« Heureux qui, comme Ulysse, a fait
un beau voyage… »
Joachim du Bellay
Les
vacances, c’est le moment des grandes transhumances. L’été, si propice aux
voyages, voit tous les ans les vacanciers ravis s’échouer sur les plages
d’Armorique ou de la Méditerranée (je ne sais jamais s’il faut un n ou deux) ou encore, pour les plus
aventureux d’entre eux, se perdre dans les pays étrangers, dépaysement garanti,
allons ma chère nous assurer que le Parthénon ressemble bien aux cartes
postales.
Comme
vous n’avez aucune personnalité, vous n’y couperez pas : vous aussi, cet
été, vous « partirez ». Oui, je suis un peu aigri – j’en ai
marre qu’on me pose cette question : « Tu pars, cet été ? »
« Voyager, c’est bien utile, ça fait
travailler l’imagination », disait Céline qui, lui, voyageait au bout
de la nuit.
L’un
des premiers récits de voyage date de 1299 : il s’agit bien entendu du Devisement du monde de Marco Polo. « Pour savoir la pure verité des
diverses regions du monde, si prenez cest livre et le faites lire, si trouverez
les grandes merveilles qui sont escriptes de la Grant Ermenie et de Perse et
des Tartars et de Ynde et de maintez autres provinces, si comme nostre livre
vous contera tout par ordre, des que mesire Marc Pol, saiges et nobles cytoiens
de Venise, raconte pour ce que il les vit. »
Le récit de
voyage promet au lecteur sédentaire évasion, merveilles et étrangetés. Voyager,
c’est bien utile, oui, et à l’époque de ce bon Marco Polo (ancêtre du voyageur
de commerce à attaché-case et costume cravate pendu à un cintre sur la vitre
arrière de la C3 Picasso), c’est surtout bien rare. Le Devisement du monde offre donc à ses lecteurs émerveillés la
description de pays qu’ils ne verront jamais : la Chine du Grand Khan,
l’Arménie, la Perse, l’Inde… Et il fera des émules : Colomb avait, entre
autres, le récit de Marco Polo dans la tête quand il décida de rejoindre l’Inde
par l’Ouest et se heurta à un continent impromptu qui allait donner du travail
aux cartographes pour les années à venir !
Colomb, d’ailleurs,
a largement contribué au développement de la littérature de voyage à la
Renaissance, au moment même où, coup de bol, l’invention de l’imprimerie fait
de la lecture une activité plus abordable. Le XVe siècle, l’ère des
grands explorateurs, excite le désir de connaissance des milieux cultivés.
Colomb, Magellan, Vasco de Gama : leurs périples n’ont pas fini de nourrir
récits, poèmes et rêveries…
Si Marco Polo
a « inventé » le récit de voyage, on peut dire que Pétrarque a fait
de même avec le récit de « tourisme » en relatant en 1336 son Ascension du Mont Ventoux, effectuée
pour nulle autre raison que la curiosité et le plaisir de se fixer un but à
atteindre. On se souvient de la réponse que donnait l’alpiniste George Mallory
aux journalistes qui lui demandaient pourquoi il tenait tant à gravir
l’Everest : « Parce qu’il est là. »
Au XIXe
siècle, l’écrivain se fait voyageur, et l’on ne compte plus les récits de
voyages en Italie ou en Orient signés Stendhal, Chateaubriand, Nerval,
Flaubert… Orient mystérieux, Orient lumineux, Italie des peintres et des
paysages sublimes – avec de telles plumes, le Routard du Guide peut aller se rhabiller !
Mais nous
n’avons parlé que des récits de voyages réels
– or qui dit « littérature » dit « fiction », et
l’engouement pour les mystères des contrées lointaines a donné lieu à une
littérature du voyage imaginaire. Cinquante ans après Marco Polo, Jean de
Mandeville publie un Livre des merveilles
du monde relatant un voyage de l’Égypte à la Chine en passant par l’Asie
centrale… l’auteur n’ayant en fait jamais été plus loin que l’Égypte. Mais bien
avant cela, bien sûr, Homère avait embarqué Ulysse dans un voyage au long cours
à faire pâlir d’envie tous les concurrents du Vendée-Globe. Et vers les années
1320, Dante était parti faire du couch
surfing avec son pote Virgile depuis les Enfers jusqu’au Paradis !
Au XVIIIe
siècle, Daniel Defoe publie Robinson
Crusoé, créant un topos qui nourrira des générations d’écrivains (et de
candidats de Koh Lanta) : l’île
déserte ! Et Jonathan Swift rédige les Voyages
de Gulliver, satire politique et sociale décrivant quatre voyages sur des
îles imaginaires. Un siècle auparavant, Savinien Cyrano de Bergerac s’est déjà
envolé sur la Lune, sans attendre ni Jules Verne, ni Tintin, ni Armstrong ;
et même sur le Soleil, récits recueillis dans L’Autre Monde. Christophe Colomb ayant découvert le Nouveau Monde,
et Magellan ayant fait le tour de la Terre en quelques coups de rame au XVIe
siècle, il ne restait plus, pour les générations suivantes, qu’à s’intéresser
aux autres mondes… avant que H.G. Wells n’ajoute à tout ça une géographie
temporelle avec sa Machine à explorer le
temps, en 1895 !
Bon, alors et
vous, vous partez, cet été ?
2 commentaires:
Coach de voyage à Laval ça te dirait ? Un trekking entre la rue du stade et l'IUFM pour apprentis-voyageurs ?
Xavier de Maistre est le plus grand voyageur au monde ... imbattable et incontournable pour des gens comme nous !
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