En souvenir de la Dream team du Palindrome : ACcRoc, DJ Zukry, Stanislas, Gérald "Rodrigue" Fayal et bien sûr, l'inénarrable greco-belge Yanis de Beevoot !]
N’aimant
pas la moussaka, et encore moins la foule, j’ai préféré rentrer au bungalow
pour regarder la cérémonie tranquille. Déjà, ça a commencé beaucoup trop tôt.
Je m’installais confortablement à vingt heures devant mon téléviseur pour
prendre ma ration quotidienne de désinformation sur France 2, et voilà que nous
étions déjà en Grèce, avec un écran bleu comme une rupture de faisceaux.
« Vive l’amour ! Vive l’amour ! », disait Gérard Holtz
devant un couple de patineurs artistiques censés représenter Eros. Quand on
entend Gérard Holtz parler de l’Antiquité, on sait déjà qu’il s’agit de sport.
« On remonte l’Histoire : nous étions en 2000 avant J.-C., nous voilà
en l’an 1000. » Mais alors, mon petit Gégé, si c’est le cas, on ne la remonte
pas, l’Histoire ! Non, non, je t’assure : on va dans le bon sens… Des
guerriers aux torses nus et peints en blanc comme des statues de marbre
viennent de passer : je vais me faire cuire une omelette. De quatre œufs.
J’ai
encore laissé cuire trop longtemps mon entrecôte « cordon bleu » (on
est célibataire ou on ne l’est pas), mais pour l’omelette ça devrait aller.
Trop salée, peut-être. Il se passe des choses très, très intéressantes, parmi
les plus pointues qui soient en matière de cérémonies d’ouvertures, mais je ne
sais pas prendre de notes en mangeant. Vous ne saurez donc rien du petit
« jeu des capitales » lancé par les deux commentateurs, mon petit
Gégé demandant, à chaque fois que les représentants d’un pays entrent sur le
stade de Maroussi, quelle est la capitale de ce pays, et son compère Jean-Paul
Ollivier enchaînant en ajoutant quelques anecdotes faussement inintéressantes
(je suppose) sur cette capitale.
J’ai
mangé plutôt vite : j’ai fini mon assiette avant qu’arrive la
Guinée-Bissau, suivie du Danemark. Moi aussi je vise une performance, ce
soir : je dois informer mes lecteurs, au risque de manger trop vite et
d’avoir une digestion difficile. Mais je dois aussi laver ma vaisselle. Je
laisse mes plats sécher tous seuls, pas le temps de les essuyer, je dois suivre
cette cérémonie pour vous livrer mes réactions à chaud. Je dois aussi sortir
mes poubelles. Mon petit Gégé s’interroge sur la capitale du Kazakhstan. Plein
de choses parmi les plus pointues qui soient, je ne vous ai pas menti. Je reviens
juste à l’instant où le Tibet fait son entrée. Lui, pourtant, n’était pas
descendu au local poubelle, sinon nous nous serions croisés. Sur TF1, au même
moment, les Mogo et les Chapera s’inquiètent beaucoup de la réunification et
surtout de la présence d’un certain Guillaume. Je ne donne pas cher de sa tête
au prochain conseil. Cette cérémonie d’ouverture est vraiment passionnante.
Je
passe sur Canal +, parce que les J.O., ce n’est pas seulement France
Télévisions. Ce serait une erreur de le croire. Stéphane Bern salue
l’apparition de la Corée. Ils ont l’air de rigoler beaucoup plus sur Canal.
Canal + de potes ! Je n’ai pas envie de rigoler, il y a un temps pour
tout : je zappe. Ah ! sur la 6, il y a Natacha Amal, médaille
d’argent du décolleté (sauf là). Je ne comprends pas trop ce qu’elle dit,
visiblement elle a des ennuis : elle se fait interroger par une blonde aux
yeux bleus, du genre qui pourrait très facilement me faire tout avouer,
d’autant que je suis très chatouilleux.
