Vendredi 31 mars 2017.
J’arrive à
Paris à 18 h 22, et j’ai besoin d’un certain temps avant de retrouver le rythme
de la capitale. Je dois prendre des tickets de métro et trouver le moyen le
plus rapide de rejoindre le 19e, là où habite Jean-Rémi. Ligne 6
direction Nation, puis ligne 5 pour entamer un parcours interminable jusqu’à
Laumière. Quelques jolies femmes, quelques jupes – le début du printemps à
Paris.
Je
suis allé prendre une bouteille de Coca à l’épicerie avant de rejoindre
l’appartement de Jean-Rémi, où j’arrive à 20 heures. Je suis le premier arrivé,
nous attendons Cécile, Élise et Florian. Nous renouons avec le vidéodrome en
petit comité, et surtout sans Pierre, qui est pourtant l’inventeur de ces
soirées !
Ce
vidéodrome sur le « genre » – non pas le cinéma de genre, mais
le genre au cinéma – m’a peu inspiré. D’ailleurs, je n’ai pas vraiment compris
l’énoncé : j’ai même un hors sujet flagrant parmi mes extraits, un que
j’éviterai donc de passer ce soir. Il s’agissait d’une séquence de la série Real Humans qui traitait plutôt de la
question de l’identité sexuelle.
Lorsque
Cécile arrive, nous vérifions le minutage de l’extrait qu’elle voulait passer
du Prisonnier d’Azkaban : ces
soirées vidéodrome demandent une précision d’horloger suisse. Elle me demande
ce que je deviens, depuis tout ce temps, et avant même que je ne réponde, elle
le fait pour moi : « Marié, deux enfants… » Je la rassure tout
de suite : non, de ce côté-là, ça va.
Les
vrais jeunes mariés, Élise et Florian, nous rejoignent. Jean-Rémi a prévu une
playlist en accord avec le thème de la soirée : Indochine, Mylène Farmer,
Taxi Girl, Michel Sardou (Femme des
années 80, évidemment), et a même disposé quelques livres, parmi lesquels Le deuxième sexe de Simone de Beauvoir.
Après avoir
commandé nos plats japonais, nous lançons officiellement cette nouvelle saison
de vidéodrome. Jean-Rémi commence par les bons vieux stéréotypes avec un film
des studios Disney, Il était une fois,
dans lequel une princesse très blonde, toute en gestes exagérés de princesse
(et que je me frotte les yeux et m’étire pour me réveiller, et que je chante à
la fenêtre pour appeler les oiseaux) se retrouve téléportée dans un appartement
new-yorkais miteux. Heureusement, notre belle est une fée du logis, et avec ses
amis les animaux de la forêt, elle a tôt fait de faire le ménage dans la
baraque, et en chantant s’il vous plaît !
Élise
enchaîne avec un extrait d’Un tramway
nommé désir. Rencontre entre l’homme et la femme, Vivien Leigh face à
Marlon Brando, sueur et biceps : l’érotisme en marcel. Dans l’assistance,
les filles – et Jean-Rémi – se pâment.
Toujours
dans le stéréotype, Florian nous propose OSS
117 : Rio ne répond plus. Split screen sur jambes de femme, rencontre
entre l’agent secret et Dolorès Koulechov. « Je suis ravi d’avoir une
secrétaire aussi jolie. » L’égalité des sexes ? « On en
reparlera quand il faudra porter quelque chose de lourd ! »
Pour
une fois, j’ai apporté l’extrait sérieux, le lourd, le pas marrant-marrant :
Bresson et son Procès de Jeanne d’Arc.
Jeanne dans sa cellule demande à recevoir la communion et à assister à la messe
de Pâques. Demande accordée… si elle troque ses habits d’homme pour des habits
de femme. Elle n’assistera donc pas à la messe.
Retour
à la déconne avec Cécile, qui a choisi un extrait de Joue-la comme Beckham. L’héroïne, une jeune punjabi qui rêve de se
mettre au football, subit une leçon de morale de la part de sa mère :
quand on est une fille, c’est inconvenant de faire comme les garçons. « La
Spice Girl sportive, c’est la seule qui n’a pas de mec ! » (Note
personnelle : je réalise soudain que j’aurai pu trouver dans Les Soprano un épisode qui aurait pu
fonctionner en reflet parfait : une séquence qui montre ce que les vrais
hommes ne doivent pas faire (ou ce qu’ils doivent garder secret s’ils veulent
se faire respecter) : être des pros du cunnilingus !)
