Depuis le début de l’été, je participe à l’atelier d’écriture
hebdomadaire que propose François Bon sur son site Le Tiers Livre. Un atelier
qui tombait très bien, son thème étant le récit fantastique, juste au moment
où, lisant les nouvelles de Richard Matheson et revoyant même des épisodes de La Quatrième dimension, je baignais dans
le fantastique.
L’ambition finale de François Bon étant de composer un livre
numérique à partir de tous les textes proposés, une consigne a été imposée dès
le départ sur l’ensemble des futures contributions : que chacune d’entre
elles soit constituée d’un paragraphe unique.
- Atelier n° 2 : marcher dans la maison vide.
"Ce qui est important, c'est que le lieu - qu'il s'agisse d'un lieu d'autrefois, d'un lieu où on revient parfois, d'un souvenir précis mais fugace, ou d'un lieu qui fait encore partie de notre présent, mais transposé la nuit ou dans l'instant où on le vide (maison qu'on prépare pour l'hiver) - soit vraiment traité en tant que tel. Et qu'on soit à l'intérieur. Pas de description du dehors, sinon on n'arriverait pas à entrer."
"Ce qui est important, c'est que le lieu - qu'il s'agisse d'un lieu d'autrefois, d'un lieu où on revient parfois, d'un souvenir précis mais fugace, ou d'un lieu qui fait encore partie de notre présent, mais transposé la nuit ou dans l'instant où on le vide (maison qu'on prépare pour l'hiver) - soit vraiment traité en tant que tel. Et qu'on soit à l'intérieur. Pas de description du dehors, sinon on n'arriverait pas à entrer."
Marcher dans la maison vide
C’est le temple de la poussière,
ici. Par des interstices entre les volets, les rais de lumière zèbrent les
murs, rappelant que dehors, il fait encore jour. On pourrait en douter, dans
cette vaste pièce que la crasse a colorée d’un gris uniforme, épais, tenace.
Une poussière que l’on dirait vivante, lourdement posée sur tous les meubles,
sur le plancher, sur les murs, mais qui volette aussi dans l’air, dansant dans
les trous de lumière. Une poussière qui a su conserver sa jeunesse. Elle crisse
sous les pas, un crissement qui accompagne le grincement du plancher. La même
sensation désagréable qu’au retour de la plage, quand en rentrant chez soi, on
répand par maladresse du sable sur le sol. Difficile ici, pourtant, de songer à
la plage. Ici, la poussière prend à la gorge, se pose sur les visages,
s’insinue dans les narines, dans les oreilles. On ferme la bouche. La
tapisserie devait tirer vers le saumon, à une époque. Sa couleur a pris la même
teinte de cendre que tout le reste. Elle tombe en lambeaux, mais elle le fait
discrètement, sans perturbation chromatique : les crevasses dans la
tapisserie se distinguent à peine sur le mur, comme un psoriasis sur une momie.
Au coin d’une imposante bibliothèque désormais vide, un rideau reste pendu à un
crochet, un peu loqueteux, un peu ridicule. Les meubles, ici, ont l’air de
trop. On les sent gênés. Une table aux dimensions très honorables, faite d’un
bois qui a dû être luxueux, s’est transformée, comme le reste, en pauvre chose
oubliée. Autour d’elle, les chaises ne la ramènent pas. Au plafond lézardé, un
lustre a perdu une bonne partie de ses dents : des débris de verre sur la
table et le sol témoignent de ses blessures. Au fond, un escalier mène à
d’autres pièces. Le brouillard de poussière semble se dissiper, par ici. Les
marches les plus hautes sont baignées de lumière, le pan de mur qu’on aperçoit
au premier étage rayonne presque : il y a un trou dans la toiture.
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