Retour
sur la 2 : voici la Lettonie. Mais où donc est Stan ? Déjà la
Biélorussie : les distances sont vraiment réduites, ce soir. Au premier
rang, une magnifique brune au sourire inconcevable qui agite son petit drapeau
m’évoque un peu Ornella Muti. Stan ! La Lituanie, nom de Dieu !...
Petite pensée pour Bertrand Cantat, médaille de bronze de lutte gréco-romaine.
C’est un peu monotone, cette suite de nations : on dirait qu’il y a de
moins en moins de monde dans les délégations… Je ne vais jamais pouvoir tenir
jusqu’à onze heures et demie. Ah ! Voilà la Mongolie… Elle aussi est venue
se faire voir chez les Grecs. À Koh Lanta, les candidats sont debout sur
des rondins de bois au beau milieu de l’eau. Ce n’est rien, comme épreuve,
comparée à l’enjeu qui est le nôtre : tenir deux semaines devant Gérard
Holtz, David Douillet ou Stéphane Bern. Les Polonais portent des chapeaux
rouges. Voilà une information primordiale. Il y en aura d’autres du même acabit
tout au long de ces prochains jours : le Palindrome est sur la brèche. Pas
la peine de regarder les J.O. : nous nous occupons de tout.
Bon,
j’abrège tout de même, évidemment, sinon la folie nous guetterait tous. Sur Koh
Lanta, j’ai raté le conseil. Sur France 2, alors que défile la Grèce, mon
petit Gégé parle d’un mystère autour du champion qui devait porter le flambeau
et qui ne s’est pas présenté aux contrôles antidopages... Hum ! hum... Tout
cela ne manque pas d’intérêt... Je ne sais pas si je parviendrai à retenir les
noms des sportifs grecs, moi. Ça risque d’être un problème. Je demanderai à
Yanis de me faire un petit pense-bête. Sur leur île, l’équipe réunifiée tire
sur un élastique pour récupérer des morceaux de bois. Les jeux de plage m’ont
toujours fatigué. « Regardez comme c’est beau, un monde qui croit au
sport », déclare Gérard Holtz. J’écrase une larme sur le rebord de ma
paupière. Ça me fait souvent ça quand je bâille.
22 h
25 : Björk entonne Oceania. J’ai rarement trouvé mon poste de télé
aussi sexy. Bon, je ne vais même plus pouvoir dire de mal de cette soirée,
alors ? Les salauds avaient bien préparé leur coup ! Ceci, tout de
même : la chanson de Björk était cent fois plus courte que sa robe, ce qui
est une faute de goût impardonnable. Ensuite, deux crétins viennent dire
bonjour aux caméras depuis l’espace — comme s’il n’y avait pas mieux à faire
dans l’espace… Gianna Angelopoulos-Baskialaki a de jolies jambes. Elle faisait
son discours sur une plateforme, sous un olivier en carton : je me demande
si les spectateurs qui se trouvaient dessous pouvaient voir sous sa robe. Sur la
une, un type attrape un requin au lasso. Sur la deux, Jacques Rogge dit non au
doping. Il faudrait que ça se termine vite, maintenant. Huit personnes
trimballent un drapeau frappé des anneaux olympiques pendant une
éternité : j’en ai mal aux pieds pour eux. Je ne sais pas pourquoi ils
sont tous déguisés en marins pour regarder monter le drapeau, mais tout cela
doit avoir un sens. On attendait une flamme olympique, mon petit Gégé et moi,
et on voit arriver une vingtaine de gus pendus à des câbles et tenant de faux
flambeaux en néon. J’allais crier à l’imposture, mais non, la voilà, la flamme,
la vraie de vraie. Vu le peu de temps que chaque relayeur la tient en main, je
ne m’étonne plus qu’il y en ait eu onze mille depuis Olympie ! La vasque
ressemble à un suppositoire monumental. Le porteur de la flamme l’allume. Reste
à savoir si elle fondra durant les jeux. Si c’est le cas, ça risque de puer
l’eucalyptus pendant un moment. Nous vous en tiendrons informé.
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