vendredi 3 août 2012

Roumain est un autre jour (J.O. d'Athènes 2004)


Ah, Roumanie ! Avoir traversé les Carpates pour se faire humilier devant quelques tapis de sol et des barres asymétriques… Venir à plusieurs dans ces contrées hostiles et, un à un, se voir terrasser par cet ennemi que tout humain, tout Roumain porte en lui-même… Razvan, les mains pleines de talc, pensait-il aux forêts de Transylvanie devant les agrès, avant d’y jeter son grand corps en pâture ?... Valeureux disciple de Don Quichotte, après t’avoir laissé tournoyer autour de sa barre, le monstre t’a saisi comme un moulin, de sa longue hélice, et tu t’es écroulé sur le dos, comme ton compatriote avant toi. As-tu pensé à ta colonne vertébrale, à cet instant, ou au candide espoir d’une troisième place qui s’enfuyait au loin, telle un vampire surpris par la lumière du jour, voletant maladroitement vers quelque caveau ? Retrouvant en un instant la station debout, tu es reparti à l’attaque, puisant tes dernières forces pour terrasser le géant, et tu fis quelques belles passes, avant de quitter ton adversaire d’un bond… et de fouetter le sol de tes jambes molles et lasses comme la rengaine aphone d’une très vieille tzigane. Allons, Roumain ! Ton cœur est déjà de bronze : que t’apporterait une médaille ?

L’équipe roumaine avait le masque sinistre de l’échec sculpté sur le visage quand Razvan Dorin Selariu l’a rejointe, tête basse — mais ce n’était que de la bonne éducation : le Roumain n’ignore pas qu’en Occident, il est de bon ton que le vaincu se couvre la tête de cendres. Moi, la cendre que je voyais, c’était celle d’un feu de camp, autour duquel jeunes et vieux faisaient valser violons et guitares manouches en chantant l’orgueil des perdants, l’orgueil de ceux qui ont encore tout à gagner.

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