Il
est temps d’inverser les stéréotypes, ce que fait Jean-Rémi en montrant un
extrait du premier épisode de Buffy
contre les vampires. Cette fois, ce n’est pas la jolie blonde qui se fait
bouffer par les méchantes goules : les monstres, la blonde, elle leur
kicke leur ass propre et net.
Après
les vampires, je ne peux que passer l’extrait zombie de la soirée. Place au
nanard parfait : Le Retour des
morts-vivants 2. Le petit copain sportif de la blonde – qui est rousse,
mais passons – vient de se transformer en mort-vivant, et se prend d’une grosse
fringale pour le cerveau de sa chérie. Terreur et romance : la fille
préfère écouter son cœur plutôt que sa tête, et servir de nourriture à son
homme.
Élise
rebondit sur l’inversion du stéréotype, avec Boulevard de la mort, selon elle (et selon moi) l’un des meilleurs
Tarantino. La vengeance des filles est en route, et Kurt Russell, qui voulait
s’amuser avec elles à ses jeux sadiques, est tombé sur un os. Hang up the chick habit !
Tradition oblige,
il fallait un extrait d’Harry Potter pour
ce vidéodrome, et c’est Cécile qui l’a apporté. Le Prisonnier d’Azkaban, donc : séquence de l’entraînement à
la lutte contre l’épouvantard. Neville (mon cher Neville) agite sa baguette, et
pouf ! Riddikulus : sa pire
terreur, le professeur Rogue, se transforme en grand-mère avec sac à main et
chapeau envahi de fleurs. Pour vaincre votre ennemi, faites-le changer de
sexe !
Florian
enfonce encore le clou de la rivalité homme/femme avec un épisode de Game of Thrones : Brienne de Tarth
et Jaime Lannister font du canotage et se baladent en forêt. L’homme roule des
mécaniques et provoque la femme, trop virile à son goût. Naissance d’une
idylle ?
Élise
complexifie le débat avec un épisode de Sex
and the City dans lequel Kristin Davis découvre le concept de « gay
hétéro », à ne pas confondre avec l’« hétéro gay ». Avantages et
inconvénients : l’hétéro qui présente toutes les qualités du gay, mais qui
devant une souris se révèle… trop féminin quand même.
Jean-Rémi
enchaîne avec Les Garçons et Guillaume, à
table ! C’est un peu Lost in
translation version genrée : de l’inconvénient d’apprendre à danser la
sévillane quand on ne comprend pas un mot d’espagnol et qu’on répète avec une
femme.
Il
est temps de passer le premier extrait de Kaamelott
(il y en aura deux). C’est évidemment La
Jupe de Calogrenant. Ou comment ces saloperies de voies romaines ont fait de la jupe en tartan la tenue
officielle de la Calédonie.
Extrait
de La Vie de Brian, proposé par
Florian. Premier conflit LGBT du monde : débat citoyen sur le droit de
Stan, qui désire qu’on l’appelle désormais Loretta, à faire des enfants, même s’il
ne peut biologiquement pas en faire.
Ça
y est, on a les deux pieds dans les questions du genre et de l’identité
sexuelle, et Élise enchaîne avec un extrait d’Hedwig Angry Inch, un film que je ne connaissais pas, et qui me
fait penser à un Spinal Tap version
trans. Histoire d’amour dans l’Allemagne d’avant la chute du Mur, qui passe par
le bloc chirurgie-charcuterie. « Pour être libre, il faut savoir
abandonner quelque chose. » Castration salopée et colère rock’n’roll.
Jean-Rémi
revient à Walt Disney avec Mulan.
Mulan, une héroïne qui aurait sa place dans Game
of Thrones aux côtés d’Arya et de Brienne. Entraînement militaire et
virilisme cartoon. Be a man.
Cécile
avait choisi un film pour moi – le Body
Double de De Palma. La raison pour laquelle elle précise que ce film était
pour moi est assez évidente pour ceux qui le connaissent, et qui me
connaissent… Son extrait, en revanche, ne passe pas sur la télé de Jean-Rémi.
Élise
passe un extrait inévitable du Rocky
Horror Picture Show : la chanson Sweet
Transvestite de Frank N Furter. Petite pensée pour nos amis Vanessa et
Julien…
J’ai
un deuxième extrait de Kaamelott pour
conclure la série : l’épisode Compagnons
de chambrée, dans lequel le roi Arthur se voit contraint de partager son
lit avec un évêque.
Pierre
n’était pas là, mais il nous a tout de même envoyé sa contribution grâce à la
magie des réseaux sociaux. Il s’agit d’un extrait de La grande illusion, de Renoir. Grande nouvelle dans un cabaret
rempli de soldats en uniforme et d’autres en robe : « On a repris
Douaumont ! » Patriotisme, Marseillaise
et dentelles.