samedi 17 mars 2012

Laval de A à Z

On l’a dit, Paris, Rouen, Le Havre, sont une même ville dont la Seine est la grand’rue. Éloignez-vous au midi de cette rue magnifique, où les châteaux touchent aux châteaux, les villages aux villages ; passez de la Seine-Inférieure au Calvados, et du Calvados à la Manche, quelles que soient la richesse et la fertilité de la contrée, les villes diminuent de nombre, les cultures aussi ; les pâturages augmentent. Le pays est sérieux ; il va devenir triste et sauvage. Aux châteaux altiers de la Normandie vont succéder les bas manoirs bretons. Le costume semble suivre le changement de l’architecture. Le bonnet triomphal des femmes de Caux, qui annonce si dignement les filles des conquérants de l’Angleterre, s’évase vers Caen, s’aplatit dès Villedieu ; à Saint-Malo, il se divise, et figure au vent, tantôt les ailes d’un moulin, tantôt les voiles d’un vaisseau. D’autre part, les habits de peau commencent à Laval. Les forêts qui vont s’épaississant, la solitude de la Trappe, où les moines mènent en commun la vie sauvage, les noms expressifs des villes Fougères et Rennes (Rennes veut dire aussi fougère), les eaux grises de la Mayenne et de la Vilaine, tout annonce la rude contrée.

Jules Michelet, Tableau de la France.


Anjou… Maine… Normandie… Bretagne… Le département de la Mayenne a toujours eu le cul entre un paquet de chaises ! Quand les députés de la Constituante créèrent les départements en 1790, la généralité de Tours fut divisée en quatre. Trois départements autour des villes de Tours, d’Angers et du Mans – le quatrième (celui qui nous intéresse ici) constitué par le Bas-Maine, auquel on ajouta au sud une partie du Haut-Anjou correspondant à la baronnie de Craon et au marquisat de Château-Gontier. Comme une rivière portant ce nom se faufilait au milieu de tout ça, on appela ce département Mayenne. Les Lavallois sont donc trop au nord pour chanter avec du Bellay la « doulceur angevine », trop à l’est pour se dire bretons, trop au sud pour se dire normands. Alors, ils sont quoi ? Eh bien, mayennais. Au mieux, ils peuvent se revendiquer ligériens : les Pays de la Loire, au moins, c’est quelque chose. Avec Nantes comme préfecture, ça y est, on touche la Bretagne ! Bombardes et binious, à nous l’appartenance régionaliste ! C’est que, il faut l’avouer, nous sommes un peu complexés, nous autres culs-terreux… Notre département, le plus rural de l’Ouest, on ne l’entend pas beaucoup chanté dans les hit-parades ! Quel poète a vanté les maisons à pans de bois, la Porte Beucheresse ou le bocage des Coëvrons ? Nous aussi, on en a, de « l’ardoise fine » ! Et du lin fin, aussi ! C’est même pour ça qu’ont été regroupées ces villes, Laval, Mayenne, Château-Gontier, sous la même bannière : il s’agissait de regrouper « toutes les communes où l’on cultivait le lin, où on le manœuvrait, on l’apprêtait, on le filait, on le convertissait en toile » ! Et bien, malgré tout, à chaque fois qu’un Lavallois doit préciser d’où il vient dans une conversation, il est d’abord obligé de situer sa ville pour ses interlocuteurs. « Laval ? C’est simple : c’est entre Paris et Rennes. » À une vache près, bien sûr…

