jeudi 17 juillet 2008

Voyage à Rome (10/11)


Samedi 17 juillet 2004.


Et voici déjà notre dernière journée romaine. Le réveil est aussi difficile que celui de la veille, Carine à qui rien n’échappe et que rien n’écharpe (elle est en débardeur décolleté) remarque d’ailleurs que j’ai un œil rouge. Effectivement, mon œil droit est douloureux, ce qui est mauvais signe. Lorsque nous sommes allés frapper à sa porte pour le petit déjeuner, elle cherchait son marque-page qui s’est glissé, croit-elle, sous le meuble qui lui sert de tête de lit. Après avoir retourné sa chambre, nous n’avons rien trouvé. Ce ne sera jamais qu’un des mystères de plus de cette chambre 313 de l’hôtel Stella, via Castelfidardo, à Rome…


Avant de partir pour le centre de Rome, nous allons au supermarché parce que Sébastien et Carine veulent acheter de l’alcool. Carine reçoit le panier de plastique d’un consommateur dans la jambe : il y a un complot italien contre les gambettes de ma mie, ou quoi ? On cherche à l’immobiliser complètement ?... Sébastien prend une bouteille de Chianti d’une contenance raisonnable, Carine trois litres de Grappa et une énorme bouteille de Chianti. Se rend-elle compte qu’elle devra ramener ça en France dans ses bagages ?


C’est la dernière journée, nous sommes tous fatigués, donc nous ne prévoyons pas grand-chose à faire. Nous partons à pied en direction du palais de Victor-Emmanuel II, que Carine aimerait visiter, et que nous comptions bien voir de près aussi. Sébastien lui fait croire que nous allons à la villa Borghèse, alors que nous nous sommes résignés à l’idée de ne pas voir cette galerie, dont la visite ne peut se faire que par réservation. Carine cherche des souvenirs, voire des jouets, pour les enfants que sa mère garde. Elle aura passé plus de temps à chercher des souvenirs qu’à découvrir la ville ! Ah ! Ces gens qui ont le sens de la famille et de l’amitié… Elle ne trouve rien d’intéressant ni à la Feltrinelli, au rayon français, ni dans les petites boutiques de souvenirs qui marquent les étapes de notre route. Nous arrivons piazza Venezia, devant le palais de Victor-Emmanuel II, la « machine à écrire » des Italiens, dont nous gravissons le clavier pour avoir une vue étendue sur Rome. Ça ne vaut pas le Janicule (qu’on voit, du reste, au loin), mais c’est assez beau, d’autant que le ciel pourrait difficilement être plus dégagé. Nous entrons pour visiter le musée militaire et celui du Risorgimento. Étalage d’uniformes, d’armes de poing, de sabres, de calots, de grenades à main… Sous une voûte ornée d’un Saint-Sébastien (il est partout, celui-là !), la tombe du Soldat inconnu. Au-dessus d’elle, une Crucifixion en mosaïque.


Le musée historique du Risorgimento retrace l’histoire de l’Italie, notamment sous les règnes de Victor-Emmanuel II et III. Beaucoup de bustes d’officiers et notamment de maréchaux, trognes patibulaires ou plutôt comiques, gros bustes prétentieux, bien vulgaires avec ces épaules démesurées, ces coiffures mal sculptées, grossières. À côté de ces bustes, on trouve aussi des photographies d’époque, des « unes » de journaux, des feuilles satiriques, des livres, des carnets, des lettres de combattants, etc. Tout cela fait très officiel, très « trésor de la Nation » — je précise que la visite était gratuite…


