jeudi 11 avril 2013

L'alcool



Dieu n’avait fait que l’eau, mais l’homme a fait le vin.
Victor Hugo, Les Contemplations


            Beaucoup de nos grands écrivains ont aussi été des alcooliques notoires. C’est à se demander s’il est bon de laisser nos enfants s’approcher des livres, ces objets inquiétants remplis de mots, alors qu’ils pourraient sans risque passer leur journée avachis devant la télé, une manette de jeu vidéo en main, ou encore pratiquer quelque trafic au coin d’une rue, ce qui leur donnerait au moins le sens des affaires.
            On peut se demander, en effet, ce qu’attendent les associations de parents d’élèves pour porter plainte contre ces professeurs qui obligent nos bambins à lire Verlaine, Rimbaud ou Baudelaire, ce ramassis d’ivrognes… Sans oublier Apollinaire, dont un livre affiche même sans vergogne, en guise de titre, et au pluriel s’il vous plaît, ce mot terrible : Alcools ! Comment ne pas condamner cette littérature à l’haleine chargée, quand on sait que chaque année en France, l’alcoolisme tue en moyenne cinquante mille personnes ? Qu’attend-on pour ajouter sur la couverture des livres l’étiquette salvatrice : « L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. Consommez avec modération » ?
           Et les écrivains du sexe dit faible ne sont pas beaucoup plus recommandables : Marguerite Duras et Françoise Sagan, pour ne citer qu’elles, auraient pu faire un concours d’éthylotest avant de prendre le volant de leurs machines à écrire ! Bonjour ivresse ! Armagnac, mon amour !
            Si la littérature française baigne dans des effluves malsains, que dire des écrivains anglo-saxons ? Ces Faulkner, Fitzgerald, Bukowski, Kerouac et autres Malcolm Lowry, non contents de s’adonner à la boisson, font une publicité éhontée pour leur vice désastreux ! Tenez, Bukowski, justement : « un poème est une ville remplie de rues et d’égouts / remplie de saints, de héros, de mendiants, de fous, / remplie de banalité et de bibine… » Les égouts, la bibine, les fous, mais bravo ! Bel exemple ! Voilà la poésie ! Voilà ce qu’on apprend à nos gosses !
            Et Baudelaire ? Non mais, lisez Baudelaire ! « Il y a des gens chez qui le dégourdissement du vin est si puissant, que leurs jambes deviennent plus fermes et l’oreille excessivement fine. J’ai connu un individu dont la vue affaiblie retrouvait dans l’ivresse toute sa force perçante primitive. Le vin changeait la taupe en aigle. » On trouve ça dans Les Paradis artificiels, au chapitre « Du vin et du haschisch ». DU VIN ET DU HASCHISCH ! Eh bien, mais c’est parfait ! Encouragez les jeunes à devenir alcooliques et drogués, monsieur Baudelaire ! Allez-y, les enfants, buvez : ça vous fortifiera les jambes et décuplera vos sens ! L’alcool : remède idéal contre la surdité et la myopie !
Et le binge-drinking ? Ah, ça, il n’en parle pas, du binge-drinking, notre grand poète !
Alors, bien sûr, on m’objectera que ces auteurs que je cite ont longtemps été absents des manuels scolaires, parce que l’on craignait justement qu’ils ne détournent la jeunesse du droit chemin. Preuve supplémentaire que notre époque est par trop laxiste ! Mais même nos chères lettres classiques sont embrumées par les vapeurs éthyliques ! Des ivrognes, notre bon vieux Gaffiot en regorge ! Pline l’Ancien écrivait déjà, dans son Histoire naturelle : « L’homme doit au vin d’être le seul animal à boire sans soif » ! Et Caton l’Ancien : « Si l’on me demandait quel est le bien le plus précieux de la Terre, je répondrais la vigne » !
Que conclure de tout cela, sinon que la littérature mène à l’alcoolisme ? Observez un écrivain, et voyez si ça ne fait pas pitié : il n’obéit qu’à ses propres horaires, se lève de bonne heure ou fait la grasse matinée si ça lui chante, vit souvent seul (quelle femme, quel homme, supporterait de s’attacher longtemps un tel boulet au pied ?), rédige ses pages nonchalamment, à peine rasé, le cheveu en bataille, et passe le reste de son temps dans l’oisiveté la plus totale, un livre en main (un écrivain en train de lire est aussi répugnant qu’un ivrogne en train de boire)… Rien d’étonnant à ce qu’il se laisse aller à tous les vices !
Nos enfants ont besoin de prendre exemple sur des hommes et des femmes actifs, volontaires, entreprenants. Nos enfants sont l’avenir de demain dès maintenant. Cessons de les intoxiquer avec l’image malsaine de ces poètes en guenilles, au foie esquinté, qui se complaisent dans leurs vices, prônant une attitude de rejet du monde tel qu’il est. Ce n’est pas ce que nous voulons pour notre jeunesse. Qu’ils fassent une cure, ces granzécrivains, et qu’ils retournent à Pôle Emploi !

