Mercredi 9 juillet 2003.
Levés à huit heures. J’ai dormi difficilement, par intermittence, gêné par les bruits de la rue, les cris des marchands ambulants, le rire des mouettes, les klaxons. Un bon petit déjeuner pour commencer (la pastèque reste mon aliment préféré de ce repas).
Nous grimpons ce matin vers le palais de Topkapi. La visite est payante, les guichets se situent au fond de la cour des Janissaires. La file où nous attendons se trouve en plein soleil, bien que la cour soit très ombragée. Parce qu’une affiche placardée au-dessus des guichets porte une notice concernant les « tour guides » Sébastien sort brusquement de la file – alors que nous étions arrivés au bout -, croyant que nous n’attendons pas dans la bonne, que celle-ci est réservée aux guides. Drôle d’idée. Je manque de présence d’esprit et sort de la file à mon tour pour le suivre, au lieu de l’appeler. Du coup, nous voilà obligés de prendre une autre queue. C’est con, on y était presque.
Finalement, nous avons nos tickets (un pour le palais, l’autre pour les salles du Trésor). Nous passons le portique de sécurité (nos sacs subissent les rayons X, ils commencent à avoir l’habitude) et nous pénétrons dans la deuxième cour du palais de Topkapi.
Dans la salle des reliques se trouvent, offerts aux regards de tous, quelques exemplaires des clés de la Kaaba de la Mecque ainsi qu’un morceau de la vraie porte, des cheveux et des poils de la barbe du Prophète, et même l’empreinte de son pied. Dans une guérite, un imam psalmodie des versets du Coran. Plus loin le bâton de Moïse, le turban de Joseph, l’épée de David. Il nous faudrait un peu de sérieux mystique, mais nous avons du mal à y croire. Et ne pas y croire, n’est-ce pas le début de la foi ?
La deuxième salle que nous visitons recèle les portraits de la dynastie des sultans qui se sont succédés à Topkapi depuis Osman, quelques miniatures illustrant des Corans et des arbres généalogiques.
Avant d’aller plus loin, nous achetons les tickets pour la visite du harem puis nous allons voir, une par une, les quatre salles du trésor. Démesure des sultans ! Les émeraudes énormes, les trônes sertis d’or ou d’ébène, les aigrettes gigantesques… Le sultan savait faire les choses en grand pour en mettre plein la vue à sa cour ! Dans une châsse, le crâne de saint Jean-Baptiste et, dans la partie correspondante de son armure : son bras. J’aime les reliquaires, ces métonymies visuelles : on ne voit qu’une boîte, mais on est prié d’adorer ce qui se trouve dedans et de ne pas douter de sa réalité !
Puisque le harem ferme à midi nous visitons la quatrième cour, le Jardin des tulipes. Les touristes se pressent sous le baldaquin du sultan pour être pris en photo devant la Corne d’Or. La salle des circoncisions est fermée, nous nous rabattons sur les deux pavillons, le kiosque de Bagdad et celui de Revan, aux coupoles extraordinaires, couvertes de cette faïence bleue d’Iznik qui est le comble du luxe et de la beauté à Constantinople. Nous retournons du côté de la rive du Bosphore alors qu’un supertanker fait son entrée dans la baie. Puis nous quittons cette cour, retournons devant le harem qui ne devrait plus tarder à ouvrir… quand nous entendons une fanfare derrière nous : c’est un spectacle, l’entrée des janissaires au palais, musique et danse, faste militaire – toujours un peu ridicule…
Ouverture du harem. Nous suivons le guide, nous n’avons pas vraiment le choix de faire autrement. Il y a toujours une frustration à ne pas se sentir libre de découvrir soi-même les pièces du monument. Nous ferons avec. Léger retour de libido devant une blonde aux yeux bleus pas particulièrement jolie mais portant un maillot blanc très sexy (gros seins) et une minijupe de jean.
Nous quittons le palais de Topkapi, achetons une bouteille d’eau à un porteur et nous asseyons près de la fontaine de Soliman, face à Sainte-Sophie, très rigide bonne femme rose sous ses énormes protections anti-sismiques qui lui donnent un air de bunker. Sébastien se fait accoster par un cireur qui insiste pour brosser ses chaussures en nubuck. Hier soir déjà, alors que nous cherchions où nous allions manger, ses pieds avaient attiré la convoitise d’un cireur.
Prochaine étape : la Citerne-basilique qui se trouve à deux pas, le « Palais englouti » des Turcs. L’eau suinte des pierres alors que nous avançons entre les colonnes de ce lieu rafraîchissant. Impressionnantes têtes de Méduse sur les socles de deux colonnes, l’une couchée de profil, l’autre inversée.
