Journal d'oisiveté
Mai 2013
Mercredi 1er mai.
Pluie
et grisaille toute la journée : c’est parfait ! Je n’ai donc aucun
regret à rester enfermé chez moi et à terminer mon texte sur la guerre.
Ensuite, je me lance dans la rédaction de cette synthèse sur mes recherches
concernant le grand-père Chabrun, que je destine à la famille. Je pensais que
j’en aurais pour une petite heure à peine : en fait, j’y passe toute la
soirée et je suis même obligé de m’interrompre pour aller me coucher, en
remettant à demain la fin de ce labeur.
Jeudi 2 mai.
Parution
de mon texte sur la guerre, dont je suis assez content. Je poursuis l’écriture
de la synthèse de mes recherches, qui n’a plus rien de synthétique, mais que je
termine enfin.
Toujours
pas de commande d’articles à écrire. Il faudra que j’en profite pour me
remettre au dessin et surtout, trouver un sujet pour ma prochaine chronique de
Jupiter… Tiens ! Les Chroniques de
Jupiter auraient été un meilleur titre que La Bibliothèque. Tant pis.
Il
est temps de sortir de la guerre et de redescendre de mon arbre
généalogique : je me remets à lire Flaubert. Bouvard et Pécuchet : allons-y carrément dans la grosse
poilade !
Vendredi 3 mai.
Ce n’est pas
mon journal, que je publie sur mon blog aujourd’hui, mais plutôt la biographie
de mon arrière-grand-père ! Incroyable ce qu’il a pris comme place,
l’artilleur !
Belle journée
ensoleillée. Alors que je prends un café au Parvis, je reçois un SMS d’Anthony
qui propose d’aller prendre un verre aux Artistes en fin d’après-midi, et je
vois arriver Sébastien qui commande un thé, et avec qui nous causons de tout et
de rien. Puisqu’il lit mon journal, les nouvelles que je pourrais lui donner me
concernant, il les connaît déjà.
Je ne
m’éternise pas avec Sébastien, puisqu’une autre terrasse m’attend, celle des
Artistes. Anthony, Gabriel et une certaine Danielle sont déjà là, et le cercle
s’agrandira au fil du temps avec Candice, Antoine et Mélina, Charles, Guillaume
et Florie, Maxime et Aurélie, ainsi que Yoan qui revient du Mexique
avec une bouteille de mescal qu’il offre à Maxime et un tee-shirt de la coupe
du monde de football de 86 qu’il arbore sans gêne aucune. Le soleil est au
centre des débats, Mélina avait prévu un apéritif à la Halte Fluviale, où il y
aurait eu plus de soleil. Ici, aux Artistes, nous avons déplacé les tables pour
quitter l’ombre, mais le soleil, après nous avoir réchauffés un moment, s’est
retiré d’une manière assez lâche derrière les façades de la rue
Échelle-Marteau, et nous nous sommes mis à frissonner en chœur. Anthony, après
m’avoir interrogé sur mon arrière-grand-père, a voulu me faire parler des jeux
vidéo, et j’ai eu un peu le sentiment d’être l’expert geek de la soirée. Heureusement, Charles était là : je me
sentais moins seul… J’ai aussi appris la naissance du fils de Mickaël et Marie.
Ça leur pendait au nez…
Samedi 4 mai.
Sans
doute à cause du 1er mai, je n’ai pas eu une seule commande
d’articles cette semaine. D’ailleurs, le soleil ne me donne pas vraiment envie
de travailler. Il faut pourtant que je réfléchisse à mon prochain texte pour La Bibliothèque de Jupiter. J’ai beau
avoir déjà établi une liste d’une bonne cinquantaine de thèmes possibles, je
n’en trouve pas un qui me motive assez pour m’y mettre dès maintenant.
« La procrastination » fait partie de cette liste, mais ce serait un
peu trop facile – et un peu trop juldéen…
À
la terrasse du Cap Horn, alors que mes yeux cherchent des cuisses avec fièvre,
Gérald me hèle. Il prend un verre avec Émilie, me parle de mon journal en ligne,
me propose même de commander pour moi sur eBay l’album de Kas Product qui me
manque. De toute façon, il faudrait d’abord que je me rachète une platine
vinyle, parce que celle que j’ai est trentenaire et commence à montrer des
signes de faiblesse. Je suppose que l’âge des outils technologiques doit être
calculé comme celui des chiens, en multipliant par 7…
Dimanche 5 mai.
