C’est CASSE-PIPE sans S.
J’y tiens. Je ne sais pourquoi mais j’y
tiens – ainsi soit-il. Que les jean-foutre respectent mes textes, et merde du
reste !
Louis-Ferdinand Céline, lettre à Marie Canavaggia, 27 mars 1948.
Un
bon titre, c’est déjà un gage de réussite.
Attention,
ça ne veut pas dire que vous n’aurez pas à assurer, derrière ! Il faut
quand même que le récit soit à la hauteur ! Rappelez-vous, au lycée :
vos professeurs insistaient sur le soin à apporter à votre introduction :
« Il faut accrocher le lecteur ! » Seulement le lecteur, si vous
l’appâtez avec des marshmallows pour lui servir ensuite un ragoût de restes de
la semaine dernière, il va bien se rendre compte qu’il a été arnaqué… Ne jamais
sous-estimer le lecteur : rappelez-vous qu’il sait lire, c’est même à ça
qu’on le reconnaît.
Donc,
pensez d’abord à écrire un bon livre, puis trouvez-lui un bon titre. Le titre,
c’est la vitrine. Votre histoire se dandine derrière comme les putes à
Amsterdam. C’est bête à dire, mais le lecteur a besoin qu’on le pousse un peu
pour se diriger vers votre livre, tout bon soit-il. Il faut qu’il puisse se
dire qu’une bonne histoire se cache là-dessous. Avec son bon titre, votre bon
livre lui fait de l’œil, il lui agite un peu les nichons sous le nez, j’te
plais, mon grand ?
Seulement
voilà : comment définir un bon titre ? Est-ce que Crime crapuleux à Cracovie est un
meilleur titre que, je sais pas, moi, La
Serpillière ? Le premier montre un effort dans l’allitération, mais
finalement, si l’histoire nous raconte ensuite un crime crapuleux commis à
Cracovie, ça n’a pas beaucoup d’intérêt. C’est un titre à la SAS : si
Gérard de Villiers était encore en vie, j’aurais éventuellement pu le lui
vendre. La Serpillière ouvre beaucoup
plus de possibilités : est-ce qu’on va parler de tâches domestiques ou, eh
bien je ne sais pas, est-ce que ça ne pourrait pas être le surnom d’un
personnage ?
Là,
on vient de soulever un point important. Ce sera mon petit deux. Selon les
genres littéraires, un même titre peut être jugé bon ou médiocre. Crime crapuleux à Cracovie est un titre
qui peut convenir dans la littérature policière. Le polar (comme on dit dans
notre jargon) doit attirer l’œil du chaland qui n’a pas de temps à perdre, qui
veut de la lecture pas-prise-de-tête, un truc à lire dans le train ou sur la
plage. Il ne veut pas, dès la couverture, se demander si le bouquin va lui
parler d’un personnage qui va passer la serpillière pendant dix chapitres, ou
si Serpillière est un nom de code. Un titre de polar n’a pas besoin d’être
ambigu : il faut que ça claque, tout de suite, qu’on sache où on va !
Morgue pleine, paf ! Casse-pipe à la Nation ! Le Crime de l’Orient-Express ! Du rififi à Paname ! Touchez pas au grisbi !... Le
lecteur est content : il sait où il met les pieds. À la rigueur, si votre
couverture montre une serpillière en train d’éponger une flaque de sang, vous
pouvez peut-être intituler votre polar La
Serpillière. Si vous y tenez vraiment.
Dans
la « grande » littérature, le tape-à-l’œil doit être un peu plus
discret. Mais il est surtout plus difficile de définir ce qu’est un bon ou un
mauvais titre. Il y a tellement de possibilités ! Le nom d’un personnage
peut vous faire un bon titre : Oliver
Twist, Anna Karénine, Modeste Mignon, Karoo… Un nom de lieu aussi : Les Hauts de Hurlevent, Tropique du Cancer,
Berlin Alexanderplatz, Le Côté de Guermantes…
Vous
avez des titres qui transcendent l’histoire, qui avertissent le lecteur :
ce qu’il lit est plus que ce qu’il lit. Cette histoire se veut un symbole, elle
dépasse la simple anecdote pour devenir un concept. Par exemple : Crime et châtiment, Les Misérables, Guerre et
paix… Si Dostoïevski avait intitulé son roman Raskolnikov, par exemple, on en serait resté à l’anecdotique, au
fait divers, à la petite vieille dame assassinée pour trois fois rien…
Un
bon titre peut aussi être une formule mystérieuse, qui ne trouvera sa
signification réelle qu’au cours de la lecture, ou qui imposera à celle-ci une
couleur, une atmosphère particulière : Voyage
au bout de la nuit, À la recherche du
temps perdu, Détruire dit-elle…
Au fond, la règle, c’est qu’il n’y en a pas. Un article et un substantif
peuvent suffire à vous donner un bon titre : L’Or, Le Feu, L’Enfant… Démerdez-vous avec ça. Un bon
titre, c’est important, mais parfois c’est parce que l’histoire est bonne qu’un
titre en apparence banal s’impose dans les esprits, et reste. Un bon titre,
c’est bien, on est d’accord ; mais le gage de réussite, ça reste quand
même l’histoire. Ah, mince. Ça veut dire qu’il va falloir bosser encore un peu ?
4 commentaires:
Mon émission préférée : Cauchemar à la bibliothèque ! On visite des affreux rades où l'on ne sert que des îles flottantes aux paroles congelées-décongelées ...
Comme le dit Gordon Ramsay : Un livre faut que ça sente le moisi, l'usure des siècles, la poussière, le bon vieux ver qui a tracé des tranchées dans le parchemin ! Sinon plus c'est frais moins ça a du ragoût ... l'île au trésor ça se gagne à la sueur froide de ses tremblements !
Comme disait Boris Viande : J'irai manger sur vos tombes...
J'en parlerai à mon iPod ; eh mec ! trop de bits tue l'envie ...
Comme je le dis souvent il faut économiser le temps disponible pour lire des conneries ; j'ai déjà un Zemmour sur le feu qui n'en peut plus d'être sur la sellette de la gloire et qui s'en prend maintenant aux poils pubiens d'Hélène et les garçons comme un puceau surexcité de 50 berges !
C'est pas toi Raphaël qui te prend pour un moraliste de la gloire télévisuelle ?
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