Après notre première tournée
mondiale dans le nord Mayenne, la gloire est venue nous serrer la louche et
partager quelques bières avec nous. La gloire, vous avez bien lu, avec son
petit attaché-case et sa tablette dernier cri, allez les petits gars, signez
là, vous faites partie du gratin maintenant.
Bon
en fait, la gloire, elle s’est matérialisée un peu autrement : par un
article dans la presse locale. Notre premier article de presse ! Avec
notre première photo où Adrien arrive à se confondre avec son manche de
guitare, où Noémie est à fond mais cachée par ses cheveux, et où tout le reste
est admirablement flou. On a tous acheté le journal, du coup, et on l’a ouvert
tous ensemble, dans un grand bruit de papier chiffonné, dans le garage des
parents à Florian, entre les cymbales et le synthé, sur la banquette
complètement rock’n’roll aussi, c’est-à-dire défoncée. On en avait les larmes
aux yeux, c’était trop beau…
Soirée rock à Évron avec les Bagues of
bonnes
Samedi soir,
c’était rock dans les bars d’Évron ! Tout a commencé avec un petit groupe
de Laval, les Bac of Bounes. Ces gamins turbulents, à peine sortis du lycée,
étaient bien décidés à enflammer la scène. Hélas pour eux, ils ont commencé
leur prestation un peu tôt, alors que le lieu était aux trois quarts vide.
Difficile, dans ces conditions, de chauffer l’ambiance ! Surtout qu’il
faut bien l’avouer, le groupe manque de professionnalisme. Des enchaînements
laborieux, des morceaux qui finissent en queue de poisson, des fausses notes et
des problèmes techniques… Tout ce qu’on peut dire, c’est que ces Gag of Bonze
poussent remarquablement loin l’art de l’approximation ! Il se dégage
pourtant une belle énergie chez ces quatre jeunes gens (cinq, si l’on compte
l’ingé son, que les musiciens considèrent comme un membre à part entière du
groupe, sans doute parce qu’il est aussi inefficace qu’eux). Une belle énergie,
donc, et il faut bien reconnaître que la chanteuse est charmante. Elle est même
probablement dotée d’une très jolie voix, mais pour s’en rendre compte, il
faudrait faire abstraction de la batterie, lourde comme un cheval mort, dont
les coups tombent avec la régularité d’un métronome en pleine crise
d’épilepsie. Le synthé et la guitare essayaient bien de suivre, et il y avait
même des moments où les trois s’accordaient, mais ça sentait le coup de chance…
Le résultat donnait un peu trop l’impression d’assister à une répétition.
Heureusement que le deuxième groupe a su, blablabla…
Bizarrement,
après la lecture, on n’était plus aussi fiers de notre premier article. La
gloire a fini sa bière avec un petit air gêné et nous a laissés plantés là
genre bon les gars, on se rappelle, hein. J’ai voulu émettre un petit
ricanement, de toute façon ils y connaissent rien, ces crétins de journalistes,
mais ça a plutôt ressemblé au grincement d’un vieux portail rouillé dans un
film d’épouvante. Qu’est-ce qu’il a, mon jeu de batterie ?
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