Je publierai ces comptes-rendus chaque samedi. Aujourd'hui, nous sommes jeudi, mais je dois avouer que j'avais la flemme d'écrire une chronique pour ma Bibliothèque de Jupiter. Ne vous plaignez pas : ça vous fera deux vidéodromes cette semaine !]
Shining.
(…) La ligne 8
remonte lentement jusqu’à La Motte-Piquet, mais Cécile descend à Daumesnil, et
je reste seul avec mon sac de provisions pour terminer ce long calvaire,
station après station, jusqu’à l’avenue de Suffren où je débouche enfin une
éternité plus tard. Je passe chez Nicolas acheter du vin et : « C’est
le dinosaure de Terrence Malick », je dis à travers l’interphone de l'immeuble. Et Pierre, qui s’attendait à me voir arriver avec Cécile, me
voit avec Jean-Rémi, qui arrivait tout juste au moment où j’ouvrais la porte.
Jacques-Pierre
apparaît un peu après nous, il revient de Guernesey grippé, et Cécile appelle
Pierre pour lui dire qu’elle sera un peu en retard et que nous devons commencer
les entrées sans elle. Hors de question de se rebeller contre les ordres de
Cécile, nous attaquons le boulgour et le tarama.
Quand Cécile
fait son entrée, nous sommes tous en admiration, comme d’hab’, et quand elle
nous félicite de ne pas l’avoir attendue pour manger, nous sommes un peu comme
des petits chiens à qui on caresse le poitrail. Jean-Rémi moins que nous,
peut-être, et encore… Cécile investit la cuisine pour nous préparer une purée
succulente accompagnée de légumes, et Pierre admire son côté sacrificiel.
Barton Fink.
Pierre lance
la soirée « vidéodrome » consacrée à l’écriture au cinéma avec un
extrait des Histoire(s) du cinéma de Godard. L’écriture filmée, la
citation, les mots qui se croisent et s’entremêlent, l’image qui écrit un
scénario, la machine à écrire… Jean-Rémi enchaîne avec une scène de Shining.
La machine à écrire, encore elle, l’écrivain dérangé dans son travail (ou dans
son impuissance à écrire), la folie. C’est à mon tour, je passe une séquence de
Barton Fink des frères Coen et on retrouve la machine à écrire,
l’écrivain dérangé dans son travail (dans son impuissance à écrire), le gêneur,
la théorie de l’auteur cherchant à parler de « l’homme de la rue »,
cet homme de la rue à qui il est incapable de serrer la main, la chambre
d’hôtel minable… « C’est fou comme les extraits que l’on choisit nous
ressemblent ! », remarque Pierre. J’assume. Jacques-Pierre Amette
passe un extrait de La Terrasse d’Ettore Scola. La machine à écrire a
laissé place au crayon, crayon que l’écrivain torture. La compromission de
l’écrivain, ses rapports avec l’éditeur (ou le producteur), l’impuissance à
écrire, les inventions, les mensonges pour s’en tirer. Au tour de Cécile, qui a
choisi Nos plus belles années de Sidney Pollack, où l’on retrouve
ce thème de la compromission, l’éditeur (producteur) tout puissant, et le
créateur réduit à faire ce qu’on lui demande, et acceptant son sort.
Tout le monde
a passé un premier extrait, et on continue ! Encore un extrait
« sérieux » avant qu’on ne se permette quelques fantaisies :
Jean-Rémi nous fait revivre la dictée d’Amadeus, de Milos Forman. La
musique est écriture, l’écriture est musique, Mozart compose son Requiem
en direct, Salieri le copiste peine à suivre. La mesure ! La mesure !
Avec le Journal
intime d’une call-girl, Cécile propose à la fois l’intime livré au public
(tiens donc…), la confession sexuelle, mais aussi l’imposture, le vol
d’identité. Pierre revient au sadisme avec Quills, où Sade (Geoffrey
Rush), privé d’encre et de plume dans sa prison de Charenton, écrit avec son
sang, ses vêtements se transformant en texte. Plus d’encre, du sang !
Jacques-Pierre enchaîne avec Comme une image, d’Agnès Jaoui : deux
écrivains, l’un vieux briscard de la littérature dont le public s’est lassé,
l’autre jeune écrivain prometteur, en pleine gloire, attirant les médias et les
starlettes customisées. La compromission, toujours, les sales petites affaires
du milieu littéraire…
Je passe à
autre chose avec Des nouvelles du bon Dieu, de Didier Le Pêcheur :
des personnages en quête d’auteur. Nous sommes tous les personnages d’un roman,
reste à retrouver son Créateur, c’est-à-dire Dieu, c’est-à-dire Jean Yanne,
pour lui demander des comptes. Pourquoi nous avoir collé une vie de
merde ? Parce que pour Dieu non plus, ce n’est pas facile tous les jours.
Des nouvelles du bon Dieu.
Cécile
transgresse la règle (implicite) du vidéodrome (il n’y a qu’elle qui peut se le
permettre) en passant un deuxième extrait du Journal intime d’une call-girl.
Nous ne sommes peut-être pas tous les personnages d’un roman, mais nous
pouvons devenir, l’espace d’un coït tarifé, un personnage, et pourquoi pas
James Bond ?
J’enchaîne
cette fois dans l’absurde avec Kaamelott, « La Poétique » I et
II. Arthur et Perceval, les règles du récit, Aristote, la légende, les vieux
(« Y’a que vous que ça fait fantasmer, les vieux… »), le scribe (le
Père Blaise), la bêtise de Perceval. Tout le monde est écroulé de rire, je suis
content de moi.
Pierre passe
une séquence d’Harry Potter et la chambre des secrets, où l’on retrouve
le thème du journal intime (tiens donc…), l’écriture qui tue, le passé au
présent, les lettres de feu, le texte-corps. Jean-Rémi enchaîne avec… Harry
Potter et l’ordre du Phénix : le sadisme, l’encre devenue sang, le
texte-corps, le règlement et le châtiment… Le corps en saignant, quoi !
« C’est La Colonie pénitentiaire de Kafka ! », dira
Pierre.
Harry Potter et l'Ordre du Phénix
Enfin,
Jacques-Pierre passe un dernier extrait, Alice de Woody Allen… et
l’apparition de la Muse. Parce qu’au commencement était l’Inspiration ?...
Après toutes
ces images, nous ne tardons pas à lever le camp. Jacques-Pierre est fatigué, il
est tard, nous avons tous de la route à faire (à l’exception de Pierre,
évidemment). C’était une excellente soirée. Il s’agissait de mon premier
« vidéodrome » et je suis comblé, vraiment : un thème idéal pour
nous tous (et dédié à Jacques-Pierre, bien sûr, le premier d’entre nous à avoir
décroché le Goncourt !), des extraits très divers, mais qui se répondent,
se prolongent… On est resté un peu à réfléchir au thème de la prochaine soirée.
Pierre tient à son vidéodrome sur l’amitié, mais en passant en revue beaucoup
de thèmes difficiles à traiter (le voyage, l’objet, le voyeurisme…), on tombe
soudain d’accord sur… l’enseignement ! Un vidéodrome de rentrée des
classes, sûrement…
1 commentaire:
Ah oui ! il s'agissait d'illustrer le célèbre passage où Maurice Biraud prétend contre toute logique que 5 intellectuels assis vont plus loin qu'une brute qui marche !
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