Je
n’ai toujours pas d’idée pour mon texte de jeudi. Il faudrait pourtant que je
prenne l’habitude de l’écrire le dimanche, afin de consacrer la semaine aux
articles de commande… Il faut aussi que je fasse les dessins pour Zapoï et que j’écrive un texte. J’hésite
décidément à choisir mon arrière-grand-père pour sujet, puisque j’ai déjà
suffisamment parlé de lui dans ce journal. Mais alors, il va encore falloir que
je trouve un thème…
Anthony
a inauguré la nouvelle série que nous comptons lancer dans Zapoï, celle du « dictionnaire haineux ». Pour le numéro
de juin, il s’agira du « Dictionnaire haineux de la justice ». Sur ce
sujet, par contre, je suis plutôt « inspiré », et je lui renvoie
rapidement cinq entrées pour compléter les cinq qu’il avait déjà trouvées.
Lundi 6 mai.
Aujourd’hui,
ma mère voit son frère et ses sœurs, et elle leur apporte le compte-rendu de
mes recherches sur le grand-père. Ça va encore provoquer des émotions, ça…
Je
me suis décidé sur un thème pour La
Bibliothèque de Jupiter : les émissions littéraires. Mais je ne me
suis toujours pas lancé dans la rédaction…
Mardi 7 mai.
J’ai
reçu une commande : trois petites biographies à rédiger pour la semaine
prochaine. Parfait, je vais pouvoir m’y mettre dès que mon texte pour La Bibliothèque de Jupiter sera terminé.
C’est-à-dire, pas avant jeudi, puisque je n’ai encore rien fait aujourd’hui et
que la rédaction de ce texte occupera donc une bonne partie de ma journée
demain…
La
deadline pour Zapoï approche aussi
dangereusement, et je ne me suis mis ni aux dessins, ni à mon texte. Les
prochains jours s’annoncent intensifs !
Mercredi 8 mai.
Après-midi
travailleuse : j’écris sans trop de mal mon texte sur les émissions
littéraires. L’ennui c’est qu’une fois de plus, je vais devoir trouver un sujet
pour la semaine prochaine !
Jeudi 9 mai.
L’avantage,
avec les blogs, c’est qu’on peut programmer à l’avance la parution d’un billet,
ce qui me permet de publier mon texte pour La
Bibliothèque de Jupiter à 9 heures tout en me levant trois heures après. Je
ne sais plus me coucher de bonne heure : le matin n’existe plus pour moi.
Pourtant, c’est agréable, un matin de printemps…
Mon
après-midi, du coup, est occupée à l’une des trois petites biographies que je
dois rédiger, biographies de starlettes inconnues de moi, que j’apprends à
connaître… Avec ce genre d’exercices, je vais bientôt être capable d’écrire sur
tout et n’importe quoi…
Vendredi 10 mai.
Moi
qui pensais naïvement que le retour à l’écriture allait me permettre de vaincre
ma tendance à la paresse et à la solitude, je me suis comporté toute cette
semaine en vrai hikikomori. Levers
tardifs, indolence, Internet jusqu’à des quatre heures du matin… À côté de ça,
j’écris quand même mes biographies de starlettes, mais je ne fais guère que ça.
Je n’ai pas encore commencé mes dessins pour Zapoï, encore moins mon texte, et je ne sais toujours pas quel sera
le sujet de ma prochaine chronique jupitérienne. Surtout, nous sommes déjà le
10 du mois, et maintenant que j’ai décidé de publier à nouveau mon journal sur
le Net, je pense à mes nombreux lecteurs (potentiels), et je me dis que la
livraison de mai va leur paraître bien maigre…
Samedi 11 mai.
J’avais
complètement oublié que j’étais invité chez Stan et Line pour un barbecue ce
midi. Le plus ennuyeux, c’est que je comptais bien en finir avec mes
biographies aujourd’hui (il ne me restait plus qu’Ana Girardot à traiter),
histoire de m’atteler à mes dessins pour Zapoï
demain. C’est bien fait pour moi : si je n’avais pas passé ma semaine à me
la couler douce, on n’en serait pas là…
Bref,
j’arrive chez « Staline » en milieu d’après-midi, n’ayant écouté mes
messages que tardivement. Un premier d’Anthony, un autre, très long, de
Mickaël, qui voulait me faire partager l’ambiance du repas : « J’ai
un forfait illimité, Juldé ! Tu m’entends ? ILLIMITÉ ! »
L’essentiel, c’est qu’il restait des saucisses et encore un peu d’ambiance. Il
y avait donc Anthony, Mickaël, Anne-Claude et Matthieu, ainsi que Joséphine,
pas près d’aller se coucher. Pour excuser mon retard, j’ai fait le mec
overbooké, on a causé des biographies que je dois rédiger, ce qui a permis à
Mickaël d’apprendre qu’Hippolyte Girardot, le père d’Ana Girardot, n’a aucun
lien de parenté avec Annie Girardot. Ce scoop nous a bien occupés dix minutes.
