jeudi 25 juillet 2013

Le roman de plage



« Il m’est égal de lire que les sables des plages sont chauds, je veux que mes pieds nus le sentent. »
André Gide, Les Nourritures terrestres.

            Il fait chaud, tout le monde est plus ou moins en vacances, plus ou moins torse nu, et le ventilateur rafraîchit plus ou moins la pièce, en soulevant la poussière. Vous n’avez pas envie de vous emmerder avec un texte didactique sur les figures de style ou la note de bas de page. Et vous avez bien raison. D’ailleurs, moi non plus, je n’ai pas envie de faire cours, aujourd’hui.
            Aujourd’hui, nous serons frais et légers, et nous parlerons du roman de plage.
            Oui, vous partez en vacances pour quinze jours, vous avez déjà prévu la crème solaire indice 100 (vous aimez les chiffres ronds et il ne me viendrait pas à l’esprit de vous blâmer pour ça), la glacière, les matelas gonflables et la tente, mais êtes-vous sûr de ne rien oublier ? Fermer le gaz, oui, d’accord, mais sinon ? Ce roman, que vous avez prévu d’emporter, êtes-vous sûr de le lire ? N’en préféreriez-vous pas un autre ? Surtout, êtes-vous sûr qu’il vous fera bien toutes les vacances ? Ce serait dommage qu’à cause d’une averse qui vous tiendrait plus longtemps que prévu otage de votre toile de tente ou de votre camping-car, vous avaliez le dernier Dan Brown en deux jours !
            Ces questions ne trouveront pas de réponses dans cet article. C’est votre problème.
            Mais réfléchissez bien !  Dites-vous bien que, là où vous allez, vous ne trouverez pas de « vraies » librairies. Aux Sables d’Olonne ou à Pornic, la librairie, c’est le bar-tabac-journaux où vous irez choisir vos cartes postales, votre Ouest-France (pour voir les résultats du Tour), et votre magazine de mots fléchés. Oui, voilà : la librairie, c’est ce tourniquet de livres de poche, perdu au milieu des seaux en plastique colorés, des diabolos et des moulins à vent jaune fluo. Juste entre le tourniquet à tongs et le tourniquet à bols bretons, avec votre prénom et le gentil petit couple à coiffe traditionnelle dessiné au fond !
            (Oui, j’ai passé pas mal de vacances en Bretagne, comment vous avez deviné ?)
            Enfin, une chose est sûre : si vous aviez l’intention d’acheter votre roman ici, vous risquez plutôt de repartir avec une natte de plage. Ou à la rigueur un Gérard de Villiers. Certes, le roman de plage est à la littérature ce que le cheeseburger est à la gastronomie : un petit plaisir qu’il est bon de s’offrir de temps en temps parce-que-c’est-les-vacances. Mais bon, de là à lire SAS
            Je n’ai pas fait de recherches (c’est les vacances), j’ignore donc de quand date l’expression « roman de plage ». Mais enfin, je suppose qu’elle est contemporaine de l’apparition des éditions de poche, mettons les années 30. Ou plutôt 50, époque où la Librairie Générale Française crée la collection Livre de Poche et où apparaissent les éditions J’ai Lu, entre autres…
Mais un roman de plage, ce n’est pas seulement un livre de poche, attention ! S’il vous prend l’envie de lire une édition Folio de La Chartreuse de Parme ou des tragédies de Sophocle en caleçon de bain devant la grande bleue, sous le parasol, grand bien vous fasse, mais il ne s’agit pas de littérature de plage. N’importe qui, vous voyant avec ce genre de lecture à la main, vous prendrait pour un intellectuel en congés, voire un prof, et pourrait légitimement vous jeter des pierres.
Il s’agit de ne pas faire de bêtise. Il existe même maintenant un Prix du Roman de plage. Vous voyez bien que c’est sérieux !
Bien sûr, vous pouvez aussi lire de grands classiques pendant vos vacances. Moi-même il m’est arrivé de le faire, et je n’en ai pas souffert. Cela dit, les filles ne vous trouveront pas plus sexy pour autant. Et allez donc parler du charme fragile de Fabrice Del Dongo à une lectrice de Katherine Pancol…
Ah, les vacances… la plage… Moi, j’embarquais toujours trop de livres quand on partait à la mer avec mes parents. Je n’avais jamais le temps de tout lire, ou alors il fallait que je renonce à faire mes devoirs de vacances (oh, allez, tant pis : je sacrifiais le cahier Passeport). Du coup, dans mes bagages, il y avait certes du Stephen King, du Léo Malet, du San Antonio, mais aussi, je dois bien l’avouer, à ma grande honte, du Baudelaire ou du Kafka. J’étais ce qu’on appelle un éclectique. J’ai beaucoup souffert. Pendant que ma mère finissait sa grille de mots fléchés, et avant qu’on ne passe tous au Scrabble – malédiction familiale – je passais ainsi de Nestor Burma à Joseph K., dans un éclair de schizophrénie livresque.
Et finalement, c’est pas si mal…

1 commentaire:

iPidiblue le plagiste a dit…

Moi je ne lisais que les aventures de super-héros en bande dessinée ! C'est un vice dont je ne me suis pas guéri, je suis encore les aventures de super-Juldé en craignant le diable pour lui.