« Le comptoir d’un café est le
parlement du peuple. »
Balzac.
Balzac.
Sirotant mon
café en relisant Bouvard et Pécuchet,
je me disais que s’il y avait bien un cliché tenace (et Dieu sait si Flaubert
traque les clichés dans son ultime roman) c’était d’abord d’employer le verbe
« siroter » en parlant d’un café – mais ce n’était pas ce cliché
tenace là que j’avais en tête. Non, j’avais en tête le cliché tenace de
l’écrivain consommateur de café, et plus particulièrement de l’écrivain au café.
Parce
qu’au café, on ne consomme pas que du café. Antoine Blondin aussi, comme Sartre
et toute la bande du Café de Flore des années 50, était un écrivain au café. Mais
ce qu’il buvait, au Bar Bac ou ailleurs, était plutôt à base de houblon ou de
raisin. Et Verlaine, Rimbaud et les autres, ne commandaient pas beaucoup de
cafés quand ils s’attablaient au Procope – pas assez en tout cas pour que
l’Histoire le retienne.
Mais
enfin, voilà, c’est ce qu’on appelle une image d’Épinal : l’association de
l’écrivain et du café, de l’écrivain à une table de café, plutôt avec des
lunettes de soleil, une petite brise dans les cheveux et un carnet de moleskine
rempli de lignes raturées et illisibles écrites au stylo Mont-Blanc (très, très
important, le carnet moleskine et le Mont-Blanc, pas de faute de goût,
surtout !), bref, vous m’avez compris : cette image là est dans tous
nos esprits. Le mien peut-être plus que le vôtre, parce que j’ai un certain
penchant pour le stéréotype et les films de la Nouvelle Vague. Personnellement,
j’irais même jusqu’à ajouter à mon écrivain un imperméable, un chapeau et une
longue écharpe. Dans ces cas-là, on aura soin d’enlever les lunettes de soleil,
pour ne pas surcharger le tableau. Sans vouloir paraître perfectionniste…
Il
y a bien sûr des cafés à écrivains. Si vous êtes un jeune auteur (et que vous
vous appelez, mettons, Jean-Baptiste Patafion), vous prendrez soin de choisir
plutôt un café chic et relativement calme pour vous poser avec votre matériel
d’écrivain. Puisque vous êtes un écrivain moderne, vous aurez troqué votre
carnet contre un ordinateur portable fonctionnant sous Windows 8. Évidemment,
vous irez plutôt vous installer au Café de Flore ou, si vous habitez la
province, dans ce qui se rapproche le plus de l’idée que vous vous faites d’un
café littéraire, plutôt qu’au bar-PMU Chez Henri, entre un flipper agonisant et
un baby-foot assailli par d’anciens jeunes.
Que
vient chercher l’écrivain au café ? L’Inspiration. On l’imagine reclus
dans son appartement, derrière son écran, loin du monde et de l’aventure… Sur
quoi écrire ? Sur rien ? Oui, bien sûr, mais on ne va pas passer sa
vie à écrire sur rien ! Alors, notre écrivain décide de revenir au monde,
et s’installe au café. Le café, c’est parfait : s’il n’est pas trop bruyant,
on peut capter quelques conversations, s’inspirer de quelques figures,
bref : trouver des idées. C’est en tout cas le projet de notre auteur.
S’inspirer de la Réalité pour nourrir son Œuvre.
Riche
idée.
Assez
vite, cependant, l’auteur s’aperçoit que la réalité, tout compte fait, n’est
pas à la hauteur de la fiction. Après avoir laissé traîner ses oreilles un bon
moment pour écouter brailler un enfant en manque de Blédina sous le regard
impuissant et inexplicablement plein d’amour de ses parents, pour entendre le
récit palpitant d’un gus qui après une période de chômage vient de retrouver du
boulot, ou encore les conversations d’octogénaires dressant leur bilan de santé
et comptant leurs morts entre deux thés de Ceylan, notre Patafion a compris que
ça ne remplit pas un livre, tout ça. Un café, au mieux, c’est une réserve
d’anecdotes, de petits faits, de dialogues et de lieux communs qui sonneront
juste, qui feront « couleur locale »… Mais il ne faut pas en attendre
plus.
Alors,
après avoir noté piteusement une ou deux phrases, une ou deux idées sur son
calepin ou son labtop (pour les effacer ensuite), l’écrivain n’a plus qu’à
payer ses consommations et rentrer chez lui. Là, peut-être qu’une bonne tasse
de café à proximité de ses livres et de ses annotations électrisera un peu sa
réflexion ?
En
tout cas, la tasse de café au milieu des livres et des papiers, c’est sûr, ça
fait écrivain. Il ne va peut-être pas écrire beaucoup aujourd’hui, mais il va
au moins prendre une photo de la scène. Ça, c’est quinze « likes » minimum
sur Facebook.
4 commentaires:
Patafion, j'aime bien ce patronyme c'est quand même plus classe que main-au-cul.
Eh oui ! certains passent de l'état de jeune fille en fleur à celui de vieille dame sans l'état intermédiaire de nymphomane et de casse-couille chronique !
Du café au lait jusqu'au thé au citron ...
C'est pour moi que vous dites ça, Pierre ? Non mais dites donc, soyez poli ! Vieille dame vous-même !
Ah ! Nymphette vous avez trop fréquenté DSK sur la Croisette !
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