sept Couronnes, l’occupant du Trône de Fer dont
il a chassé les Targaryen, exterminés avec l’aide des Lannister de Castral Roc.
Il a épousé Cersei Lannister, qui lui a donné trois enfants : Joffrey,
Myrcella et Tommen. Au début de l’histoire, nous apprenons la mort de la Main
du Roi, Jon Arryn. Le roi Robert part à Winterfell avec la famille royale pour
demander à son vieil ami Eddard Stark, dit Ned, gouverneur du Nord, de devenir
sa Main en remplacement de Jon Arryn. Bientôt, une lettre de la veuve de Jon
Arryn, Lysa, envoyée à sa sœur Catelyn, épouse de Ned Stark, lui apprend que
l’ancienne Main aurait été empoisonnée par les Lannister. Ned, devenu le bras
droit de Robert, s’installe à Port-Réal avec ses filles Arya et Sansa, et
cherche à comprendre le secret compromettant que Jon Arryn aurait pu découvrir
sur les Lannister. Il finit par découvrir qu’aucun des enfants du couple royal
n’est de Robert, mais qu’il s’agit de bâtards nés des amours incestueuses de
Cersei et de son frère jumeau Jaime – le régicide qui a tué Aegon II Targaryen,
le Roi Fou.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Pendant
ce temps, dans les Cités libres d’Essos, Daenerys Targaryen, née peu de temps
après la fuite des derniers Targaryen, et son frère Viserys, vivent leur exil
en gardant l’espoir de chasser du Trône de Fer l’usurpateur qui l’occupe, pour
s’en emparer à nouveau. Afin de se constituer une armée, Viserys marie sa sœur,
âgée de treize ans, au Khal Drogo, seigneur de guerre dothraki. En cadeau de
mariage, Daenerys, reçoit trois œufs de dragons, apparemment pétrifiés.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Alors
que Ned Stark se dirige vers Port-Réal avec la famille royale, son fils bâtard
Jon Snow, dont les origines véritables sont floues, part rejoindre la Garde de
Nuit, chargée de surveiller le Mur dressé entre Westeros et les territoires du
nord, peuplés par les sauvageons et possiblement hantés par des créatures
légendaires.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Voilà
les trois arcs narratifs que nous suivons au début de l’histoire : celui
de la famille Stark à Port-Réal, au sein de la cour royale ; celui de
Daenerys Targaryen de l’autre côté du Détroit ; celui de Jon Snow à la
Garde de Nuit. D’autres viendront s’y ajouter plus tard, à mesure que les
personnages se révéleront et que les événements les obligeront à se
séparer : Bran Stark, l’un des enfants de Ned, paralysé depuis que Jaime
Lannister l’a poussé dans le vide du haut de l’une des tours de
Winterfell ; le nain Tyrion Lannister, frère de Jaime et Cersei ;
Stannis Baratheon, qui revendique le Trône de Fer à la mort de son frère
Robert, etc. Je sais que ça fait beaucoup de noms à retenir d’un coup, mais on
finit par s’y habituer, je vous jure. (Même si maintenant que j’y pense, je
connais des fans de la série qui ouvrent des yeux en billes de loto en
entendant des noms tels que Gendry, Renly, Brienne de Tarth, Tywin, Davos,
Barristan Selmy ou Shoren. Au bout d’un moment, ils s’en sortent par des
périphrases : « Ah oui !
Le-mec-qui-se-fait-tuer-sur-ses-chiottes !