On a aussi causé de Stephen King, Anthony ayant lu 22/11/63, son dernier roman, de Robert Penn Warren, de Paul Thomas
Anderson, du Stade lavallois qui est reléguable (je ne suis pas sûr de savoir
exactement ce que ça veut dire, mais ça n’a pas l’air bon), de Cahuzac (enfin,
c’est surtout Mickaël qui en a parlé), de la langue allemande qui, d’après
Mickaël, ne vaut pas le coup d’être enseignée « puisque les Allemands
parlent tous anglais », de la vitesse de croisière des escargots, parce
que Joséphine s’inspire essentiellement des gastéropodes dans ses dessins, des
arbres du square de Boston et de beaucoup d’autres sujets tout aussi
importants. L’après-midi, Anthony a voulu m’initier à l’art du football, ce qui
lui a permis de vérifier à quel point mes pieds sont indépendants de mes yeux.
Je vise au centre, je tire à droite. Ou à gauche, parce que je ne fais pas de
politique. Tirer dans les glaïeuls, c’est un bon moyen de désarçonner
l’adversaire qui s’attendait à voir un ballon arriver droit sur lui, à un
moment ou à un autre… Bientôt, Stan, Mickaël, Matthieu et Anne-Claude nous
rejoignent, on s’amuse à viser un seau avec notre jolie balle orange, et je
constate avec un certain soulagement que Mickaël n’est pas tellement plus doué
que moi. Un peu quand même, mais pas trop.
L’après-midi
s’achève et la soirée commence autour du jeu du dictionnaire. La règle est
simple : l’un des joueurs choisit un mot du dictionnaire dont personne ne
connaît la définition, il note celle-ci sur un bout de papier tandis que les
autres joueurs inventent eux-mêmes une définition, et il ne reste plus qu’à
repérer la véritable définition au milieu des autres. Nous voilà donc à nous
creuser la tête sur « déjeter », « herchage »,
« peltaste », « déjucher », « mourre » et
« vogoul ». Mickaël fait preuve d’une admirable mauvaise volonté, ne voyant
pas l’intérêt d’inventer des définitions à des mots que personne ne connaît (et
que, donc, personne n’utilise), mais il ne s’en sort pas trop mal (mieux
qu’Anthony et moins bien que moi), même si c’est évidemment
« Staline » qui remporte la victoire haut la main.
Après
quoi, une nouvelle tournée de barbecue est lancée, les conversations
reprennent, et ce n’est que vers une heure du matin qu’on se sépare.
Dimanche 12 mai.
Évidemment,
aujourd’hui, je ne suis pas d’une forme olympique. Pourtant moi, j’ai cet
avantage sur mes adversaires que je ne bois pas. Je m’acquitte tout de même de
mon texte sur Ana Girardot, mais ce sera bien le seul effort que je ferai
aujourd’hui.
Lundi 13 mai.
Nouvelle
commande pour cinq autres biographies, et toujours pas d’idée pour ma chronique
de jeudi. J’essaie au moins de me remettre au dessin, pour avoir la sensation
de faire quelque chose…
Pour
une fois qu’une série française est de qualité, il faut le noter. Cette série, Les Revenants, basée sur un scénario de
Fabrice Gobert et d’Emmanuel Carrère, et que je découvre ce soir, est même
vraiment très bonne. Difficile, pourtant, de renouveler un thème aussi rebattu
que les histoires de morts-vivants… Cette histoire m’a fait penser à une autre
série, américaine celle-là, Les 4400
– mais que j’avais trouvé plutôt ennuyeuse. Dans Les Revenants, il y a une montée en puissance qui se fait
lentement, très lentement, et surtout une volonté d’éviter le spectaculaire, la
surenchère d’effets spéciaux… D’abord, c’est une adolescente qui
« revient », trois ans après avoir été tuée dans l’accident d’un car
scolaire. Et ce retour, incompréhensible, impensable, est vu d’abord comme un
miracle : quoi de plus beau, pour des parents en deuil, que de voir
réapparaître leur enfant perdu ? Ce n’est que peu à peu qu’un climat
inquiétant naît. Cette fille de quinze ans qui est revenue a une sœur jumelle
qui a maintenant trois ans de plus qu’elle. Comment accepter son retour, le
faire accepter à la communauté, et aux autres familles qui ont perdu leurs
enfants dans l’accident, mais qui ne les reverront pas ? D’autres morts
reviennent, l’ambiance devient de plus en plus trouble, et un meurtrier qui ne
faisait plus parler de lui depuis des années reprend du service. Et cette
petite ville de montagne – le tournage a eu lieu dans la région d’Annecy –
devient un personnage au même titre que les autres, avec son barrage
gigantesque. Il y a dans cette série un climat qui rappelle Twin Peaks, surtout à cause de ce
village isolé dans la montagne, entouré par la forêt et bordé d’un lac
mystérieux…
Mardi 14 mai.
