mercredi 4 juillet 2007

Voyage à Istanbul (10/15)

Mardi 15 juillet 2003.

La belle journée que voilà ! Par comparaison avec celle de la veille, elle ne peut qu’être magnifique ! C’est la première fois que nous allons prendre le bateau, le vapür, sur le Bosphore. Sébastien a retrouvé ses deux oreilles, c’est bon signe. Nous partons vers l’embarcadère d’Eminönü, frais et confiants, dédaignant les opportunistes qui veulent nous vendre des jetons pour la traversée au-dessus du prix réel, les vendeurs de simit, ceux de jus de fruits, les marchands de glace en costume folklorique, etc. Mais voilà, arrivés au guichet pour l’embarquement en direction de Besiktas, nous apprenons que le prochain vapür n’est qu’à… 18 h 30 ! On cherche donc vraiment à nous contrarier…

Qu’à cela ne tienne, nous changeons nos plans : nous pensions débarquer à Besiktas, visiter le palais de Dolmabahçe puis remonter vers Galata pour enfin profiter de la librairie de l’Institut français… Nous ferons le contraire.

Nous empruntons donc une nouvelle fois le pont de Galata, prenons le Tünel et traversons Istiklal Caddesi sous les refrains, toujours les mêmes, de Tarkan, sortant des enceintes des marchands de disque. L’Institut français est ouvert, nous entrons. Ca, une librairie ? Ce n’est pas possible, ils nous ont montré le dépôt, c’est tout ! Quelques livres hors de prix sur l’histoire d’Istanbul, et quelques livres de poche. Des bandes dessinées et des livres pour enfants, surtout. Misère. Bon, nous avons le droit de visiter, c’est toujours ça, à condition de montrer son sac au gardien et de passer aux détecteurs de métaux. Visite éclair : quelques photographies, quelques tas de pierre considérés sans doute comme des sculptures (moi qui croyais que sculpter, c’était justement travailler la pierre…), et les cartes d’une ville canadienne, sans doute un jumelage. Que faire d’autre ? Un café nous tend les bras : rien moins que le Flore, ici même, au sous-sol de l’Institut français d’Istanbul. Un jus de fraise (en bouteille) plus tard, nous ressortons du bâtiment sans avoir beaucoup moins soif. Après être retournés dans la papeterie où nous avions acheté la carte de Carine pour, cette fois, m’acheter un plan d’Istanbul, nous redescendons vers la rive du Bosphore et marchons en direction de Dolmabahçe. C’est tout droit, il suffit de longer la rive. Une petite halte dans un parc près d’une mosquée, et nous allons voir le Bosphore d’un peu plus près, humer son haleine pas fraîche, observer le manège des bateaux et surtout, tout près de nous, à quelques coups de rames : l’Asie. Ca fait quelque chose, mais ça ne fait rien. Continuons.

Quelques mètres plus loin, nous arrivons à la mosquée de Dolmabahçe, face à la Tour de l’Horloge. Baroque en diable, tout ça, faux marbre et trompe-l’œil. La mosquée est assez vaste, elle fait face au Bosphore et ses minarets passent pour être les plus fin du monde – crayons Conté bien taillés érigés vers un ciel d’encre turquoise…

Enfin, le palais de Dolmabahçe, dans le même style pompeux, grossier, bonbon rose sur le Bosphore. Nous payons la visite du palais et du harem, et nous devons laisser nos appareils photo à l’entrée. Nous devons aussi recouvrir nos chaussures d’un sac plastique bleu très seyant, pour ne pas abîmer les planchers d’époque. Mais comme nous marchons sur des bandes de tapis qui délimitent bien le trajet à suivre…

Notre guide nous fait visiter les pièces d’une palais d’une allure assez sportive, d’autant que nous sommes nombreux et qu’il y a pas mal de pièces à voir. Entre les vases moches offerts par Guillaume II, les lustres et les poignées de porte en cristal de Baccarat, les ours polaires transformés en tapis, dégringolade d’or et de clinquant, d’une vulgarité très digne. Quand je pense que Loti y a été invité par Abdülhamit…

Après cette première visite, on nous informe que celle du harem ne pourra se faire que dans vingt minutes. Comme par hasard, pour patienter, il y a un petit café et, comme par hasard, les prix y sont plus chers qu’ailleurs. Nous prenons des bouteilles d’eau.

