jeudi 15 août 2013

La femme écrivain

« Cette sœur de Shakespeare mourut jeune… Hélas, elle n’écrivit jamais le moindre mot. Elle est enterrée là où les omnibus s’arrêtent aujourd’hui, en face de l’Elephant and Castle. Or, j’ai la conviction que cette poétesse, qui n’a jamais écrit un mot et qui fut enterrée à ce carrefour, vit encore. Elle vit en vous et en moi, et en nombre d’autres femmes qui ne sont pas présentes ici ce soir, car elles sont en train de laver la vaisselle et de coucher leurs enfants. »
Virginia Woolf, Une chambre à soi.


À Cécile B.

Jadis, les écrivains vivaient heureux, entre hommes, à parler de choses sérieuses qui concernent les hommes, comme la guerre, le pouvoir, l’ambition, mais aussi la vieillesse, la vie, ce genre de choses. Surtout, ils parlaient d’amour. De l’amour pour la belle inaccessible – à laquelle on finissait par accéder quand même grâce à nombre de prouesses et de victoires guerrières. De l’amour pour la mignonne qui fera moins la fière quand son visage sera flétri par les ans. De l’amour pour la pauvresse que, dans notre grandeur d’âme, nous avons recueillie, et que nous protégeons, essentiellement parce qu’elle a un beau cul. Et à la fin du conte, la pauvresse en question se révèle être une princesse, distraitement abandonnée par ses géniteurs et adoptée par les prolos du coin. Du coup, on est plutôt bien tombé.
            Et puis un jour, les femmes ont appris à lire et à écrire. Et, voyez-vous ça, certaines en ont conclu qu’elles avaient autant de choses à dire que les hommes. Certaines ont voulu montrer qu’elles avaient un cerveau, alors qu’il aurait été bien plus délicat, bien plus pudique (en un mot : bien plus féminin), de s’en tenir à leur rôle de belle ingénue, douce, compréhensive et superficielle. Ah ! Orgueil !...
            Les hommes ont longtemps essayé de dénigrer tout ça. Il leur fallait un qualificatif dépréciatif de circonstance. L’expression « littérature de bonne femme » tombait à pic. Parler d’une « femme d’esprit », ça faisait déjà bien rigoler dans les salons – alors imaginez « femme de lettres » !
            Mais voilà : considérées avec objectivité, les œuvres écrites par ces femmes-là étaient d’aussi bonne facture que celles des hommes, et la pensée de leurs auteurs aussi pertinente. (Non, je ne mets pas de e à « auteurs », mais vous le rajoutez si vous voulez…) Elles savaient parler de choses sérieuses qui ne concernaient pas que les femmes, comme l’amour, le pouvoir, le désir, l’ambition, mais aussi la vie, la mort et la guerre. Comme des écrivains normaux, en fait. C’était ennuyeux, ça : si les femmes se mettaient à écrire, un jour, elles risquaient d’obtenir le droit de vote, de devenir soldats ou même footballeuses, allez savoir…
            La preuve : c’est exactement ce qui s’est passé.
            La femme écrivain a une grande pr… pr ?... précurseuse ? prédécesseuse ? Râââhh !... Vous voyez comme c’est pénible, avec les gonzesses, on ne sait jamais accorder les noms correctement !
            La première femme écrivain française connue (on va plutôt tourner la phrase comme ça) est Marie de France (1160-1210), qui a adapté en anglo-normand des légendes bretonnes, ses Lais, composés d’octosyllabes à rimes plates.
            On ne peut pas vraiment dire que Marie de France a lancé une mode.
            Jusqu’au milieu du XXe siècle, on attend d’une femme qu’elle ne dévoile ses qualités artistiques que dans un joli canevas ou quelques charmantes broderies – bref, dans des « ouvrages de dames ». La femme écrivain est un accident. D’ailleurs, bien souvent, elle essaie de cacher son sexe sous un nom d’homme : George Sand, George Eliot, Ellis Bell, etc.
            On s’est moqué des « femmes savantes » jusque chez Molière. Une femme honnête en sait toujours bien assez : tenir son ménage, respecter son mari et enseigner les bonnes manières à ses enfants. À ses filles, apprendre surtout à tenir son ménage, à respecter son mari, et ainsi de suite. Savoir rester à sa place, tout est là. Une femme qui commence à lire, à raisonner, n’est plus vraiment à sa place. « Il faudrait souhaiter encore de faire un bon usage de votre science, car sans cela elle pourrait servir à vous rendre plus sotte, plus orgueilleuse et plus méchante », écrit Mme Leprince de Beaumont au XVIIIe siècle dans un manuel à l’usage des enfants.
            Sotte Madame de La Fayette ! Orgueilleuse Madame de Sévigné ! Méchante Olympe de Gouges !
            Et regardez le résultat : désormais, les femmes sont écrivains, docteurs, politiciennes… et l’éducation est laissée de côté, les jeunes ne connaissent plus le respect, tout va de travers ! Et les hommes, docilement, apprennent à changer les couches et à faire chauffer le biberon.
            − Ève ! Repose cette pomme immédiatement !

2 commentaires:

Pierre Driout misanthrope d'après Assomption a dit…

Cette histoire d'Eve la terrestre commence fort mal ... je ne t'avais pas vu encore l'humeur aussi corrosive ! Un serpent t'a piqué ?
Heureusement le rock reste pur ... chiennes d'écrivaines qui veulent monter au ciel !

femme de menage laval a dit…

nous garantissons la qualité du travail. notre service d'entretien ménager des employés sont formés pour assurer la meilleure qualité de service.