La-gamine-qui-crame-à-la-fin-de-la-saison-5 !... » L’essentiel, c’est
qu’on se comprenne.)</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgl700VKvaPfo85yieSkQpXoFWOG2PQuvKRUqzIMsoBxhKnGJyMIveqbuGjyG77ob98gk9fzZJQMG4Vh615x9wTFNjBIp0YZidUnVqZ60wgjwva8U3LOkBDZiRLAt4FcabsEWxZHQc_Uh0/s1600/got1-9a.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" height="180" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgl700VKvaPfo85yieSkQpXoFWOG2PQuvKRUqzIMsoBxhKnGJyMIveqbuGjyG77ob98gk9fzZJQMG4Vh615x9wTFNjBIp0YZidUnVqZ60wgjwva8U3LOkBDZiRLAt4FcabsEWxZHQc_Uh0/s320/got1-9a.JPG" width="320" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Ned Stark a fait une mauvaise pioche.</td></tr>
</tbody></table>
<div class="MsoNormal" style="text-align: center;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<b>Le jeu des trônes<o:p></o:p></b></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Donc, voilà
notre Eddard Stark tenu d’accompagner le roi Robert à Port-Réal, capitale
politique de Westeros, avec ses deux filles – une corvée dont il se passerait
bien. Aucune envie de quitter le rude climat du nord pour s’installer dans ce
« nid de vipères ». Ned Stark est un personnage dont la loyauté ne
fait aucun doute, dès le début, un personnage que les mensonges et l’espionnage
répugnent. Ned Stark n’aime pas le jeu. Il est le héros honnête par excellence,
qui cherche à faire ce qui est juste, et que la malhonnêteté des autres rend
mal à l’aise. </div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Fils cadet de
la famille Stark, Ned n’était pas censé devenir gouverneur du nord, encore
moins Main du roi. C’est à la mort de son frère aîné Brandon Stark, bien plus
aguerri aux manœuvres politiques, qu’il est appelé, par les lois de la
succession, à diriger Winterfell et les régions du nord. Peut-être pour ça que
les arcanes de la politique lui échappent : Ned ne comprend pas, ne veut
pas comprendre qu’on ne lui laisse pas le choix. Refuser le jeu, c’est se
condamner à mort. <i>« Au jeu des
trônes, il faut vaincre ou mourir »</i>, lui dit Cersei Lannister. L’un ou
l’autre, mais de toute façon, on est sur l’échiquier. Impossible de déclarer
forfait. Si l’on refuse d’avancer ses pions, si l’on refuse la tricherie et le
bluff, on perd. Et perdre, c’est mourir. Une loi que Ned Stark ignorera
jusqu’au bout, pour son malheur. <i>« Jon
Arryn et Ned Stark étaient des hommes bien. Des hommes d’honneur,</i> dira plus
tard l’eunuque Varys, maître-espion du royaume, à Tyrion Lannister. <i>Mais ils dédaignaient le jeu et ses
participants. » <o:p></o:p></i></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<i><br /></i></div>
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjRiK9qF58CYz-1s2Zq5wBiXsWp9d9QhA9hN2lhByXFlV5F4ZYaoRRVEKamxXR0FuAN_sbgW5Yo1YhhSl0Ea-iKRwx7comF3DLCfvGjmCcoS5H0RP6rn2wJWVu9Vqxcw_sNGLSFTZjWHIs/s1600/got2-8d.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" height="180" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjRiK9qF58CYz-1s2Zq5wBiXsWp9d9QhA9hN2lhByXFlV5F4ZYaoRRVEKamxXR0FuAN_sbgW5Yo1YhhSl0Ea-iKRwx7comF3DLCfvGjmCcoS5H0RP6rn2wJWVu9Vqxcw_sNGLSFTZjWHIs/s320/got2-8d.JPG" width="320" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Deux joueurs de renommée internationale.</td></tr>
</tbody></table>
<div class="MsoNormal" style="text-align: center; text-indent: 35.4pt;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Un défaut que
n’a pas Tyrion, autre personnage <i>positif</i>
(guillemets avec les doigts) de l’histoire. En tant que Lannister, il est censé
faire partie des <i>méchants</i> (guillemets
avec les sourcils), mais son statut de nain et le fait que sa mère soit morte
en le mettant au monde (particularité qu’il partage avec Daenerys) lui donnent
une place à part dans la famille. Mal-aimé sauf de son frère Jaime, lui se
montre particulièrement habile au jeu, surtout quand il s’agit de faire enrager
Cersei. C’est que Tyrion ne joue pas pour les Lannister, mais pour lui-même. </div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Avant le
carnage, avant l’exécution capitale de Ned Stark et le chaos qui s’ensuit, le
premier événement qui révèle la nature du jeu et sa cruauté a lieu sur la route
royale qui sépare Winterfell de Port-Réal. Le prince Joffrey, à qui est promise
Sansa Stark, fille aînée de Ned, surprend sa cadette Arya et un garçon-boucher
s’exerçant à l’escrime avec des épées de bois. Joffrey s’interpose avec sa
propre épée pour terroriser les deux enfants et se retrouve blessé et humilié
par Arya et la louve de cette dernière, Nymeria. Un simulacre de procès a lieu
dans un château voisin. Si beaucoup s’amusent de la déconfiture du jeune prince
humilié par une fillette de neuf ans armée d’un bâton de bois (dans le livre, Renly
Baratheon doit quitter la salle avant d’exploser de rire), la sentence est
nettement moins drôle. La version d’Arya est démentie par Joffrey qui l’accuse
de l’avoir attaqué, la louve de Sansa, la gracieuse et docile Lady, est
sacrifiée à la place de Nymeria, introuvable, et le garçon-boucher est tué.
