J’avais dit aux copains : laissez-moi
m’occuper du judo. Je n’ai évidemment aucune connaissance particulière dans
cette discipline, je saurais à peine différencier un osoto gari d’un osso
bucco, mais j’avais un calembour à placer en titre, avec « kimono ».
D’ailleurs, Yanis était près de moi pour me venir en aide et, tout en dégustant
son grec-frites avec ses doigts graisseux, il m’expliquait en quelques mots les
différences (beaucoup plus importantes qu’on ne pourrait le croire) qui opposent
le judo et le catch féminin. En judo, par exemple, il est permis de tirer sur
les vêtements. C’est même recommandé.
Quand j’étais petit, j’ai dû faire un an et demi de viet-vo-dao. Ma mère
tenait absolument à me trouver une activité sportive dans laquelle je
m’épanouirais, et au Palindrome, le viet-vo-dao, c’était à peu près tout ce
qu’il y avait avec le foot. Je vous parle de ça, c’était au début des années
80… Il ne m’est pas resté grand-chose de mon expérience, juste le fait de
savoir compter jusqu’à dix en vietnamien. Ce qui ne me sert pas tous les jours.
Mais moi aussi j’ai porté ce genre de pyjama (sauf que le mien était noir), et
je n’aimais pas trop cette sensation d’être tout nu là-dessous. Il ne fait pas
chaud, dans un gymnase, surtout quand on est aussi peu sportif que moi. Et puis
j’avais toujours un peu de mal à nouer ma ceinture, et comme mes camarades
s’agrippaient à mon haut de pyjama pour me faire tomber (alors qu’il aurait
suffi de me le demander), je me retrouvais toujours plus ou moins à poil. Tout
ça pour dire que j’étais un peu surpris de voir qu’ici, aucun téton ne
surgissait d’une échancrure, aucun pantalon ne glissait sur les chevilles de sa
propriétaire… On a bien raison de dire que les arts martiaux, c’est avant tout
la maîtrise du corps. La Française Frédérique Jossinet, tout de même, avait un
peu de mal à rester élégante face à la Japonaise Ryoko Tani. Mais elle avait eu
la présence d’esprit d’enfiler un tee-shirt sous son kimono. On reconnaît les
professionnels quand même… J’ai piqué quelques frites à Yanis, discrètement,
pour ne pas heurter sa susceptibilité : je n’oublie pas qu’il a du sang
belge. On ne s’attaque pas impunément aux Nippons sur un tatami, Frédérique.
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