C’est
en lisant Bouvard et Pécuchet au
Parvis, tout en survolant une fois de plus la liste de mes « sujets
possibles » pour La Bibliothèque de
Jupiter, que je me décide enfin à parler du café. Parce que parler de la
littérature, c’est très souvent parler du café. Et ne parler même que de ça.
Mercredi 15 mai.
Je
me lance une fois de plus au dernier moment dans la rédaction de ma chronique
jupitérienne, ce qui retarde encore mon travail sur les biographies, mes
dessins et mes écrits pour Zapoï…
Ah ! On ne pourra pas dire que j’aurai beaucoup habité ma vie…
Jeudi 16 mai.
Ce
soir, je retrouve la route du lycée pour la soirée des internes. J’entre dans
le bureau de la vie scolaire et salue
anciens collègues et anciens supérieurs. Je bavarde un peu avec tout ce monde
là et suis Paul jusqu’au gymnase nord où se déroule la soirée, comme tous les
ans. Il y a une longue file d’élèves agglutinés devant la porte et jusqu’au bas
des marches qui mènent au plateau du gymnase. On se fraie un chemin à coup de « pardon,
pardon » – avec Paul, je ne crains rien : il s’impose de
lui-même. Étrangement, je me sens un peu intimidé de me retrouver là, comme si
je n’y avais plus ma place, comme si j’étais une curiosité… Je me sens un peu
comme l’un des revenants de la série de Fabrice Gobert, en fait. Je poursuis
les salutations avec les CPE et les collègues qui se trouvent déjà là :
Clément, Renaud, Angélique, Laurent, Lucie, Dorothée, Anne-Sophie… Jérémie
arrive à son tour, ce qui me fait bien plaisir : je ne suis plus le seul
revenant de la soirée ! Je suis officiellement ici pour prendre des photos
et je ne me fais pas prier, bien que mon appareil commence à me jouer des
tours. Aurélie, qui était partie en congé maternité avant mon départ, est
revenue au lycée la semaine dernière, et je suis ravi de la revoir aussi. C’est
bête comme on s’attache, au fond… Ce qui me rassure un peu, c’est que je
constate que Jérémie a autant de mal que moi à « quitter »
mentalement le lycée, cette ambiance, les élèves, les collègues… La famille,
quoi !
Après
les inévitables réglages et le speech du CPE, la soirée commence. C’est
appréciable de voir les progrès des chanteuses et des chanteurs, quand on
compare aux fêtes de l’internat des années précédentes. Ce sont toujours les
mêmes qu’on retrouve derrière les micros, mais avec chaque fois plus
d’assurance : Mylène, Camille, Nolan, Léa, Christophe, Adélaïde, Soraya…
Après les chansons a cappella ou accompagnées d’une guitare, on passe aux
groupes : l’atelier batucada d’abord, composé d’instruments conçus avec
des ustensiles de cuisine ou de ménage, puis le groupe de l’ère électrique,
guitares, basse, saxophone et batterie, où je retrouve mes anciens internes du
A51, Loïc, Robin et Romain. Ce dernier, toujours gentil, bavard et prêt à filer
un coup de main, est vivement encouragé par Jérémie à se proposer l’année
prochaine au poste de maître au pair.
On
passe à la zumba, l’atelier danse en tête, très vite rejoint par tous les
courageux volontaires qui veulent enflammer le dancefloor. Moi, je reste en dehors de ça, je me contente de
prendre des photos, je ne sais pas danser ce genre de truc.
La
soirée se poursuit ensuite avec le groupe Mafeya’z, qui joue du rock un peu
trop influencé par Noir Désir à mon goût. Le gymnase s’est vidé, l’internat
ayant été rouvert à dix heures moins le quart, mais les élèves qui restent se
déchaînent devant la scène, bousculades et headbanging.
