mercredi 1 août 2012

Ma vie comme un match... vu de la touche (J.O. d'Athènes 2004)


Zukry a été très clair. Il devient d’ailleurs très chef de milice pour république Banania, je trouve (c’est toujours pendant le petit déjeuner qu’il donne ses ordres). Il a troqué sa chemise à carreaux pour une chemisette kaki, c’est louche… Je lui dirais bien d’aller se faire voir chez les Portugais dans un grand rire sardonique — gnark ! gnark ! gnark ! — en m’engouffrant (attention la tête !) dans le premier taxi pour l’aéroport Eleftherios Veniselos, mais je n’ai pas de carte bancaire, c’est lui qui retire de l’argent pour moi et donc je n’aurais pas assez de liquide pour prendre mon envol, ô monde matérialiste !

Zukry a été très clair, disais-je : il m’a bien fait comprendre que si jusqu’à présent j’avais un peu fait ce que je voulais (tu parles !), maintenant c’était terminé, fini N.I. ni, et qu’aujourd’hui je serais de corvée de handball. Hop, hop, hop ! Pas de discussion ! J’ai eu beau lui répéter que j’avais déjà un titre pour la rencontre Mary Pierce-Venus Williams (Athènes est si Williams…), il n’a rien voulu savoir (mais il a quand même noté mon jeu de mot au dos de la note de frais du minibar, en se disant sans doute qu’il le comprendrait plus tard — gnark ! gnark ! gnark ! prends ça !). D’ailleurs, Milàn m’a chuchoté à l’oreille que la rencontre Pierce-Williams, c’était du tennisweuuuaaarggghhl (ça c’est parce que je lui ai décoché une bourrade amicale dans le foie, j’ai horreur qu’un individu du même sexe que moi me chuchote quoi que ce soit à l’oreille) !... Et comme rien ne m’ennuie autant que le handball, si ce n’est le tennis, alors… N’empêche que depuis qu’il a assisté aux compétitions de tir, il nous la joue à-vos-rangs-fixe, l’adjudant Zukrette ! J’en rirais presque si je ne le subissais pas au quotidien… J’ai bien essayé de rester à l’intérieur du bungalow en m’accrochant aux jambes d’ACcRoc, mais elle ne s’est pas gênée (la salope) pour me faire lâcher prise avec le hachoir électrique. Alors, comme l’ambiance l’était déjà suffisamment, électrique, j’ai récupéré mes doigts, les ai fourrés en vrac dans ma poche en conservant mon majeur pour saluer mes prétendus amis, et je suis parti.

Ah, les fumiers !... Alors ils sont là, à prendre des poses d’artistes, à se titiller l’ego avec des mines de baronnes assises sur des vits turgescents de jardiniers impromptus, alors que nous savons tous qu’il n’y a qu’un seul véritable écrivain ici, et que c’est moi !... Et ça se plaint, et ça geint, et alors moi, je n’ai pas le droit d’avoir mes bêtes noires ?... Je n’ai pas le droit de considérer le handball comme une abomination (une abomination teutonne, qui plus est) ? Mais le handball (mesdames, messieurs), c’est une souffrance que je porte en moi, dans ma chair, gravée au fer rouge !... Chacun ses traumatismes, merde ! Depuis que ce sport existe, c’est-à-dire depuis la sixième et jusqu’à la terminale, j’ai vécu le même enfer, dans les gymnases des établissements scolaires que j’ai pratiqués pour mon malheur et mon épanouissement personnels. Pendant que les « capitaines » d’équipes, désignés par la main innocente-mon-cul-ouais de l’autorité en place — j’ai nommé le prof de sport —, appelaient un à un les camarades qu’ils voulaient voir évoluer auprès d’eux, je savais bien qu’à la fin il n’en resterait qu’un, et que le scénario habituel allait se répéter, comme un cauchemar récurrent : « Bon ? Qui c’est qui prend Juldé ?... Vous vous démerdez, nous on l’a déjà eu la dernière fois… » Je devais donc à chaque fois attendre de savoir vers qui me diriger, et j’avançais alors, avec un petit sourire désolé pour bien montrer aux copains que c’était pas facile pour eux, je sais bien va, de se coltiner un boulet comme moi, mais que bon, j’allais me mettre en défense, je ne les gênerais pas, il n’avaient qu’à pas me faire de passes. Ou alors, miracle : nous étions un de trop dans l’équipe. Pas de problème : « Juldé, t’es remplaçant ! »

Très vite, j’ai compris que dans un gymnase, mes seuls amis étaient les bancs.

Tout ça pour dire que Yanis a suivi pour moi le match. Ce sont les Espagnols qui ont gagné, je crois. Contre les Russes, il me semble. C'est-à-dire les bleus. Ou les rouges. De toute façon, le terrain étant peint en orange et bleu, je ne pouvais pas distinguer les joueurs : ça faisait ton sur ton. Et puis c’est fatigant de les voir courir tous à gauche, puis tous à droite, puis tous à gauche, puis tous à droite, puis tous à gauche, en faisant crisser leurs chaussures sur le sol (leurs mamans ne leur ont donc jamais appris à lever les pieds quand ils marchent ?) : on dirait un match de tennis dans lequel toute une équipe accompagnerait la balle. Et je n’en reviens pas du nombre de fois qu’un domestique vient passer la serpillière. Le handball, c’est vraiment un sport de gonzesses.

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