« On dit
que tous les critiques sont à vendre. À voir la façon dont ils s’habillent, ils
ne doivent pas coûter très cher ! »
Oscar Wilde.
« C’est
facile, de critiquer ! »
Cette
phrase de cour d’école, vous aurez beau l’avoir prononcée des milliers de fois,
vous ne la répéterez jamais autant qu’un écrivain. Il faut le comprendre,
l’écrivain : bien qu’il soit devenu adulte depuis longtemps, les bonnes et
les mauvaises notes distribuées par les critiques littéraires le cantonnent à
cette image de grand gamin à la morve au nez, cartable au dos et genoux
écorchés, qui n’est pas vraiment sûr que ses résultats du troisième trimestre
lui permettront de passer dans la classe supérieure…
Il
y a la critique, et il y a le
critique. La critique est légitime. L’écrivain, si vous le lui demandez, vous
dira qu’il accepte la critique, bien sûr, cela va de soi. Le critique, en revanche…
Le
critique est un homme (et même parfois une femme, ce qui est encore plus énervant)
dont la légitimité est toujours douteuse. Souvent, il s’agit d’un écrivain
raté. « Raté » par rapport à l’écrivain qu’il est en train de
critiquer, bien sûr. Alors il est fielleux, voyez-vous. Il veut se venger, il
cherche des poux, il a rempli son stylo d’une encre diluée dans l’aigreur. L’écrivain,
en face, l’écrivain réussi, n’est pas dupe : l’autre aura beau lui plonger
le nez dans sa crotte, lui montrer à quel point telle séquence de son récit est
stéréotypée, lui prouver par a + b que son chapitre 5 est mauvais, il sait bien
qu’au fond, c’est le dépit qui le fait parler. Mon Dieu que c’est laid, un
critique. Regardez comme la conscience de sa propre nullité a flétri ce teint,
comme la haine a creusé ces joues, comme la misère morale a éteint ce regard…
Le pauvre homme a sûrement un ulcère et des problèmes d’alcool. Ce serait
presque triste si ce n’était aussi comique !
Évidemment,
c’est le critique malveillant qui a généralement à répondre de sa légitimité
devant l’écrivain en place, l’écrivain invité sur le plateau de télévision (ou
évoqué dans l’article, selon que le critique est télégénique ou non). Jamais
vous ne verrez un écrivain se lever, outré, en désignant son interlocuteur d’un
doigt menaçant, pour lui dire : « Comment osez-vous prétendre que mon
livre est une réussite ? Qui vous a fait juge ? Qui êtes-vous,
monsieur, pour dire que je suis de très loin le meilleur écrivain de ma
génération ? » Pourtant, ce serait un spectacle amusant…
À
partir du moment où son livre est publié, l’écrivain n’est pas à l’abri d’avoir
des lecteurs. Ça lui donne un argument de poids, le genre de truc irréfutable à
opposer au critique. « Vous n’avez pas aimé mon livre, mais le public,
lui, l’a aimé. Et le public est le seul juge. » L’écrivain n’ajoute pas
« nananère », car il sait se tenir, mais le cœur y est. Le critique
est battu à plate couture, il ne sait plus quoi répondre, et pourtant il sait
bien que le public n’a pas fait les mêmes études que lui. C’est un spécialiste,
lui. Le lecteur, bon, c’est juste un type qui maîtrise l’alphabet…
Ce
qui rassure le vrai écrivain, c’est que les critiques ne laissent pas de trace
dans l’histoire littéraire. Qui se souvient des critiques du temps de Flaubert,
de Sade ou même de Proust ? À part un ou deux universitaires décrépis, je
veux dire ?... Le vrai écrivain a raison. Encore faut-il ne pas lui
rappeler, pour ne pas lui faire de peine, que des auteurs comme Mauriac,
Chesterton, Orwell, Baudelaire, Zola… euh… qu’au fond, la grande majorité des
écrivains ont été des critiques !
Oui,
d’accord, mais eux c’est pas pareil…
2 commentaires:
Et moi qui critiquait Jupiter-Juldé me voici bien marri !
Ai-je le droit aux Enfers ? Même pas juste un petit Purgatoire avant le néant ...
Le critique est un animal étrange qui nage au milieu des livres un peu comme la sirène de l'Eurovision munie d'une queue et d'une barbe !
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