J’essaie bien de les accompagner, mais le chanteur a la mauvaise habitude de
dicter au public la manière de danser : en partant sur la droite, puis sur
la gauche, en s’accroupissant… Oh ! là, là ! C’est trop compliqué
pour moi, tout ça – le rock, c’est instinctif, merde ! Je préfère me
réfugier dans le bureau du gymnase où il y a du gâteau. Poire ou framboise :
peu importe, je ne fais pas de politique. Finalement, ce sera framboise. Les
retardataires auront la poire.
À onze heures
la musique s’arrête, les derniers élèves remontent dans les dortoirs, à
l’exception d’une poignée qui aide à démonter la scène. Jérémie et moi nous
apprêtons à prendre congé de nos anciens collègues, mais la CPE nous demande de
passer dans son bureau. « Mais pourquoi ? Qu’est-ce qu’on a
fait ?!? », je m’insurge. J’imite encore assez bien le jeune. En
fait, les CPE et les collègues se sont associés pour nous offrir un cadeau à
chacun : un bon d’achat à la librairie ! Le meilleur cadeau
qu’on puisse me faire, surtout en ces temps de disette… Je me fends d’un
dernier dessin pour remercier tout le monde, les CPE nous disent encore à quel
point notre humour et mes dessins leur manquent, Jérémie et moi traînons un
peu… Au fond, on n’a pas du tout envie de s’en aller ! Mais il faut bien
qu’on y aille, malgré tout… Jérémie me dépose devant chez moi, coupez,
générique.
Vendredi 17 mai.
Réveil
en fin de matinée avec une douleur dans la nuque : la jeunesse n’est
décidément plus de mon âge. Nouvelle commande de courts articles à rendre
mercredi dernier délai, qui s’ajoute à mes biographies. Aujourd’hui, je
m’occupe du cas de George Clooney et fais un dessin pour Zapoï.
Samedi 18 mai.
Le
barbecue en l’honneur de l’anniversaire de Thibault est annulé, épidémie de
gastro oblige.
Je
suis toujours dans mes biographies, dessine un peu, très peu, et culpabilise de
ne pas m’être encore mis au texte pour Zapoï.
Sans compter qu’il va aussi falloir que je trouve un sujet pour la prochaine Bibliothèque de Jupiter…
Je
consacre le bon d’achat offert par les collègues à l’acquisition du roman
de Stephen King (que je n’aurais sans doute pas acheté sans ce bon) et d’un
cahier pour mon journal.
J’achève
la lecture du Bocage à la nage
d’Olivier Maulin. Ce qu’il y a d’étonnant, avec cet écrivain, c’est qu’il a
toujours l’air de raconter la même histoire – en gros, un type fatigué de son
boulot fait la rencontre d’une bande de poivrots plus ou moins philosophes qui
lui font découvrir un monde complètement différent – mais qu’avec son humour,
tout ça passe naturellement, et qu’on ne s’ennuie pas une seconde. Du reste, ce
roman n’est pas le meilleur qu’il ait écrit, mais bon : il l’a écrit en
Mayenne, et toute l’action est située dans les environs du Bourgneuf-la-Forêt,
de Port-Brillet et du Bois de Misedon. Rien que pour ça, moi, je lui donnerais
le Goncourt !
Le
soir, je revois Bienvenue à Zombieland,
qui est avec Shaun of the Dead la
meilleure parodie de films de zombie que je connaisse. Jesse Eisenberg est à
mourir de rire.
Dimanche 19 mai.
Je
n’aurais pas dû me permettre cette grasse matinée, et j’aurais dû réussir à
faire beaucoup plus que les deux dernières biographies qui me restaient –
biographies de célébrités parfaitement inconnues pour moi, d’ailleurs. Mais les
journées n’ont que vingt-quatre heures, et comme j’en grignote allègrement une
bonne vingtaine à ne pas faire grand-chose…
Lundi 20 mai.
Je
m’occupe des cinq petites chroniques qu’il me restait à rédiger pour honorer
mes dernières commandes, mais je suis toujours en panne sèche pour Zapoï, et ne parlons même pas de La Bibliothèque de Jupiter. Et en toute
logique, je devrais recevoir une nouvelle commande d’articles dès demain. Il va
vraiment falloir que je commence à m’organiser, là…
En
attendant, je regarde le très bon film de Fabrice Gobert, Simon Werner a disparu, dont Anthony et moi avions parlé dernièrement.
