Me faites pas marrer avec les années 80. C’est là que tout a commencé pour tous les p’tits gars de ma génération ; pour les autres, c’est là que tout s’est terminé. Les eighties, c’est la fin du début de la fin. On dissimule sa tristesse sous des lunettes noires et on part afficher son cynisme souriant dans les nuits blanches des samedis branchés. On n’est plus cool, on est punk. On n’est plus tendre, on est goth. L’élan vital s’est dispersé dans nos langes : on démarrait avec l’idée de bouffer tout cru ce bon gros bifteck de vie saignante, mais c’était de la viande froide grignotée du bout des lèvres sur le coin de notre table d’enfants de divorcés.
Me faites pas marrer avec les années 80. Côté rigolade, guibolles et fantaisie, grosse poilade olé olé, nous les pauvres Français morts de rire, on avait quoi ? Corinne Charby ? Karen Cheryl ? Devant nos télés, on espérait tous secrètement que le Golgoth explose la gueule à Goldorak – qu’il se passe enfin quelque chose. Que Candy se fasse violer par le petit prince des collines et qu’elle finisse rue Blondel, morte d’une passe entre deux overdoses… Parce que les guerres n’étaient plus à la mode, les adultes nous croyaient gentils ! On tremblait pour Tchernobyl, on s’imaginait déjà avec de jolies combinaisons anti-radiations, acné et appareils dentaires camouflés par les masques à gaz : on aurait peut-être enfin réussi à emballer la petite Hélène à la boum de Nico, qui sait ? Mais dans les années 80, les nuages s’arrêtaient aux frontières. Tu parles d’une Europe ! Même le communisme ne faisait plus peur : ses murs s’effondraient, à Berlin comme ailleurs.
Me faites pas marrer avec les années 80. On n’était pas gentils, on était des monstres. Il y avait même des jours où on ne se lavait pas derrière les oreilles. Tout nous était donné, papa et maman acquiesçaient calmement à toutes nos élucubrations. À vous dégoûter d’être un vaurien ! On continuait bêtement à être de gauche, persuadés que c’était encore vachement scandaleux, qu’on se ferait taper sur les doigts, alors que même notre prof de français avait sa carte de la LCR… Ce qu’on a pu en perdre, des calories, dans nos tentatives désespérées pour décevoir notre entourage… On cassait des vitrines et on volait des sacs à main sous les sourires attendris d’une société de bonnes d’enfants. « C’est des gamins, ça leur passera… » On réclamait simplement notre droit légitime à être battus, comme nos parents !
Me faites pas marrer avec les années 80. On n’était pas mignons, on était de la graine de bagne. Mais les bagnes étaient fermés, la guillotine avait été rangée, bonne pour le musée, et on faisait des pointes de vitesse en 103 SP dans les rues vides de la fin des utopies. Le moyen d’échapper à cette guimauve ? La musique, peut-être. On écoutait des trucs au son bien crade pour couvrir les disques d’Adamo ou de Sardou de nos parents. Ils soupiraient, les yeux en l’air, et baissaient leur musique pour ne pas nous déranger pendant qu’on écoutait à fond nos bizarreries dark metal. C’était ça, la révolte de Bébé Cadum ! On vomissait notre gloubi-boulga en écoutant les Tétines noires, on se faisait pousser des traumatismes imaginaires, des cicatrices et des hématomes – on voulait nous aussi notre part de malheur. Le blues de l’enfant choyé. C’était ça, l’abcès à crever : on nous avait trop aimés. Anorexiques comme nos espoirs, on se repassait en boucle le premier album de Suicide, dernier pogo avant les révisions du bac. Alors me faites pas marrer. On n’était pas gentils.
Mais on en prenait dangereusement le chemin…
Me faites pas marrer avec les années 80. Côté rigolade, guibolles et fantaisie, grosse poilade olé olé, nous les pauvres Français morts de rire, on avait quoi ? Corinne Charby ? Karen Cheryl ? Devant nos télés, on espérait tous secrètement que le Golgoth explose la gueule à Goldorak – qu’il se passe enfin quelque chose. Que Candy se fasse violer par le petit prince des collines et qu’elle finisse rue Blondel, morte d’une passe entre deux overdoses… Parce que les guerres n’étaient plus à la mode, les adultes nous croyaient gentils ! On tremblait pour Tchernobyl, on s’imaginait déjà avec de jolies combinaisons anti-radiations, acné et appareils dentaires camouflés par les masques à gaz : on aurait peut-être enfin réussi à emballer la petite Hélène à la boum de Nico, qui sait ? Mais dans les années 80, les nuages s’arrêtaient aux frontières. Tu parles d’une Europe ! Même le communisme ne faisait plus peur : ses murs s’effondraient, à Berlin comme ailleurs.
Me faites pas marrer avec les années 80. On n’était pas gentils, on était des monstres. Il y avait même des jours où on ne se lavait pas derrière les oreilles. Tout nous était donné, papa et maman acquiesçaient calmement à toutes nos élucubrations. À vous dégoûter d’être un vaurien ! On continuait bêtement à être de gauche, persuadés que c’était encore vachement scandaleux, qu’on se ferait taper sur les doigts, alors que même notre prof de français avait sa carte de la LCR… Ce qu’on a pu en perdre, des calories, dans nos tentatives désespérées pour décevoir notre entourage… On cassait des vitrines et on volait des sacs à main sous les sourires attendris d’une société de bonnes d’enfants. « C’est des gamins, ça leur passera… » On réclamait simplement notre droit légitime à être battus, comme nos parents !
Me faites pas marrer avec les années 80. On n’était pas mignons, on était de la graine de bagne. Mais les bagnes étaient fermés, la guillotine avait été rangée, bonne pour le musée, et on faisait des pointes de vitesse en 103 SP dans les rues vides de la fin des utopies. Le moyen d’échapper à cette guimauve ? La musique, peut-être. On écoutait des trucs au son bien crade pour couvrir les disques d’Adamo ou de Sardou de nos parents. Ils soupiraient, les yeux en l’air, et baissaient leur musique pour ne pas nous déranger pendant qu’on écoutait à fond nos bizarreries dark metal. C’était ça, la révolte de Bébé Cadum ! On vomissait notre gloubi-boulga en écoutant les Tétines noires, on se faisait pousser des traumatismes imaginaires, des cicatrices et des hématomes – on voulait nous aussi notre part de malheur. Le blues de l’enfant choyé. C’était ça, l’abcès à crever : on nous avait trop aimés. Anorexiques comme nos espoirs, on se repassait en boucle le premier album de Suicide, dernier pogo avant les révisions du bac. Alors me faites pas marrer. On n’était pas gentils.
Mais on en prenait dangereusement le chemin…
Texte écrit à l’occasion de la soirée « Lunettes noires pour nuit blanche », 28 octobre 2006.
4 commentaires:
Ah! Kurt Cobain reviens ...
Quelle frayeur ! Partir comme ça, sans laisser votre nouvelle adresse : c’est qu’il y en a qui vous aiment…
Bon, on va mettre à jour nos favoris et espérer un rythme quotidien de messages sur votre non-journal. De sorte que l’on ne soit pas trop dépaysé.
Bonne chance, Jean-Paul.
L'avantage, c'est qu'enfin vous pourrez m'envoyer des commentaires...
D'ailleurs, le voici le mien de commentaire.
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