C’est à travers cet événement que le lecteur (ou le spectateur) entrevoit la
nature de cette saga : ici, il ne suffit pas d’être juste, ni de dire la
vérité. Face à la reine Cersei protégeant farouchement son bambin blessé et à
un roi Robert plus ennuyé que véritablement concerné par le débat, les Stark
n’ont pas la moindre chance. </div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<br /></div>
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjmEMXMJiIIzoaPUJK5Ib2IRHl6fRMzMw0laCp6eIlDTEspz1FrOuuM8K3PBS-eHjgpH5Y4-Y9KQKYZKXcV3kzb_7gvs_KL4M6F47J-wWXzU5a-CGZGQce3IWK5R_3KEaJkgMu-kaB4Dqo/s1600/got1-2e.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" height="180" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjmEMXMJiIIzoaPUJK5Ib2IRHl6fRMzMw0laCp6eIlDTEspz1FrOuuM8K3PBS-eHjgpH5Y4-Y9KQKYZKXcV3kzb_7gvs_KL4M6F47J-wWXzU5a-CGZGQce3IWK5R_3KEaJkgMu-kaB4Dqo/s320/got1-2e.JPG" width="320" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">La Nuit debout, version Games of Thrones.</td></tr>
</tbody></table>
<div class="MsoNormal" style="text-align: center; text-indent: 35.4pt;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Dans <i>Game of Thrones</i>, ce n’est pas la loyauté
qui triomphe : même les <i>gentils </i>(guillemets
avec les oreilles) devront apprendre à se salir les mains s’ils veulent
triompher. Même Sansa Stark, la délicate, la candide Sansa, finit par le
comprendre. Un personnage intéressant, Sansa, sous ses dehors insipides :
il s’agit du caractère le moins armé, en apparence, pour survivre dans cet
univers hostile. Fille aînée des Stark, elle a grandi dans la certitude que son
destin était d’épouser un grand seigneur, de régner sur un beau château et
d’enfanter des chevaliers. À l’âge de treize ans, <i>bingo !,</i> elle est promise au beau prince Joffrey, héritier du
Trône de Fer. Ce qu’elle connaît du monde, elle l’a appris dans les chansons
qui parlent de grands chevaliers courageux, et son rêve est de ressembler à la
belle reine Cersei. Quand Joffrey fait décapiter son propre père en parlant de
clémence, l’oblige à contempler la tête de celui-ci plantée sur un pieu au
milieu de celles de ses hommes, la fait battre et humilier par sa garde
personnelle, Sansa découvre la vérité dans toute son atrocité – autant dire
qu’on lui a fait ouvrir les yeux au pied-de-biche ! Et manque de
bol : elle se retrouve toute seule à Port-Réal, piégée comme un rat au
milieu de ses ennemis. Ned est mort, Arya est introuvable, ses frères sont au
nord, Jon Snow est au nord du nord… Elle doit donc apprendre, elle aussi, à
mentir, à se faire une carapace de sa bonne éducation – à survivre en faisant
la révérence. Essayez, vous verrez que c’est pas facile.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<br /></div>
