jeudi 12 février 2015

L'amour


GUÉTHENOC. – Au moins, offrez-lui des fleurs à la con ! C’est plus facile, vous comprenez… J’vous en coupe un gros tas, comme ça. Mieux, mieux, mieux ! Offrez-lui une brouette ! Comme ça, j’vous la remplis à ras bord de fleurs…
ARTHUR. – Fleur. Unique. Belle. Vite. J’ai besoin d’exprimer mon transport.
GUÉTHENOC. – Pour le transport, vaut mieux la brouette.
Alexandre Astier, Kaamelott.

            Bon, d’accord. La Saint-Valentin arrive, la journée mondiale de l’éjaculation précoce, alors on va parler d’amour, puisque vous y tenez tant. Le sujet pas chiant, déjà…
            Alors voilà : de toute temps, gningningnin, l’amour a inspiré les écrivains. Il y a ça et la guerre. La guerre, ça au moins, c’est un sujet intéressant ! Malheureusement, on l’a déjà traité, il va donc falloir se coltiner l’autre.
            Il faut bien comprendre un truc : l’écrivain est avant tout un mec qui a envie de baiser. Sauf si c’est une femme, enfin disons que là, je sais pas bien comment ça marche… On a déjà évoqué ici la dédicace : si Ronsard a été inspiré par Cassandre, Marie ou Hélène, plutôt que par Pierre, Paul ou Jacques, et s’il a regroupé ses poèmes sous le titre Amours, c’est qu’il n’escomptait pas simplement se trouver un partenaire pour la pêche. Alors quand il ne baise pas, l’écrivain, ou quand il baise et qu’il se rend compte que finalement, ce n’est pas si amusant que ça, il se met à écrire des histoires d’amour qui terminent en eau de boudin. Parce que finalement, quitte à parler d’un truc chiant, autant que ça se passe mal. C’est plus drôle.
            Enfin là, je schématise, hein.
            L’homme amoureux, ce caniche mis à la portée de l’infini, est forcément malheureux. Et s’il ne l’est pas encore, il va le devenir. C’est ce qu’on appelle un thème récurrent.
            Prenez Tristan et Iseut, par exemple. Tristan s’éprend d’Iseut, et Iseut de Tristan, au moment même où la jeune femme s’apprête à épouser le roi Marc’h. C’est quand même pas de bol. Et les deux amants ont absorbé un philtre d’amour, histoire d’être bien prisonniers de leur passion. Tout cela finira évidemment par leur mort, et c’est bien fait.
            L’histoire d’Héloïse et Abélard a l’avantage sur celle de Tristan et Iseut d’être véridique. Nous sommes au tournant du XIe et du XIIe siècle, le philosophe Pierre Abélard tombe amoureux de sa jeune élève Héloïse, ce qui n’est pas du goût de l’oncle de celle-ci. Abélard enlève Héloïse et l’épouse, mais l’oncle, furieux, fait castrer le jeune marié. On avait l’esprit pratique, à l’époque.
            Il faut bien comprendre une chose : l’amour est une aberration. Si on se mariait par amour, ça se saurait ! De nos jours, oui, les couples qui se forment tâchent, autant que faire se peut, d’être à peu près amoureux l’un de l’autre – mais de toute façon, de nos jours, on fait n’importe quoi. On se marie par intérêt financier, pour la dot ou, dans les grandes familles de la noblesse, pour faire des alliances. L’amour, on laisse ça aux maîtresses et aux amants, entre deux portes… Il n’y a guère que dans les romans qu’on se laisse aller à la confusion et qu’on se retrouve à parler de l’amour unissant deux époux !
            Les auteurs du Moyen Âge se sont amusés à compliquer tout ça en inventant l’amour courtois. Étant donné petit a, un jeune chevalier et petit b, une noble dame d’un rang supérieur, donc forcément inaccessible. Le chevalier se met au service de la dame et se lance dans de longues quêtes en vue d’obtenir son amour. Là encore, il n’est pas question de mariage – d’ailleurs, la dame peut très bien être déjà mariée et se laisser courtiser. De toute façon, le désir du chevalier est censé rester inassouvi, ce qui ne l’empêche pas de coucher avec des jouvencelles de passage s’il en a envie : il doit fidélité à la dame qu’il aime, mais cette fidélité consiste à ne pas courtiser une autre dame de son rang. L’amour courtois n’est que l’une des épreuves à laquelle le chevalier est confronté, à côté des joutes, des combats contre des créatures merveilleuses ou des libérations de châteaux soumis à des coutumes maléfiques.
            Après la littérature classique, après Shakespeare, après Molière, on s’est donc mis à faire n’importe quoi, à conjuguer l’amour et le mariage alors que jusque là, ça n’avait aucun rapport, et voilà que les romans se sont mis à baver d’amour dans tous les sens, Aurélien par ci, Belle du Seigneur par là, Le Diable au corps, L’Amant… On s’aime, on s’aime, et pendant ce temps-là, il n’y a plus personne pour faire la guerre. J’ai jamais pu blairer les baba-cools.


2 commentaires:

Pierre Driout non je ne suis pas un robot amoureux a dit…

Ca se bécote de trop sur ton blog ; je vais finir par venir avec des lingettes désinfectantes et des capotes anglaises.

FIFI le FOU a dit…

Récapitulons : Un chevalier qui courtise une dame dans le but d'obtenir son amour !

Est-ce reellement la methode appropriée ?
Essayons de transposer : je suis amoureux d'une grande patronne, donc je vais me mettre à son service pour la courtiser.

Soit, mais est-ce une raison suffisante pour obtenir son amour ?