samedi 24 janvier 2015

Bag of Bones [épisode 13]


Ouais, je crois que la vie d’un groupe de rock, c’est d’abord beaucoup de travail, tu vois, mais aussi de grands moments de plaisir. Si un jour les mecs de Rock & Folk viennent m’interviewer, je crois que je leur dirai à peu près ça. Dernièrement, avec les Bones, on a découvert une nouvelle facette de la vie wackènewoll : on est partis en tournée.
            Bon, alors bien sûr, quand je dis tournée, on n’est pas non plus les Rolling Stones ! On est partis faire deux dates en Mayenne, quoi. Une à Évron et une à Pré-en-Pail. Mais bon, puisque c’était deux soirs d’affilée et à quelques bornes de chez nous, on peut dire que ça fait un genre de tournée.
            Alors c’est vrai qu’Évron et Pré-en-Pail, même dans notre département (qu’est quand même pas franchement reconnu sur la scène internationale), c’est pas non plus les patelins les plus rock. Je veux dire, Saint-Denis-de-Gastines, à la rigueur, ou même Montenay, ça fait plus sérieux. Mais bon, nous, on n’a trouvé que ça. Évron, c’est le père à Florian qui nous a dégoté le plan. Le patron du bar où on a joué, c’est un pote à lui. Pré-en-Pail, c’est parce que Steven, à la base, il est de là-bas, et ses parents connaissent encore pas mal de monde. Enfin j’ai pas trop suivi comment ça s’est fait, mais on s’est donc retrouvés avec deux dates coup sur coup, et loin de chez nous. Je sais pas si vous voyez, mais Pré-en-Pail, à notre échelle, hein, c’est quand même un peu le bout du monde ! Au-delà c’est terminé, y’a plus rien, même Google Map veut pas s’aventurer dans ce coin là.
            La tournée, c’est l’apogée de la vie rock. Tous les musiciens vous le diront, même sans forcément savoir ce que ça veut dire, « apogée ». On the road again, vous voyez le truc… On voit bien les photos des mecs, dans leur car privé, les pieds sur les banquettes parce qu’on est des stars, ou en train de roupiller la joue contre la vitre parce qu’on est bien naze quand même. Et le soir après le concert on va vider le minibar de l’hôtel et foutre un peu en l’air la chambre parce qu’il faut bien se détendre.

            Nous, bon, c’était pas ça quand même. Déjà, on n’a pas de car privé : c’est le père à Adrien qui nous a emmenés, dans le Berlingo de sa boîte. Y’avait juste assez de place pour caser la batterie, les amplis, nos instruments et nous, en se serrant bien. J’ai bien essayé de dormir la joue contre la vitre pour faire le mec bien naze, mais bon, Laval-Pré-en-Pail, y’a une heure de route, alors c’est pas hyper crédible. Et après le concert à Évron (trois cordes cassées, dont une vocale), on est tous rentrés chez nous. Du coup les hôtels du coin n’ont pas eu à se plaindre. On est juste repartis le lendemain pour Pré-en-Pail (trois baguettes cassées, dont une de pain parce que le père à Adrien était passé à la boulangerie), et puis voilà : c’était la première tournée de Bag of Bones.

Tranzistor n°55, janvier 2015.

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