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjtjiOMUHrF9VJHR2qVE0uLUnDkUDMJsrmDKf4wR-ZCncrqVRVx69t99fJ6gx4jvuZhEWuo_1Aaf1-8aJpaImPa4TULhanzEPBdghaFgc1tYDJx72A0-tcqyRvWx-0IkxDsxdDf08WWfk4/s1600/got1-10o.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" height="180" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjtjiOMUHrF9VJHR2qVE0uLUnDkUDMJsrmDKf4wR-ZCncrqVRVx69t99fJ6gx4jvuZhEWuo_1Aaf1-8aJpaImPa4TULhanzEPBdghaFgc1tYDJx72A0-tcqyRvWx-0IkxDsxdDf08WWfk4/s320/got1-10o.JPG" width="320" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Sansa Stark apprend les bonnes manières.</td></tr>
</tbody></table>
<div class="MsoNormal" style="text-align: center; text-indent: 35.4pt;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Il n’y a pas
de place pour l’innocence au royaume des Sept Couronnes. C’est un jeu, certes,
mais un jeu d’adultes. <i>« Tue
l’enfant ! »</i> lance Mestre Aemon à Jon Snow : débarrasse-toi
de la naïveté, fous le feu à ton innocence. Ce n’est que dans ces conditions
qu’on peut espérer vaincre. Seuls survivent ceux qui luttent, ceux qui
acceptent de tuer, ceux qui ne reculent pas devant le danger. Arya est animée
par la vengeance, c’est ce qui la fait avancer : elle a sa petite liste de
noms à rayer. Même le jeune Bran, qui par ses dons se situe en marge des
complots et des batailles, n’échappe pas à la nécessité de se battre pour
survivre et atteindre son but. Alors c’est ça, la morale de <i>Game of Thrones</i> ? La vie est un
combat, les ennemis sont partout ? Ben oui. <i>La petite maison dans la prairie</i>, c’est sur l’autre chaîne.</div>
<br />
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
Et bien sûr,
c’est un jeu qui ne se joue pas n’importe comment. Personne n’est à l’abri de
l’erreur stratégique. Lorsque Catelyn Stark capture Tyrion Lannister, le
croyant coupable de l’attentat contre Bran, elle pense agir pour le bien de
tous – mais elle provoque une suite d’événements qui vont aboutir à l’exécution
de Ned et à la guerre. L’arrestation de Tyrion, c’est un peu l’attentat de
Sarajevo version Westeros ! Et lorsque Joffrey, tout juste couronné, fait
décapiter Ned, il ne pense qu’à satisfaire son sadisme et agit contre les
intérêts des Lannister… Certains joueurs sont moins rusés que d’autres.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify; text-indent: 35.4pt;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: right; text-indent: 35.4pt;">
<b>(À suivre...)</b></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjDf3cTEf5XgqeM2FiQQ88oERJSMeLDH_xRJMWKUicBXe8uE16rqiT-o1Q4n4UR_xslX22FHr5aBv2u-tLOIyxNAkbaGP_7tdVfrxQFOsPfsb_xFok9941u4PzQP0igl91UEuJuy7ayaY4/s1600/IMG_20160423_0001_NEW.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjDf3cTEf5XgqeM2FiQQ88oERJSMeLDH_xRJMWKUicBXe8uE16rqiT-o1Q4n4UR_xslX22FHr5aBv2u-tLOIyxNAkbaGP_7tdVfrxQFOsPfsb_xFok9941u4PzQP0igl91UEuJuy7ayaY4/s320/IMG_20160423_0001_NEW.jpg" width="192" /></a></div>
<div style="text-align: center;">
<br /></div>
