mercredi 20 juin 2007

Le loft des écrivains (1/2)



VOIX OFF DU PRESENTATEUR, GUILLAUME DURAND. — Eh bien voilà, euh… nos douze écrivains viennent d’arriver euh… devant la porte… la porte euh… de la fameuse Villa Médicis… euh… à Rome… la villa truffée de caméras… dans laquelle ils vont devoir passer les euh… euuuuuhhhh… trois prochains mois. Il est donc euh… 23 h 30, nous sommes le dimanche quatreuuuhh… juillet 2004, et nous allons suivre en euh… direct leurs premièreuuuhhs impressions…

La porte s’ouvre, les écrivains entrent. Six hommes : Frédéric Beigbeder, Michel Houellebecq, Maurice G. Dantec, Philippe Sollers, Marc-Edouard Nabe et Guillaume Dustan. Six femmes : Marie Darrieussecq, Amélie Nothomb, Christine Angot, Madeleine Chapsal, Virginie Despentes, Catherine Millet. Les femmes poussent des cris de joie en découvrant le magnifique logement de caractère recoloré en rose et vert pour mieux passer au petit écran, sauf Virginie Despentes, qui dit juste :

VIRGINIE DESPENTES. — Putain, chiée la turne… Y s’sont pas foutu d’not’ gueule !...

Tout de suite, Marc-Edouard Nabe va poser sur un lit qui lui semble propice car orienté vers la Mecque, croit-il, la lourde valise qu’il traînait, ornée de macarons divers : « Istanbul forever », « Jerusalem Tour », « Souvenirs from Bagdad », « I coeur Saddam », « Patmos touring club 2000 ».

MARC-EDOUARD NABE (à Sollers). — J’espère que le prêtre qu’ils nous ont choisi pour nous donner l’office chaque dimanche a lu Léon Bloy et Massignon, parce que…

MAURICE G. DANTEC (hilare). — Tiens, Nabe, tu t’es pas encore converti à l’Islam ?

MARC-EDOUARD NABE (vexé). — Il me cherche, le facho québécois ?

PHILIPPE SOLLERS (paternel). — Messieurs, allons… Nous avons trois mois à vivre ensemble, profitons de cette expérience unique ! (Il tète son fume-cigarette.)

MICHEL HOUELLEBECQ (sur une musique de Bertrand Burgalat). — Il y aura des matins de fraîcheur accablante, des soirs d’ivresse triste devant des écrans bleus, sur lesquels nous rêverons d’une mer amarante, dans les volutes grises qui sentiront la beu… Trois mois, j’crois que j’vais pas tenir…

Guillaume Dustan a déjà branché son portable et prépare un article pour Têtu, ou peut-être pour Gai Pied.

GUILLAUME DUSTAN. — Merde, j’suis entouré d’hétéro… Je vais me faire salement chier…

FREDERIC BEIGBEDER (lit par-dessus son épaule). — Génial, l’ennui il n’y a rien de mieux pour créer !... Moi, à Paris, j’avais trop de trucs à faire : ne pas lire tous les manuscrits que je publie chez Flammarion, voguer de cocktails en rencontres-débats, entre deux cuites au Pouilly fumé… Tiens, à propos, tu crois qu’ils font open-minibar, ici ?...

Dans la cuisine, Madeleine Chapsal s’est déjà mise au travail, essayant de décortiquer le couvercle d’une boîte de petits pois…

MADELEINE CHAPSAL (lyrique). — Ah… J’adore ces moments où nous nous découvrons tous… Et j’adore faire à manger à mon homme… Enfin je veux dire, à mes hommes…

CHRISTINE ANGOT (pratique). — T’as un ouvre-boîte juste au-dessus de ta tête…

AMELIE NOTHOMB (plongeant la main dans une corbeille remplie de fruits). — Dommage que ces pommes ne soient pas pourries, elles avaient l’air appétissantes. Madeleine, tu ne jeteras pas la boîte de petits pois, j’adore le goût du métal. Eh ! (Elle sursaute, Catherine Millet vient de lui mettre un doigt dans le cul.)

CATHERINE MILLET (voix langoureuse). — Reste tranquille… Tu vas aimer…

Marie Darrieussecq entre soudain, échevelée, la robe à moitié déchirée, et fait le tour de la cuisine en poussant des cris d’animal qu’on égorge.

MARIE DARRIEUSSECQ. — Ne me forcez pas à manger du porc !... NE ME FORCEZ PAS À MANGER DU PORC !!! Depuis que j’ai écrit Truismes, les cochons sont mes frères !... Si je mange du porc, je vais me vider !... Je vais me vider !... JE VAIS MEEEEEEUUUUUHH…

Elle tombe à genoux, vomit et défèque en heurtant violemment sa tête contre le sol. Plusieurs fois.


GUILLAUME DURAND (voix off). — Eh bien euuuuhhh… Nous allons laisser nos écrivains prendreuuuuhhh… prendre leurs marques sur euhhhh… dans la villa… Ne manquez pas notre prochain rendez-vous demain à 18 h 05 sur M6, pour la suite euh… de La Villa Mdi6… Nous reviendrons sur… euh… les dernières 24 heures… Nous saurons quel écrivain se couche le plus tard et si Marc-Edouard supporte les disques apportés par Maurice : Kraftwerk, Pere Ubu et David Bowie… Nous saurons si Frédéric résiste aux avances de Guillaume, ou si une idylle se… euh… comment dirais-je se noue entre Philippe et Madeleine… Bien entendu, vous pouvez suivre le live 22 h/24 sur TPS… À demain 18 h 05, bonne soirée sur M6 et merci mille fois…


Texte écrit en collaboration avec DJ Zukry et publié sous une forme légèrement différente dans Le Journal de la Culture, n° 8, juillet-août 2004.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Ah, c'était le bon temps où Joseph Vebret nous payait en poules de luxe, en Champagne et en abonnement aux magazines du groupe Robert Laffont...