Très bon film, monté comme un puzzle, une même histoire étant racontée selon
les points de vue de personnages différents, à la façon d’Elephant, de Gus Van Sant. Ana Girardot y est splendide, et la B.O.
a tout pour me plaire : Killing Joke, Sonic Youth, Tom Waits, les Cramps…
Un réalisateur à suivre, ce Fabrice Gobert… Entre ce film et Les Revenants, jusqu’à présent, il fait
plutôt du bon boulot !
Pour
en finir avec ce week-end pentecôtiste, je me lance dans la lecture du dernier
Stephen King. En voilà un que je n’avais pas relu, je crois, depuis mes seize
ou dix-sept ans ! Mais j’ai des envies de littérature populaire pas trop
« prise de tête », en ce moment… Et comme c’est encore un sujet que
nous avions abordé avec Anthony…
Mardi 21 mai.
L’idée
de base du roman de Stephen King, le voyage temporel, s’il est un classique de
la littérature et du cinéma, m’intéresse particulièrement en ce moment. Et
notamment parce que c’est un thème que je retrouve dans deux de mes mangas
favoris : Zipang ! de Kaiji
Kawaguchi (dans les années 2000, un croiseur de la marine japonaise
d’auto-défense se dirige vers l’Amérique du Sud. Une étrange tempête se lève et
l’équipage se retrouve projeté en 1942, en pleine bataille de Midway…), et Jin, de Motoka Murakami (un
neurochirurgien du XXIe siècle se retrouve brusquement dans le Japon
de la fin de l’ère Edo, en 1863…).
Ce
qui est assez fort, dans ce roman de Stephen King, c’est toute cette lenteur
calculée… L’histoire est simple : en 2011, le narrateur, Jake Epping,
découvre l’existence, dans une roulotte de fast-food, d’un passage temporel qui
l’emmène en septembre 1958. Et quelque soit le temps qu’il passe dans cette
période du passé, lorsqu’il revient à l’intérieur de la roulotte, il ne s’est
écoulé que deux minutes. Il va donc échafauder un plan pour empêcher
l’assassinat de Kennedy. Je pense très sérieusement que le roman serait d’une
bêtise à hurler si l’auteur ne s’amusait pas à retarder sans cesse l’action. Je
ne me souviens pas de l’avoir vu agir de cette façon dans les quelques romans
que j’ai lus adolescent. Il me semble plutôt qu’on était très rapidement au
cœur d’un suspense insoutenable qui nous empêchait de reposer le livre avant de
l’avoir fini. Étrangement, avec 22/11/63,
on a autant de mal à le reposer, et le suspense est tout aussi prenant, mais
c’est aussi que ce salaud de King nous fait tourner dingues avec ce
« terrier » qui débouche toujours sur la même journée de septembre 58
alors que l’événement censé nous intéresser se passe cinq ans plus tard !
C’est qu’entre-temps, évidemment, il va nous forcer à nous intéresser à
beaucoup d’autres événements… et y parvenir !
M’étant
débarrassé de mes articles de commande (je viens d’en recevoir une autre, mais
elle pourra attendre deux ou trois jours), je me lance enfin dans mon texte
pour Zapoï et, n’ayant rien trouvé de
mieux, je me contente finalement d’écrire un texte de plus sur le grand-père
Chabrun. En revanche, je n’ai toujours pas d’idée pour la Bibliothèque de Jupiter, et ça commence à devenir inquiétant…
Mercredi 22 mai.
Finalement,
l’idée m’est venue dans la nuit : cette semaine, je parlerai du
« plan ». Faut-il faire un plan avant de commencer un roman ?
J’écris une grande partie de mon texte en début d’après-midi, m’octroie une
pause en ville où je croise Gérald, avec qui on cause de tout, de rien, du
suicide de Dominique Venner à Notre-Dame et des attentats de Boston. Puis je
rentre chez moi, et reviens à mon texte en fin de soirée – ou plutôt en milieu
de nuit. À vrai dire, je ne suis pas très content de moi. Je me rassure en me
disant que l’avantage de poster un nouvel article toutes les semaines, c’est
que les textes plus faibles sont vite oubliés au profit des suivants…
Jeudi 23 mai.
Ce
soir, je revois Taxi Driver, à la
recherche d’un passage pouvant convenir à la thématique du châtiment, pour le
prochain vidéodrome chez Pierre – parce que j’ai bien l’intention de retourner
à Paris le mois prochain. Rien de vraiment pertinent à mon avis dans Taxi Driver. La scène de tuerie dans la
maison close, évidemment, mais elle n’est pas très intéressante. Ou alors, le
monologue de Travis Bickle : « Écoutez
bien, bande de dépravés… »
Vendredi 24 mai.
