vendredi 30 septembre 2016

Bag of Bones [épisode 17]


C’est marrant comme on peut s’éclater en répèt’ en se prenant pour des stars et se sentir piteux dès qu’un mec qui s’y connaît un peu décortique votre musique. On s’était jamais vraiment pris la tête pour les pains qu’on multipliait dans notre pauvre local (de vrais p’tits Jésus !), et voilà que pour notre CD quatre titres, on a passé des heures à retravailler chaque piste avec l’impression qu’on ressortirait pas vivants du studio – ou alors très vieux.
            Normalement, c’est le moment où je vous fais un couplet sur le fait que l’expérience du studio, ça te donne une putain de leçon d’humilité t’as vu, et que tu en ressors en te disant que t’as appris plein de trucs et que genre ça t’a fait grandir, un peu. Nous, comme on est des petits cons, on va pas vraiment dire ça.
            Nous, l’impression qu’on a eue, c’est d’entrer en studio avec, mettons, l’idée d’un truc qui serait rouge, et qu’on en est ressortis avec un truc bleu, et bien contents quand même. Parce que l’ingé son a réussi à nous convaincre que c’était un truc bleu qu’il nous fallait.
            Alors bon, nous, c’est sûr, on s’est ramenés avec nos idées, on voulait que ça sonne comme du Motörhead, et le mec nous a tout de suite dit : « Déjà, commencez par jouer comme Lemmy, après on en reparle. » Je pense qu’il a fait ce qu’il a pu aussi, ce brave homme.
            Leçon d’humilité je sais pas, mais en tout cas, quand tu commences à t’enregistrer avec un pro, c’est là que tu vois la distance qui sépare tes ambitions de la réalité. Et donc finalement, ton truc rouge est devenu bleu, mais ça te convient. Parce qu’à la fin, tout ce qui compte, c’est de ressortir de ce studio, de revoir la lumière du jour et de pouvoir goûter à nouveau aux lasagnes de maman. Perso, je manque de patience. Je vaudrais que dalle comme otage.
            Et donc, pour bien faire la différence entre ce quatre titres et la pauvre démo qu’on avait avant, on s’est creusés la tête pour chercher un titre et un visuel un peu classe. Comme on n’est pas connus, Steven a pensé à Not on TV, ou Never seen on TV, mais j’ai dit la télé, y’a plus que les vieux qui la regardent. Alors finalement, Adrien a tranché : Not on YouTube, le voilà, notre titre.
            Pour le visuel, on avait déjà notre petite idée. On est allés à la fête des Angevines avec nos instruments. Moi, j’avais réduit ma batterie à une caisse claire et une cymbale (autant dire un symbole). On a demandé la permission au forain, entre deux tours de manèges, de se prendre en photos sur le carrousel. C’est Florian qui tenait l’appareil, Noémie était au premier plan sur le cheval, Adrien jouait de la guitare sur la moto, Steven se crispait sur sa basse dans la jeep et je jouais des baguettes, les genoux coincés par la caisse claire dans le camion de pompiers. Comme ça, même pas besoin d’écouter le disque pour qu’on soit ridicules.
 Tranzistor, n°59, septembre 2016.

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