Nous redescendons tranquillement les marches du palais, il ne nous reste plus grand-chose à faire, si ce n’est trouver un magasin de jouets pour Carine. Nous rejoignons tranquillement la place de la Colonne, là où se trouve une galerie marchande, mais dans celle-ci, aucun magasin de jouets. Après un coup d’œil sur le guide de Rome, Carine en trouve mentionnés piazza Navona et place du Peuple. Comme la Navona est la plus proche, nous nous y rendons. La première boutique est fermée, ça commence bien, l’autre est ouverte mais, à travers la vitrine, les jouets présentés ont l’air plutôt luxueux. On dirait un magasin pour collectionneurs plus qu’un magasin de jouets. Un gigantesque chameau en peluche (taille réelle !) accueille les clients à l’entrée. Carine ne sait pas trop quoi chercher, d’autant qu’une barrière a été posée devant l’escalier qui mène à l’étage des peluches, sans doute pour dissuader les enfants d’y monter et éviter les accidents. Carine préfère ne pas demander s’il est possible de déplacer cette barrière. Nous trouvons tout de même des Ferrari miniatures, mais elles sont encore un peu trop grosses pour Carine qui a enfin compris que tous les souvenirs qu’elle a achetés jusqu’à présent, il lui faudra les caser dans ses bagages. Nous ressortons, faisons un pause à l’ombre piazza Navona, et finalement, Carine se décide. Elle achète les Ferrari : c’est nous qui les mettrons dans nos valises. Maintenant nous pourrions rentrer, mais Carine aimerait goûter au chocolat chaud italien, nous empruntons donc de petites rues sans but précis, à la recherche de la première terrasse où nous pourrons nous asseoir. Nous errons dans le dédale des rues et, via di Panico, nous remarquons que nous nous éloignons du centre. Nous reprenons donc le bon chemin et, alors que nous atteignons notre point de départ, la piazza Navona, Carine trouve ce qu’elle cherchait également depuis plusieurs jours : un artisan ambulant qui fabrique des bracelets romains, ces bracelets qui s’entortillent au-dessus du coude, près de l’épaule. Carine ayant de très petits bras, il doit resserrer les anneaux de son bracelets en s’aidant d’une pince : « Più piccolo ! più piccolo ! » Carine repart avec son bracelet, et place Farnèse nous nous attablons devant une terrasse. Devant le palais Farnèse, une Française déclare : « Il est beau, hein. Il a quand même de la gueule… » Que c’est laid, cet enthousiasme chauvin pour les lieux et les monuments représentant la France lorsqu’on les rencontre dans un pays étranger… Carine et moi essayons vainement d’avoir un chocolat chaud avec de la crème, très conseillé par le Routard qui devrait, à l’avenir, nous éviter ses conseils à la con. Le café où nous sommes n’en fait plus (c’est pourtant sur la carte). Je prends un jus d’orange (je n’aurais pas été fâché qu’ils y rajoutent des glaçons), Carine choisit du jus de citron, la serveuse revient lui dire qu’il n’y en a pas et lui apporte une glace au citron. Sébastien, lui, a pris une bière sans problème. Les choses semblent s’arranger ensuite, puisque lorsque la serveuse nous apporte les commandes avec l’addition, nous nous apercevons qu’elle a oublié de compter la glace de Carine. Mais ce n’est qu’une illusion, puisque lorsque nous payons, elle s’aperçoit de son erreur. Ces terrasses à touristes sont vraiment formidables.


Nous repartons en direction du premier arrêt de bus. Le 64 nous dépose à Termini. À proximité de l’entrée du métro, un gamin se fait tabasser par de plus grands que lui. Un clochard handicapé pisse devant tout le monde, dans son fauteuil roulant. Il est cinq heures et demie, nous donnons rendez-vous à Carine à sept heures. Nous étions censés aller frapper à sa porte, mais la flemme nous a dissuadé de le faire, et c’est elle qui frappe à la nôtre, alors que je suis encore dans mon journal intime. Je termine la phrase que je suis en train d’écrire (« Je prends un jus d’orange », etc.) et range mon cahier dans ma valise. Elle tend la main, me dit : « Fais voir ce que t’as écrit ? » En fermant ma valise, je dis juste : « Non. » Ce journal de bord est encore très brouillon, je me réserve le droit de le reprendre un peu pour le mettre sur Internet, et je n’ai pas envie que quelqu’un lise ce qui n’est encore qu’une étape intermédiaire.


