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samedi 4 août 2012

Vivement les jeux paralympiques ! (J.O. d'Athènes 2004)


Oui ! Il  est plus que temps que nos amis les handicapés donnent une bonne leçon à tous ces athlètes valides qui nous déçoivent constamment — ceux qui perdent parce qu’ils perdent, ceux qui gagnent parce qu’ils acceptent de se faire interviewer par Nelson Monfort. Je veux voir des championnats de boxe pour manchots : il est temps de savoir ce que donne un crochet gauche sérieusement administré ! Je veux voir des culs-de-jatte faire de la course en sac sans sac ! Je veux voir nos myopathes (ou ce qu’il en reste) exceller dans le lancer de mains ! Oui, je veux voir d’anciens enfants de la Thalidomide nager le crawl en tournant sur eux-mêmes, des paraplégiques faire du saut à la perche attachés à leurs fauteuils, des hydrocéphales s’affronter en apnée, des siamoises au judo, des bossus à la barre fixe, des lilliputiens à l’équitation sous-marine (sur hippocampe), tout ça sous les regards aiguisés de juges autistes…

On en a marre de l’idéologie de l’esprit sain dans un corps sain : on veut des Esprits saints dans des corps en morceaux !...

vendredi 3 août 2012

Roumain est un autre jour (J.O. d'Athènes 2004)


Ah, Roumanie ! Avoir traversé les Carpates pour se faire humilier devant quelques tapis de sol et des barres asymétriques… Venir à plusieurs dans ces contrées hostiles et, un à un, se voir terrasser par cet ennemi que tout humain, tout Roumain porte en lui-même… Razvan, les mains pleines de talc, pensait-il aux forêts de Transylvanie devant les agrès, avant d’y jeter son grand corps en pâture ?... Valeureux disciple de Don Quichotte, après t’avoir laissé tournoyer autour de sa barre, le monstre t’a saisi comme un moulin, de sa longue hélice, et tu t’es écroulé sur le dos, comme ton compatriote avant toi. As-tu pensé à ta colonne vertébrale, à cet instant, ou au candide espoir d’une troisième place qui s’enfuyait au loin, telle un vampire surpris par la lumière du jour, voletant maladroitement vers quelque caveau ? Retrouvant en un instant la station debout, tu es reparti à l’attaque, puisant tes dernières forces pour terrasser le géant, et tu fis quelques belles passes, avant de quitter ton adversaire d’un bond… et de fouetter le sol de tes jambes molles et lasses comme la rengaine aphone d’une très vieille tzigane. Allons, Roumain ! Ton cœur est déjà de bronze : que t’apporterait une médaille ?

L’équipe roumaine avait le masque sinistre de l’échec sculpté sur le visage quand Razvan Dorin Selariu l’a rejointe, tête basse — mais ce n’était que de la bonne éducation : le Roumain n’ignore pas qu’en Occident, il est de bon ton que le vaincu se couvre la tête de cendres. Moi, la cendre que je voyais, c’était celle d’un feu de camp, autour duquel jeunes et vieux faisaient valser violons et guitares manouches en chantant l’orgueil des perdants, l’orgueil de ceux qui ont encore tout à gagner.

jeudi 2 août 2012

De quelques ronds de cuir (J.O. d'Athènes 2004)