De retour à l’extérieur, nous nous mettons en quête de la Citerne aux mille colonnes. Et là nous marchons, nous marchons, nous faisons le tour de quelques rues, toujours les mêmes dans lesquelles nous piétinons sans trêve, sans jamais trouver la citerne. C’est tout simplement que son entrée est devenue celle d’un restaurant. Il faut pénétrer dans celui-ci, payer 8 millions de livres pour pouvoir la visiter et boire un verre. Endroit très rafraîchissant là encore, et caissière très jolie. Les colonnes ne sont visibles qu’en partie, la plateforme ayant été construite à mi-hauteur. Ce n’est plus vraiment qu’un café bâti dans un lieu splendide… Je trouve la croix latine dressée sur un globe dont parle Le Guide du Routard, et nous nous installons pour prendre un café. Nous espérions goûter au vrai café turc, mais ce n’est encore une fois que du Nescafé. Tant pis.
Sinan nous appelle encore et nous entrons, quelques rues plus loin, dans la mosquée de Sokollu Mehmet Pasa. De l’extérieur, elle semble toute petite, entourée de son cimetière. Mais lorsque nous pénétrons dans la cour, tout le charme de l’art de Sinan apparaît et nous foudroie. Des gamins pieds nus s’amusent entre deux prières ou se lavent les pieds à la fontaine. Nous nous déchaussons et soulevons la bâche verte qui masque l’entrée, prêts à être saisis une nouvelle fois par la splendeur du lieu. Et une nouvelle fois, nous sommes saisis. Bleu d’Iznik encore, à pleurer de joie. Istanbul ? Je n’y ai vu que du bleu…
Passant par de petites rues dans des quartiers très pauvres, nous atteignons la petite Sainte-Sophie, modeste sous les arbres, et malheureusement fermée. Nous remontons ensuite vers le square Kadirga, dans lequel nous nous installons une bonne demi-heure. Je prends quelques notes, Sébastien étudie le plan puis, empruntant toujours les quartiers les plus populaires, traversant la voie du chemin de fer, passant outre les remparts et coupant le boulevard Kennedy en profitant d’un temps mort entre deux flots de voitures, nous nous posons devant la Marmara infestée de bateaux, sur une aire pleine d’enfants et de pêcheurs (mais que peuvent-ils bien pêcher de comestible dans cette eau noire au-delà du dégueulasse ?). Nous restons là un certain temps, à voir le trafic des bateaux, et nous longeons la digue, dondaine, nous trouvant soudain nez à nez avec un navire échoué autour duquel pêchent les pêcheurs et se baignent les baigneurs. Une épave sans doute laissée là par mesure préventive et dissuasive.
Nous retraversons le boulevard et remontons dans notre quartier, dans nos rues familières, à la recherche d’un lieu pour manger. Sur Akbiyik Caddesi, Sébastien a noté un petit restaurant vanté par le Routard. Petite terrasse très joliment située, portakal suyu et lamb shish, kebab succulent… Mais j’ai un peu abusé du pain et de la sauce dès l’entrée et ne puis achever mon assiette. Encore une fois. Les chats sont de sortie, tournent autour des tables. Pas de thé pour ce soir. Toujours suivant le Routard, nous rejoignons la rue Pierre-Loti en passant encore par de petits quartiers pauvres. Sébastien achète une carte de téléphone, lui ne parvient pas à joindre ses parents, moi j’appelle ma mère, qui ne me reconnaît même pas au téléphone. Elle m’annonce que les Assedic menacent de me radier et vont le faire : j’ai oublié de faire ma déclaration ce mois-ci. Je suis un peu loin de tout ça… et puis je m’en fous, je ne touche pas d’Assedic. Nous cherchions un magasin de pâtisseries mais ne le trouvons pas. Direction l’hôtel. Sébastien appelle ses parents sur le chemin, nous achetons une bouteille d’eau et arrivons à l’hôtel au moment même où un car rempli de touristes français s’y installe. J’attends un peu pour récupérer la clé et nous nous retirons dans nos appartements.
6 commentaires:
Toujours des mosquées ... il n'y a rien d'autre dans le paysage ?
C'était ma période minaret.
J'attends ta prochaine saison, un peu comme le docteur House ...
En attendant, vous pouvez remplacer mentalement le nom "Sébastien" par "Gregory House" et chaque mosquée par le symptôme de votre choix...
En quelque sorte vous êtes notre Flaubert !
Les scènes de bordel en moins.
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