Entre
la lecture et la glande, je me remets à dessiner (pour Zapoï), et à aimer ça. Et, du coup, à faire des choses pas trop
mal. En revanche, je pense que je ne me lancerai pas dans mes textes de
commande avant ce week-end. J’ai neuf « bio » à rédiger, mais j’ai
jusqu’au 6 juin pour le faire.
Samedi 25 mai.
Le festival
des Trois Éléphants bat son plein à Laval, ainsi que la fête du jeu – mais
j’évite soigneusement l’un et l’autre. Je n’ai pas envie de bains de foule, en
ce moment. Pourtant, le ciel offre quelques éclaircies, et ce serait sans doute
une occasion de mater un peu de chair féminine… mais il faut croire que ça va,
je peux m’en passer.
Je
croise ma tante Anne-Françoise et Patrick, qui me parlent des recherches que
j’ai faites sur le grand-père Chabrun. Elle me dit qu’elle a revu des photos
chez la tante Thérèse, et qu’elle a été surprise de voir que je lui ressemblais
un peu… Oui, bon, c’était un grand maigre, quoi…
Ce soir, je
revois Match Point, de Woody Allen.
Tuer Scarlett Johansson, ce n’est déjà pas très beau, mais en plus, ne pas
payer pour ce crime…
Dimanche 26 mai.
Pas
été au cinéma depuis des mois, j’ai raté The
Master, j’ai raté le dernier film de Bruno Dumont, mais j’y retourne ce
matin pour voir Iron Man 3. J’hésite
à aller voir Gatsby le Magnifique. En
tout cas, pour aujourd’hui, un pur film d’action bourré d’explosions et de
cascades me convient parfaitement.
Ce
ciel magnifique était un appel vibrant à se promener, peut-être du côté du
festival, mais j’ai su faire la sourde oreille et j’ai passé l’après-midi sur
le dernier dessin que j’avais prévu pour Zapoï.
Lundi 27 mai.
Cet
après-midi je retourne à Réaumur pour apporter mes photos de la soirée du 16
mai. En montant vers le BVS, je croise Laure et Dorothée, avec qui je me mets
immédiatement à bavarder, les empêchant de travailler, grain de sable dans les
rouages de la machine que je suis ! Laure m’apprend qu’elle sera bientôt
en vacances : elle devrait avoir atteint son quota d’heures jeudi. Elle
échappera donc à l’inévitable réunion des emplois du temps qui a lieu, comme
toujours, le dernier mercredi du mois de mai – autant dire après-demain. Au
bureau, je profite des moments où il n’y a pas d’élèves à venir réclamer
quelque chose pour causer avec Anne-Sophie et Virginie. Je venais glaner
quelques potins, quelques médisances joviales, mais apparemment, il n’y a pas
grand-chose de nouveau. Mon Dieu, mais il ne se passe plus rien, depuis que je
suis parti, ou quoi ? Je passe à Buron saluer la CPE et Stéphanie, et je
leur parle des articles que j’écris pour le web – les biographies de stars,
surtout, les amuse. Côté Réaumur, les CPE qui étaient en
réunion sont de retour, mais visiblement ça s’est assez mal passé, et comme ils
sont tous plutôt occupés, je me contente de les saluer avant de m’en aller. C’était
très certainement la dernière fois que je venais ici, puisque l’année scolaire
s’achève…
Alors
que je prenais tranquillement des notes au Parvis en attendant l’heure adéquate
pour me rendre au lycée (15 h 30, ce moment où, après la pause de l’après-midi,
le bureau de la vie scolaire est plus calme), j’ai vu passer Émilie et Gérald,
ce dernier amusé de me voir le carnet en main, fameux stéréotype de l’écrivain
au café qui m’a inspiré une de mes récentes chroniques. Oui, je suis ma propre
caricature.
Je
revois ce soir There will be blood,
de Paul Thomas Anderson. Dieu, le Mal et le Pétrole.
Mardi 28 mai.