La boxe est peut-être le seul sport que je comprenne un peu. Sans doute parce qu’il tient autant de la danse que de la tragédie — forcément — grecque. Deux Français se sont qualifiés ce soir. Ils ont pris des coups pour pouvoir en prendre encore plus bientôt : j’aime assez cet esprit.  Willy Blain virevoltait sur le ring, hop sur un côté, hop sur l’autre, un Tunisien hargneux cherchant à l’éperonner. Zig à droite, esquive, zag à gauche, paf, touché ! Hop, hop, hop — tac ! de nouveau. Une belle machine que ce Blain, toute en souplesse, en rapidesse, le bras comme un ressort, un éclair, vlan ! Magnifique chorégraphie, le chat et la souris, boules de cuir qui swinguent, quatre reprises : victoire aux pointes. De son côté, Xavier Noël, autre danseuse face à un bulldozer haïtien : deux poings d’écart au final, victoire de la grâce sur la lourdeur. Eh bien, Noël, tu l’as, ton Assomption !... Yanis, tout content, m’imitait alors que nous tentions de nous extirper de la foule, le jeu de jambes des deux vainqueurs. Je crois qu’il s’est un peu tordu la cheville en glissant d’un étage sur les gradins. Je me fais beaucoup de souci pour lui : pour les épreuves de gymnastique artistique, il risque au moins le lumbago…

mercredi 1 août 2012

Ma vie comme un match... vu de la touche (J.O. d'Athènes 2004)


Zukry a été très clair. Il devient d’ailleurs très chef de milice pour république Banania, je trouve (c’est toujours pendant le petit déjeuner qu’il donne ses ordres). Il a troqué sa chemise à carreaux pour une chemisette kaki, c’est louche… Je lui dirais bien d’aller se faire voir chez les Portugais dans un grand rire sardonique — gnark ! gnark ! gnark ! — en m’engouffrant (attention la tête !) dans le premier taxi pour l’aéroport Eleftherios Veniselos, mais je n’ai pas de carte bancaire, c’est lui qui retire de l’argent pour moi et donc je n’aurais pas assez de liquide pour prendre mon envol, ô monde matérialiste !

Zukry a été très clair, disais-je : il m’a bien fait comprendre que si jusqu’à présent j’avais un peu fait ce que je voulais (tu parles !), maintenant c’était terminé, fini N.I. ni, et qu’aujourd’hui je serais de corvée de handball. Hop, hop, hop ! Pas de discussion ! J’ai eu beau lui répéter que j’avais déjà un titre pour la rencontre Mary Pierce-Venus Williams (Athènes est si Williams…), il n’a rien voulu savoir (mais il a quand même noté mon jeu de mot au dos de la note de frais du minibar, en se disant sans doute qu’il le comprendrait plus tard — gnark ! gnark ! gnark ! prends ça !). D’ailleurs, Milàn m’a chuchoté à l’oreille que la rencontre Pierce-Williams, c’était du tennisweuuuaaarggghhl (ça c’est parce que je lui ai décoché une bourrade amicale dans le foie, j’ai horreur qu’un individu du même sexe que moi me chuchote quoi que ce soit à l’oreille) !... Et comme rien ne m’ennuie autant que le handball, si ce n’est le tennis, alors… N’empêche que depuis qu’il a assisté aux compétitions de tir, il nous la joue à-vos-rangs-fixe, l’adjudant Zukrette ! J’en rirais presque si je ne le subissais pas au quotidien… J’ai bien essayé de rester à l’intérieur du bungalow en m’accrochant aux jambes d’ACcRoc, mais elle ne s’est pas gênée (la salope) pour me faire lâcher prise avec le hachoir électrique. Alors, comme l’ambiance l’était déjà suffisamment, électrique, j’ai récupéré mes doigts, les ai fourrés en vrac dans ma poche en conservant mon majeur pour saluer mes prétendus amis, et je suis parti.

