Jean-François
Copé ne fit son apparition sur les écrans qu’à 21 heures 50. Hâve, mal rasé, la
cravate de travers, il donnait plus que jamais l’impression d’avoir été mis en
examen au cours des dernières heures. Avec une douloureuse humilité il convint
qu’il s’agissait d’un revers, d’un grave revers, dont il assumait l’entière
responsabilité ; il n’alla cependant pas, comme Lionel Jospin en 2002,
jusqu’à envisager de se retirer de la vie politique.
Michel Houellebecq, Soumission.
Au
risque de paraître banal, je commencerai par rappeler que l’art de la
caricature ne date pas tout à fait d’hier. J’imagine assez bien un homme des
cavernes se prendre un pain pour avoir sur la paroi d’une grotte déformé les
traits du chef de clan (ceci juste après qu’un petit fayot venant tout juste
d’inventer le miroir aura montré audit chef son vrai visage pour qu’il puisse
comparer).
Dans
l’Antiquité, Aristophane et Aristote évoquent un peintre du nom de Pauson, dont
Aristote nous dit dans sa Poétique :
« Polygnote représentait ses modèles
en mieux, Pauson en pire et Dionysos à l’identique » On a également retrouvé
de nombreux vases ornés de dessins grotesques, de même qu’on en voit sur les
murailles de Pompéi et d’Herculanum, ou dans les ruines égyptiennes.
Au
XVIe siècle, dans les ateliers de peintres, les artistes s’amusent à
charger (en latin, caricare) leurs
portraits, à en grossir et déformer les traits. Les frères Carrache pratiquent
beaucoup ce genre de jeux d’atelier avec leurs élèves.
Au
Moyen Âge, la figure humaine est associée à un ordre universel. Les vertus et
les vices de l’humanité sont représentés par le Beau et le Laid dans l’art.
Autant dire que les peintres, les enlumineurs, les graveurs, les sculpteurs du
Moyen Âge s’en donnaient à cœur joie dès qu’il s’agissait de transformer les
visages et les corps humains en masse de chairs tordues et bouffonnes !
Le
XVIIIe siècle voit fleurir en Allemagne des caricaturistes aussi
talentueux que Franz Xavier Messerschmidt ou Chodowiecki. Au XIXe,
c’est Honoré Daumier qui domine, génie indiscutable. Si Charlie Hebdo avait existé à l’époque, il en aurait été. S’il
n’avait pas existé, il l’aurait inventé. Il l’a sûrement fait.
Bon,
tout ça, c’était la caricature, les petits dessins – c’était pour rebondir sur
le massacre. Quand on fait de la littérature, on n’emploie pas le mot de
caricature, mais celui de satire. Ça fait mieux. Le mot vient du latin satura, qui désignait un plat garni d’un
mélange de légumes, une sorte de pot-pourri.
Les
écrivains sont des petits cons. Comme les dessinateurs, à ceci près qu’ils ne
savent pas dessiner. Alors quand les Cabu et les Charb passaient leur temps au
fond de la classe à croquer leur prof de maths ou la fille du proviseur, il y
avait à la table d’à côté des Alfred Jarry pour inventer des histoires.
Comme
celles de la caricature, les origines de la satire se perdent dans les limbes.
Les Grecs et les Romains, qui veulent toujours être preum’s sur tout, s’en
disputaient déjà la paternité. C’était
pas mal de siècles avant le Professeur Choron. Homère, toujours le
premier à se faire remarquer, s’est vu attribué le Margitès, une parodie d’épopée affligée d’un héros à peu près bon à
rien. Aristote, toujours dans La Poétique,
voit dans le Margitès l’influence
principale du genre comique. Pourtant, c’est à un esclave affranchi du nom d’Archiloque
de Paros que l’on attribue l’invention de la satire. Celui-ci, outré que le
père de sa promise annule leur mariage à quelques jours de la cérémonie, écrivit
un poème en vers iambiques si virulent que la fiancée et son père n’eurent rien
de mieux à faire que de se pendre. On sait depuis quelques jours que le rire
tue – visiblement, l’absence d’humour aussi.
La
satire se développe à Rome, chez les auteurs d’une part, qu’il s’agisse d’Horace,
de Lucilius ou de Juvénal, d’autre part dans le peuple. Suétone rapporte même,
dans sa Vie de César, qu’il était
d’usage que les soldats, en escortant le char de leur empereur, chantent des
vers satiriques. À propos de la réputation de sodomite que se trimbalait César,
ils chantaient notamment :
César a soumis les Gaules, Nicomède a soumis
César :
Vous voyez aujourd’hui
triompher César qui a soumis les Gaules,
Mais non point
Nicomède qui a soumis César.
Au
Moyen Âge, la satire continue à se développer, depuis le Roman de Renart jusqu’aux œuvres de Rabelais ou de Cervantès, en
passant par le Décaméron de Boccace.
Plus tard viendront La Fontaine, Molière, et bien sûr Voltaire, qui fait un peu
pâle figure désormais, lui qui ne s’est même pas fait buter à la Kalaschnikov…
À partir de là, elle entre dans les mœurs, la presse satirique, apparue à la
Révolution française, se développe au cours du XIXe siècle, et on se
demande bien ce qui pourrait, aujourd’hui, nous empêcher de rigoler, si même un
commando de djihadistes n’y parvient pas !
6 commentaires:
Tu n'es pas bon à rien tu es mauvais en tout disait Charpin au Schpountz !
...
Ce qui lui permit de triompher au cinéma où l'on fait semblant de tout !
Tiens, je pensais que ce serait l'outing de César, qui vous ferait réagir...
Entre folles on est obligé de se soutenir !
La satire était un moyen détourné pour faire passer des messages ...
L'ennui aujourd'hui, c'est que certains utilisent ou revendiquent ce mode d'expression mais n'ont paradoxalement pas grand chose de pertinent à dire.
Tu as été mmignon Raphaël ? Tu n'as pas assassiné ce week-end les dessinateurs de ton fanzine préféré afin de prendre leur place ?
Mignon avec deux m c'est mimi-mignon !
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