Raphaël Juldéhttp://www.blogger.com/profile/06165649185749252999noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-411107272561605711.post-25170095784930064722016-04-17T09:00:00.000+02:002016-04-17T09:00:27.443+02:00Des buveurs, 12.<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjo-CaR1IuSsg0JI4oGIN28JjmtBQanYWKvOV1W1JN_uwyXKxb-G2fNb1dSHHhqUQVrBh75nZKmyjbvq5Zd0A7sLGz0RoQTuS2c5hffWJTa31G3biFjhjoX2p1djDRxONJIMJhs4bSOO3U/s1600/buveur013.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="400" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjo-CaR1IuSsg0JI4oGIN28JjmtBQanYWKvOV1W1JN_uwyXKxb-G2fNb1dSHHhqUQVrBh75nZKmyjbvq5Zd0A7sLGz0RoQTuS2c5hffWJTa31G3biFjhjoX2p1djDRxONJIMJhs4bSOO3U/s400/buveur013.jpg" width="370" /></a></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<span style="font-size: x-small;">Dessin paru dans <i>Zapoï</i>, 2012.</span></div>
<div style="text-align: center;">
<br /></div>
Raphaël Juldéhttp://www.blogger.com/profile/06165649185749252999noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-411107272561605711.post-54614889069859386662016-04-13T18:50:00.000+02:002016-04-13T18:50:16.187+02:00La question que personne n'ose poser sur la saison 6 de Game of Thrones<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiF5FAf7SQXgPQe1TpnoFtnu_L-5Iwy6eHj5KgV3hJtDhOY76OGQ7AGBPeuMKJyTD-EgwM1dTeXREnLPw8KMRba8WGLJnEjWae-HibKSlNJEHI6S4lUXkVaUvaUi00ogsaiKKH2svWCE3U/s1600/IMG_20160413_0001_NEW.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="400" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiF5FAf7SQXgPQe1TpnoFtnu_L-5Iwy6eHj5KgV3hJtDhOY76OGQ7AGBPeuMKJyTD-EgwM1dTeXREnLPw8KMRba8WGLJnEjWae-HibKSlNJEHI6S4lUXkVaUvaUi00ogsaiKKH2svWCE3U/s400/IMG_20160413_0001_NEW.jpg" width="252" /></a></div>
<div style="text-align: center;">
<br /></div>
Raphaël Juldéhttp://www.blogger.com/profile/06165649185749252999noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-411107272561605711.post-40787433953431929582016-04-10T09:00:00.000+02:002016-04-10T09:00:14.346+02:00Des buveurs, 11.<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEicoewOTnM1mhciV-SE4mNB56NWbvKJxxsgyars-MY91UB6rHHovsLijaV1jrY0C2dHQAq9_Dy1HSKWJgIsf9n_FInOwn0vTsLY8RnW0LH3U4usx9olRQ9jT9eSwvShklJKV2hzeU0NI-U/s1600/buveur011.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="400" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEicoewOTnM1mhciV-SE4mNB56NWbvKJxxsgyars-MY91UB6rHHovsLijaV1jrY0C2dHQAq9_Dy1HSKWJgIsf9n_FInOwn0vTsLY8RnW0LH3U4usx9olRQ9jT9eSwvShklJKV2hzeU0NI-U/s400/buveur011.jpg" width="273" /></a></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<span style="font-size: x-small;">Dessin paru dans <i>Zapoï</i>, 2012.</span></div>
<div style="text-align: center;">
<br /></div>
Raphaël Juldéhttp://www.blogger.com/profile/06165649185749252999noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-411107272561605711.post-38116402225156846662016-04-03T09:00:00.000+02:002016-04-03T09:00:20.641+02:00Des buveurs, 10.<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgcfDx1kl5VK3_FFh_MBdt0EwUZlYRbJ3pCUuazEECCiuFU9soEru-Z-LL0VWgDyps4R8Xbh_uQMKjsKWBFY3_yJovDSerx7JJ8TPYbHBoD3WnbbkrDN-DH82VW39fnHlKalEHgUP3511Q/s1600/buveur010.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="306" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgcfDx1kl5VK3_FFh_MBdt0EwUZlYRbJ3pCUuazEECCiuFU9soEru-Z-LL0VWgDyps4R8Xbh_uQMKjsKWBFY3_yJovDSerx7JJ8TPYbHBoD3WnbbkrDN-DH82VW39fnHlKalEHgUP3511Q/s400/buveur010.jpg" width="400" /></a></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<span style="font-size: x-small;">Dessin paru dans <i>Zapoï</i>, 2012.</span></div>