Bibliothèque municipale. La bibliothèque Albert-Legendre, c’est le nombril de mon monde. Mon monde en papier. Il y avait d’abord, quand j’étais petit, sa version réduite et mobile, le bibliobus, qui était garé place de la Commune, un mercredi toutes les trois semaines. J’y empruntais des bandes dessinées et des romans que je lisais le soir même. Au bout d’une ou deux semaines, en général, tout était lu. Il ne me restait plus qu’à attendre le retour du bibliobus en me morfondant. Avec mon entrée au collège et ma première carte de TUL (voir ce mot) – une carte gratuite avec le coupon « mercredi et samedi » – j’ai enfin pu me rendre, deux fois par semaine, à la bibliothèque. Plus besoin d’attendre vingt-et-un jours entre deux bouquins ! La bibliothèque municipale, c’est un peu ma famille d’adoption. Je m’y suis nourri auprès du meilleur comme du pire, de Stevenson à San Antonio, de Baudelaire aux Tuniques bleues… C’est le lieu de mes premiers émois. Émois culturels (en plus des livres, il y avait les disques, au sous-sol) et sexuels. Car c’est ici que s’est confirmé et développé mon goût pour le voyeurisme. J’en ai passé des heures, recroquevillé derrière une étagère de livres, à faire mine d’en consulter un tout en lorgnant sur les cuisses des lycéennes et des étudiantes plongées dans leurs cours… J’en ai encore des fièvres nocturnes ! Enfin, la bibliothèque municipale, c’est aussi le lieu de mes premiers exploits. Pas sexuels : littéraires. J’y ai obtenu trois fois le deuxième prix de poésie (en 1996, 1998 et 2000), et une fois le premier (en 2001). Puisqu’on en est au sujet des récompenses littéraires, et en attendant le Goncourt, j’ai également obtenu en 97 le premier prix de la section poésie et le deuxième de la section nouvelle au concours des Arts et Lettres de France, ce qui m’a valu une médaille de bronze – médaille qui m’a permis de rivaliser enfin un peu avec mon frère dont les coupes obtenues au foot ou au tennis de table envahissaient le buffet de la salle à manger. Ce n’est pas que j’attende des compliments : ça m’amène juste à penser qu’après tout, ma carrière littéraire est peut-être déjà derrière moi…

Contrepèterie. J’habite Laval.

Diablintes. Vers 450-50 avant J.-C., le territoire de l’actuelle Mayenne est divisé entre plusieurs tribus gauloises. Le nord et le centre sont occupés par les Aulerques Diablintes, dont le nom signifie « ceux qui sont loin de leurs traces ». Le groupe des Aulerques comprenait aussi les Cénomans (région du Mans), et les Éburovices (région d’Évreux). Le nom de la ville de Jublains, au nord-est de Laval, où se voient encore les ruines d’une cité gallo-romaine, est une déformation du nom « Diablintes ». Franchement, si la région ne valait pas le détour, vous croyez que l’armée de César s’y serait installée ?

Écluses. Il y en a quarante-six sur La Mayenne. Je n’ai pas l’âme d’un marinier, mais je ne m’imagine pas vivre dans une ville qui ne serait pas traversée par une rivière. Une ville sans fleuve, c’est comme un livre qui n’aurait qu’un seul paragraphe. Bloc unique, sans respiration : ça peut se lire, bien sûr, mais c’est étouffant. Ma métaphore est bancale, parce qu’une ville ne se lit pas, mais vous m’avez compris. La rivière donne son rythme à la phrase et chaque écluse est un changement de chapitre. Non, décidément, j’aurais dû trouver autre chose.

Fifty-Cent. Si vous venez un jour à Laval, vous croiserez certainement cet individu obèse, généralement armé d’une canette de 8°6 et d’une moustache douteuse. Il ne s’éloigne jamais beaucoup du centre-ville et vous aborde habituellement d’un sobre : « Z’auriez pô cinquante centimes ? » Cette question lui est si coutumière qu’il lui doit son surnom. Il lui arrive pourtant de changer de refrain, lorsqu’ayant obtenu son demi-euro, il a pu s’approvisionner en bière. Sa question devient alors : « Z’auriez pô une cigarette ? » Je crois ne l’avoir jamais entendu prononcer autre chose.

Guy. Quand j’étais petit, j’avais du mal à comprendre pourquoi tous les rois de France s’appelaient Louis. Je trouvais que leurs parents manquaient quand même cruellement d’originalité. À Laval, on a les Guy, l’une des plus longues lignées de nobles de France. C’est le Comte Herbert du Maine qui confie en 1020 le territoire de Laval à Guy de Dénéré, pour y établir un château. Ce Guy est le premier seigneur de Laval, et sa descendance règnera sur le comté pendant près de six siècles, jusqu’à la mort de Guy XX, en 1605. Tous ces comtes firent des trucs de comtes, c’est-à-dire surtout la guerre, quelques lois et édits, et tout ce dont une ville a besoin pour prospérer.

Hilard. C’est dans ce quartier que je suis né, rue de l’Ermitage. Mes parents ont ensuite déménagé rue Guynemer, dans une barre d’HLM. Je suis allé à l’école maternelle d’Hilard. Puis mes parents ont fait construire un pavillon dans un autre quartier, en pleine expansion à l’époque : le Bourny. C’est là que j’ai vécu toute mon adolescence, retrouvant les logements collectifs après le divorce de mes géniteurs. Après mes études, lorsqu’il a fallu que je me loge par moi-même, le hasard a voulu que je retourne à l’endroit d’où je venais : rue Guynemer, à Hilard. À Laval, la vie bégaie.