Là
où se révèle la faiblesse de Stephen King – me dis-je en terminant la lecture
de 22/11/63 – c’est dans la
psychologie des personnages. Surtout celle du personnage principal, qui pour
respecter une promesse faite à un ami mourant, a décidé de retourner vivre
pendant cinq ans dans le passé pour empêcher l’assassinat de Kennedy. Au fil du
roman, le lecteur comprend – et le héros devrait le comprendre aussi – que tous
les changements qu’il opérera dans le passé produiront des réactions en chaîne
catastrophiques. Le héros le sait, il n’est question tout au long du livre que
de la théorie du battement d’aile du papillon, et du passé qui
s’« harmonise » quoi qu’on fasse : si l’on a empêché un drame de
se produire dans telle ville du Maine, un drame similaire se produira dans
telle autre du Texas, etc. Le héros le sait, le comprend vite, n’en tire jamais
la conclusion qui s’impose : le passé ne
doit pas être changé. Et rien n’explique cet entêtement forcené pour
empêcher un événement vieux déjà d’une cinquantaine d’années. Si après la mort
de Kennedy, le monde avait été plongé dans un chaos dont on ne serait toujours
pas sorti en 2011 – année où se situe le récit (qui se déroule également entre
58 et 63, donc) – on pourrait comprendre cette volonté de réparer les choses.
Ou s’il s’agissait d’empêcher un événement plus récent, comme les attentats du
11-Septembre… Mais vouloir s’acharner à sauver Kennedy en 2011 ?
L’argument de la promesse faite au mourant est si léger qu’il s’effondre bien
vite, et qu’on finit par suivre le héros, qui ira jusqu’au bout, en se
demandant bien ce qui le pousse à aller jusqu’au bout. La folie ?
L’obsession ? Mais King n’en fait pas un personnage irrationnel, bien au
contraire : il est déterminé et sait ce qu’il a à faire. En ce qui me
concerne, j’ai été passionné par ce roman d’un bout à l’autre, parce que je
n’en attendais pas beaucoup plus que le plaisir d’être embarqué dans une
aventure incroyable et pleine de surprises (et pour ça, l’auteur sait y
faire) ; mais il arrive un moment où on ne comprend plus le but que
poursuit le héros.
Nouvelle
commande de six articles brefs pour Leclerc, que j’honore le soir même, tout en
me lançant dans les biographies que je dois rendre le 6 au plus tard. Ce qui me
permet de découvrir l’existence de Dakota Fanning, une déjà vieille actrice de
dix-neuf ans.
Mercredi 29 mai.
Voici
venu le temps des monstres – c’est en tout cas le sujet que j’ai choisi de
traiter cette semaine pour La
Bibliothèque de Jupiter.
Je
me suis mis à relire Gatsby, puisque
c’est d’actualité. Et puisque Stephen King m’a replongé dans l’assassinat de
Kennedy et que ça fait un bon moment que ce livre me fait de l’œil, j’ai décidé
d’aller emprunter l’Oswald de Norman
Mailer à la bibliothèque. Là, je tombe sur Sébastien et nous nous lançons dans
une longue conversation qui nous poursuit jusqu’au Café du Parvis. On parle du
chômage, de mes écrits, de Stephen King, de nos vieilles connaissances de la
fac qu’on ne voit plus, de l’art d’esquiver dans les rues les individus
susceptibles de nous reconnaître et de nous saluer, du prix des places de
cinéma, d’Iron Man 3 et de cette
nouvelle génération de super-héros en proie au doute, du livre électronique et
de la crise des librairies…
Vendredi 31 mai.
Le
soleil est enfin arrivé, tout confus avec son billet de retard. Ça va faire
bien, sur le dossier scolaire, toutes ces demi-journées d’absence… Du coup,
moi, mal préparé, je trimballe toute l’après-midi mon manteau sous mon bras et
ruisselle de façon disproportionnée, vu qu’on est encore loin des grosses
chaleurs !
L’inconvénient
de ma chronique hebdomadaire, c’est qu’elle justifie à mes yeux, d’une certaine
façon, le fait de ne rien écrire d’autre. Bien sûr, il y a aussi tous mes
articles de commande (il m’en reste six à écrire, et j’aimerais bien en être
quitte lundi… pour en recevoir une nouvelle). Mais je pense que si je n’avais à
traiter que ces commandes, je continuerais à me culpabiliser en voyant que mon
blog est muet depuis des mois. Et j’essaierais donc d’y remédier (peut-être).
La Bibliothèque de Jupiter tous les
jeudis, et la publication de ce journal une fois par mois, m’ont permis de
résoudre ce problème. Au moins, malgré le temps que je peux passer à mes
biographies de célébrités, je sais que ce blog sera nourri régulièrement. Mais
cette certitude me donne aussi une bonne excuse pour ne pas écrire autre chose.
J’aimerais par exemple me remettre à mes Promenades
en Mayenne, mais je ne le fais pas. Et ne parlons même pas de se mettre
sérieusement au roman – travail auquel je ne m’appliquerai sans doute qu’après
ma mort…