De nouveau, nous chaussons nos sacs plastique et entrons dans le harem, suivant un autre guide qui se sent obligé de nous expliquer longuement tout ce qu’on va voir (en se répétant plusieurs fois) et de nous le réexpliquer chaque fois que nous entrons dans une nouvelle pièce. Entre les chiottes, les hammams (celui du palais puis celui du harem), les appartements de la sultane-mère et la chambre où Atatürk est mort… Cavalcade de couloirs en couloirs pour voir des pièces toujours identiques : des lits à baldaquin et des poêles ornés de fioritures… Tout cela est très joli.
Sortis du palais, nous continuons notre chemin jusqu’à la mosquée d’Ortaköy, au bord de l’eau comme celle de Dolmabahçe, et construite par le même architecte. Des musulmans sont en train de prier quand nous entrons. Comme à notre habitude, nous nous asseyons sur la moquette pour contempler la mosquée sans gêner les fidèles. Autour d’elle, devant le Bosphore, s’étire une place jonchée de terrasses de café. Nous en choisissons une, buvons un jus de cerise (en bouteille). Ce qui est pénible, à Istanbul, c’est cette façon qu’ont les serveurs de débarrasser la table sitôt qu’ils voient que tu as fini. Voyant que je ne me servais pas de ma paille, l’un d’eux me l’a enlevée pour la jeter quelques mètres plus loin dans une poubelle. Plus tard, il est venu agiter ma bouteille pour constater qu’elle était vide et la jeter également.

Comme nous n’en sommes plus très loin, nous allons jusqu’au gigantesque pont du Bosphore en longeant des yali, ces maisons hors de prix qui s’étalent sur la rive, yali transformés en hôtels de luxe, en piscines, ou laissés à l’abandon. Nous passons aussi devant l’Université de Galatasaray. 64 mètres au-dessus du niveau de la mer, donc : le pont suspendu sur le Bosphore. Du beau boulot. Très laid, très bombardable, mais immense. J’aime assez le colossal, ce qui oblige à lever la tête.

Nous avons vu ce que nous voulions voir, il est temps de chercher un coin pour manger. Nous finissons par dénicher un petit bar-restaurant. L’une des serveuses, comme le constate Sébastien, est « avenante ». Malheureusement, ce sont des hommes qui nous servent. Sébastien se retrouve avec un plat auquel il ne s’attendait pas : épinards et yoghourt (il déteste le yoghourt) et moi, modestement, avec ce que j’ai commandé : des saucisses-frites. Pas de porc, évidemment, dans ces saucisses-là. Sébastien se tache avec son jus de cerise (en bouteille) : la poisse nous aurait-elle suivi jusqu’ici ?

Il semble bien, puisque de retour après ce frugal repas (pour une fois, nous avons pris un dessert), nous constatons que tous les guichets sont fermés pour repartir en bateau à Eminönü. Et à pied, bien sûr, c’est très loin. Nous partons tout de même, un peu dégoûtés et ne sachant pas trop à quelle heure nous rejoindrons notre hôtel. La nuit tombe déjà, nous surprend en chemin, quand je propose à Sébastien, aux environs de Dolmabahçe, de prendre un taxi pour Galata et de finir à pied ensuite. Nous trouvons mieux : le bus, tout simplement. Nous en attrapons un au vol, mais je ne trouve plus le ticket acheté jeudi et c’est un bus rouge. Je sue à grosses gouttes – ça m’est habituel – en fouillant mes poches, en vain. Je donne donc un billet au chauffeur qui me passe son porte-clefs. Je ne comprends pas ce qu’il me veut, mais un covoyageur prévenant s’empare du porte-clefs et insère un bouton qui se trouvait dessus dans le trou prévu à cet effet d’une machine enregistreuse, et voilà.

Nous sommes donc de retour à Eminönü, un peu fatigués, il faut le dire, de cette journée qui ne pouvait qu’être magnifique.

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