jeudi 5 juillet 2007

Voyage à Istanbul (11/15)



Mercredi 16 juillet 2003.


Le réveil sonne à 4 heures du matin : nous voulons voir le soleil se lever depuis le pont de Galata. Istanbul à quatre heures du matin, aperçu : le camion des éboueurs qui ramassent des sacs poubelle éventrés qui semblaient faire partie du paysage ; trois chiens errants ; un taksi noctambule en maraude qui, en nous voyant, klaxonne pour se signaler ; un gosse d’une douzaine d’années qui dort sur la passerelle qui mène à Eminönü en surplombant le trafic routier inexistant à cette heure ; quelques pêcheurs, déjà, sur le pont. Le jour commence à poindre derrière la rive asiatique, mais ce n’est qu’à six heures moins vingt, alors que nous désespérions de le voir paraître, pensant que le ciel était trop couvert, de toute façon, pour qu’on en profite, que derrière le pont du Bosphore apparaît enfin le cercle rouge que nous attendions. Nous faisons quelques photos et lorsque le soleil est enfin complètement levé, c’est nous qui rentrons à l’hôtel nous recoucher trois heures.


Un peu plus tard, nous revoici à Eminönü, un bon petit déjeuner dans le ventre et quelques heures de sommeil en plus dans les jambes. Cette fois, nous prenons le vapür pour Üsküdar. Un trait rapide sur le Bosphore, nous passons devant le palais de Dolmabahçe et atteignons très vite notre cible.


L’Asie, enfin !... Ses taxis jaunes, ses débarcadères, ses marchands de poisson. Dix minutes pour passer d’un continent à l’autre !... D’un Istanbul l’autre !... La mosquée de Mirimah, construite par Sinan pour la fille de Soliman le Magnifique, se trouve juste en face du débarcadère. Nous commençons à nous déchausser, comme d’habitude, mais un vieil homme en train d’égrener son chapelet nous fait un signe. Je comprends qu’il nous dit de ne pas entrer, mais Sébastien me dit : « Mais non, il te bénit ! » Je ne vois pas pourquoi on me bénirait parce que je me déchausse avant de pénétrer dans une mosquée, mais admettons. Nous soulevons la bâche verte qui masque l’entrée et constatons que la porte est fermée. Voilà ce qu’il essayait de nous dire, tout bêtement.


Plus loin nous trouvons la Nouvelle Mosquée, celle de la Sultane-mère, bâtie par Ahmet III en 1710. Nous y entrons, des fidèles sont en train de prier. Nous jetons un œil avant de repartir. Nous avons un peu plus de mal, bizarrement, à dénicher la mosquée de Semsi Paça, pourtant sur les bords du Bosphore. Elle est fermée et semble un peu délabrée, d’après l’aperçu que nous en avons à travers les fenêtres.


Nous continuons, car il faut continuer. Longeant la rive, nous octroyant quelques pauses au bord de l’eau, pour regarder passer les supertankers et se baigner quelque inconscient entre deux rochers, nous marchons en direction du palais de Beylerbeyi. Nous regardons passer les yali le long de notre chemin, certains très luxueux, d’autres en ruines. Pour dépasser le pont du Bosphore, nous devons traverser le tunnel routier, et nous nous retrouvons de l’autre côté du palais. Ce n’est qu’en empruntant un petit sentier à flanc de colline que nous pouvons atteindre l’entrée. Fouille de nos sacs, détecteurs de métaux, Sébastien est prié de déposer nos appareils photos à la consigne. Tout cela, nous commençons à en avoir l’habitude. La femme-flic qui s’occupait de la fouille s’improvise guide (en anglais) alors que je regarde des photos de Dolmabahçe accrochées au mur en attendant Sébastien. Nous suivons un long couloir de pierre décoré de photos de façades stambouliotes et débouchons dans les jardins du palais. Une guide nous informe qu’il faut patienter une vingtaine de minutes avant la visite en anglais. Nous passons donc le portail qui mène directement sur le Bosphore, et nous nous asseyons, regardant de nouveau passer les supertankers sous le pont suspendu du Bosphore.