Ah, les fumiers !... Alors ils sont là, à prendre des poses d’artistes, à se titiller l’ego avec des mines de baronnes assises sur des vits turgescents de jardiniers impromptus, alors que nous savons tous qu’il n’y a qu’un seul véritable écrivain ici, et que c’est moi !... Et ça se plaint, et ça geint, et alors moi, je n’ai pas le droit d’avoir mes bêtes noires ?... Je n’ai pas le droit de considérer le handball comme une abomination (une abomination teutonne, qui plus est) ? Mais le handball (mesdames, messieurs), c’est une souffrance que je porte en moi, dans ma chair, gravée au fer rouge !... Chacun ses traumatismes, merde ! Depuis que ce sport existe, c’est-à-dire depuis la sixième et jusqu’à la terminale, j’ai vécu le même enfer, dans les gymnases des établissements scolaires que j’ai pratiqués pour mon malheur et mon épanouissement personnels. Pendant que les « capitaines » d’équipes, désignés par la main innocente-mon-cul-ouais de l’autorité en place — j’ai nommé le prof de sport —, appelaient un à un les camarades qu’ils voulaient voir évoluer auprès d’eux, je savais bien qu’à la fin il n’en resterait qu’un, et que le scénario habituel allait se répéter, comme un cauchemar récurrent : « Bon ? Qui c’est qui prend Juldé ?... Vous vous démerdez, nous on l’a déjà eu la dernière fois… » Je devais donc à chaque fois attendre de savoir vers qui me diriger, et j’avançais alors, avec un petit sourire désolé pour bien montrer aux copains que c’était pas facile pour eux, je sais bien va, de se coltiner un boulet comme moi, mais que bon, j’allais me mettre en défense, je ne les gênerais pas, il n’avaient qu’à pas me faire de passes. Ou alors, miracle : nous étions un de trop dans l’équipe. Pas de problème : « Juldé, t’es remplaçant ! »

Très vite, j’ai compris que dans un gymnase, mes seuls amis étaient les bancs.

Tout ça pour dire que Yanis a suivi pour moi le match. Ce sont les Espagnols qui ont gagné, je crois. Contre les Russes, il me semble. C'est-à-dire les bleus. Ou les rouges. De toute façon, le terrain étant peint en orange et bleu, je ne pouvais pas distinguer les joueurs : ça faisait ton sur ton. Et puis c’est fatigant de les voir courir tous à gauche, puis tous à droite, puis tous à gauche, puis tous à droite, puis tous à gauche, en faisant crisser leurs chaussures sur le sol (leurs mamans ne leur ont donc jamais appris à lever les pieds quand ils marchent ?) : on dirait un match de tennis dans lequel toute une équipe accompagnerait la balle. Et je n’en reviens pas du nombre de fois qu’un domestique vient passer la serpillière. Le handball, c’est vraiment un sport de gonzesses.

mardi 31 juillet 2012

Le secret d’Indiana Jones ou 1’20’’ dans la peau d’un catogan (J.O. d'Athènes 2004)


Je ne sais pas si mes camarades se rendent bien compte de l’effort que j’ai fourni en les suivant à Athènes pour couvrir avec eux cette compétition sportive… Même Gérald a préféré nous laisser tomber pour aider le Pape à soigner des écrouelles (l’imposition des mains, c’est très compliqué quand on souffre de la maladie de Parkinson) ! Moi, j’ignore à peu près tout du sport et si ceux de combat sont à peu près les seuls qui trouvent grâce à mes yeux, môssieur Fayal, c’est avant tout parce que leurs règles sont un peu moins compliquées qu’ailleurs. Par exemple, Milàn vient de m’apprendre qu’au tennis, le but du jeu n’était pas de mettre la balle au fond du filet. Ils en savent, des choses, ces Hongrois… Je commence à comprendre pourquoi mes notes d’E.P.S. au lycée étaient si médiocres… Mais surtout, je viens d’apprendre qu’ACcRoc et Zukry (binôme que dorénavant j’appellerai ACkry pour plus de commodité) ne couvriront pas toute la compétition : j’ai en effet découvert dans le sac à main d’ACkry (qui était ouvert sur la table où se trouve mon ordinateur), entre quelques serviettes fort peu hygiéniques et un flacon de déodorant pour nous les hommes, deux billets d’avion ! Ces deux-là s’étaient bien gardés de me dire qu’ils comptaient s’éclipser au beau milieu des hostilités pour rejoindre le Portugal et y couler des jours paisibles, loin des médailles et des honneurs ! Ah, les lâches ! Et moi qui ai déjà mon billet de retour pour le 30 au matin, je vais donc me taper tout le boulot ! Ah, il a bon dos, le mulet ! Et c’est eux qui vont écrire mon journal intime, peut-être ?... Imaginez l’ambiance dans le bungalow ! Ajoutez la chaleur, l’odeur de pieds (bon, je reconnais que j’en ai deux aussi) et le fait qu’aucun de mes colocataires ne respecte mes heures de sommeil (6 h – 13 h 30, c’est quand même pas dur, putain), vous comprendrez que ma survie dans l’Attique est très incertaine, et mes résistances mentales très affaiblies. Le Péloponnèse doit être beaucoup plus calme, en comparaison. Même ACcRoc est perturbée, je le vois bien : elle porte des chaussettes de la même couleur.