8 commentaires:

Anonyme a dit…

Je suis ROUGE de colère en lisant ton message et je suis sobre comme à peu près tous les jours.

Ouhhh l'alcool c'est le MAL!!!

D'un père alcoolique et d'une mère qui ne boit jamais, je te jure que j'ai beaucoup plus appris en regardant mon père sur la vie que ma mère. Mon père m'apprenait la vérité des choses ( avec beaucoup de simplicité de beauté et de souffrance ) , ma mère leur surface ( il n'y avait aucune vie la dedans ) . A toi de choisir ton camp. Reste dans ta vision dorée des choses mais ne publie rien.
La littérature mène à l'alcool???? Tu prends le problème complètement à l'envers. C'est la vie elle même qui nous mène à la bouteille.
Mais faisons une expérience de pensée : laissons nos enfants grandir devant la télé, qu'ils s'enivrent de toutes ces conneries, qu'ils jouent de longue avec une manette entre les mains, en gros qu'ils s'abrutissent et ne comprennent rien de la VERITABLE realité des choses. Et quel sera le résultat? Vont ils être des êtres tout beaux tout mignons? Tu crois leur éviter la case bouteille?
Réfléchis abruti
Il y a encore tellement de choses à écrire mais je suis sure que tu n'en vaux pas la peine

J'espère ne jamais te croiser sur mon chemin, tu es un être ignoble et dangereux pour les gens qui t'écoutent.

Al West a dit…

Et bien, anonyme, vous avez l'air de quelqu'un de sympa, à vous lire, comme ça !

Raphaël Juldé a dit…

Mon cher anonyme, je suis ravi de voir qu'il y a encore des gens qui ne comprennent rien à l'ironie. Vous avez vraiment cru que vous aviez sous les yeux un texte écrit par une dame-patronnesse des ligues de vertu ? Vraiment, de nous deux, je ne sais pas lequel est le plus abruti... Retournez donc à l'école, avant- de comprendre un texte complètement de travers...

Anonyme a dit…

Ok, je n'avais pas decelé une seule trace d'humour dans ton texte, je l'ai donc pris pour argent comptant, d'autant plus que beaucoup de personnes malheureusement pensent et tiennent les propos que tu as développé ( à dérision ) dans ton texte. No souci,

Raphaël Juldé a dit…

Le fait de reprocher à Baudelaire de ne pas parler du binge-drinking ne vous a pas mis la puce à l'oreille ? Un peu anachronique, quand même...

Dj Zukry a dit…

Je me demande tout de même si "Anonyme" n'a pas retourné comme un gant votre ironie ; figure de style dont je ne connais pas le nom... Une manière de roulé-boulé à 360°.

Hic.

Raphaël Juldé a dit…

On dit "rouler bourré", monsieur Zukry.

Pierre Driout a dit…

Il faut toujours faire les enfants complètement bourrés puisqu'ils vous le rendront bien un jour ou l'autre !