Mythologie, n.
Ensemble des croyances d’un peuple primitif concernant ses origines, sa
préhistoire, ses héros, ses dieux, etc., à ne pas confondre avec les récits
véridiques qui sont inventés par la suite.
Ambrose Bierce, Dictionnaire du
Diable.
Ce
qu’il y a de bien, avec la mythologie, c’est qu’on n’en a jamais fini avec
elle. C’est un réservoir inépuisable d’histoires pour les écrivains en mal
d’inspiration (« écrivain-en-mal-d’inspiration » est ce qu’on appelle
dans le métier un syntagme figé).
Mais pas seulement pour eux : les peintres, les compositeurs ont puisé à
grandes louches dans le réservoir à légendes servies par Virgile, Ovide,
Sophocle et les autres… Freud n’aurait sûrement pas eu autant de succès s’il
n’avait pas eu un Œdipe à brandir ! Et regardez tous ces groupes de metal
nourris par les légendes scandinaves, Mjöllnir à la main et Ragnarök pour
horizon ! (Oui, ben vous chercherez sur Wikipédia, hein…) Même les
développeurs de jeux vidéo connaissent leurs Métamorphoses sur le bout des griffes…
À
croire que la mythologie, c’est un truc inventé juste pour ça, pour nourrir des
générations et des générations d’auteurs et d’artistes de tout poil. Que ça n’a
existé que dans ce but, que les auteurs de l’Antiquité, aèdes et scribes, ne
souhaitaient qu’une chose : fournir aux générations futures une masse
inépuisable de récits. Merci, les copains.
Cela
fait si longtemps que l’on répète que tout a déjà été écrit qu’on en oublie
qu’il y a eu un moment où tout restait à écrire.
Il
faudrait remonter aux origines pour retrouver le type qui a conçu telle ou
telle cosmogonie : peine perdue. Ovide lui-même avait à sa portée un
énorme corpus de légendes et de récits qu’il n’a eu qu’à mettre en forme.
Toutes les religions se basent sur un texte, et ce texte semble avoir été dicté
par les divinités elles-mêmes.
« Je me propose
de dire les métamorphoses des formes en des corps nouveaux ; ô dieux (car
ces métamorphoses sont aussi votre ouvrage), secondez mon entreprise de votre
souffle et conduisez sans interruption ce poème depuis les plus lointaines
origines du monde jusqu’à mon temps. »
Tous
des fainéants, ces écrivains : ils se contentent d’écrire sous la dictée.
Dans
Le Royaume, Emmanuel Carrère se
demande ce qui pousse les croyants à avaler ces histoires de trinité, de
résurrection et d’immaculée conception comme, dans l’Antiquité, les Grecs et
les Romains croyaient en tous ces dieux jaloux et soupe au lait. On aurait du
mal à imaginer aujourd’hui que quelqu’un puisse croire en Zeus, en Dionysos ou
en Odin. Bon, pour Jésus et ses collègues, visiblement, ça ne pose pas encore
trop de problèmes. En tout cas, on ne considère plus aujourd’hui les
mythologies, qu’elles soient grecques, latines, d’Égypte ancienne ou de
Mésopotamie, comme des religions. Ce qu’on y trouve, ce sont des textes fondateurs. Donc, de la matière à
fiction, à interprétation littéraire, artistique, cinématographique,
psychanalytique, vidéoludique et que le dernier ferme la porte.
Et
qu’y avait-il avant les mythes ? Des hommes, je suppose, des aèdes, des
conteurs, bien avant les tablettes d’argile sur lesquelles par la suite
d’autres ont retranscrit toutes ces légendes qui faisaient déjà partie du
patrimoine de l’humanité. Des hommes qui sont tout simplement partis de ce qu’ils
voyaient, ce qu’ils voyaient d’explicable et d’inexplicable autour d’eux, ce
qui leur faisait envie et ce qui leur faisait peur… J’ai écrit ici même un
texte sur les monstres. J’y évoquais le superbe livre de Philippe Charlier
consacré aux monstres humains dans l’Antiquité. L’auteur, médecin spécialiste
de la paléopathologie, y étudie comment les civilisations grecques, étrusques
et romaines traitaient les individus contrefaits, et comment certaines
malformations ont pu être à l’origine de créatures mythologiques ou légendaires
telles que les cyclopes, les sirènes ou les nains (généralement maléfiques dans
les contes et les chansons de geste)…
Merci
aux tordus, aux rabougris, aux boiteux : c’est aussi un peu grâce à eux
qu’on a encore aujourd’hui des choses à écrire ! La littérature est une
corne d’abondance : on y puise depuis des millénaires, tout a été écrit, tout
s’écrit toujours. Depuis que Gilgamesh s’est mis au livre électronique, il a
même l’air d’avoir rajeuni.
1 commentaire:
Je crois en Raphaël Juldé ! Je sais c'est un mythe ... en vérité je ne le verrais jamais car c'est HAL qui écrit sous son nom ! Mais qu'importe j'ai la foi du charbonnier ... ô saints pixels priez pour moi à l'heure de ma résurrection numérique !
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