vendredi 29 janvier 2010

Spiral Scratch

Evidemment, maintenant, tout le monde est habitué à mes promesses non tenues, à mes désistements et à mes désertions... J'avais promis un texte par semaine, et j'ai à peine tenu quinze jours. Et je ne vais pas vraiment changer la donne aujourd'hui, puisque je réédite un extrait du livre England's dreaming, de Jon Savage, que j'avais publié il y a trois ans sur mon "blog punk". L'extrait en question concerne le premier 45 tours des Buzzcocks, Spiral Scratch, sorti le 29 janvier 1977, soit le jour même de ma naissance.
http://www.deezer.com/listen-3356635

En fébrier, les Buzzcocks sortaient leur premier disque, "Spiral Scratch", sur leur propre label, New Hormones. "Il n'y avait aucun label en activité à Manchester à ce moment-là", dit Howard Devoto, "c'est une simple question d'ambition. Beaucoup de gens dans notre situation auraient pensé : 'tiens, il se passe quelque chose.' Mais nous avions d'autres ressources, comme emprunter de l'argent au père de Pete [Shelley], réserver un studio et enregistrer nos disques".

La pochette de "Spiral Scratch" montre les quatre membres du groupe serrés les uns contre les autres pour tenir sur la photo, comme si c'était leur dernière. "Dans le groupe, on avait le sentiment que le disque parviendrait à refléter dans son ensemble la polémique culturelle du "faites-le vous-mêmes", qui s'était développée entre tenants de la photocopie et de la culture officielle", raconte Boon. "J'ai pris la photo de la pochette avec un polaroïd, debout sur le socle d'une statue quelconque à Manchester Picadilly, ce qui était une vraie plaisanterie, un truc très Walter Benjamin, le genre de blague art-à-l'époque-de-sa-reproductibilité-technique. C'était rejouer instantanément la scène."

Les circonstances de l'enregistrement étaient consignées sur la pochette. "Tout ce qui était écrit au dos était vrai, précise Devoto, j'ai fait les voix en live, et on a fait un overdub sur deux d'entre elles. Ca a pris à peu près trois heures, plus deux heures pour le mixage." Produites avec une touche d'ambiance apportée par Martin Hannett, les quatre chansons (en dépit des réserves au sejuet de sa voix "Mickey-Mouse faussement cockney" de Devoto) résumaient la nouvelle esthétique en des termes qui faisaient penser à des aigus distordus de guitare jaillissant d'une enceinte.

"I'm living in this movie, but it doesn't move me", articulait Devoto avec dégoût. Les Buzzcocks parlaient de la vie comme d'une démangeaison persistante, de ces "lamentations de salle à manger", d'amis qui "leur faisaient pisser l'adrénaline". Le mot-clé "boredom" (l'ennui) avait été re-situé dans l'Angleterre de la récession : "Now I can stand austerity but it gets a little much, when there's all those livid things you can never get to touch."

"Je trouvais les paroles d'Howard très drôles", dit Boon. "La période des Buzzcocks avec Howard était difficile à digérer pour les gens parce qu'il y avait une grande confusion dans les idées. L'humour dans le punk s'était perdu. "Boredom" était une satire, se foutant de la gueule de toute la scène punk. C'était une chanson trompeuse. L'ennui avait été un sentiment qui avait cours, jusqu'à ce qu'il devienne un mot à la mode."

Cependant, dans l'enthousiasme que mettaient les Buzzcocks à trouver leur voie, la plaisanterie se changeait en libération. "Boredom" était coupé en deux par le son de sirène d'un parfait solo de guitare sur deux notes. "Je me contentais de jouer les deux notes et on se retenait tous d'éclater de rire, alors on l'a gardé", se souvient Pete Shelley. "J'avais fait partie de ces groupes de sous-heavy metal avant, alors je peux dire en toute connaissance de cause que le punk est ce que donne un sous-heavy metal mal joué. C'est ce que c'était, riffs rapides et chant limite."

Les implications de "Spiral Scratch" furent énormes. Il y avait toujours eu des compagnies de disques indépendantes, comme Triumph de Joe Meek ou Immediate d'Andrew Loog Oldham, mais elles étaient en fin de compte des petites compagnies essayant de devenir grandes, comme Island ou Virgin. Chiswick et Stiff sortaient des disques qui s'apparentaient au punk, mais comme en restant extérieurs à la chose: ce qui était si génial avec le disque des Buzzcocks, c'était que son esthétique était parfaitement en adéquation avec les moyens de la production.

"C'était le premier disque indépendant que les gens attendaient vraiment", se souvient Geoff Travis de Rough Trade. "On a dû en commander des centaines, et c'est pour ça qu'on s'est dit qu'on devrait devenir distributeur. Je trouvais que le côté arnaque des Sex Pistols signant chez EMI était génial, mais l'idée romantique que je me faisais de donner forme à ma propre utopie me poussait à complètement éviter l'industrie du disque. Avec la notoriété des Sex Pistols ou des Clash, ils auraient vendu des disques même à l'arrière d'un camion. Ils avaient pas besoin d'être distribués par les majors."

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Aïe ! Est-ce que tu fais une formation accélérée pour me mettre à niveau car le punk même si moi j'étais déjà né en 1977 - depuis un moment - c'est à la fois lointain et vague !

iPidiblue vaguement punkie

Anonyme a dit…

Mais je ne vous savais pas revenu Raphaël ! C'est drôle ça, et l'incrédule en vous qu'intéresse peu (?) le jeu des aimantations mystérieuses s'en amusera peut-être, quand même, : sur Ilys, hier je linkais votre texte sur Buk attaqué afin qu'il ait un défenseur. Du coup j'ai claveciné aujour'dhui sur "I would..." et ainsi découvert que finalement le reste n'était pas que silence, et qu'après ces morts réparatrices auxquelles vous vous adonnez il existait encore bien des résurections.

Je vais lire paisiblement ce que j'ai laissé passer, vous croyant retiré dans l'emitage muet de votre âme.
Ah : j'ai grandement goûté votre texte sur cette jeune chanteuse avalé par le goulu trépas. A vous lire... Restif