jeudi 26 juin 2014

Eric et les liens fraternels



Puisque la France s’est qualifiée sans grande surprise pour les huitièmes de finale, on peut se détendre un peu. C’est déjà ça de fait. Maintenant, on va tâcher d’aller le plus loin possible dans la compète, toujours plus haut toujours plus fort, tout ça tout ça. En attendant, on se calme, on fait retomber la pression, on discute au coin du barbecue, bien tranquille.
Tiens, puisque vous êtes là et que je n’ai rien de mieux à faire, je vais encore vous parler de moi.

La suite ici.

lundi 23 juin 2014

L'histoire du foot pour ceux qui veulent se la péter (2/4)


Ils nous font marrer, ceux qui nous racontent que le football a été inventé par les Anglais au dix-neuvième siècle. Maintenant, vous pouvez leur répondre avec un petit ton de mépris que les Chinois et les Mayas savaient déjà faire plein de trucs sympas avec un ballon plusieurs milliers d’années avant eux (et toc !). Évidemment, vous oubliez de préciser que c’est moi qui vous l’ai appris, mais je ne vous en veux pas, allez. Bon. On s’était arrêtés à l’Antiquité grecque et romaine. Prenez vos crayons, on embarque pour la Gaule celtique. Non, Jean-Zlatan, je n’ai pas dit « goal », mais « Gaule ».

La suite ici.

jeudi 19 juin 2014

Premiers ballons, premier bilan

Voilà une semaine que la Coupe du Monde bat son vide. Le temps est venu pour nous de nous asseoir à la fraîche, de prendre du recul et de considérer d’un œil aiguisé, pour ainsi dire d’un regard d’expert, tout ce que nous avons vu, tout ce que nous avons ressenti. Les moments d’émotion, les joies, les pleurs…

Ça risque d’être un peu pénible, je vous préviens tout de suite.

La suite ici.

lundi 16 juin 2014

L'histoire du foot pour ceux qui veulent se la péter (1/4)

Vous en avez marre. Okay, vous êtes le profil type du sportif de divan, bière à la main et jogging craspeck sur le cul. Mais vous en avez marre que votre femme vous fasse la gueule à chaque fois que vous voulez vous regarder un bon match, et que tout le monde autour de vous vous considère comme un gros beauf inculte. Déjà, vous n’êtes pas si gros. Et bientôt, grâce à moi, vous ne serez plus si inculte. Et il fera moins le malin, votre pote qui la ramène toujours parce qu’il aurait pu être prof d’histoire s’il avait terminé son master, quand vous lui montrerez que vous en savez plus que lui sur les origines du foot. Ah ! Comme quoi, on peut aussi se cultiver entre deux bières, pendant les arrêts de jeu…

La suite ici.

jeudi 12 juin 2014

L'entorse

Si un jour je me retrouvais à la tête d’un grand quotidien sportif, je crois que je l’appellerais L’Entorse.

J’ai toujours eu un problème avec le sport. Ce n’est pas faute d’avoir essayé, croyez-moi, d’autant plus que j’avais l’impression que ça marchait mieux avec les filles, quand on était un peu sportif. Mais dès le départ, j’ai bien vu qu’il y avait incompatibilité totale. Il y avait, dans la pratique sportive, plusieurs choses qui ne collaient pas avec mes compétences. Le goût de l’effort, pour commencer. Courir me fatigue.

Pour la suite, c'est ici.


Le football


OSWALD. – I’ll not be strucken, my Lord.
KENT (tripping Oswald). – Nor tripped neither, you base football player.
William Shakespeare, King’s Lear.