Idiolecte. Le vrai Mayennais se reconnaît à sa façon de prononcer, sous le coup de la surprise, de l’admiration ou de l’effroi, l’exclamation « Heu lâ ! »

Jet d’eau. Laval a son nombril : c’est un jet d’eau. Nombril ou œil de cyclope, pile au centre, avec l’hôtel de ville à dix heures et la poste à deux heures et des brouettes. Autour, des gens qui marchent dans tous les sens, des vieux sur des bancs, des marginaux et leur pack de bières. La place du Onze-Novembre, c’est notre place de l’Étoile, avec la statue d’Ambroise-Paré en guise d’Arc de Triomphe et une stèle bizarre signée Louis Derbré qui peut faire office de tombe au Soldat inconnu… Plus loin, dans le square Foch, il y a le monument aux morts. Il en est rempli, lui, de noms de soldats inconnus… Le samedi, ici, c’est le marché. Plus loin aussi, place de la Trémoille. Il suffit de grimper la rue des Déportés et vous y êtes. Parce qu’en tant que nombril, la place du Onze-Novembre et sa fontaine – le Lavallois de souche l’appelle tout simplement place du jet d’eau – se répandent dans toute la ville, ou toute la ville s’y retrouve. Les deux principales avenues commerçantes, la rue du Général-de-Gaulle et la rue de la Paix, ne forment qu’un seul et même bras, dont la place serait le coude. Et s’il fallait filer la métaphore, je dirais que la rivière traverse ce bras comme une flèche. La rue des Déportés, elle, s’échappe à la perpendiculaire et s’envole vers le quartier historique de la ville. En parallèle, la rue du Val-de-Mayenne – la rue piétonne, dira l’indigène – égrène ses pavés jusqu’au donjon du Vieux-Château. À l’opposé, les cours de la Résistance forment la gare des bus de la ville. Rue des Déportés, rue de la Paix, cours de la Résistance, rue du Général-de-Gaulle : la place du Onze-Novembre, vous l’aurez remarqué, c’est aussi un lieu à thème…

Kiosque. Le square de Boston, c’est la promenade dominicale des Lavallois. C’était depuis le XIXème siècle une allée bordée d’arbres qui longeait la Mayenne, un « mail », partant du viaduc pour rejoindre le centre au pont de l’Europe, sur une petite esplanade dotée en son centre d’un kiosque à musique décagonal. Construit par l’architecte Georget en 1879 et rénové dernièrement, ce kiosque est tout ce qui reste aujourd’hui de l’ancienne promenade de Changé, rebaptisée square de Boston, transformée aujourd’hui en une sorte de compromis entre une vaste esplanade de sable et un jardin public. L’été, ça pourrait devenir en quelque sorte Laval-Plage, avec ces étendues de sable et d’herbe au pied de la rivière… L’arrachage des arbres de la promenade a fait couler beaucoup d’encre dans la presse locale, les habitués du lieu, les papies qui venaient y jouer aux boules le dimanche, ont hurlé au saccage. Il faut dire que le résultat, à mon avis, manque un peu de relief : on s’attend à y voir atterrir des avions. L’horizon est dégagé, certes, mais que c’est nu, tout ça ! Quelques arbres, finalement, c’est ça qui manque…

Librairies. Il y en a deux principales, à Laval : M’Lire et Chapitre (anciennement Siloë). Si vous ne me trouvez pas dans l’une, c’est que je suis dans l’autre.

Mayenne. La Mayenne, je veux dire la rivière, prend sa source au mont des Avaloirs (ce qui est toujours intéressant quand on se destine à une carrière d’écrivain), environ quinze kilomètres à l’ouest d’Alençon (Orne). Après avoir traversé le département qui porte son nom et s’être baladée sur deux cents kilomètres, elle rejoint la Sarthe pour former au nord d’Angers la Maine (prononciation locale du nom Mayenne). Après ça, ma foi, elle peut bien faire ce qu’elle veut.

Nantes. Ou mieux : Rennes, Le Mans, Angers… Les « grandes » villes qui se trouvent à proximité de Laval. Parce que l’avantage, quand on se trouve à Laval, c’est qu’on n’est pas loin d’ailleurs.

