mercredi 27 juin 2007

Voyage à Istanbul (3/15)


Mardi 8 juillet 2003.


Réveil à neuf heures pour prendre notre premier petit déjeuner à l’hôtel. On se sert soi-même, un café très peu fort d’abord, avec du pain, du miel et de la confiture. Puis, salade de fruits, une très rafraîchissante part de pastèque et de la confiture de rose. Le fromage blanc m’aurait bien tenté, ce sera pour demain. Tout cela accompagné de jus d’orange (portakal suyu) et d’un thé fort comme un Turc. Quand nous revenons dans notre chambre nous avons la surprise de constater que la femme de chambre s’en est occupée sans que nous n’ayons rien demandé.


Nous partons en direction de la mosquée de Beyazit quand, en chemin, nous découvrons un cimetière dans lequel se trouve le mausolée d’un sultan que nous croyons être tout d’abord Mehmet II. Il est fermé, nous repartons.


Nous atteignons la place de Beyazit après avoir tourné dans quelques rues bruyantes sans trop savoir où nous étions. En face de nous, la porte immense de l’Université d’Istanbul. A notre gauche, le musée de la calligraphie. C’est ouvert, nous entrons. Corans magnifiquement enluminés, signatures de sultans… Les explications sont en turc, nous ne pouvons donc profiter que de la chose en soi. Et la calligraphie arabe, n’est-ce pas cela ? Admirer le signe en soi indépendamment de son sens, puisque le signe est sens… Je pense à mon cher Raban Maur.


Nous voilà dans la mosquée de Beyazit, plutôt sobre, un brin décevante. C’est pourtant le premier sanctuaire impérial d’Istanbul ! Nous nous attendions sans doute à plus de splendeur – exigeants touristes que nous sommes… Nous ressortons, faisons le tour de la mosquée et profitons d’une vue magnifique sur l’embouchure du Bosphore et de la Corne d’Or, avec la tour de Galata d’un côté et la rive asiatique de l’autre. Petit moment de détente dans le parc, très ombragé, de l’Université. D’ici aussi nous avons une vue superbe, en plongée directe… sur la mosquée de Soliman le Magnifique.


C’est justement vers celle-ci que nous allons ; bien faite est la vie. A notre arrivée, le muezzin entonne le chant de la prière. Pendant celle-ci, nous contemplons la cour du palais construite par Sinan, les minarets ouvragés, fusées Ariane à trois étages sur une rampe de lancement toute ronde, et nous ressortons pour visiter le cimetière. Les mausolées du sultan et de sa femme Roxelane sont fermés au public. Nous cherchons en vain la tombe de Sinan. En revenant sur nos pas nous constatons que le mausolée de Soliman est ouvert, nous nous déchaussons et entrons. Que d’or dans ce tombeau ! L’intérieur est tapissé de faïence, des diamants brillent sous la vaste coupole, le sultan est entouré de sa mère ; de deux de ses fils et d’autres membres de sa famille. Le turban au sommet du türbe est gigantesque.


Nous retournons à la mosquée, apothéose de splendeur. La Bleue est dépassée !... Ouvrage d’art total, minutieux, superbe déferlement de couleurs. Du vert, du rouge, de l’ocre !... Du sépia !… Nous voyons prier quelques musulmans derrière les colonnes de porphyre. Derrière la mosquée, autre vue sur la Corne d’Or…


Il est temps de se mettre à chercher une terrasse pour nous y désaltérer. Il y en a justement qui s’alignent sous les arbres face à la Süleymaniye. Nous longeons les tables, allons voir plus loin s’il y a mieux et retournons sur nos pas. Je bois un ayran et Sébastien du jus de pêche. Ainsi requinqués, nous partons à la recherche d’un parc que Sébastien a déduit d’une sorte de zone franche sur le plan de la ville : peu de rues, et très étroites… En fait de parc, nous nous retrouvons à Vefa, le quartier gitan. Foule bigarrée, bruyante, courbée sous le poids des objets qu’elle transporte – ici les caisses remplies de marchandises de toute espèce ne sont que le prolongement du corps des autochtones, des excroissances qui ont poussé sur leur dos ou leur tête -, gamins qui courent, et même un coq qui chante en dressant sa crête. Un coq de garde, qui aboie en nous voyant approcher… Odeurs fortes d’épices, de réglisse… Et nous revoilà au bas de la rue que nous avons déjà gravie deux fois aujourd’hui et qui mène… à Beyazit et à la Süleymaniye ! Sur le trottoir, des chats errants se partagent les restes d’une poubelle éventrée. Istanbul est la ville des chats. Nous continuons notre route, imperturbables, à la recherche de la mosquée de Sezhade, nouvelle occasion de tourner en rond, de se perdre pour, finalement, s’y retrouver et atterrir devant une vieille petite mosquée, le premier chef-d’œuvre de Sinan. Nous n’y entrons pas, préférant rester dehors sur un banc à nous faire recouvrir par les mouches. Juste à côté de nous se trouve l’aqueduc de Valens, que nous allons voir après une nouvelle halte dans un petit parc. Nous regardons les embouteillages sous l’aqueduc, le ballet des taxis, et faisons demi-tour. Nous tombons sans vraiment l’avoir cherché sur le marché aux livres, que nous passons assez vite. Le mausolée que nous avions déniché ce matin est ouvert. Déception : il ne s’agit pas du tombeau de Mehmet II mais de celui d’un Mahmud quelconque... Retour dans le Grand Bazar, l’amoncellement de corps humains, le grand bordel des couleurs, des parfums et des bruits. Nous achetons une bouteille d’eau « Turkuaz » et rentrons à l’hôtel. Je rédige mon journal tandis que Sébastien, infatigable capitaine de l’expédition (dont je ne suis que l’humble mémorialiste), étudie guides et cartes pour savoir de quoi demain sera fait.