            Vous vous en souvenez sans doute (dans le cas contraire, vous me vexeriez), j’avais déjà évoqué ici même le sport et la littérature. Pour résumer, j’avais dit qu’ils n’étaient pas tout à fait incompatibles, mais qu’il avait fallu attendre la fin du XIXe siècle pour rencontrer ce personnage curieux : l’écrivain sportif.
            J’avais à peu près dit tout ce que j’avais à dire sur la question. Seulement voilà, l’actualité m’oblige à revenir sur un sport en particulier, qui se joue à onze autour d’une balle. Vous risquez d’en entendre pas mal parler ces prochains jours. Si vous pensiez que vous seriez à l’abri chez moi, c’est raté. J’imagine bien que beaucoup parmi vous se disaient que ce ne serait sûrement pas dans la Bibliothèque de Jupiter qu’on les bassinerait avec le foot. J’étais un peu le phare dans la nuit, le dernier îlot de résistance contre la barbarie en short et crampons… Eh oui, mais non. Je ne me vois pas vraiment comme un phare, figurez-vous. Je veux dire, en général. Le côté « Priape d’ouragan », ce n’est pas franchement mon truc.
            Et pourtant, si le sport fait déjà un peu figure de parent pauvre dans la littérature, on pourrait dire que le foot est l’enfant bâtard de ce parent pauvre. Le gamin qu’on cache parce qu’il fait honte à la famille. Et faire honte à une famille de pauvres, c’est de la misère au carré.
            Oh, des sports « littéraires », il y en a ! Ce sont les sports élégants, ceux où l’on distingue encore des restes d’aristocratie. Les sports de riches, quoi. Le tennis est élégant (ou l’a été, jusqu’à ce que les joueurs se mettent à pousser des cris de cochon qu’on égorge à chaque fois qu’ils renvoyaient la balle). Le golf est élégant. La chasse à courre, la corrida : voilà des sports littéraires. Auxquels se rallient les activités qui, à l’effort, ajoutent la notion de déplacement, de voyage, d’exploration : cyclisme, marche à pied, natation, alpinisme…
            Mais le football, par contre… Quarante-quatre mollets qui se courent après pendant quatre-vingt-dix minutes en suant sang et eau, en crachant par terre et en se heurtant violemment les uns contre les autres, non, ce n’est pas « noble ». C’est vulgaire. C’est bas. Ça se regarde avachi dans un fauteuil avec une bière à la main, en se grattant négligemment une indolente gonade. Et en poussant des hurlements – de victoire ou de consternation – à chaque fois qu’une balle rentre dans les filets. La littérature a un peu plus de tenue que ça, quand même ! Vous voyez Chateaubriand se bouffer une galette-saucisse à la mi-temps, dans un maillot aux couleurs de la Jeunesse Combourgeoise ?
Oui, bon, peut-être. Mais c’est vraiment parce que François-René est capable de tout.
            Et pourtant, même chez Céline, qui n’est pas un grand amateur des spectacles vulgaires (« Je veux dire qu’une prison est une chose distinguée parce que l’homme y souffre, n’est-ce pas, tandis que la fête à Neuilly est une chose très vulgaire parce que l’homme s’y réjouit »), on trouve des pages sur le foot. Souvenez-vous, dans Mort à crédit, le séjour en Angleterre du jeune Ferdinand…
            « J’avais la bonne place au football, je tenais les buts… Ça me permettait de réfléchir… J’aimais pas, moi, qu’on me dérange, je laissais passer presque tout… Au coup de sifflet, les morveux ils s’élançaient dans la bagarre, ils labouraient toute la mouscaille à s’en retourner les arpions, ils chargeaient dans la baudruche, à toute foulée dans la glaise, ils s’emplâtraient, ils se refermaient les deux châsses, la tronche, avec toute la fange du terrain… Au moment de la fin de la séance, c’était plus nos garçonnets, que des vrais moulages d’ordure, des argiles dégoulinantes… et puis les touffes de colombins qui pendaient encore après. Plus qu’ils étaient devenus bouseux, hermétiques, capitonnés par la merde, plus qu’ils étaient heureux, contents… Ils déliraient de bonheur à travers leurs croûtes de glace, la crêpe entièrement soudée. »
            La « bonne place » au football, oui, surtout pour un (futur) écrivain, ce sont les buts. L’endroit idéal pour rêvasser. Moi, à chaque fois qu’il a fallu que je joue au foot, par exemple quand les copains de mon frère manquaient à l’appel, et que j’essayais d’occuper la lucarne délimitée par un sapin nain et une veste roulée en boule, il arrivait toujours un moment où j’étais plus absorbé par les mouvements du vent dans l’herbe que par les jeux de jambes du frangin. Je ne sais pas comment font les gardiens de but professionnels pour rester concentrés pendant toute la durée du match. C’est là qu’on voit que ce ne sont pas des poètes…
            Ce que nous rappelle également cet extrait de Céline, c’est à quel point le foot est un sport salissant. Le football, c’est un combat de boue. Carton rouge pour l’élégance. Et pourtant, il n’y a pas que Céline : Montherlant aussi s’est frotté au ballon de cuir. Dans Les Olympiques, il fait du stade le lieu de l’entente parfaite entre les hommes, l’endroit où l’homme du peuple et le bourgeois peuvent se réconcilier dans la sueur, l’effort et la compétition fraternelle. Il consacre même quelques vers – un peu piteux, il faut bien le dire – à la gloire de l’ailier :

            « Il a conquis le ballon et seul, sans se presser, il descend vers le but adverse.
            Ô majesté légère, comme s’il courait dans l’ombre d’un dieu !...
            Et ses pieds sont intelligents, et ses genoux sont intelligents.
            Magnifique est la gravité dure de ce jeune visage… »

            Mouais. Pas convaincant. Albert Camus faisait du foot. Giraudoux était très sportif. Mais le foot, non vraiment, n’a jamais brillé en littérature. Chez Blondin, un peu, bien sûr – mais il s’agissait de chroniques sportives. Évidemment, tout a changé depuis 98. France-Brésil, trois zéro, forcément, ça a réconcilié tout le monde. Là, tout le monde s’est mis a aimer le football. Même vous, c’est dire. Je pourrais, du coup, vous citer du Daniel Picouly, du François Bégaudeau, du Nick Hornby, mais bof. Depuis 98, en tout cas, le football n’est plus une maladie honteuse. Un écrivain peut en parler sans craindre de s’interdire à tout jamais le Goncourt ou l’entrée à l’Académie française. Du coup, les intellectuels absolument allergiques à ce sport ne sont plus à l’abri de le voir surgir au détour d’une page, comme un joueur jusque là en retrait qui, profitant d’une intervalle, ouvre la marque.
            Tout ça pour dire que moi-même, qui n’y connais rien, moi qui ne suis pas fichu de faire la différence entre un coup franc et un avant-centre, je m’apprête à plonger tout habillé dans cette Coupe du Monde. La Bibliothèque de Jupiter, du coup, pourrait bien perdre de sa régularité ces prochaines semaines. Disons qu’elle prend ses quartiers d’été. Désormais, les choses vont se passer ici, sur le blog FIFA Papa, où je compte bien mettre toute ma mauvaise foi et toute mon incompétence au service du football.
            Tant pis pour lui.


jeudi 5 juin 2014

La nuit

On apprend plus dans une nuit blanche que dans une année de sommeil. Autant dire que le passage à tabac est autrement plus instructif que la sieste.
Cioran.


            Quand le Créateur a séparé la lumière d’avec les ténèbres, qu’Il a appelé la première « Jour » et les autres « Nuit » (là où n’importe qui se serait contenté de dire on/off, mais que voulez-vous, tout le monde n’est pas Dieu), aucun Livre ne nous précise s’Il a ajouté quelque chose après. Un mode d’emploi, des consignes de sécurité, un règlement intérieur, le genre de truc auquel toute structure un peu organisée pense immédiatement. On ne sait pas s’Il a dit, par exemple, quelque chose du genre : « Le Jour, l’honnête homme ira gagner son pain sans faire d’histoire, passera des heures dans les transports en commun à aimer son prochain comme lui-même et dépensera son argent durement gagné dans les produits manufacturés que J’aurai créé spécialement pour lui. La Nuit, l’honnête homme dormira pour être en forme le lendemain. La Nuit, c’est le refuge de l’homme malhonnête, de l’assassin, du violeur, du cambrioleur, de l’alcoolique mondain, du fainéant qu’on retrouve le lendemain au boulot avec les yeux rouges et un teint de fantôme qu’on aurait réveillé en sursaut pour faire une partie d’osselets. Et de l’écrivain, qui est un peu un patchwork de tous ces gens-là. »
            On ne sait pas s’Il l’a dit, mais on peut le supposer.
            La nuit, tous les écrivains sont aigris. Ils se sont levés tard, ils ont passé la journée au téléphone avec leur éditeur qui leur a réclamé pour la centième fois le manuscrit qu’ils étaient censés lui avoir remis il y a un mois mais qu’ils ont réellement commencé il y a deux semaines. Toute la journée, ils se sont encaféiné les veines dans les bars en griffonnant sur leur calepin des idées, des bribes de dialogues et des petits bonshommes pendus, mais ils n’ont rien écrit. Alors ils sont moroses, fatigués, ils en ont plein le dos : l’état idéal pour se mettre au travail. On s’assouplit les doigts, on se fait doucement craquer la nuque, et c’est parti, plus rien ne peut nous arrêter : la nuit nous appartient.
            La nuit, tous les écrivains se grisent. À l’heure où les êtres humains normaux vont se coucher et en profitent pour avoir des relations sexuelles avant de s’endormir, c’est toujours ça de gagné, l’homme de lettres se sent pousser du génie. À la lumière électrique, il fait crépiter son clavier, les mots s’alignent, le monde autour de lui est tapissé de silence. Même son chat somnole, s’il en a un. À l’aube, il ira rejoindre son lit épuisé et heureux, comme un boxeur après la victoire. Sans trop se soucier de sa femme, s’il en a une, qui se lèvera en faisant la gueule et en se disant qu’elle aurait mieux fait d’épouser un employé de bureau.
            Mais il existe aussi des écrivains du jour. Il faudrait d’ailleurs faire des listes comparatives des auteurs diurnes et des auteurs nocturnes. Je ne le ferai pas (sauf si on me paie). Mais enfin, ce qu’on peut dire, c’est qu’en règle général, l’écrivain de la nuit n’est pas sociable (sinon, pourquoi attendre que tout le monde se couche pour commencer sa journée ?) ; qu’il est très certainement insomniaque (ça aide) ; qu’il n’est absolument pas réceptif à la poésie du matin (le gazouillis des oiseaux, la lumière dorée du soleil qui se dessine à l’aquarelle sur l’horizon, les silhouettes des arbres dans la brume) ; et enfin, qu’il est célibataire ou qu’il a des problèmes de couple (voir plus haut).
Ce qui ne veut pas dire que l’écrivain du jour s’en sort mieux. Quand on arrive à se débrouiller avec l’existence, déjà, on fait un autre métier. Seulement, peut-être que l’écrivain du jour essaie tant bien que mal de se raccorder au monde qui l’entoure. Peut-être qu’il pense qu’en respectant les mêmes horaires que la majorité de la population, il augmente ses chances de rencontres, de découvertes, de coïts, enfin, bref, ce genre de choses. L’écrivain diurne est celui qui n’a pas encore tout à fait perdu espoir. Il lui reste encore du chemin à parcourir.