- Atelier n° 8 : par le trou de la serrure.
Le défi, pour cette proposition,
va être d’organiser une suite de lanceurs d’écriture alors même qu’on n’a pas
visibilité globale sur une possible histoire, qu’on n’a pas de plan ni de
scénario. (…) Dans cette obscurité de l’intuition on va aller planter autant de
minuscules fils qu’il sera possible. Et c’est l’empreinte cumulée de tous ces
liens partiels qui vous autorisera à vous saisir du corps invisible de l’histoire par définition impensable. (…)
Et si vous numérotiez ? Ça
facilitera amplement. Attention : non pas 1, 2, 3, 4 etc., là ça
paralyserait. Mais, votre histoire ou votre livre ou votre film ou votre rêve
fantastique, par exemple le numéroter de 1 à 100. Puis, chaque mini-fragment
que vous écrirez, le situer dans cette numérotation. Peut-être allez-vous
écrire le 47 puis le 64 puis le 18 ou le 5 et le 20 ou le 95. C’est très
important pour ce qu’on tente, probablement c’est même décisif. C’est ce qui va
autoriser que chaque fragment soit autonome, et n’ait pas besoin de bord avant
ni de bord arrière.
Par le trou de la serrure
16. – Après tout, si les murs ont des oreilles, pourquoi
n’auraient-ils pas aussi des bouches ? 3. – Dans la lumière des phares on finissait par se demander si ce
n’étaient pas les essuie-glaces eux-mêmes qui provoquaient la pluie, si leur
balai incessant n’était pas ce qui projetait ces trombes d’eau devant la
voiture. L’averse, en tout cas, semblait avoir une motivation propre. C’était
comme si le mouvement régulier de ces baguettes, minuscules au milieu de la
tempête, avait le don d’irriter celle-ci, de décupler sa fureur, comme le vol
d’une mouche pourrait rendre fou un individu déjà peu enclin à la patience. 19. – Tout, ici, hurlait. 87. – « Ça fait un moment que t’es
parti, on espérait quand même que tu reviendrais pas les mains vides »,
lança le plus costaud des deux, avec un regard mauvais. 53. – Cette fois, il était vraiment sûr de ne pas être seul ici. Et
ça ne le rassurait pas du tout. A priori,
la présence qu’il ressentait quelque part autour de lui n’était pas là pour
faire un Scrabble. 22. – Tout
hurlait. 14. – C’était comme si les
murs, les couloirs, les plaques du faux-plafond, les portes des chambres, la
poussière, le papier peint, les quelques appareils qu’ont trouvait abandonnés
ici ou là, potence médicale, table roulante, fauteuil défoncé, pot de fleurs
sans fleurs, scène en carton d’un théâtre de marionnettes, bout de guirlande
encore scotché sur un mur, comme si tout cela n’en pouvait plus du silence qui
régnait ici, même à l’époque où il y avait encore de la vie, ce silence
d’hôpital, ce silence qui enveloppait le bâtiment, chacune de ses ailes, ce
silence que tout l’asile semblait suer
comme un corps dévoré par la fièvre. 35.
– Il souleva le plateau métallique et découvrit, gravé au couteau dans le bois
de la table, en majuscule resserrées, minutieuses : JE SERAI DE RETOUR À
17 h 15. DIS-MOI BONNE CHANCE. BÉA. Instinctivement,
il regarda sa montre et constata qu’il était 17 h 14. Il en ressentit une
légère inquiétude. Bien sûr, ce message avait été écrit il y a longtemps, mais
c’est comme s’il s’attendait à voir surgir cette Béa. Qui était-elle ? Et
d’où revenait-elle à 17 h 15 ? Pourquoi fallait-il lui souhaiter bonne
chance ? Et à qui s’adressait ce message gravé en secret sur un coin de
table ? Il n’avait aucune envie de se préoccuper de ça. C’était de
l’histoire ancienne. Il fallait que
ce soit de l’histoire ancienne. Alors pourquoi, bon Dieu, pourquoi s’en préoccupait-il ? 36. – Il était 17 h 15. 27.
– Tout hurlait. 7. – Le type de
l’hôtel lui avait dit que personne ne l’accompagnerait à l’ancien asile. 93. – « Vous croyez quand même pas
que j’vais vous faire cadeau des réparations, si ? »
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