Vers 19 heures, nous ressortons en quête d’un endroit où manger. Nous finissons par trouver un restaurant, juste au bas de la rue Ankara, d’où nous voyons le soleil se coucher sur la Corne d’Or. Je prends un Iskender kepab (lamelles de viande accompagnées d’une sorte de fromage blanc non sucré, succulent), et commande au garçon « üzüm suyu » (jus de raisin), la bouche en cœur, content de prononcer correctement. Seulement, le garçon nous explique qu’il n’y en a pas, pas plus que les jus de fruits que demande Sébastien. Il nous propose à la place du Salgam, que nous choisissons d’essayer bien sûr, car nous sommes là pour tenter des expériences. Il s’agit d’un jus de fruit à base d’olives noires et de cerises. Je le bois sans conviction. On ne m’y reprendra pas. Un thé et nous quittons les lieux. Nous traversons la rue et longeons les quais, amusés de voir le courant très fort de l’embouchure du Bosphore et de la Corne d’Or, et les petits bateaux amarrés qui tanguent et se secouent violemment tandis qu’à l’intérieur, imperturbables, des Turcs font griller de la viande. Sous le pont de Galata défilent les restaurants devant lesquels les patrons font les rabatteurs. Nous les longeons jusqu’au bout des galeries et remarquons que la rive nord d’Istanbul n’est pratiquement pas éclairée. D’ailleurs, contrairement à l’impression que nous avions eue le soir de notre arrivée, il y a très peu d’éclairages à Istanbul. La Nouvelle Mosquée, Topkapi et la mosquée d’Eyüp se détachent assez sur l’horizon, mais la mosquée de Soliman, qui domine pourtant la baie, est presque invisible. Nous achetons une pâtisserie, une sorte de feuilleté en forme de banane, frit et très sucré, gorgé de sirop, que Sébastien, s’aidant du guide, identifiera de retour à l’hôtel comme étant un « tulumba ».


Avant de rentrer nous visitons la gare, qui est une gare normale avec des trains turcs, c'est-à-dire sans lumière, et un immense portrait en bronze d’Atatürk, le Che Guevara d’ici. Alors c’est ici qu’arrivait l’Orient-Express ? Nous remontons vers notre chambre où, assoiffés par le tulumba, nous terminons la bouteille d’eau. Sébastien doit même retourner au supermarket, ouvert tard le soir, racheter une bouteille.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Il y a quinze épisodes comme ça ? Putain ! on est pas sorti d'Istanbul ...

La corne d'or, tu parles, t'aurais pas plutôt un bon vieux klaxon pour qu'on se tire des embouteillages ?

Raphaël Juldé a dit…

Personne n'échappe aux rediffusions de l'été, mon bon ipidiblue!

Anonyme a dit…

Bon ! Je te reste fidèle mais c'est bien parce que c'est toi parce que sinon ici c'est pas la nouvelle Star ... au fait tu me l'as trouvé mon petit blond que je te réclame depuis des lustres ?
Et ne me ressors pas encore ton masseur turc ça ne marche pas !

Raphaël Juldé a dit…

Je ne sais pas : je ne connais pas personnellement Julien Doré...

Anonyme a dit…

Il te plairait j'en suis sûr, il est assez déjanté, sratch ? punk ? avec de faux airs de garçon sage ... en tous cas à sotcher dans ta galerie de portraits.

Va voir dailymotion youtube et my space ...

Raphaël Juldé a dit…

Je connais, mais pas personnellement... (Je m'abstiens d'ajouter un smiley qui cligne de l'oeil, mais il est sous-entendu)