Originaux. Comme toutes les petites villes, Laval est fière de ses enfants qui ont laissé un nom dans l’histoire. Bizarrement, la plupart d’entre eux font figure d’originaux, d’excentriques : à croire qu’ici, on ne peut rien faire comme tout le monde. Passe encore pour Ambroise Paré (1510-1590), qui raccommodait les plaies sur les champs de bataille et a inventé la chirurgie moderne ; mais entre le Douanier Rousseau (1844-1910), qui peignait ses jungles débordantes de couleurs comme dans les cauchemars d’un enfant atteint de paludisme, et Alfred Jarry (1873-1907), qui n’a rien trouvé de mieux à faire que d’inventer Ubu et la ‘Pataphysique (avec apostrophe, s’il vous plaît), avouez qu’on est entourés de gens curieux quand même… Il y a aussi des voyageurs, parmi les Lavallois célèbres – tous ne sont donc pas aussi casaniers que moi. François Pyrard (1578-1623), après avoir fait naufrage au large des îles Maldives en 1602, resta prisonnier des insulaires pendant cinq ans avant de rejoindre les comptoirs portugais de Goa et passa une grande partie de sa vie à échapper à la mort – ce qui est une façon de tuer le temps. Alain Gerbault (1893-1941), qui a réalisé la première traversée de l’Atlantique en solitaire en 1923, fait presque pâle figure, en comparaison.

Palindrome. Laval sera toujours Laval, qu’on lise de gauche à droite ou de droite à gauche. Avec ça, vous voudriez quand même aller voter ?

Québec. Il y a aussi une ville au Québec qui s’appelle Laval. A priori, aucun lien entre les deux. Pourtant, on trouve ici une rue Laval-Québec et, lorsque la direction des affaires culturelles m’a proposé de réaliser une brochure présentant la politique culturelle de la ville, la plaquette qu’on m’a montrée en exemple était celle de Laval… au Québec. Crise d’identité ? Laval (Mayenne) est désormais jumelée avec Laval (Québec), ainsi qu’avec Boston (Grande-Bretagne), Mettmann (Allemagne), Garango (Burkina Faso), Gandia (Espagne), Vatava (Roumanie) et le Département de Chalcidique (Grèce).

Rock. Je me suis efforcé il y a quelques années, dans un livre écrit en collaboration, de redonner à Laval son statut de « ville rock ». Statut quelque peu illégitime, sans doute, en comparaison de ce qu’ont pu être des villes comme Rennes, Nantes ou Bordeaux. Nous n’avons pas de Thugs, de Noir Désir ou de Dominique A pour justifier notre revendication. Et pourtant, oui, il y a eu et il y a encore un certain esprit « rock » qui plane sur Laval. Peut-être est-ce dû à la réputation de la Mayenne, encore très rurale, à l’ennui qui peut étouffer cette ville, surtout quand on a quinze ans et l’envie de bouffer le monde – mais oui, il y a une histoire rock faite d’une multitude de petits groupes, de lieux, qui ont tous peu à peu disparu, ou qui se sont modifiés… Et il y a aussi cette drôle de concurrence avec Rennes, cette espèce de fierté de vaincu d’avance : « On pourrait faire aussi bien que Rennes ! » Mais j’ai déjà raconté tout ça…

STMP. Société de transformation des matières plastiques. C’était l’usine où travaillait mon père. Je me souviens des arbres de Noël de la STMP, mais surtout des énormes blocs de papier informatique que me rapportait mon père pour que je puisse dessiner. Je refusais de dessiner sur du papier quadrillé : je voulais des feuilles blanches, comme les vrais auteurs de BD. J’en ai usé, des feutres, sur ces feuilles. À chaque fois, mon père se disait que ce coup-ci, il allait être tranquille pour un moment : je n’allais pas venir à bout de toutes ces feuilles avant longtemps. À chaque fois, je lui prouvais le contraire. Le garçon qui dessine plus vite que son ombre.

TUL. Transports urbains lavallois. C’est ainsi qu’on appelle le bus, chez nous. Le Lavallois natif ne dira jamais : « j’attends le bus », mais « j’attends le TUL ». Ou : « j’ai raté le TUL ». Parfois, le Lavallois en voyage, à Paris par exemple, peut s’exclamer par distraction : « on prend le TUL ? » L’autochtone stupéfait croit d’abord avoir mal entendu, ou que son interlocuteur parle une autre langue que lui – et finit généralement par le considérer comme un pécore.