Malgré mon triste état, j’ai accompagné Yanis au Centre Olympique pour y suivre les épreuves de gymnastique. Voilà encore un sport que je maîtrise peu, mais l’idée que j’étais autorisé à me rincer l’œil sur quelques cuisses de jeunes filles, que j’y étais même encouragé avec emphase puisque Stanislas devait récupérer de la terrible épreuve dite de « l’apéro » et ne pouvait donc se plier à cette tâche, oui, cette idée, je dois le dire, m’enchantait. La résonance des gymnases — ces églises où évoluent les Martyrs modernes, ceux qui ont livré leurs corps à la Sainte Sueur de la Compétition — m’a toujours profondément fait souffrir. Et Yanis, à côté de moi, hurlait dans mes pauvres tympans pour m’expliquer les barèmes de notation des juges alors que j’essayais de comprendre à quoi pouvait servir, dans la vie réelle, de savoir faire des galipettes sur une poutre. À moins d’être poursuivi par une tribu hostile et de devoir traverser un précipice sur un tronc d’arbre (avec une rivière en dessous, une jolie chute d’eau et une poignée d’alligators) tout en esquivant flèches, lances et autres tirs de sarbacane, franchement, je ne vois pas… Je me demande si Indiana Jones était doué en gym à l’école. Moi, très peu : c’est pour cette raison que j’ai toujours été un peu réticent à l’idée de faire du tourisme en Amazonie.

Enfin, toujours est-il que je n’ai pu réellement me concentrer que sur les épreuves d’enchaînement au sol. Je crois être tombé un peu amoureux de la Russe Elena Zamoldchikova qui, consciencieuse enfant, fixait obstinément la surface sur laquelle, dans quelques secondes, elle allait virevolter comme portée par l’aile d’un ange, en évitant mes regards enflammés sur son corps vibrant sous l’effort, afin de rester concentrée. J’ai maudit la sévérité des juges (bien que ne comprenant toujours rien aux notations), mes poings se sont crispés, Yanis ne m’avait jamais vu comme ça et j’ai profité de sa stupeur pour lui chiper quelques M & M’s. Svetlana Khorkina a suivi sa compatriote sur le praticable. Je n’aurais jamais pensé que des jambes aussi maigres étaient homologuées dans ce genre de discipline. J’ai eu peur à plusieurs reprises qu’elles ne se brisent d’un coup sec, comme une branche morte, crac ! Mais non. Qu’elles sont longues, ces jambes… elles n’en finiront donc jamais… J’ai dû m’endormir à un moment, ces jambes étaient vraiment trop longues, beaucoup plus que l’enchaînement de leur propriétaire, et je n’ai malheureusement aucun souvenir de la suite. Dans mon rêve, j’étais la queue de cheval de l’Américaine Carly Patterson et, après m’être balancé mollement au-dessus de sa nuque, je me suis mis à tournoyer dans les airs, incapable de différencier le sol du plafond, maman qu’est-ce qu’il m’arrive, le cœur au bord des lèvres et la cervelle à la cave, emporté par une série de saltos arrière, ne retrouvant un peu de stabilité que pour m’envoler dans l’autre sens, oh non v’là qu’ça recommence, pourvu que mon dernier repas reste bien arrimé à mon œsophage, pas de tout repos les gars la vie de catogan, c’est moi qui vous le dis, et quand j’ai rouvert les yeux, Yanis me racontait en hurlant à dix millimètres de mon appendice nasal la victoire des Roumaines : « Tu avais vu juste hier, Raphaël ! Tu avais vu juste ! » (C’est vrai qu’il est un peu lèche-cul, ce Yanis). Plein d’enthousiasme, il voulait m’imiter le double carpé final de la championne Catalina Ponor avant de s’écrouler en emportant deux ou trois juges dans sa chute. Bien fait pour ces rats.

