Beaucoup de livres
« pas mal » en cette rentrée. Il y a les chefs-d’œuvre et les grosses
merdes, mais on néglige les livres « pas mal ».
Frédéric Beigbeder, L’Égoïste romantique.
Les écrivains sont de grands
enfants. Tous les ans à la même date, on les voit revenir gentiment coiffés,
cartable au dos et chapelet de bagues sur les dents, avec leur tout nouveau
cahier de devoir de vacances dûment rempli : cent cinquante à trois cents
pages reliées entre elles sous une couverture souple et publiées chez le
meilleur épicier du coin.
Avec un peu de chance, leur bronzage
n’aura pas encore totalement disparu quand ils se présenteront sur les plateaux
des émissions littéraires de septembre. Il faudra qu’ils pensent à choisir une
tenue qui fasse ressortir leur hâle. Peut-être une barbe de trois jours pour
faire décontracté ? (N.B. : ce dernier point est à proscrire si l’on
est une femme écrivain)
Bien sûr, nous retrouverons comme
tous les ans notre gentille élève consciencieuse, Amélie Nothomb – qui n’a
toujours pas compris qu’on ne portait pas de chapeau en classe. Ça fait plaisir
de savoir qu’il y a des choses immuables : les gens ont besoin de repères.
Les premières sanctions tomberont
rapidement, inutile d’attendre la fin du premier trimestre : on saura très
vite ceux qui ont bien fait leur travail (on entendra parler d’eux), et ceux
qui n’ont pas su convaincre les professeurs (leur nom sera vite effacé du
tableau). Les professeurs, entendez bien : les « critiques »
littéraires. Des gens à qui l’on envoie quelques livres à lire et à noter, et
qui jugeront ensuite que la « rentrée littéraire » concerne
exclusivement ce petit paquet de livres. Notre pauvre Jean-Baptiste Patafion,
avec son Cri de la biscotte et sa timidité naturelle, sera vite écrasé
par les poids lourds habituels, les abonnés à la remise des prix de fin d’année
– ce bulletin scolaire de l’homme de lettres…
Il y aura quelques
redoublants : les romans de la rentrée 2012 qui sortiront en poche un an
plus tard, afin de permettre aux lecteurs qui étaient passés à côté l’année
précédente de les ignorer une fois de plus.
Le gauchiste chevelu qui sommeille
en chacun de nous peut allègrement brandir son sourire méprisant devant cette
foire annuelle des granzécrivains, qui va voir sortir plusieurs centaines de
romans (cinq cent cinquante-cinq cette année, paraît-il) dont la majeure partie
seront complètement oubliés, tandis qu’on nous rebattra les oreilles du dernier
Yann Moix, du dernier d’Ormesson, du dernier Éric-Emmanuel Schmidt ou de la
dernière Nancy Huston. Ce même hérault de l’indignation s’offusquera de ce
cirque uniquement voué pour les éditeurs à promouvoir leurs poulains et à se
faire un max de fric durant cette période de matraquage intensif en vue des
fêtes de fin d’année où le client en mal d’idée-cadeau finira bien par choisir
le dernier Goncourt ou le dernier Renaudot, ou le Prix des lectrices de Elle,
parce que ça devrait bien faire plaisir à la belle-mère, vu qu’elle aime bien
bouquiner.
Faire du fric, c’est mal. L’argent,
voilà l’ennemi.
L’apolitique déplumé qui veille en
nous, étouffant calmement le gauchiste chevelu, hausse les épaules d’un air
blasé. Une histoire de fric ? On s’en fout un peu, non ? On fera le
tri parmi les bacs des librairies, comme chaque année, on attrapera un Jaenada
bien mûr, on se laissera peut-être tenter par une tranche de Richard Ford, et
pour le reste, on relira quelques vieux classiques… De toute façon, les
nouveautés, c’est toujours la même chose.
4 commentaires:
Vers 2050 il n'y aura plus que Juldé en état de marche : gagnant par forfait technique !
Tu connais l'histoire du lièvre speedé et de la tortue ultra-courte sur pattes ...
P.S : Si tu veux faire un don à ton meilleur supporter ne te gêne surtout pas !
Tu as remarqué que Cormary en est déjà réduit à recycler ses vieux articles du temps où il était encore vaillant ?
Pourquoi le 12 janvier 2061 ?
Bonjour,
J'aime beaucoup votre blog. Je voulais savoir si l'on pouvait vous contacter en mp ou vous suivre sur Twitter.
A bientot
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