Ah, Roumanie ! Avoir traversé les Carpates
pour se faire humilier devant quelques tapis de sol et des barres asymétriques…
Venir à plusieurs dans ces contrées hostiles et, un à un, se voir terrasser par
cet ennemi que tout humain, tout Roumain porte en lui-même… Razvan, les mains
pleines de talc, pensait-il aux forêts de Transylvanie devant les agrès, avant
d’y jeter son grand corps en pâture ?... Valeureux disciple de Don
Quichotte, après t’avoir laissé tournoyer autour de sa barre, le monstre t’a
saisi comme un moulin, de sa longue hélice, et tu t’es écroulé sur le dos,
comme ton compatriote avant toi. As-tu pensé à ta colonne vertébrale, à cet
instant, ou au candide espoir d’une troisième place qui s’enfuyait au loin,
telle un vampire surpris par la lumière du jour, voletant maladroitement vers
quelque caveau ? Retrouvant en un instant la station debout, tu es reparti
à l’attaque, puisant tes dernières forces pour terrasser le géant, et tu fis
quelques belles passes, avant de quitter ton adversaire d’un bond… et de
fouetter le sol de tes jambes molles et lasses comme la rengaine aphone d’une
très vieille tzigane. Allons, Roumain ! Ton cœur est déjà de bronze :
que t’apporterait une médaille ?
L’équipe roumaine avait le masque sinistre de
l’échec sculpté sur le visage quand Razvan Dorin Selariu l’a rejointe, tête
basse — mais ce n’était que de la bonne éducation : le Roumain n’ignore
pas qu’en Occident, il est de bon ton que le vaincu se couvre la tête de
cendres. Moi, la cendre que je voyais, c’était celle d’un feu de camp, autour
duquel jeunes et vieux faisaient valser violons et guitares manouches en chantant
l’orgueil des perdants, l’orgueil de ceux qui ont encore tout à gagner.
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