Avant de profiter de la visite, l’heure venue, nous devons encore revêtir nos chaussures de sacs plastiques. Le guide parle un très bon anglais, ce n’en est que plus agréable. Joli petit palais d’été du sultan Abdülaziz. Beaucoup de peintures de bateaux, le péché mignon du pacha. Le palais est rafraîchissant par son air de simplicité (simplicité de sultan quand même !), cristal de Bohème mais faux marbre, plaqué or, etc. Ce qui repose aussi, c’est la diversité des styles : ottoman bien sûr, mais meubles de Paris, porcelaines de Limoges, vases du Japon… Et de chaque fenêtre, voir rouler le Bosphore…


La visite finie (Sébastien regrette que nous n’ayons pas eu la guide qui s’occupait du groupe suivant – moi aussi, je préfère les femmes aux hommes), nous prenons un jus de pêche (en bouteille) au café situé dans l’enceinte du palais. Le patron nous laisse tranquille, occupé qu’il est à discuter sous une sorte de kiosque ombragé.


J’ai envie de voir le cimetière immense de Karacaahmet, et pour le rejoindre nous décidons de monter plus haut sur la colline et de redescendre le moment venu. Nous passons encore dans des rues qui n’ont pas dû voir passer un touriste depuis au moins vingt ans, et gagnons la nationale Nuh Kuyusu, jetant un œil au cimetière arménien. Pour ne pas suivre bêtement la nationale qui longe le cimetière que nous voulons voir, nous entrons de nouveau dans les petites rues, faisons quelques détours sans trop nous éloigner, et remontons vers la nationale au moment où commence le cimetière.


Cimetière immense, en effet, qui se poursuit le long de nombreuses rues, et dont nous ne voyons que quelques allées. Nous le suivons donc encore longtemps, voyant apparaître les tombes entre les barrières de pierre qui l’entourent, et nous redescendons en direction du quartier de Harem, où se trouvent un embarcadère et une gare routière. Nous nous prélassons au bord du Bosphore, toujours, la Tour de Léandre sur notre droite, et nous évoquons les voyages à faire plus tard : des villes italiennes sans doute, et l’Islande qui attire Sébastien autant que moi. Les Pays de l’Est aussi, des villes russes…


Après être resté une demi-heure ainsi, Sébastien reposant ses pieds laminés par les ampoules, moi une cheville douloureuse, nous reprenons notre route en direction d’Üsküdar. Retour au point de départ, pour manger. Nous entrons au Kanaat Lokantasi, grand restaurant qui fait luxueux, mais où les plats déjà préparés sont servis deux minutes à peine après avoir été commandés. C’est très bon, il n’y a rien à dire. En dessert, Sébastien prend une pâtisserie dont il ne comprenait pas le nom en anglais dans le menu, moi une simple crème à la vanille.


Retour au vapür, retour à Eminönü, sur le Bosphore rempli de bateaux, de supertankers, de navettes, d’autres vapürs. Pour accoster, nous devons passer d’un bateau à l’autre avant de se retrouver à quai.


Avant de retourner en France, nous tenions à goûter au raki. Nous nous installons donc à la terrasse du café près de notre hôtel, le serveur ôte de la table le narghilé qui y trônait et apporte nos verres. C’est une sorte d’anisette à 45°, à couper avec de l’eau, comme le pastis. Pour nous qui ne buvons jamais, ça chauffe. D’ailleurs nous finissons notre verre un peu vite, songeant que plus tôt nous serons débarrassés de cette horreur, mieux nous nous porterons. Nous sommes un peu joyeux en rentrant à l’hôtel, mais c’est surtout la tête qui me tourne : j’ai l’impression d’avoir de la salade de fruits à la place du cerveau. Pas facile de tenir un journal dans ces conditions…

Aucun commentaire: