Nous venions de terminer le tournage de la dernière scène, celle où toute l’équipe des acteurs et des actrices est réunie, c’est une coutume dans les films de David Lèche : l’orgie finale, la fontaine de foutre... C’est sa façon de montrer que désormais, tout ira bien ; sa grande théorie sur le bonheur universel exposée là, en quelques minutes de corps huilés et torrides, imbriqués les uns dans les autres. Nous ne formons plus qu’un seul corps, une seule jouissance, un seul rut magistral, ouais mec, c’est ça le bonheur. Se sentir soi dans les autres. Et ce jour-là, Marc a vraiment tout donné, toute son énergie vitale, toute cette puissance concentrée, presque violente: des coups de boutoirs les dents serrés, le regard rageux... C’est le lendemain que j’ai appris par David qu’il s’était suicidé en s’émasculant avec une lame de rasoir.
Pour beaucoup, il était bien plus qu’un simple acteur porno. C’est en le voyant dans des films que j’ai eu envie de me lancer dans ce métier. Il était respecté, craint. Il n’abusait pas de cette supériorité naturelle qu’il avait sur son entourage, malgré les légendes qui circulent autour de lui. Il était exigent, ça c’est évident. Il ne supportait pas la médiocrité. Il détestait la vulgarité. Il s’arrangeait toujours pour que dans le scénario il ait l’occasion d’exercer son talent de comédien. Il ne se contentait pas de tringler les filles à la va-vite. “ Un cerveau au bout de la queue ” : c’est ce que les gens disaient de lui. Extrêmement cultivé, raffiné, élégant, d’une intelligence et d’une sensibilité très rares dans le métier. Un gentleman. Le Jean-Pierre Léaud de la branlette espagnole, le De Niro du broute-minou. Le Luchini anal, en moins bavard, en plus anal. Dans tous les films qu’il a tourné il y a des références littéraires. Je ne sais pas si vous avez vu “ Nietzche : le partouzeur de Sils Maria ” ? Il est tout bonnement incroyable dans ce film avec sa moustache folle, son accent allemand, son air exalté et fou. Il était vraiment à l’aise dans ce rôle. Malgré le succès de ce film il a refusé de tourner la suite : “ Ainsi jouissait Sarah Zoustra ”. Il ne voulait pas s’enfermer dans un rôle, dans une typologie particulière ; sa palette de personnalités était infinie.
C’est la liberté qu’il chérissait par dessus tout. Et c’est parce qu’il était libre qu’il croyait en Dieu. Pour lui, la foi était le dernier terreau de la liberté : on peut encore choisir son Dieu, ou choisir de ne pas en avoir. Marc était un mystique, bien sûr. Ce n’est pas pour rien que sa position préférée était à genoux. Une scène de baise était une longue prière. Il se donnait corps et âme à sa partenaire. “ Buvez, ceci est mon sperme ”. Cette réplique était de lui. Il participait souvent à l’écriture des dialogues dans ses films. Il refusait le port du préservatif. Il voulait être au plus près de la chair. Au cœur même de la chair : au nom du Père et de l’orifice. Il offrait son sexe tumescent aux lèvres de ses partenaires comme le Christ avait offert son corps : par la fellation, elles revivaient l’Eucharistie. Il ne parlait pas de pornographie mais de communion. Il dégageait un réel magnétisme, les gens qui l’ont approché pourront vous le dire. On se sentait petit à côté de lui, cette impression se renforçait à la vue de sa queue : "le Dandy aux 25 centimètres". J’ai tourné pour la première fois avec lui en 2001. Je débutais dans le métier : c’est d’ailleurs lui qui m’a baptisé (pour ainsi dire). Il m’a réellement transcendé. Il rendait les autres bons. Le tournage terminé, il rentrait chez lui, seul. Il disait toujours : "Pas de sexe avant le mariage !". Il était chaste. Un jour, j’en suis presque convaincu, il sera canonisé.
Ecrit et publié par Raphaël Juldé et DJ Zukry le 28/12/2004 sur le blog Palindrome
5 commentaires:
Ah là là, Raphaël,mais qu'est ce qui vous arrive... Vous êtes vraiment fier d'un texte pareil? Quelle inutilité de saisir son stylo, son clavier,pour cette morne prose pas drôle. A quoi bon brûler une gerbe d'instants pour cette pochade? Sans doute pour vous prouvez que vous existez encore; le silence eut été plus noble. Ou bien parlez-nous de Corbière, de Claude-Louis Combet, sans doute plus grand prosateur français moderne (et de plus un homme passionnant),donnez-nous des notes de lecture ou des fulgurances, l"oiseau d'une nuit d'Idumée",enfin quelque bribes sacrées du Logos, l'utile lien du chant...
Restif en son morne retour,parole grisatre, âme dévoyée.
Moi je me suis bien marré!
D.G.
Attention ! c'est une resucée, ce n'est pas une oeuvre vierge !
Mais Restif, si je vous donnais exactement ce que vous attendez, quel besoin auriez-vous de me lire ?
Right. Mais sije n'étais que louanges , ce serait fastidieux.
Ps A propos, le tout dernier est jouissif. L'adjectif fait mouche, on reluit!
Restif- tardif
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