lundi 11 mai 2015

Bag of Bones [épisode 14]


Après notre première tournée mondiale dans le nord Mayenne, la gloire est venue nous serrer la louche et partager quelques bières avec nous. La gloire, vous avez bien lu, avec son petit attaché-case et sa tablette dernier cri, allez les petits gars, signez là, vous faites partie du gratin maintenant.
            Bon en fait, la gloire, elle s’est matérialisée un peu autrement : par un article dans la presse locale. Notre premier article de presse ! Avec notre première photo où Adrien arrive à se confondre avec son manche de guitare, où Noémie est à fond mais cachée par ses cheveux, et où tout le reste est admirablement flou. On a tous acheté le journal, du coup, et on l’a ouvert tous ensemble, dans un grand bruit de papier chiffonné, dans le garage des parents à Florian, entre les cymbales et le synthé, sur la banquette complètement rock’n’roll aussi, c’est-à-dire défoncée. On en avait les larmes aux yeux, c’était trop beau…

            Soirée rock à Évron avec les Bagues of bonnes

Samedi soir, c’était rock dans les bars d’Évron ! Tout a commencé avec un petit groupe de Laval, les Bac of Bounes. Ces gamins turbulents, à peine sortis du lycée, étaient bien décidés à enflammer la scène. Hélas pour eux, ils ont commencé leur prestation un peu tôt, alors que le lieu était aux trois quarts vide. Difficile, dans ces conditions, de chauffer l’ambiance ! Surtout qu’il faut bien l’avouer, le groupe manque de professionnalisme. Des enchaînements laborieux, des morceaux qui finissent en queue de poisson, des fausses notes et des problèmes techniques… Tout ce qu’on peut dire, c’est que ces Gag of Bonze poussent remarquablement loin l’art de l’approximation ! Il se dégage pourtant une belle énergie chez ces quatre jeunes gens (cinq, si l’on compte l’ingé son, que les musiciens considèrent comme un membre à part entière du groupe, sans doute parce qu’il est aussi inefficace qu’eux). Une belle énergie, donc, et il faut bien reconnaître que la chanteuse est charmante. Elle est même probablement dotée d’une très jolie voix, mais pour s’en rendre compte, il faudrait faire abstraction de la batterie, lourde comme un cheval mort, dont les coups tombent avec la régularité d’un métronome en pleine crise d’épilepsie. Le synthé et la guitare essayaient bien de suivre, et il y avait même des moments où les trois s’accordaient, mais ça sentait le coup de chance… Le résultat donnait un peu trop l’impression d’assister à une répétition. Heureusement que le deuxième groupe a su, blablabla…

            Bizarrement, après la lecture, on n’était plus aussi fiers de notre premier article. La gloire a fini sa bière avec un petit air gêné et nous a laissés plantés là genre bon les gars, on se rappelle, hein. J’ai voulu émettre un petit ricanement, de toute façon ils y connaissent rien, ces crétins de journalistes, mais ça a plutôt ressemblé au grincement d’un vieux portail rouillé dans un film d’épouvante. Qu’est-ce qu’il a, mon jeu de batterie ?

Tranzistor n° 56, mai 2015.