jeudi 23 janvier 2014

Vidéodrome 1 : l'écriture (17 juin 2011)

[A partir de cette semaine, je vais poster sur ce blog les comptes-rendus des divers vidéodromes auxquels j'ai participé chez Pierre Cormary. Le principe du vidéodrome est simple : après avoir décidé en commun d'un thème particulier, chaque participant doit apporter quelques extraits de films en relation avec ce thème.

Je publierai ces comptes-rendus chaque samedi. Aujourd'hui, nous sommes jeudi, mais je dois avouer que j'avais la flemme d'écrire une chronique pour ma Bibliothèque de Jupiter. Ne vous plaignez pas : ça vous fera deux vidéodromes cette semaine !]

Shining.

Vendredi 17 juin 2011.

(…) La ligne 8 remonte lentement jusqu’à La Motte-Piquet, mais Cécile descend à Daumesnil, et je reste seul avec mon sac de provisions pour terminer ce long calvaire, station après station, jusqu’à l’avenue de Suffren où je débouche enfin une éternité plus tard. Je passe chez Nicolas acheter du vin et : « C’est le dinosaure de Terrence Malick », je dis à travers l’interphone de l'immeuble. Et Pierre, qui s’attendait à me voir arriver avec Cécile, me voit avec Jean-Rémi, qui arrivait tout juste au moment où j’ouvrais la porte.

Jacques-Pierre apparaît un peu après nous, il revient de Guernesey grippé, et Cécile appelle Pierre pour lui dire qu’elle sera un peu en retard et que nous devons commencer les entrées sans elle. Hors de question de se rebeller contre les ordres de Cécile, nous attaquons le boulgour et le tarama.

Quand Cécile fait son entrée, nous sommes tous en admiration, comme d’hab’, et quand elle nous félicite de ne pas l’avoir attendue pour manger, nous sommes un peu comme des petits chiens à qui on caresse le poitrail. Jean-Rémi moins que nous, peut-être, et encore… Cécile investit la cuisine pour nous préparer une purée succulente accompagnée de légumes, et Pierre admire son côté sacrificiel.
Barton Fink.

Pierre lance la soirée « vidéodrome » consacrée à l’écriture au cinéma avec un extrait des Histoire(s) du cinéma de Godard. L’écriture filmée, la citation, les mots qui se croisent et s’entremêlent, l’image qui écrit un scénario, la machine à écrire… Jean-Rémi enchaîne avec une scène de Shining. La machine à écrire, encore elle, l’écrivain dérangé dans son travail (ou dans son impuissance à écrire), la folie. C’est à mon tour, je passe une séquence de Barton Fink des frères Coen et on retrouve la machine à écrire, l’écrivain dérangé dans son travail (dans son impuissance à écrire), le gêneur, la théorie de l’auteur cherchant à parler de « l’homme de la rue », cet homme de la rue à qui il est incapable de serrer la main, la chambre d’hôtel minable… « C’est fou comme les extraits que l’on choisit nous ressemblent ! », remarque Pierre. J’assume. Jacques-Pierre Amette passe un extrait de La Terrasse d’Ettore Scola. La machine à écrire a laissé place au crayon, crayon que l’écrivain torture. La compromission de l’écrivain, ses rapports avec l’éditeur (ou le producteur), l’impuissance à écrire, les inventions, les mensonges pour s’en tirer. Au tour de Cécile, qui a choisi Nos plus belles années de Sidney Pollack, où l’on retrouve ce thème de la compromission, l’éditeur (producteur) tout puissant, et le créateur réduit à faire ce qu’on lui demande, et acceptant son sort.

Tout le monde a passé un premier extrait, et on continue ! Encore un extrait « sérieux » avant qu’on ne se permette quelques fantaisies : Jean-Rémi nous fait revivre la dictée d’Amadeus, de Milos Forman. La musique est écriture, l’écriture est musique, Mozart compose son Requiem en direct, Salieri le copiste peine à suivre. La mesure ! La mesure !

Avec le Journal intime d’une call-girl, Cécile propose à la fois l’intime livré au public (tiens donc…), la confession sexuelle, mais aussi l’imposture, le vol d’identité. Pierre revient au sadisme avec Quills, où Sade (Geoffrey Rush), privé d’encre et de plume dans sa prison de Charenton, écrit avec son sang, ses vêtements se transformant en texte. Plus d’encre, du sang ! Jacques-Pierre enchaîne avec Comme une image, d’Agnès Jaoui : deux écrivains, l’un vieux briscard de la littérature dont le public s’est lassé, l’autre jeune écrivain prometteur, en pleine gloire, attirant les médias et les starlettes customisées. La compromission, toujours, les sales petites affaires du milieu littéraire…

Je passe à autre chose avec Des nouvelles du bon Dieu, de Didier Le Pêcheur : des personnages en quête d’auteur. Nous sommes tous les personnages d’un roman, reste à retrouver son Créateur, c’est-à-dire Dieu, c’est-à-dire Jean Yanne, pour lui demander des comptes. Pourquoi nous avoir collé une vie de merde ? Parce que pour Dieu non plus, ce n’est pas facile tous les jours.
Des nouvelles du bon Dieu.

Cécile transgresse la règle (implicite) du vidéodrome (il n’y a qu’elle qui peut se le permettre) en passant un deuxième extrait du Journal intime d’une call-girl. Nous ne sommes peut-être pas tous les personnages d’un roman, mais nous pouvons devenir, l’espace d’un coït tarifé, un personnage, et pourquoi pas James Bond ?

J’enchaîne cette fois dans l’absurde avec Kaamelott, « La Poétique » I et II. Arthur et Perceval, les règles du récit, Aristote, la légende, les vieux (« Y’a que vous que ça fait fantasmer, les vieux… »), le scribe (le Père Blaise), la bêtise de Perceval. Tout le monde est écroulé de rire, je suis content de moi.

Pierre passe une séquence d’Harry Potter et la chambre des secrets, où l’on retrouve le thème du journal intime (tiens donc…), l’écriture qui tue, le passé au présent, les lettres de feu, le texte-corps. Jean-Rémi enchaîne avec… Harry Potter et l’ordre du Phénix : le sadisme, l’encre devenue sang, le texte-corps, le règlement et le châtiment… Le corps en saignant, quoi ! « C’est La Colonie pénitentiaire de Kafka ! », dira Pierre.
Harry Potter et l'Ordre du Phénix

Enfin, Jacques-Pierre passe un dernier extrait, Alice de Woody Allen… et l’apparition de la Muse. Parce qu’au commencement était l’Inspiration ?...

Après toutes ces images, nous ne tardons pas à lever le camp. Jacques-Pierre est fatigué, il est tard, nous avons tous de la route à faire (à l’exception de Pierre, évidemment). C’était une excellente soirée. Il s’agissait de mon premier « vidéodrome » et je suis comblé, vraiment : un thème idéal pour nous tous (et dédié à Jacques-Pierre, bien sûr, le premier d’entre nous à avoir décroché le Goncourt !), des extraits très divers, mais qui se répondent, se prolongent… On est resté un peu à réfléchir au thème de la prochaine soirée. Pierre tient à son vidéodrome sur l’amitié, mais en passant en revue beaucoup de thèmes difficiles à traiter (le voyage, l’objet, le voyeurisme…), on tombe soudain d’accord sur… l’enseignement ! Un vidéodrome de rentrée des classes, sûrement…


1 commentaire:

Pierre Driout prend le taxi a dit…

Ah oui ! il s'agissait d'illustrer le célèbre passage où Maurice Biraud prétend contre toute logique que 5 intellectuels assis vont plus loin qu'une brute qui marche !