jeudi 29 janvier 2015

La mythologie



Mythologie, n. Ensemble des croyances d’un peuple primitif concernant ses origines, sa préhistoire, ses héros, ses dieux, etc., à ne pas confondre avec les récits véridiques qui sont inventés par la suite.
Ambrose Bierce, Dictionnaire du Diable.

            Ce qu’il y a de bien, avec la mythologie, c’est qu’on n’en a jamais fini avec elle. C’est un réservoir inépuisable d’histoires pour les écrivains en mal d’inspiration (« écrivain-en-mal-d’inspiration » est ce qu’on appelle dans le métier un syntagme figé). Mais pas seulement pour eux : les peintres, les compositeurs ont puisé à grandes louches dans le réservoir à légendes servies par Virgile, Ovide, Sophocle et les autres… Freud n’aurait sûrement pas eu autant de succès s’il n’avait pas eu un Œdipe à brandir ! Et regardez tous ces groupes de metal nourris par les légendes scandinaves, Mjöllnir à la main et Ragnarök pour horizon ! (Oui, ben vous chercherez sur Wikipédia, hein…) Même les développeurs de jeux vidéo connaissent leurs Métamorphoses sur le bout des griffes…
            À croire que la mythologie, c’est un truc inventé juste pour ça, pour nourrir des générations et des générations d’auteurs et d’artistes de tout poil. Que ça n’a existé que dans ce but, que les auteurs de l’Antiquité, aèdes et scribes, ne souhaitaient qu’une chose : fournir aux générations futures une masse inépuisable de récits. Merci, les copains.
            Cela fait si longtemps que l’on répète que tout a déjà été écrit qu’on en oublie qu’il y a eu un moment où tout restait à écrire.
            Il faudrait remonter aux origines pour retrouver le type qui a conçu telle ou telle cosmogonie : peine perdue. Ovide lui-même avait à sa portée un énorme corpus de légendes et de récits qu’il n’a eu qu’à mettre en forme. Toutes les religions se basent sur un texte, et ce texte semble avoir été dicté par les divinités elles-mêmes.

            « Je me propose de dire les métamorphoses des formes en des corps nouveaux ; ô dieux (car ces métamorphoses sont aussi votre ouvrage), secondez mon entreprise de votre souffle et conduisez sans interruption ce poème depuis les plus lointaines origines du monde jusqu’à mon temps. »

            Tous des fainéants, ces écrivains : ils se contentent d’écrire sous la dictée.
            Dans Le Royaume, Emmanuel Carrère se demande ce qui pousse les croyants à avaler ces histoires de trinité, de résurrection et d’immaculée conception comme, dans l’Antiquité, les Grecs et les Romains croyaient en tous ces dieux jaloux et soupe au lait. On aurait du mal à imaginer aujourd’hui que quelqu’un puisse croire en Zeus, en Dionysos ou en Odin. Bon, pour Jésus et ses collègues, visiblement, ça ne pose pas encore trop de problèmes. En tout cas, on ne considère plus aujourd’hui les mythologies, qu’elles soient grecques, latines, d’Égypte ancienne ou de Mésopotamie, comme des religions. Ce qu’on y trouve, ce sont des textes fondateurs. Donc, de la matière à fiction, à interprétation littéraire, artistique, cinématographique, psychanalytique, vidéoludique et que le dernier ferme la porte.
            Et qu’y avait-il avant les mythes ? Des hommes, je suppose, des aèdes, des conteurs, bien avant les tablettes d’argile sur lesquelles par la suite d’autres ont retranscrit toutes ces légendes qui faisaient déjà partie du patrimoine de l’humanité. Des hommes qui sont tout simplement partis de ce qu’ils voyaient, ce qu’ils voyaient d’explicable et d’inexplicable autour d’eux, ce qui leur faisait envie et ce qui leur faisait peur… J’ai écrit ici même un texte sur les monstres. J’y évoquais le superbe livre de Philippe Charlier consacré aux monstres humains dans l’Antiquité. L’auteur, médecin spécialiste de la paléopathologie, y étudie comment les civilisations grecques, étrusques et romaines traitaient les individus contrefaits, et comment certaines malformations ont pu être à l’origine de créatures mythologiques ou légendaires telles que les cyclopes, les sirènes ou les nains (généralement maléfiques dans les contes et les chansons de geste)…
            Merci aux tordus, aux rabougris, aux boiteux : c’est aussi un peu grâce à eux qu’on a encore aujourd’hui des choses à écrire ! La littérature est une corne d’abondance : on y puise depuis des millénaires, tout a été écrit, tout s’écrit toujours. Depuis que Gilgamesh s’est mis au livre électronique, il a même l’air d’avoir rajeuni.


1 commentaire:

Pierre Driout humble dévôt a dit…

Je crois en Raphaël Juldé ! Je sais c'est un mythe ... en vérité je ne le verrais jamais car c'est HAL qui écrit sous son nom ! Mais qu'importe j'ai la foi du charbonnier ... ô saints pixels priez pour moi à l'heure de ma résurrection numérique !