Nous potassons nos guides respectifs pour savoir où manger du côté de la piazza Navona, et finalement, après avoir de nouveau vainement cherché le marque-page de Carine, nous reprenons le bus pour le Corso. Le bus est bondé, quatre types entrent, dont trois parlent fort en rigolant, avec l’air déjà bien intéressant des gens imbibés. Des « rigolos de kermesse », comme dirait Carine. Le quatrième est juste à côté de moi et je ne quitte pas ses mains des yeux, au cas où il lui prendrait l’envie de me faire les fouilles. D’ailleurs, il préfère s’enfoncer plus loin dans le corps des voyageurs que de rester près de moi. Il faut jouer des coudes pour sortir du bus, mais on y parvient sans encombre (Carine a même encore ses jambes) et on rejoint le Campo dei Fiori, noir de monde. Toutes les terrasses sont bondées, à certaines même une queue est en train de se former. Nous nous engouffrons dans de petites rues et de fil en aiguille nous nous décidons pour la Taverna del Campo, un petit restau très animé et d’allure un peu conviviale, avec une serveuse à la Marielle Goitschel qui slalome entre les clients avec brio et sans ciller. Carine hésite entre un calzone jambon, champignons, mozzarella et un (des ?) crostini jambon, mozzarella, en grande partie parce qu’elle ne sait pas ce qu’est ni un calzone, ni un (des ?) crostini. Je me décide aussi sans en savoir plus qu’elle pour un (des ?) crostini jambon, mozzarella, Carine choisit le calzone et Sébastien la suit un peu distraitement, puisqu’il n’aime pas le jambon. Il a été trop vite, n’a pas vraiment retenu quels ingrédients se trouvaient dans son plat, et voilà… Le (les ?) crostini est constitué de pain grillé recouvert, donc, de fromage et de jambon fumé. Le calzone est un plat enrobé dans de la pâte à pizza. C’est plutôt comique de voir Sébastien se battre pour ne manger que la pâte en évitant soigneusement la bouillie composée par les champignons et le jambon, d’autant que Carine, assez vite comblée par ce plat qui a l’air assez consistant et même plutôt gras, finit par l’imiter… Moi, je me régale avec mon (mes ?) crostini : pour une fois que ce n’est pas moi ou Carine qui choisissons mal nos plats ! Au dessert, Sébastien prend sa revanche en commandant un délicieux tiramisu tandis que Carine et moi, pas échaudés par notre tentative de l’après-midi, demandons un cioccolatto con panna, ce que nous pensons être le chocolat chaud italien… et nous voyons surgir de simples brownies surmontés d’un peu de Chantilly qui a un goût très rance. Décidément, nous ne saurons pas quel goût a le vrai chocolat chaud italien… Un couple de Français se lève de table après leur repas et nous entendons l’homme dire en quittant la terrasse : « Bon, c’est un peu gros cul comme endroit, mais c’est sympa… » Par « gros cul », il voulait sans doute dire « populaire », enfin c’est ce que j’ai compris… D’ailleurs, la véritable insulte, c’est toujours « sympa ». À la table proche de la nôtre, trois personnes ont commandé le même dessert que nous et semblent déguster la crème comme du petit lait, ce qui a tendance à agacer Carine.


Nous payons l’addition et repartons en direction du Campo dei Fiori, de nouveau, pour retrouver le palais de Victor-Emmanuel II, illuminé, la colonne de Trajan, illuminée, le forum illuminé… et le Colisée bizarrement sombre, au grand dam de Carine. Elle a attrapé nos bras, à Sébastien et à moi, et nous l’aidons à avancer en chantant un medley de tous les airs qui nous ont trotté dans la tête depuis notre arrivée à Rome, à commencer par les Enfants du Pirée (Speedy Gonzales remix), Volare ou la chanson de Boulette par Katerine (ça, c’est mon petit apport personnel), et Carine se lance même dans la Digue du cul. Toujours bien penser à avoir une amie grivoise pour animer ses soirées… Nous faisons le tour du Colisée, Carine veut aller aux toilettes mais celles qui sont publiques ferment la nuit, et pour celles du métro, il faut passer par les portillons automatiques et donc prendre un ticket. Nous n’avons plus aucune monnaie et nous ne pouvons pas en faire dans le coin, donc il faut rentrer à l’hôtel à pied. Nous ressortons un peu par hasard du métro, alors que nous cherchions toujours les toilettes, et nous rentrons en trouvant, un peu par hasard, une ligne pratiquement droite qui mène à Termini et nous fait repasser devant Sainte-Marie Majeure. Plus personne ne chante, surtout pas Carine, tiraillée entre la fatigue et son envie pressante. Nous arrivons à l’hôtel où elle peut enfin soulager sa vessie et où nous avons une ultime nuit à passer.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

"j’ai un œil rouge", enfin ! il t'arrive quelque chose ...

iPidiblue attentif au bien-être des petits lus

Anonyme a dit…

Enfin l'important c'est que tu n'ais pas fait une mâle rencontre ... et que tu nous sois rentré entier et non coupé.

iPidiblue rencontre du troisième type dans les rues du Mallatin.