lundi 30 juillet 2012

Mykonos en kimono (J.O. d'Athènes 2004)


J’avais dit aux copains : laissez-moi m’occuper du judo. Je n’ai évidemment aucune connaissance particulière dans cette discipline, je saurais à peine différencier un osoto gari d’un osso bucco, mais j’avais un calembour à placer en titre, avec « kimono ». D’ailleurs, Yanis était près de moi pour me venir en aide et, tout en dégustant son grec-frites avec ses doigts graisseux, il m’expliquait en quelques mots les différences (beaucoup plus importantes qu’on ne pourrait le croire) qui opposent le judo et le catch féminin. En judo, par exemple, il est permis de tirer sur les vêtements. C’est même recommandé.  Quand j’étais petit, j’ai dû faire un an et demi de viet-vo-dao. Ma mère tenait absolument à me trouver une activité sportive dans laquelle je m’épanouirais, et au Palindrome, le viet-vo-dao, c’était à peu près tout ce qu’il y avait avec le foot. Je vous parle de ça, c’était au début des années 80… Il ne m’est pas resté grand-chose de mon expérience, juste le fait de savoir compter jusqu’à dix en vietnamien. Ce qui ne me sert pas tous les jours. Mais moi aussi j’ai porté ce genre de pyjama (sauf que le mien était noir), et je n’aimais pas trop cette sensation d’être tout nu là-dessous. Il ne fait pas chaud, dans un gymnase, surtout quand on est aussi peu sportif que moi. Et puis j’avais toujours un peu de mal à nouer ma ceinture, et comme mes camarades s’agrippaient à mon haut de pyjama pour me faire tomber (alors qu’il aurait suffi de me le demander), je me retrouvais toujours plus ou moins à poil. Tout ça pour dire que j’étais un peu surpris de voir qu’ici, aucun téton ne surgissait d’une échancrure, aucun pantalon ne glissait sur les chevilles de sa propriétaire… On a bien raison de dire que les arts martiaux, c’est avant tout la maîtrise du corps. La Française Frédérique Jossinet, tout de même, avait un peu de mal à rester élégante face à la Japonaise Ryoko Tani. Mais elle avait eu la présence d’esprit d’enfiler un tee-shirt sous son kimono. On reconnaît les professionnels quand même… J’ai piqué quelques frites à Yanis, discrètement, pour ne pas heurter sa susceptibilité : je n’oublie pas qu’il a du sang belge. On ne s’attaque pas impunément aux Nippons sur un tatami, Frédérique.

dimanche 29 juillet 2012

Ma cérémonie d'ouverture (J.O. d'Athènes 2004)

[Certains d'entre vous se souviennent peut-être du blog Palindrome : terre de contrastes, qui fut un peu le nombril de la blogosphère dans les années 2003-2004. Durant l'été 2004, au moment des jeux olympiques d'Athènes, toute l'équipe du Palindrome s'était mobilisée pour faire la chronique des épreuves sportives qui auraient lieu pendant quinze jours. A l'occasion des jeux olympiques de Londres, par paresse de me coltiner à nouveau ce labeur, je me contenterai d'un flash-back. D'une flamme l'autre : retournons nous faire voir chez les Grecs !
En souvenir de la Dream team du Palindrome : ACcRoc, DJ Zukry, Stanislas, Gérald "Rodrigue" Fayal et bien sûr, l'inénarrable greco-belge Yanis de Beevoot !]



