jeudi 18 juillet 2013

Le voyage



 
« Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage… »
Joachim du Bellay

            Les vacances, c’est le moment des grandes transhumances. L’été, si propice aux voyages, voit tous les ans les vacanciers ravis s’échouer sur les plages d’Armorique ou de la Méditerranée (je ne sais jamais s’il faut un n ou deux) ou encore, pour les plus aventureux d’entre eux, se perdre dans les pays étrangers, dépaysement garanti, allons ma chère nous assurer que le Parthénon ressemble bien aux cartes postales.
            Comme vous n’avez aucune personnalité, vous n’y couperez pas : vous aussi, cet été, vous « partirez ». Oui, je suis un peu aigri – j’en ai marre qu’on me pose cette question : « Tu pars, cet été ? »
            « Voyager, c’est bien utile, ça fait travailler l’imagination », disait Céline qui, lui, voyageait au bout de la nuit.
            L’un des premiers récits de voyage date de 1299 : il s’agit bien entendu du Devisement du monde de Marco Polo. « Pour savoir la pure verité des diverses regions du monde, si prenez cest livre et le faites lire, si trouverez les grandes merveilles qui sont escriptes de la Grant Ermenie et de Perse et des Tartars et de Ynde et de maintez autres provinces, si comme nostre livre vous contera tout par ordre, des que mesire Marc Pol, saiges et nobles cytoiens de Venise, raconte pour ce que il les vit. »
Le récit de voyage promet au lecteur sédentaire évasion, merveilles et étrangetés. Voyager, c’est bien utile, oui, et à l’époque de ce bon Marco Polo (ancêtre du voyageur de commerce à attaché-case et costume cravate pendu à un cintre sur la vitre arrière de la C3 Picasso), c’est surtout bien rare. Le Devisement du monde offre donc à ses lecteurs émerveillés la description de pays qu’ils ne verront jamais : la Chine du Grand Khan, l’Arménie, la Perse, l’Inde… Et il fera des émules : Colomb avait, entre autres, le récit de Marco Polo dans la tête quand il décida de rejoindre l’Inde par l’Ouest et se heurta à un continent impromptu qui allait donner du travail aux cartographes pour les années à venir !
Colomb, d’ailleurs, a largement contribué au développement de la littérature de voyage à la Renaissance, au moment même où, coup de bol, l’invention de l’imprimerie fait de la lecture une activité plus abordable. Le XVe siècle, l’ère des grands explorateurs, excite le désir de connaissance des milieux cultivés. Colomb, Magellan, Vasco de Gama : leurs périples n’ont pas fini de nourrir récits, poèmes et rêveries…
Si Marco Polo a « inventé » le récit de voyage, on peut dire que Pétrarque a fait de même avec le récit de « tourisme » en relatant en 1336 son Ascension du Mont Ventoux, effectuée pour nulle autre raison que la curiosité et le plaisir de se fixer un but à atteindre. On se souvient de la réponse que donnait l’alpiniste George Mallory aux journalistes qui lui demandaient pourquoi il tenait tant à gravir l’Everest : « Parce qu’il est là. »
Au XIXe siècle, l’écrivain se fait voyageur, et l’on ne compte plus les récits de voyages en Italie ou en Orient signés Stendhal, Chateaubriand, Nerval, Flaubert… Orient mystérieux, Orient lumineux, Italie des peintres et des paysages sublimes – avec de telles plumes, le Routard du Guide peut aller se rhabiller !
Mais nous n’avons parlé que des récits de voyages réels – or qui dit « littérature » dit « fiction », et l’engouement pour les mystères des contrées lointaines a donné lieu à une littérature du voyage imaginaire. Cinquante ans après Marco Polo, Jean de Mandeville publie un Livre des merveilles du monde relatant un voyage de l’Égypte à la Chine en passant par l’Asie centrale… l’auteur n’ayant en fait jamais été plus loin que l’Égypte. Mais bien avant cela, bien sûr, Homère avait embarqué Ulysse dans un voyage au long cours à faire pâlir d’envie tous les concurrents du Vendée-Globe. Et vers les années 1320, Dante était parti faire du couch surfing avec son pote Virgile depuis les Enfers jusqu’au Paradis !
Au XVIIIe siècle, Daniel Defoe publie Robinson Crusoé, créant un topos qui nourrira des générations d’écrivains (et de candidats de Koh Lanta) : l’île déserte ! Et Jonathan Swift rédige les Voyages de Gulliver, satire politique et sociale décrivant quatre voyages sur des îles imaginaires. Un siècle auparavant, Savinien Cyrano de Bergerac s’est déjà envolé sur la Lune, sans attendre ni Jules Verne, ni Tintin, ni Armstrong ; et même sur le Soleil, récits recueillis dans L’Autre Monde. Christophe Colomb ayant découvert le Nouveau Monde, et Magellan ayant fait le tour de la Terre en quelques coups de rame au XVIe siècle, il ne restait plus, pour les générations suivantes, qu’à s’intéresser aux autres mondes… avant que H.G. Wells n’ajoute à tout ça une géographie temporelle avec sa Machine à explorer le temps, en 1895 !
Bon, alors et vous, vous partez, cet été ?

2 commentaires:

iPidiblue globe-trotter en chambre a dit…

Coach de voyage à Laval ça te dirait ? Un trekking entre la rue du stade et l'IUFM pour apprentis-voyageurs ?

iPidiblue voyage autour de moi-même a dit…

Xavier de Maistre est le plus grand voyageur au monde ... imbattable et incontournable pour des gens comme nous !