mardi 28 août 2007

Premières pages (4/4)


Armageddon forever
Robert G. Prozac – Flammarion (2005)




I
NÉCROGRAPHIE DE LA SPHÈRE DU CHAOS



Quelque impavide qu’on puisse être, on envie, en de tels moments, la simplicité des tous petits à qui Jésus déclare que ces choses, si profondément cachées aux sages et aux prudents, seront révélées un jour par son Père qui est dans les cieux.

LÉON BLOY



La quatrième Guerre mondiale battait son plein, nous venions de pénétrer dans le sixième Cercle du quatrième Monde. Un néon exsangue grésillait au-dessus de nos têtes dans le grand silence des rêveries opiacées. Schwarzmann caressait mollement une boulette de shit de la flamme de son Zippo.

— T’en penses quoi, de tout ça, Korvald ?

La question perça le silence un instant, puis se tint suspendue en l’air, comme vidée de son sens, sans recevoir plus d’écho qu’une mouche se grillant les pattes au tube luminescent du plafond. Il n’y avait pas grand-chose à dire, et Schwarzmann le savait. Les mots depuis des siècles étaient devenus inutiles, et seuls certains d’entre nous faisaient encore semblant, de temps à autres, de s’intéresser à quelque éternuement de pensée surgi du larynx d’un quelconque fonctionnaire androïde.

Depuis quelques temps d’ailleurs, je ne m’intéressais plus guère à la personne du commissaire Shwarzmann qu’en raison de son stock inépuisable d’hallucinogènes et d’excitants divers. Le Démiurge était entré dans ma vie et d’un revers de bras céleste avait balayé affaires en cours, mains courantes et dossiers classés à rouvrir. À l’avenir, je n’aurais plus, je le savais déjà, à me soucier d’autre chose que des souffrances du Crucifié à l’heure sacrée de la Rédemption. Je savais qu’éternellement je pourrais boire au Calice jamais tari le sang jailli du flanc de Celui qui était mort pour nous.

L’Europe avait sombré et nous n’y pouvions rien. J’avais tenté, à ma misérable échelle, d’empêcher le désastre. Du moins certains de ses avatars. J’y avais gagné plus de cheveux blancs que de galons et j’avais compris que si l’Homme méritait d’être sauvé, il le serait par lui-même. J’avais aperçu le génocide final dans le délire d’une nuit-méthédrine, et le spectacle était resté gravé dans ma rétine, phosphène ultime d’un monde éteint. Nous ne serions plus désormais que les guerriers cyborgs, invincibles parce que sans cesse régénérés, d’une planète où la Guerre sans cause serait devenue un état permanent et nécessaire.

Nous avions échoué lorsque nous étions nos propres ancêtres, mais désormais notre armée de clone serait éternellement triomphante d’un combat aux victimes immortelles.




Choix bibliographique établi avec DJ Zukry, et déjà publié dans le Journal de la Culture n°11, novembre-décembre 2004.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Allé le Corbeau.. tu lances ta verve cinglante là, un truc bien pointu, tape dans le gras, mets en un paragraphe sur IPIDIBLUE boy. De la joute Messieux, et sans aucune morale mes cochons.. ATTENTION ??!!!


TOP!

Anonyme a dit…

Pourquoi ai-je l’impression d’être visé dans ce post ? Sachez mon bon, qu’Ipidiblue connaît parfaitement ma triste identité. En cellule, où je purge une peine importante pour lettres anonymes, (vous devinez vraiment tout), il lui arrive parfois, par pure bonté, de m’écrire. Imitez sa magnanimité.

Retif.

Anonyme a dit…

Tu voudrais pas être escort-boy Raphaël ?

Anonyme a dit…

Ce post juste pour vous souhaiter une rentrée disons...correcte. Ma bergère trimardant dans le même secteur (prof de lettres au collège Paul Eluard de Nanterre…), j’ai une petite idée des jouissances à venir. Bon courage.

Crôa-crôa