N’aimant pas la moussaka, et encore moins la foule, j’ai préféré rentrer au bungalow pour regarder la cérémonie tranquille. Déjà, ça a commencé beaucoup trop tôt. Je m’installais confortablement à vingt heures devant mon téléviseur pour prendre ma ration quotidienne de désinformation sur France 2, et voilà que nous étions déjà en Grèce, avec un écran bleu comme une rupture de faisceaux. « Vive l’amour ! Vive l’amour ! », disait Gérard Holtz devant un couple de patineurs artistiques censés représenter Eros. Quand on entend Gérard Holtz parler de l’Antiquité, on sait déjà qu’il s’agit de sport. « On remonte l’Histoire : nous étions en 2000 avant J.-C., nous voilà en l’an 1000. » Mais alors, mon petit Gégé, si c’est le cas, on ne la remonte pas, l’Histoire ! Non, non, je t’assure : on va dans le bon sens… Des guerriers aux torses nus et peints en blanc comme des statues de marbre viennent de passer : je vais me faire cuire une omelette. De quatre œufs.

J’ai encore laissé cuire trop longtemps mon entrecôte « cordon bleu » (on est célibataire ou on ne l’est pas), mais pour l’omelette ça devrait aller. Trop salée, peut-être. Il se passe des choses très, très intéressantes, parmi les plus pointues qui soient en matière de cérémonies d’ouvertures, mais je ne sais pas prendre de notes en mangeant. Vous ne saurez donc rien du petit « jeu des capitales » lancé par les deux commentateurs, mon petit Gégé demandant, à chaque fois que les représentants d’un pays entrent sur le stade de Maroussi, quelle est la capitale de ce pays, et son compère Jean-Paul Ollivier enchaînant en ajoutant quelques anecdotes faussement inintéressantes (je suppose) sur cette capitale.

J’ai mangé plutôt vite : j’ai fini mon assiette avant qu’arrive la Guinée-Bissau, suivie du Danemark. Moi aussi je vise une performance, ce soir : je dois informer mes lecteurs, au risque de manger trop vite et d’avoir une digestion difficile. Mais je dois aussi laver ma vaisselle. Je laisse mes plats sécher tous seuls, pas le temps de les essuyer, je dois suivre cette cérémonie pour vous livrer mes réactions à chaud. Je dois aussi sortir mes poubelles. Mon petit Gégé s’interroge sur la capitale du Kazakhstan. Plein de choses parmi les plus pointues qui soient, je ne vous ai pas menti. Je reviens juste à l’instant où le Tibet fait son entrée. Lui, pourtant, n’était pas descendu au local poubelle, sinon nous nous serions croisés. Sur TF1, au même moment, les Mogo et les Chapera s’inquiètent beaucoup de la réunification et surtout de la présence d’un certain Guillaume. Je ne donne pas cher de sa tête au prochain conseil. Cette cérémonie d’ouverture est vraiment passionnante.

Je passe sur Canal +, parce que les J.O., ce n’est pas seulement France Télévisions. Ce serait une erreur de le croire. Stéphane Bern salue l’apparition de la Corée. Ils ont l’air de rigoler beaucoup plus sur Canal. Canal + de potes ! Je n’ai pas envie de rigoler, il y a un temps pour tout : je zappe. Ah ! sur la 6, il y a Natacha Amal, médaille d’argent du décolleté (sauf là). Je ne comprends pas trop ce qu’elle dit, visiblement elle a des ennuis : elle se fait interroger par une blonde aux yeux bleus, du genre qui pourrait très facilement me faire tout avouer, d’autant que je suis très chatouilleux.

