- Par exemple
on écrit pas « ça se trouve » mais « si ça se trouve ». Ou
encore on écrit pas « ranchement » mais « franchement ». De
toute façon tu peux pas écrire « franchement » en début de phrase
comme on fait à l’oral. C’est comme « déjà ». On écrit pas « déjà »,
on écrit « premièrement », ou « d’une part ». Il y a des
choses qui se disent et qui ne s’écrivent pas, voilà.
François Bégaudeau, Entre les
murs.
Nan
mais y’a quand même un truc bizarre quand on y réfléchit deux s’condes. C’est
que dans les films, c’est toujours chiant quand t’as un personnage qui parle
comme dans les livres, et dans les livres, les écrivains essaient toujours
d’écrire comme on parle. Vous avez pas r’marqué ? Genre les mecs, ils se
sont fait chier à aller à l’école pour apprendre à écrire et tout, on leur a
bien appris à s’exprimer comme y faut, à bien faire la syntasque et tout, et
ces cons-là, dans leurs bouquins, y faut qu’y z’écrivent comme ça cause au
bistrot Chez Dédé ! Genre y trouvent ça cool. Ça plaît au lecteur. Le
lecteur, c’est le même mec qui va voir un film de Rohmer ou d’Alain Resnais
machin, là, et qui va dire ouais, ça pue, les acteurs y parlent trop comme dans
des livres ! Sauf que dans les livres, maintenant, t’as d’l’oralité
partout ! En fait, c’qu’y veulent dire les mecs, c’est chez Rohmer Resnais
machin, les gens y causent comme dans des livres OÙ ÇA CAUSE VRAIMENT COMME
DANS LES LIVRES ! Vous m’suivez ? Genre les livres de l’ancien temps,
avant Hunter Games et Fred Vargas,
quoi. Je m’suis un peu renseigné sur Wikipédia avant de v’nir raconter mes
conneries : il paraît qu’c’est des mecs comme Céline (déjà tu parles d’un
nom pour un mec, sans déconner !) et aussi comme Raymond Queneau, qui ont
amené ce truc de l’oralité dans l’écrit. Pour la France, hein, je parle !
Après, les Ricains, j’en sais rien, moi, y font c’qu’y veulent, on s’en bat les
yeuk, hein ! Mais avant Céline et Queneau, grosso merdo, dans les
bouquins, quand t’avais des mecs qui tchatchaient, y s’exprimaient comme si
z’avaient avalé une encyclopédie sans mâcher, tu vois. Du genre y faisaient
bien les négations et tout, et les verbes au passé simple, et même des fois un
petit imparfait du subjonctif vite fait en passant, ça fait jamais d’mal, t’as
vu…
Toute
façon, si vous réfléchissez cinq minutes, l’écriture, à la base des bases,
c’est d’la parlotte. J’veux dire les primitifs machins là, les hommes des
cavernes, où ceux qui sont v’nus juste après, pas ceux qui f’saient des dessins
dans les grottes, enfin si, p’t’être ceux là aussi, mais les premiers hommes,
eh ben y savaient pas écrire. Et comme les autres en face y savaient pas lire, toute
façon, y’avait aucun problème : les mecs y racontaient leurs p’tites
histoires voilà, c’est un mec qui part à la guerre passe qu’on lui a piqué sa
meuf nanani, les autres y z’écoutaient l’histoire et pis c’est tout. On leur
demandait pas après d’aller relever les métaphores et les allitérations, quoi.
Y z’avaient autre chose à foutre les mecs. Jusqu’au jour où y’a un mec qu’était
moins con qu’les autres, il avait appris à écrire je sais pas où, et pendant qu’l’autre
y racontait son histoire, eh ben lui il avait un p’tit cal’pin et y prenait
tout en sténo, l’air de rien. Après les autres qu’avaient pas écouté, y lui ont
d’mandé d’faire des photocop’s, et c’est comme ça qu’on a eu la Bible, l’Iliade
et toutes les conneries, là. J’résume, hein.
Tout
ça pour dire que l’histoire de la littérature, en fait, c’est des mecs qu’ont
mis par écrit un truc qu’était raconté à haute voix, à la base, et qui se sont
efforcé pendant des siècles d’écrire en faisant des belles phrases, bien
écrites, avec pas de fautes, pas d’gros mots, et des phrases bien longues des
fois, avec des points-virgules et tout… Tout ça pour finir par se dire que non,
finalement, le mieux, c’est d’écrire comme on parle !
Ben
putain, les mecs, faudrait savoir c’que vous voulez…
1 commentaire:
Toi le gangsta tu postules à être la plume du président : va faire ton rap ailleurs et mets-toi ta plume dans le fion !
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