« Il
m’est égal de lire que les sables des plages sont chauds, je veux que mes pieds
nus le sentent. »
André Gide, Les
Nourritures terrestres.
Il
fait chaud, tout le monde est plus ou moins en vacances, plus ou moins torse
nu, et le ventilateur rafraîchit plus ou moins la pièce, en soulevant la
poussière. Vous n’avez pas envie de vous emmerder avec un texte didactique sur
les figures de style ou la note de bas de page. Et vous avez bien raison.
D’ailleurs, moi non plus, je n’ai pas envie de faire cours, aujourd’hui.
Aujourd’hui,
nous serons frais et légers, et nous parlerons du roman de plage.
Oui,
vous partez en vacances pour quinze jours, vous avez déjà prévu la crème
solaire indice 100 (vous aimez les chiffres ronds et il ne me viendrait pas à
l’esprit de vous blâmer pour ça), la glacière, les matelas gonflables et la
tente, mais êtes-vous sûr de ne rien oublier ? Fermer le gaz, oui,
d’accord, mais sinon ? Ce roman, que vous avez prévu d’emporter, êtes-vous
sûr de le lire ? N’en préféreriez-vous pas un autre ? Surtout,
êtes-vous sûr qu’il vous fera bien toutes les vacances ? Ce serait dommage
qu’à cause d’une averse qui vous tiendrait plus longtemps que prévu otage de
votre toile de tente ou de votre camping-car, vous avaliez le dernier Dan Brown
en deux jours !
Ces
questions ne trouveront pas de réponses dans cet article. C’est votre problème.
Mais
réfléchissez bien ! Dites-vous bien
que, là où vous allez, vous ne trouverez pas de « vraies »
librairies. Aux Sables d’Olonne ou à Pornic, la librairie, c’est le
bar-tabac-journaux où vous irez choisir vos cartes postales, votre Ouest-France (pour voir les résultats du
Tour), et votre magazine de mots fléchés. Oui, voilà : la librairie, c’est
ce tourniquet de livres de poche, perdu au milieu des seaux en plastique
colorés, des diabolos et des moulins à vent jaune fluo. Juste entre le
tourniquet à tongs et le tourniquet à bols bretons, avec votre prénom et le
gentil petit couple à coiffe traditionnelle dessiné au fond !
(Oui,
j’ai passé pas mal de vacances en Bretagne, comment vous avez deviné ?)
Enfin,
une chose est sûre : si vous aviez l’intention d’acheter votre roman ici,
vous risquez plutôt de repartir avec une natte de plage. Ou à la rigueur un
Gérard de Villiers. Certes, le roman de plage est à la littérature ce que le
cheeseburger est à la gastronomie : un petit plaisir qu’il est bon de
s’offrir de temps en temps parce-que-c’est-les-vacances. Mais bon, de là à lire
SAS…
Je
n’ai pas fait de recherches (c’est les vacances), j’ignore donc de quand date
l’expression « roman de plage ». Mais enfin, je suppose qu’elle est
contemporaine de l’apparition des éditions de poche, mettons les années 30. Ou
plutôt 50, époque où la Librairie Générale Française crée la collection Livre
de Poche et où apparaissent les éditions J’ai Lu, entre autres…
Mais un roman
de plage, ce n’est pas seulement un livre de poche, attention ! S’il vous
prend l’envie de lire une édition Folio de La
Chartreuse de Parme ou des tragédies de Sophocle en caleçon de bain devant
la grande bleue, sous le parasol, grand bien vous fasse, mais il ne s’agit pas
de littérature de plage. N’importe qui, vous voyant avec ce genre de lecture à
la main, vous prendrait pour un intellectuel en congés, voire un prof, et
pourrait légitimement vous jeter des pierres.
Il s’agit de
ne pas faire de bêtise. Il existe même maintenant un Prix du Roman de plage.
Vous voyez bien que c’est sérieux !
Bien sûr, vous
pouvez aussi lire de grands
classiques pendant vos vacances. Moi-même il m’est arrivé de le faire, et je
n’en ai pas souffert. Cela dit, les filles ne vous trouveront pas plus sexy
pour autant. Et allez donc parler du charme fragile de Fabrice Del Dongo à une
lectrice de Katherine Pancol…
Ah, les
vacances… la plage… Moi, j’embarquais toujours trop de livres quand on partait
à la mer avec mes parents. Je n’avais jamais le temps de tout lire, ou alors il
fallait que je renonce à faire mes devoirs de vacances (oh, allez, tant
pis : je sacrifiais le cahier Passeport).
Du coup, dans mes bagages, il y avait certes du Stephen King, du Léo Malet, du
San Antonio, mais aussi, je dois bien l’avouer, à ma grande honte, du
Baudelaire ou du Kafka. J’étais ce qu’on appelle un éclectique. J’ai beaucoup
souffert. Pendant que ma mère finissait sa grille de mots fléchés, et avant
qu’on ne passe tous au Scrabble – malédiction familiale – je passais ainsi de
Nestor Burma à Joseph K., dans un éclair de schizophrénie livresque.
Et finalement,
c’est pas si mal…
1 commentaire:
Moi je ne lisais que les aventures de super-héros en bande dessinée ! C'est un vice dont je ne me suis pas guéri, je suis encore les aventures de super-Juldé en craignant le diable pour lui.
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