<div style="text-align: center;">
<br /></div>
Raphaël Juldéhttp://www.blogger.com/profile/06165649185749252999noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-411107272561605711.post-88127507027826233292016-03-28T12:54:00.003+02:002016-03-28T12:54:40.610+02:00Des buveurs, 9.<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg4-CPsVHUr3aF2z5WY-QMf6r4a4zHVD2ZI88qmq0tk5ByH06qvRq-7k-PXbEvGbHB0eXXxNygUVOi5MiruB1OxdxWWfuCmP3lPBR3o_AmHkfn2fCypYtBACBvGyadEKQx5lV3Ue9yRY6I/s1600/buveur0009.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="400" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg4-CPsVHUr3aF2z5WY-QMf6r4a4zHVD2ZI88qmq0tk5ByH06qvRq-7k-PXbEvGbHB0eXXxNygUVOi5MiruB1OxdxWWfuCmP3lPBR3o_AmHkfn2fCypYtBACBvGyadEKQx5lV3Ue9yRY6I/s400/buveur0009.jpg" width="318" /></a></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<span style="font-size: x-small;">Dessin paru dans <i>Zapoï</i>, 2012.</span></div>
<div style="text-align: center;">
<br /></div>
Raphaël Juldéhttp://www.blogger.com/profile/06165649185749252999noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-411107272561605711.post-81203681979267369202016-03-20T09:00:00.000+01:002016-03-20T09:00:16.176+01:00Des buveurs, 8.<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEixOQd6QMXyfwD32uf0PX7jW-qvrrAcLdSxUlor7kiDNKFKKYQFfSJoDWkAilA0KSvGIKmyH0mNfpYI__jk788LwJbX4xDc06sNjIX0C3KYYkrRpBCEZmnlH5XRFYkxJgonf4Xt5iEmUbk/s1600/buveur0008.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="331" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEixOQd6QMXyfwD32uf0PX7jW-qvrrAcLdSxUlor7kiDNKFKKYQFfSJoDWkAilA0KSvGIKmyH0mNfpYI__jk788LwJbX4xDc06sNjIX0C3KYYkrRpBCEZmnlH5XRFYkxJgonf4Xt5iEmUbk/s400/buveur0008.jpg" width="400" /></a></div>
<div style="text-align: center;">
<span style="font-size: x-small;">Dessin paru dans <i>Zapoï</i>, 2012.</span></div>
Raphaël Juldéhttp://www.blogger.com/profile/06165649185749252999noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-411107272561605711.post-62583497126274169002016-03-13T09:00:00.000+01:002016-03-13T09:00:24.201+01:00Des buveurs, 7.<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjRh6KAxRKZ7CrVJ7fXv_WAdJ3rV6RTZBjSO5LZDTCty8DfKc-GdeOqTHzaQjq-lZ-twNICzlZPsL8jCIDMUhxW8hYZzh_-er7jfMSdjgTVNwcD5GsQs0tYk9HVTsrzyLILXw4xm2q679E/s1600/buveur0007.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="381" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjRh6KAxRKZ7CrVJ7fXv_WAdJ3rV6RTZBjSO5LZDTCty8DfKc-GdeOqTHzaQjq-lZ-twNICzlZPsL8jCIDMUhxW8hYZzh_-er7jfMSdjgTVNwcD5GsQs0tYk9HVTsrzyLILXw4xm2q679E/s400/buveur0007.jpg" width="400" /></a></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<span style="font-size: x-small;">Dessin paru dans <i>Zapoï</i>, 2012.</span></div>
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Raphaël Juldéhttp://www.blogger.com/profile/06165649185749252999noreply@blogger.com0