Retour sur la 2 : voici la Lettonie. Mais où donc est Stan ? Déjà la Biélorussie : les distances sont vraiment réduites, ce soir. Au premier rang, une magnifique brune au sourire inconcevable qui agite son petit drapeau m’évoque un peu Ornella Muti. Stan ! La Lituanie, nom de Dieu !... Petite pensée pour Bertrand Cantat, médaille de bronze de lutte gréco-romaine. C’est un peu monotone, cette suite de nations : on dirait qu’il y a de moins en moins de monde dans les délégations… Je ne vais jamais pouvoir tenir jusqu’à onze heures et demie. Ah ! Voilà la Mongolie… Elle aussi est venue se faire voir chez les Grecs. À Koh Lanta, les candidats sont debout sur des rondins de bois au beau milieu de l’eau. Ce n’est rien, comme épreuve, comparée à l’enjeu qui est le nôtre : tenir deux semaines devant Gérard Holtz, David Douillet ou Stéphane Bern. Les Polonais portent des chapeaux rouges. Voilà une information primordiale. Il y en aura d’autres du même acabit tout au long de ces prochains jours : le Palindrome est sur la brèche. Pas la peine de regarder les J.O. : nous nous occupons de tout.

Bon, j’abrège tout de même, évidemment, sinon la folie nous guetterait tous. Sur Koh Lanta, j’ai raté le conseil. Sur France 2, alors que défile la Grèce, mon petit Gégé parle d’un mystère autour du champion qui devait porter le flambeau et qui ne s’est pas présenté aux contrôles antidopages... Hum ! hum... Tout cela ne manque pas d’intérêt... Je ne sais pas si je parviendrai à retenir les noms des sportifs grecs, moi. Ça risque d’être un problème. Je demanderai à Yanis de me faire un petit pense-bête. Sur leur île, l’équipe réunifiée tire sur un élastique pour récupérer des morceaux de bois. Les jeux de plage m’ont toujours fatigué. « Regardez comme c’est beau, un monde qui croit au sport », déclare Gérard Holtz. J’écrase une larme sur le rebord de ma paupière. Ça me fait souvent ça quand je bâille.

22 h 25 : Björk entonne Oceania. J’ai rarement trouvé mon poste de télé aussi sexy. Bon, je ne vais même plus pouvoir dire de mal de cette soirée, alors ? Les salauds avaient bien préparé leur coup ! Ceci, tout de même : la chanson de Björk était cent fois plus courte que sa robe, ce qui est une faute de goût impardonnable. Ensuite, deux crétins viennent dire bonjour aux caméras depuis l’espace — comme s’il n’y avait pas mieux à faire dans l’espace… Gianna Angelopoulos-Baskialaki a de jolies jambes. Elle faisait son discours sur une plateforme, sous un olivier en carton : je me demande si les spectateurs qui se trouvaient dessous pouvaient voir sous sa robe. Sur la une, un type attrape un requin au lasso. Sur la deux, Jacques Rogge dit non au doping. Il faudrait que ça se termine vite, maintenant. Huit personnes trimballent un drapeau frappé des anneaux olympiques pendant une éternité : j’en ai mal aux pieds pour eux. Je ne sais pas pourquoi ils sont tous déguisés en marins pour regarder monter le drapeau, mais tout cela doit avoir un sens. On attendait une flamme olympique, mon petit Gégé et moi, et on voit arriver une vingtaine de gus pendus à des câbles et tenant de faux flambeaux en néon. J’allais crier à l’imposture, mais non, la voilà, la flamme, la vraie de vraie. Vu le peu de temps que chaque relayeur la tient en main, je ne m’étonne plus qu’il y en ait eu onze mille depuis Olympie ! La vasque ressemble à un suppositoire monumental. Le porteur de la flamme l’allume. Reste à savoir si elle fondra durant les jeux. Si c’est le cas, ça risque de puer l’eucalyptus pendant un moment. Nous vous en tiendrons informé.