Ubu. Il est partout. Dans le monde, oui, sans doute : Ubu Roi est partout. Mais à Laval, Ubu tout court, le Père Ubu, l’Ubu ubuesque, avec sa gidouille et son bonnet, est vraiment partout. Petit, mes parents m’emmenaient le dimanche déjeuner à L’Ubu, un restaurant de la rue des Déportés. Je me souviens du plat que je prenais toujours : un hamburger frites. Le hamburger à la française : un steak avec un œuf « à cheval ». Durant quatorze ans, le festival des Uburlesques, dédié au spectacle de rue, avait lieu chaque dernier week-end d’août. Pour le centenaire d’Alfred-Jarry, des lycéens de la section carrosserie du lycée Robert-Buron ont réalisé des sculptures à l’effigie du Père Ubu. Il est partout, je vous dis ! Chaque soir, je vérifie sous mon lit qu’il n’est pas planqué, prêt à me décerveler… Ça ne peut plus continuer comme ça ! (Du coup, les Uburlesques ont laissé place à un autre festival, la Face des Étoiles, dédié cette fois au Douanier Rousseau. Je sens déjà la brousse pousser sous mon lit, et je suis sûr qu’il y a une panthère à l’affût…)

Vieux-Laval. Le château de Laval et les plus anciennes fortifications de la ville datent du XIIème siècle. La Porte Beucheresse est la seule encore intacte de l’enceinte médiévale qui entourait la ville. Elle ouvre sur de petites rues pavées plantées de maisons à pans de bois qui dégringolent vers la rivière. La ville s’est développée principalement grâce à l’industrie textile, les toiles de lin de Laval étant exportées dans toute l’Europe et jusqu’en Amérique aux XVème et XVIème siècles. Moi qui n’ai jamais su m’habiller avec élégance, je fais un bien piètre Lavallois. L’autre grande spécialité de la ville, ce sont les retables d’église. Les retabliers lavallois étaient renommés dans tout l’Ouest de la France pour leurs ouvrages de tuffeau et de marbre aux XVIIème et XVIIIème siècles. Et je ne crois même pas en Dieu ! Je pourrais faire un effort d’intégration, quand même…

Western. À Laval, on est encore assez loin de la mer, mais pour le voyageur intrépide, c’est déjà un peu le début du far-west hexagonal ! Certains cow-boys s’y sont même cassé les dents. Tenez, le 17 janvier 1871, en pleine guerre contre la Prusse, la Vierge est apparue à des enfants du village de Pontmain, au nord-ouest du département. Les villageois en concluent qu’elle est venue annoncer la fin de l’invasion teutonne. Et en effet, quelques jours plus tard, l’armistice est signé, on a perdu l’Alsace-Lorraine, mais les Prussiens ne sont pas entrés à Laval. On a un petit côté village d’Astérix, comme ça… Avec le vin de messe comme potion magique. (À noter qu’en juin 40, la Vierge n’a pas levé le petit doigt. Une fois, ça suffit.)

Xiong et Xu. Ce sont les deux noms de famille se trouvant à la lettre X dans l’annuaire de la Mayenne, aux pages de Laval.

Yoga. J’ai dû en faire pendant deux ans. Ça fait partie de ces activités « pas faites pour moi » (je n’ai jamais été particulièrement nerveux) dans lesquelles je me suis retrouvé engagé par hasard. Auparavant, j’avais fait un an et demi de viet-vo-dao. Vous m’imaginez en pyjama noir, exécutant des mouvements d’art martial ? Je me rappelle qu’on devait courir pieds nus sur le terrain de sable d’Hilard, par tous les temps, et se battre avec des espèces de matraques en mousse. Ma mère tenait beaucoup à m’inscrire à des activités de groupe : ça l’inquiétait de me voir constamment seul dans ma chambre, avec mes feutres et mes cahiers… Un de mes copains d’école faisait du viet-vo-dao, du coup elle m’y a inscrit aussi. Pour le yoga aussi, c’est en suivant un copain que je m’y suis retrouvé. Après la curiosité des débuts, je me suis vite demandé ce que je foutais là, deux heures par semaine, allongé sur un matelas, à faire des mouvements bizarres… Enfin, ma mère m’a inscrit à un club de théâtre. C’était déjà plus mon truc : j’y suis resté sept ans. Ça ne m’a pas rendu moins timide, mais ça aurait pu.

Zapoï. Zapoï est un mot russe qui désigne une ivresse violente qui peut durer plusieurs jours. Il s’agit aussi du titre d’une modeste revue lavalloise. Parce que lorsqu’on vit à Laval, il peut être conseillé de boire pour oublier. Moi je ne bois pas, et en plus, pour ne pas oublier, je tiens un journal. Il faut croire que j’aime cette ville…